Le mythe du Far West sauvage

Les individus peuvent parfaitement s’organiser pour développer et faire appliquer un système de lois privées.

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Le mythe du Far West sauvage

Publié le 13 février 2022
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Loin d’être une époque et un lieu où régnait la loi de la jungle, le Far West américain illustre comment les individus peuvent parfaitement s’organiser pour développer et faire appliquer un système de lois privées.

Tous, nous avons vu des westerns. Et l’image qu’ils nous ont laissée de ce qu’était la vie sur la frontière des États-Unis vers l’Ouest est remplie de poussière, de whisky, de chevaux et de violence. Surtout de violence. Plus d’une fois nous avons vu sur le grand ou le petit écran comment un groupe de citoyens furieux prenait d’assaut la prison d’un village du Far West américain pour tenter d’y extraire un prisonnier par la force afin de pouvoir le lyncher.

Des phrases comme « Pendons-le d’abord et faisons-lui un procès ensuite ! » ou d’autres du même style apparaissaient couramment non seulement dans les films mais également dans les romans liés à la thématique du western, créant ainsi, peu à peu, un mythe sur l’extrême violence d’une société victime d’un anarchique chaos social résultant de la faible présence ou de l’absence totale d’institutions gouvernementales.

La réalité, cependant, est autre. Les registres criminels des villes et des villages de l’Ouest dépeignent une vie plus ennuyeuse, et surtout plus sûre.

By: Internet Archive Book Images - Flickr Commons
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Ryan McMaken, dans un article publié par le Mises Institute, a ainsi recueilli ces données et d’autres apports de la littérature sur la criminalité dans les États-Unis du XIXe siècle qui coïncident dans la violente divergence entre le mythe et la réalité de l’Ouest sauvage.

Par exemple, à Dodge City, qui apparaît dans les westerns comme l’exemple de la ville violente, n’ont été enregistrés que cinq homicides en 1878, faisant de cette année la plus sanglante de toutes. De 1876 à 1885, furent commis dans cette ville, en tout et pour tout, quinze homicides.

Et dans l’ensemble des grandes villes d’éleveurs du Kansas, de 1870 à 1885, 45 homicides.

McMacken affirme :

L’histoire de l’Ouest est principalement une histoire de travail dur, de commerce, de tranquillité et de paix.

Un autre article de Terry Anderson et P. J. Hill, publié dans le Journal of Libertarian Studies, confirme également que le nombre de crimes dans les villes de l’Ouest non seulement n’était pas élevé, mais bien ridiculement bas en comparaison avec les chiffres actuels.

La rapidité avec laquelle se répandaient les éleveurs, les agriculteurs ou les mineurs à travers les territoires de l’Ouest était plus grande que celle du système étatique américain.

La production et l’exécution de lois résultaient donc de la seule activité des individus. Les lois privées s’appliquèrent via les land clubs (associations de propriétaires), les associations d’éleveurs, les caravanes si célèbres traversant les prairies immenses ou les entreprises et exploitations minières qui s’installèrent en Californie. Les nouveaux propriétaires des terres frontalières devaient s’associer pour maintenir l’ordre et pour cela ils adoptèrent leurs propres constitutions selon les préférences des membres de ces associations, disposant de leurs propres juges et officiers de police chargés de faire appliquer les dispositions prévues. Les frais de justice incombaient aux deux parties en litige. Une manière de faire respecter les règles extra-légales adoptées par ces individus associés était de ne pas commercer ni d’établir de relations avec ceux qui violaient ces conventions.

Un autre type de lois et organisations qui apparaissaient à la demande des membres de ces associations et qui se rapprochent le plus de l’anarcho-capitalisme est celui des entreprises minières, qui accordaient des constitutions applicables aux travailleurs des mines. Ces constitutions déterminaient la façon de choisir les cours et les jurys de mineurs. Et quand les règles applicables ne coïncidaient plus avec les vœux d’une croissante minorité de mineurs (et s’ils étaient suffisamment nombreux), on procédait à la division du territoire ou à la création d’autres juridictions ou d’autres districts, faisant naître ainsi une autre organisation privée qui recevait les suffrages de ce nouveau groupe, volontairement associé. De cette façon, le travail et les lois changeaient d’une exploitation à une autre selon les coutumes de chaque district minier.

Par ailleurs, l’application de la coutume ou des lois privées pouvait également se concrétiser au travers de l’action de ce que l’on a appelé les comités de vigilance. Ces derniers se constituaient quand la corruption et l’inefficacité des garants de la loi frustraient la population et laissaient filer les indices de criminalité.

C’est ce qui se produisit dans la ville de San Francisco en 1851 et en 1856 lorsqu’un grand nombre de concitoyens se réunirent, indignés par l’inaptitude corrompue du shérif, pour empêcher les délinquants étrangers d’entrer dans la ville et pour établir des tribunaux plus rapides, efficaces et garantissant mieux la légalité que ceux de la ville, permettant ainsi la réduction drastique de la criminalité, à la grande satisfaction de la population.

Enfin existaient aussi les systèmes d’arbitrages qui réglaient les conflits plus rapidement et de manière plus neutre que les tribunaux publics ; comme c’était le cas dans les caravanes, où naissaient facilement les disputes et où les lois s’établissaient volontairement avant le départ vers les prairies de l’Ouest. Les qualités et les bénéfices de ces arbitrages étaient les mêmes que ceux d’aujourd’hui : flexibilité, participation des parties, caractère irrévocable des sentences, caractère privé, personnes spécialisées dans le domaine, etc. Toutes ces qualités qui font qu’actuellement plus de 80 % des entreprises internationales préfèrent ce mode de résolution des conflits plutôt que de recourir aux tribunaux officiels.

Comme on le voit, loin d’être une époque et un lieu où régnait la loi de la jungle, le Far West américain illustre (même si de manière limitée puisqu’il existait toujours un arrière-plan gouvernemental) comment les individus peuvent parfaitement s’organiser pour développer et faire appliquer un système de lois privées guidés par la coutume, la compétence et la propriété privée comme fondement de cette organisation.

Bref, plutôt La petite maison dans la prairie que Il était une fois dans l’Ouest !

Publié initialement le 7 janvier 2011

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  • Un ami a d'ailleurs rendu un travail sur le même thème il y a quelques jours.
    Un heureux petit paradis minarchiste et on y reviendra 🙂

  • Une page d'histoire intéressante. Y-a-t-il des livres en français sur le sujet? En anglais sinon?

  • le massacre des indiens était prive aussi ?

  • Vous parlez d’un nombre d’homicide relativement faible, mais rappellons que les villes en question n’avez pas, et de loin, la population actuelle. Dodge City a l’époque avait au maximum 5 000 habitants.

    • Message de Wallaby sur le forum Air Defense concernant l’article :

      L’auteur renvoie à un article de l’Institut Von Mises, qui lui-même renvoie à l’ouvrage Frontier Violence: Another Look (La violence dans le Frontier : un réexamen) d’Eugene Hollon, paru en 1970. J’en ai trouvé un résumé très intéressant dans http://frontierghost…ce-another.html (2007). La thèse principale de Hollon est que :

      L’état de non-droit du Frontier fut principalement le résultat, plutôt que la cause de notre société violente.

      C’est passionnant. Cela veut dire que la cause est à chercher ailleurs que dans le Far West lui-même : dans une violence présente dès le début de la colonisation de l’Est en réaction à un environnement hostile, et avec des sentiments racistes anti-amérindiens et anti-mexicains. La violence du Far West n’en est qu’un avatar, tout comme le sont la guerre d’indépendance ou peut-être la violence urbaine actuelle.

      L’article de Contrepoints évoque les statistiques de Dodge City en 1878. Mais Dodge City est au Kansas, et le Kansas est devenu un État des États-Unis en 1861. Cela veut dire qu’après 1861, le Kansas n’est plus considéré comme faisant partie du Frontier, mot difficile à traduire dont la traduction peut-être la plus juste pourrait être « marche » au sens de « marche de l’Empire » comme on dit à propos de l’empire carolingien. C’est la zone en train d’être colonisée qui est derrière, plus à l’ouest, que la frontière du dernier État des États-Unis. Les territoires de Louisiane, dont fait partie le Kansas, achetés à la France en 1803 étaient dans ce cas. Les statistiques de Dodge City en 1878 n’invalident pas la théorie de la violence dans les territoires du Frontier, qui est un territoire glissant, qui glisse d’Est en Ouest. Ce que prouvent ces statistiques, c’est qu’en 1878 le Frontier avait déjà glissé plus à l’ouest que Dodge City. L’article sur le Kansas http://en.wikipedia.org/wiki/Kansas#History indique qu’en 1861, la violence avait déjà régressé au Kansas.

      L’article sur le http://en.wikipedia.org/wiki/American_frontier#Law_and_order cite l’article Some Aspects of Crime and Punishment on the Arkansas Frontier de Waddy W. Moore (1864) qui établit la forte criminalité dans l’Arkansas Frontier dans les deux décennies 1820 et 1830. Les dates sont importantes. L’intitulé Arkansas Frontier indique bien qu’il ne s’agit pas de l’État d’Arkansas (Arkansas State), qui n’existe pas encore, mais de ce qui a précédé la création de l’État.

    • Vous avez raison et j’allais faire la même remarque, à savoir que Dodge City ne comptait qu’environ 1000 habitants en 1880, cf Wikipédia. 15 homicides pour 1000 habitants, même sur 10 ans, c’est beaucoup !

  •  » un système de lois privées…  »

    privées de dessert ?

    en tout cas, pas privées de désert …

  • L’auteur fait allusion à la Petite Maison Dans La Prairie et il a raison, en notant toutefois que cette histoire se déroule dans le Dakota (du nord, de mémoire) et qu’il semblerait que les gens y étaient plus calmes, en général, que plus au sud (Kansas, Texas…).
    N’oublions pas non plus que la proximité avec les Indiens pouvait offrir son lot de violences, dans les deux sens d’ailleurs ; Il ressort de l’autobiographie de Laura Ingalls-Wilder que les colons craignaient les Amérindiens.

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