Akhmatova et Tsvetaieva, ou la souffrance

C’était au temps où seuls les morts souriaient, contents d’avoir trouvé la paix

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Akhmatova et Tsvetaieva, ou la souffrance

Publié le 20 novembre 2010
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Anna Akhmatova (1889-1966) et Marina Tsvetaieva (1892-1941) sont deux écrivains de référence pour comprendre que la littérature, et surtout la poésie, fut le meilleur apport de la culture en langue russe à la création d’un processus de rationalité publique.

Akhmatova et Tsvetaieva

Anna Akhmatova et Marina Tsvetaieva, les plus grandes poétesses que donna la Russie au 20e siècle, n’appartinrent pas à leur temps, mais elles donnèrent un nom à leur époque : souffrance. Leur poésie est éternelle. Aujourd’hui, peut-être plus qu’hier, leurs vers sont indispensables pour connaître l’idéologie d’un régime politique criminel : le socialisme réel.

Sans leurs poèmes, personne ne comprendrait véritablement la souffrance que dut supporter la Russie sous le régime soviétique, spécialement lors de la période stalinienne. Anna Akhmatova (1889-1966) et Marina Tsvetaieva (1892-1941) sont deux écrivains de référence pour comprendre que la littérature, et surtout la poésie, fut le meilleur apport de la culture en langue russe à la création d’un processus de rationalité publique. La poésie de ces deux femmes est, sans aucun doute, une forme subtile d’approcher la vide d’un peuple durant une dictature. Ainsi, Requiem, oeuvre maîtresse d’Akhmatova, est un recueil de poèmes qui affirme l’humanité du peuple russe détruite par le socialisme.

C’était au temps où seuls les morts souriaient, contents d’avoir trouvé la paix,
et Leningrad, appendice inutile, ballottait auprès de ses prisons.

Les deux poétesses furent harcelées, calomniées et maltraitées par le régime. Akhmatova le supporta et, après la mort de Staline, en 1953, fut réhabilitée, comme des milliers d’autres personnes qui avaient été poursuivies et enfermées pour des motifs politiques. Elle fut même comblée de prix et d’honneurs, plus particulièrement à l’étranger ; par exemple, à Oxford, en 1965, elle reçut le doctorat honoris causa, et retrouva, vingt ans après, son ami Isaiah Berlin, devenu entre-temps un des plus grands penseurs libéraux de notre époque.

Son oeuvre, cependant, resta cachée pour des millions de Russes. Personne n’oublie que que le grandiose Requiem ne put être publié en Russie avant 1989, c’est-à-dire jusqu’à la chute du Mur de Berlin. Elle résista et gagna quelque chose, peut-être le silence et la solitude ; mais les véritables gagnants sont ses lecteurs, à qui elle montra que le rêve et aussi puissant que le printemps. Impossible de domestiquer la mythique Akhmatova. Poète jusqu’à la fin. Poète puissant qui put conter éthiquement et esthétiquement la misère matérielle et morale que produisit le socialisme sur le peuple russe. Jamais elle ne voulut s’abriter sous « aucun ciel étranger » pour pouvoir raconter cette souffrance.

Marina Tsvetaieva, par contre, ne put résister à tant de misère. Ils fusillèrent son mari et sa fille aînée fut envoyée dans un camp de concentration. Elle et son fils furent déportés, en 1941, vers un lointain village tartare. Elle ne le supporta pas. Son geste ne put être plus humain. Elle se suicida. Son Poème de la fin, est un cadeau des dieux, la plus profonde confession poétique sur l’amour et le désamour au 20e siècle. Deux vers :

Sans démesure verbale,
l’amour est suture.

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