ACTA ou l’échec de l’hégémonie juridique des USA

Le rejet d’ACTA, massif, révèle une volonté du parlement européen de s’opposer à l’hégémonie juridique américaine.

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ACTA ou l’échec de l’hégémonie juridique des USA

Publié le 8 juillet 2012
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Le vote du parlement européen n’est pas une surprise, et l’enterrement d’ACTA était annoncé depuis plusieurs mois.

Cet acronyme désigne l’Accord commercial anti-contrefaçon (Anti-Counterfeiting Trade Agreement), traité multilatéral, dont l’objet est de protéger toutes les violations de propriété susceptibles d’intervenir sur internet. Il s’agit donc certes de lutter contre la contrefaçon, mais aussi contre toutes les formes de piratage.

Alors que ces objectifs sont, a priori, tout à fait justifiés, le caractère massif du vote peut surprendre, puisque 478 députés ont voté contre le texte, 39 pour, et 165 ont préféré l’abstention. Le scrutin apparaît également quelque peu précipité, puisque le parlement n’a pas attendu l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne sur le texte, pourtant demandé par le Commissaire Européen au Commerce, Karel de Gucht.

Certains voient dans ce rejet massif le fruit d’une « mobilisation citoyenne » sans précédent. Les parlementaires européens auraient reçu tant de courriels d’opposants qu’ils auraient reculé devant l’afflux et cédé à un véritable « sursaut démocratique ».

S’il est vrai qu’ACTA avait suscité la mobilisation des internautes, la cause de son échec est plus large. Le traité est rejeté pour de multiples raisons, tenant aussi bien à son contenu qu’à son mode d’élaboration.

Sur son contenu, le traité ACTA allait entièrement à l’encontre des principes fondamentaux du droit européen gouvernant l’utilisation d’internet. Alors que l’Union européenne, et le droit français, considèrent que les fournisseurs d’accès à internet (FAI) ne sont pas responsables du contenu des données qu’ils ne font que transmettre, ACTA considère qu’ils doivent être déclarés responsables, lorsqu’ils laissent circuler des informations et des biens illicites. Chaque FAI est alors contraint de se transformer en gendarme du net et de surveiller les données circulant sur son réseau.

Quant au juge, il était plus ou moins exclu de la procédure prescrite par le traité ACTA. Les demandes d’informations pouvaient ainsi être directement adressées au FAI par les personnes qui s’estimaient victimes d’une violation de leur propriété ou de leurs ayants-droit. Les sanctions pouvaient être prononcées par des autorités administratives, et non précédées d’une procédure contradictoire. En rejetant ces dispositions, le parlement européen révèle son refus d’un droit dérogatoire dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle sur internet.

Derrière le débat sur la garantie du droit de propriété, on peut déceler dans le rejet du traité ACTA un autre rejet, peut être plus profond, des conditions d’élaboration de cette convention. Issu d’un petit noyau d’États réunis autour des États-Unis (Australie, Canada, Corée du Sud, Japon, Nouvelle Zélande, Singapour, Maroc), le traité a été négocié, à partir de 2006, dans le plus grand secret. Les premiers éléments n’ont d’ailleurs été portés sur la place publique qu’en 2008, par Wikileaks. L’Union européenne n’a, quant à elle, été sollicitée qu’en 2012, pour rejoindre une Convention à laquelle elle n’avait pas été associée dès son origine. Les tensions sont donc apparues rapidement, dans une Europe qui avait le sentiment de se voir imposer le texte.

Sur ce point, le rejet d’ACTA, et un rejet aussi massif, révèle une volonté du parlement européen de s’opposer à l’hégémonie juridique américaine, qui vise à imposer sans ménagement son système juridique, avec l’aide de quelques pays soumis.

C’est une bonne nouvelle.

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