La longue route vers la liberté économique en Inde

Quand l’Inde devint indépendante en 1947, le gouvernement socialiste voyait le libre échange comme un instrument du colonialisme britannique

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India, Taj Mahal

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La longue route vers la liberté économique en Inde

Publié le 9 juin 2011
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Par Swaminathan S. Anklesaria Aiyar, Inde

Quand l’Inde devint indépendante en 1947, le gouvernement socialiste qui prit le relais voyait le libre échange comme un instrument du colonialisme britannique censé maintenir l’ancienne colonie dans la pauvreté… L’idée était donc que le pays devait gagner son « indépendance économique » de manière à renforcer son indépendance politique. Le mot d’ordre en matière de politique économique pour les trois décennies qui allaient suivre consistait donc à gagner toujours davantage d’autosuffisance et à développer un secteur public dominant, deux éléments considérés comme les deux principes qui permettraient d’atteindre la prospérité.

Inde, Taj Mahal

L’Inde n’était alors pas une économie à la soviétique, mais plutôt une économie mixte. Toutefois, les autorités imposaient de nombreux permis et licences, très coûteux. Il était impossible de produire ou d’importer sans une licence. Alors que dans les autres pays un dépassement de production était généralement applaudi par les actionnaires de l’entreprise, en Inde, il pouvait conduire l’entrepreneur en prison pour dépassement des quantités stipulées dans la licence… Personne n’avait la liberté de produire ou de consommer : les indiens étaient supposés être protégés par ce magnifique et imposant État bienveillant qui décidaient pour eux.

Bien sûr, ce type de planification permit de générer au début une croissance de 3,5% par an, et dans les années 50 un tel chiffre était considéré comme fabuleusement élevé. D’autant que sous l’empire britannique, l’Inde connaissait une croissance annuelle d’à peine 1,2%. L’Inde se vit ainsi comme un champion. Pourtant quelques années plus tard Singapour, Hong Kong et d’autres allaient connaître des performances de 7%. Et malheureusement, lorsque l’on est un champion autoproclamé, il est toujours difficile de reconnaître les meilleurs scores d’autres nations, vues alors d’Inde comme des cas « différents », des marionnettes du néocolonialisme. Mais ces « marionnettes » finirent par devenir plus riches que le maître néocolonial britannique lui-même, alors que l’Inde resta pauvre.

Cette approche indienne persista durant trois décennies. Dans ce cadre, le taux marginal d’impôt sur le revenu culmina par exemple à 97,5%. L’idée était que ce genre de mesure abolirait la pauvreté. En réalité, les taux de pauvreté restèrent les mêmes durant trois décennies.

Enfin au cours des années 80 il y eut un changement. Les autorités acceptèrent une libéralisation économique partielle et graduelle. En même temps, les dépenses publiques grimpèrent, croissant au rythme annuel de 18%. Une bonne partie de ces dépenses étaient financées par l’emprunt auprès de l’étranger, et suivait une tendance qui ne pouvait être soutenable. Et c’est donc en 1991 que le système implose, avec une crise de change. 1991 est aussi la fin de l’Union soviétique, ainsi que de son modèle qui avaient eu tant d’admirateurs. En Chine, depuis plus d’une décennie, Den Xiao Ping avait montré la nouvelle voie : non pas davantage de contrôle économique mais un développement fondé sur les marchés.

Un quatrième élément d’importance a été l’assassinat de Rajiv Ghandi en 1991. Sans doute son parti n’eut plus alors à justifier le fait de devoir suivre les politiques socialistes de la mère et du grand-père de Rajiv, ce qui permit une marge de manœuvre pour un changement décisif. Et c’est ce qui se produisit. Le premier ministre Narasimha Rao initia le virage vers la liberté économique avec le ministre des finances de l’époque, Manmohan Sing. En même temps, l’Inde reçut un prêt du FMI et de la Banque mondiale.

L’opposition critiqua alors ce choix, arguant du fait que l’Amérique latine et l’Afrique avait aussi reçu l’aide des institutions de Washington dans les années 80 et que cela s’était soldé par une décennie perdue. L’opposition pensait que l’Inde allait suivre le même chemin et qu’il n’y aurait pas de croissance, que les industries seraient avalées par les étrangers : l’Inde deviendrait à nouveau esclave du néocolonialisme. Mais presque toutes ces prédictions pessimistes se révélèrent fausses : après deux années nécessaires de stabilisation, loin de stagner, la croissance du PIB indien décolla. Sur 1994-1997 la croissance fut en moyenne de 7,5%.

À ce moment-là il devenait évident que le changement initié en faveur de la liberté économique était un succès, à un point tel que tous les partis d’opposition qui avaient annoncé qu’ils renverseraient la vapeur sur ces politiques s’ils étaient élus, n’en firent rien une fois au pouvoir. Après la crise financière de 1997 et deux récessions au début des années 2000 du fait de sécheresses, l’Inde renoue avec une croissance exceptionnelle dès 2003, avec une moyenne de 8,5% jusqu’à la grande récession. Cette dernière affecte le pays, plombant la croissance économique à… 6%. L’Inde est cependant revenue sur sa trajectoire de 8,5%.

Entre le début des années 1990 et aujourd’hui le revenu par tête est passé de 300 dollars à, une estimation pour cette année, 1700 dollars. L’Inde n’a cependant pas suivi le modèle asiatique fondé sur le travail bon marché, n’a pas manipulé sa devise pour être plus compétitive (comme le modèle chinois), et ne s’est pas servi de contrôles stricts de capitaux.

Un autre modèle en somme.

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La traduction d’origine, publiée sur Un monde libre, était titrée Réformes : la leçon indienne, reproduite avec l’aimable autorisation du site.

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  • La preuve de l’efficacité du marché par les faits, en Inde comme ailleurs : Corée du Sud / du Nord, Allemagne de l’Ouest / de l’Est… Même point de départ, point d’arrivée différent…

  • Si le taux de pauvreté est resté le même pendant trente ans, c’est surtout du fait de la spectaculaire croissance démographique qui annulait les gains de la croissance économique…

  • Les commentaires sont fermés.

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