Le communisme : un seul cœur, une seule âme

Pour que la coopération communiste existe, il faudrait que les membres de la société n’aient qu’un seul cœur et qu’une seule âme

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Le communisme : un seul cœur, une seule âme

Publié le 16 mars 2014
- A +

Par Guillaume Nicoulaud.

« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. » — Actes des Apôtres, chap. 4, 32

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Il me semble qu’il n’existe pas de formule qui résume mieux et de manière plus concise l’idéal communiste que le célèbre aphorisme de Louis Blanc qui apparaît pour la première fois dans Organisation du travail en 1839 :

De chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins.

Tout est là. La société communiste, fondamentalement, est une forme d’organisation sociale dans laquelle chaque membre de la société produit en fonction de ses capacités et ne consomme que ce dont il a besoin.

Dans cette formule par ailleurs excellente, il manque pourtant une dimension essentielle du communisme : l’ardeur au travail et la frugalité dont font preuve les membres de la société ne résultent d’aucune forme de coercition. Elles ne sont pas contraintes, mais purement volontaires. Le communisme, le véritable communisme dans son sens le plus originel, est une forme d’anarchie ; une société sans État qui repose sur une prémisse absolument essentielle hors laquelle rien n’est possible. Cette prémisse, c’est Luc l’évangéliste qui nous la donne dans le passage des Actes mis en exergue : les membres de la société communiste doivent avoir « un seul cœur et une seule âme ».

E pluribus unum

Ce qui est en cause ici, ce n’est pas tant le mode de production en tant que tel mais le mode d’organisation de la société. Qui produit quoi ? Comment sont réparties les ressources rares ? Dans la société communiste, c’est un choix collectif ; mais ce que les auteurs communistes savent — et que tous les philosophes savent depuis au moins Aristote — c’est que le principe du vote majoritaire, la démocratie, n’est jamais que la domination du plus grand nombre sur la minorité, deux loups et un agneau qui mettent au vote le menu du dîner.

Pour que la coopération communiste existe sans devenir une forme d’exploitation de la minorité par la majorité, il faut donc que les membres de cette société n’aient qu’un seul cœur et qu’une seule âme ; il ne doit exister aucun intérêt particulier mais un seul et unique intérêt général sur la définition duquel tous s’accordent.

Jean-Jacques Rousseau écrit :

Tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté qui se rapporte à la commune conservation et au bien-être général. – Du contrat social, L. IV, chap. 4.1

C’est la prémisse fondamentale du communisme.

J’insiste sur ce point : c’est la prémisse fondamentale du communisme reconnue comme telle par les auteurs communistes eux-mêmes.

Rousseau, dans son Contrat social s’en tire par une pirouette en expliquant que l’objet du vote majoritaire n’est pas de permettre aux citoyens d’exprimer leur avis mais un moyen de découvrir la volonté générale qui était la leur sans qu’ils le sachent, et se prend aussi sec une volée de bois vert bien méritée de Louis Blanc1.

Non, ce dont la société communiste a besoin pour fonctionner, c’est d’un véritable consensus : un seul cœur, une seule âme, un seul corps.

L’homme nouveau

C’est parce que ce n’est pas le cas, parce que la société bourgeoise a, disent-ils, construit des antagonismes et des intérêts divergents, qu’il faudra en passer par une phase inférieure, une étape transitoire destinée à casser les réflexes bourgeois et permettre l’avènement d’un Homme nouveau, libéré de l’aliénation qui produira selon ses capacités et ne réclamera rien qui excède ses besoins. Cette transition, chez Marx, chez Lénine, chez Blanqui et chez pratiquement tous les autres, ce sera le socialisme et la dictature du prolétariat.

L’Union des Républiques soviétiques était socialiste et n’a jamais été communiste. Le communisme était l’objectif réaffirmé à maintes reprises, le « communisme dans 20 ans » jurait Khrouchtchev, avec ce slogan mis en avant lors du 22ème Congrès du PCUS en 1961, où il a affirmé :

La génération actuelle du peuple soviétique vivra sous le communisme.

Cet ordre social nouveau qui devait être possible, selon Boukharine2, dans « deux ou trois générations ». Ce n’est jamais arrivé. Ni en Union soviétique, ni ailleurs. Le projet communiste est toujours resté comme bloqué dans sa « phase inférieure », la planification impossible et la dérive totalitaire. De fait le communisme à grande échelle n’a jamais existé et il n’existera — j’y reviendrai — sans doute jamais.

J’ai bien écrit « à grande échelle ». Parce que si vous y pensez un peu, le communisme, ou du moins une organisation sociale qui s’en rapproche, existe bel et bien et il existe depuis toujours mais à petite échelle. Typiquement, votre cellule familiale est une micro-société communiste et — que les anthropologues me reprennent — il semble bien qu’on puisse lister des centaines, si ce n’est des milliers, de sociétés de petites tailles qui ont vécu et, dans certain cas, vivent toujours selon les préceptes communistes. C’est-à-dire que tout se passe comme si, au-delà d’un certain nombre d’individus, le rêve communiste devenait impossible.

Sur le web.

  1. Louis Blanc, Plus de Girondins (1851), page 82 et suivantes.
  2. Nikolaï Boukharine, L’ABC du communisme (1919).
Voir les commentaires (13)

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  • « un seul cœur, une seule âme, un seul corps »

    Mais pour en arriver là, il faut passer par la case guerre de tous contre tous et l’extermination systématique des dissidents.

  • Quand on est plus de deux, on est une bande de cons.

  • « Je me suis totalement trompé, l’homme ne changera jamais, l’homme nouveau n’existe pas. On s’est acharné à créer une société nouvelle où personne n’aurait rien à envier au voisin. Mais il y a toujours quelque chose à envier, un sourire, une amitié, quelque chose que l’on n’a pas et que l’on convoite. Dans notre monde, même s’il était soviétique, il y aura toujours des riches et des pauvres, riches en talent, pauvres en talent, riches en amour, pauvres en amour. » (citation)

  • In fine, pour mettre en application le communisme à grande échelle il faudrait une nation de clones. Ce qui à l’air d’être bien parti avec nos Igor et Frankeinstein au pouvoir. Bientôt des enfants créés par l’Etat pour répondre à ses besoins? « Tout par l’Etat, rien hors de l’Etat, rien contre l’Etat »! 🙂
    Cependant il est injuste de dire que le communisme n’a jamais fonctionné sans massacres préalables: il est très bien mis en place dans certaines petites communautés. Notons d’ailleurs les traveaux très intéressants de l’anthropologue britannique Robin Dunbar qui a établi la taille d’un groupe humain pouvant vivre en harmonie à 150 personnes (rapport taille néocortex/cerveau).
    Conclusion: le communisme ne peut fonctionner qu’entre 150 personnes maximum, au delà ce serait une hérésie. 🙂

    • « Cependant il est injuste de dire que le communisme n’a jamais fonctionné »
      Pourquoi alors, parler au passé ?

  • Un rappel juste et bien concis du principe du Communisme ou Socialisme dans son sens original.

    Un système économique est consécutif du système politique. Tout ceux (certains commentateurs/rédacteurs sur Agoravox par exemple) pensent que la collectivisation ou la nationalisation des principaux moyens de productions va nous amener plus de démocratie; se trompent lourdement.

    Le capitalisme d’aujourd’hui est très imparfait mais ce n’est certainement pas en renforçant le rôle de l’Etat que l’on va arranger notre économie libérale.

    Si certaines personnes savent utiliser leurs cerveaux et sont capable de remettre en cause des sophismes idiots (Plus vous donner de pouvoir à l’Etat, plus ils vous donnent de liberté…) comme j’ai su le faire… c’est regrettable que d’autres s’obstinent dans cette direction.

    Ils sont nombreux à croire à cette voie, « d’une société libre et d’une économie dirigé », comme le Front de Gauche, une « Licorne »…

    Je préfère la « jungle » capitaliste, où j’ai ma chance à « l’enfer communiste ».

  • « Pour que la coopération communiste existe, et pour qu’elle existe sans devenir une forme d’exploitation de la minorité par la majorité, il faut donc que les membres de cette société n’aient qu’un seul cœur et qu’une seule âme ; il faut qu’il n’existe aucun intérêt particulier mais un seul et unique intérêt général sur la définition duquel tous s’accordent. »

    Belle définition de la fourmilière. Ce n’est pas mon idéal de Société.

  • Décidément les articles de M. Nicoulaud sur ce thème sont de belle tenue.
    Puisque l’auteur interroge l’anthropologie dans cette affaire je ne peux que lui conseiller la lecture de Pierre Clastres et notamment « la société contre l’Etat ».
    Sans arriver réellement à théoriser le résultat de ses observations de micro sociétés de chasseurs cueilleurs communistes et, donc, a-hiérarchiques, d’Amazonie (Guayakis), Pierre Clastres met néanmoins en avant le rôle décisif du nombre dans l’organisation sociale de ces sociétés.

  • Cet idéal communiste est effectivement un idéal qui rejoint aussi celui de l’anarchiste : la notion d’état disparait puisque nous devenons tous l’état, en quelque sorte. Les différences sont les prétextes à de nombreux débats. Tout comme Radius, je vois très bien la fourmilière et j’y suis totalement opposé. Et tant qu’il y a une seule personne qui est opposée à cette situation, alors la fourmilière ne peut jamais être.
    Encore un excellent article, merci monsieur Nicoulaud.

  • L’idéal communiste, quand on y réfléchit, n’a rien d’un idéal
    « à chacun selon ses besoins », c’est l’annonce de la pauvreté : car les « besoins » humains sont limité (un toit, un peu de nourriture et de repos, …). il faudra vous contenter du minimum, et renoncer à tout luxe, tout superflu.
    « de chacun selon ses capacités », c’est l’annonce de l’esclavage : le grand tout vous mesure, mesure ce que vous pouvez produire, et l’exige de vous, sans que vous ayez le moindre mot à dire. C’est aussi, par suite, l’annonce du mensonge et de l’incompétence : pour échapper à l’esclavage, chaque individu se lance dans une course de lenteur, afin de paraître avoir le moins de capacité possible. Et toujours par suite, c’est l’annonce de la nomenklatura et des inégalités les plus énorme : la seule capacité qu’il sera utile de prétendre avoir, c’est la capacité à mesurer le travail qu’autrui peut fournir, et ceux qui seront les plus disant seront grassement récompensés par des parcelles de pouvoirs.
    L’URSS n’était pas communiste ? mais si. Elle a pleinement réalisé le programme communiste. Pauvreté, esclavage et surveillance.

  • Fichtre! Si un jour on m’avait dit que G. Nicoulaud parviendrait aux mêmes conclusions que G. Filoche sur l’inexistence historique du communisme, je ne l’aurais pas cru!

  • petite histoire (pour vous montrer la mentalité des communistes et socialistes): Le questionnaire de Lénine:
    Camarade, si tu avais deux maisons, tu en donnerais une à la révolution ?
    – Oui ! Répond le camarade.
    Et si tu avais deux voitures de luxe, tu en donnerais une à la révolution ?
    – Oui ! Répond de nouveau le camarade.
    Et si tu avais deux millions sur ton compte en banque, tu en donnerais un à la révolution?
    – Bien sûr que je le donnerais ! Répond le fier camarade.
    Et si tu avais deux poules, tu en donnerais une à la révolution?
    – Non ! Répond le camarade.
    Mais … pourquoi tu donnerais une maison si tu en avais deux, une voiture si tu en avais deux, un million si tu avais deux million … et que tu ne donnerais pas une poule si tu en avais deux ?
    – Mais, camarade Lénine, parce que les poules, elles, je les ai !!!!
    Moralité :
    « Il est toujours très facile d’être socialiste avec la propriété, le travail et l’argent des autres ! »
    C’est pour ça qu’on est socialiste ou qu’on le devient.
    C’est comme ça que les recruteurs appâtent les envieux, les fainéants, les gens à la moralité douteuse.

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François Kersaudy est un auteur, historien reconnu, spécialiste de la Deuxième Guerre mondiale et de l’histoire diplomatique. Auteur de De Gaulle et Churchill (Perrin, 2002), De Gaulle et Roosevelt (Perrin, 2004), il a aussi écrit une biographie de Churchill pour Tallandier, et une autre consacrée à Lord Mountbatten pour Payot. Il est aussi l’auteur d’ouvrages consacrés à l’Allemagne nazie.

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