La propriété privée selon Rerum novarum de Léon XII

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La propriété privée selon Rerum novarum de Léon XII

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 mai 2025
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Quelques brèves remarques inspirées par le nom pontifical du nouveau pape Léon XIV.

Deux à trois semaines après la mort du pape François le 21 avril 2025, les cardinaux électeurs se sont réunis en conclave dans la chapelle Sixtine de Rome. Vingt-quatre heures plus tard, le 8 mai 2025, on apprenait que le cardinal américain Robert Francis Prevost, né à Chicago en 1955, avait été élu pape et qu’il avait choisi de se faire appeler Léon XIV.

Dans le cadre de ce blog, dont l’objectif consiste à montrer en quoi les thèses libérales constitueraient une réponse adaptée à nos problèmes français actuels, aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale, je trouve ce choix de nom pontifical particulièrement intéressant. Il nous place en effet directement dans les pas du pape Léon XIII, auteur en 1891 de la célèbre lettre encyclique Rerum Novarum.

Or celle-ci, intitulée littéralement “À propos de choses nouvelles” et centrée sur la question de la condition des ouvriers, fournit à Léon XIII l’occasion d’approfondir les contours de la Doctrine sociale de l’Église et de définir ce que cette dernière entend par le concept de “destination universelle des biens” :

“Ce sujet, Nous l’avons, suivant l’occasion, effleuré plusieurs fois. Mais la conscience de Notre charge apostolique Nous fait un devoir de le traiter dans cette encyclique plus explicitement et avec plus d’ampleur, afin de mettre en évidence les principes d’une solution conforme à la vérité et à l’équité.” (Rerum Novarum)

Les “choses nouvelles” dont il est question sont les résultats sociaux du développement économique foudroyant issu de la révolution technologique et industrielle qui se répand en Occident à la fin du XVIIIè siècle et tout au long du XIXè siècle.

Comme beaucoup de ses contemporains, le pape en vient à penser :

“qu’il faut, par des mesures promptes et efficaces, venir en aide aux hommes des classes inférieures, attendu qu’ils sont pour la plupart dans une situation d’infortune et de misère imméritées.” (Ibidem)

Notons du reste que du côté des libéraux, la question sociale est dès cette époque un sujet de préoccupation permanente. Si l’on s’en tient à la France, notons qu’en 1833, François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe, fait voter la Loi Guizot sur “L’instruction publique et la liberté de l’enseignement” qui organise l’enseignement primaire. C’est lui également qui, en 1841, encadre le travail des enfants avec la première « loi ouvrière » de notre pays.

Loin de se désintéresser du sort des ouvriers, ce sont des libéraux qui s’inquiétèrent des conditions réservées aux enfants dans les fabriques. La loi de 1841 résulte notamment du rapport réalisé en 1840 par le parlementaire Charles Dupin « Du travail des enfants » et des études du Dr Villermé sur l’état physique et moral des ouvriers. Les travaux de ce dernier seront aussi à l’origine d’une loi sur la salubrité des logements.

Citons aussi le libéral Émile Ollivier qui va ouvrir la voie au droit de grève en obtenant de Napoléon III en 1864 d’abolir le délit de coalition qui avait été mis en place sous la Constituante en 1791 sous le nom de Loi Le Chapelier. Cette loi est complétée en 1867 par l’autorisation des réunions publiques.

Le droit syndical sera voté en 1884 (IIIè République) sous l’impulsion de Pierre Waldeck-Rousseau, autre homme politique libéral français. Ce sera encore une rude bataille, contre les conservateurs, mais surtout contre les socialistes. Selon Jules Guesde, député SFIO (socialiste) du Nord, “sous couleurs d’autoriser l’organisation professionnelle de notre classe ouvrière, la nouvelle loi n’a qu’un but : empêcher son organisation politique.”

Toujours est-il que dans ses réflexions économiques, Léon XIII aborde la question ouvrière sans la naïveté ni le simplisme qu’on décèle parfois, hélas, chez nombre de catholiques. Il n’ignore pas, en effet,

qu’“il est difficile (…) de préciser avec justesse les droits et les devoirs qui règlent les relations des riches et des prolétaires, des capitalistes et des travailleurs.” (Ibidem)

Et il prévient d’emblée :

“Qu’on n’en appelle pas à la providence de l’État, car l’État est postérieur à l’homme. Avant qu’il pût se former, l’homme déjà avait reçu de la nature le droit de vivre et de protéger son existence.” (Ibidem)

D’aucuns, en effet, ont pu se prévaloir de la doctrine catholique de la “destination universelle des biens” pour y voir une légitimation des thèses marxistes et de la toute-puissance de l’État. On pense notamment à la Théologie de la Libération, très en vogue dans les années 1970 en Amérique du Sud.

Mais dans Rerum Novarum, Léon XIII écrit ceci :

“Qu’on n’oppose pas (…) à la légitimité de la propriété privée le fait que Dieu a donné la terre au genre humain tout entier pour qu’il l’utilise et en jouisse. Si l’on dit que Dieu l’a donnée en commun aux hommes, cela signifie non pas qu’ils doivent la posséder confusément, mais que Dieu n’a assigné de part à aucun homme en particulier.” (Ibidem)

À vrai dire, l’Église est très loin de dénigrer la propriété privée. À condition qu’il en soit usé avec discernement, responsabilité et justice vis-à-vis des autres et vis-à-vis de notre “maison commune” la terre, elle la considère comme un droit naturel et un vecteur de création positive de richesses :

“La propriété privée est pleinement conforme à la nature. La terre, sans doute, fournit à l’homme avec abondance les choses nécessaires à la conservation de sa vie et, plus encore, à son perfectionnement, mais elle ne le pourrait d’elle-même sans la culture et les soins de l’homme.” (Ibidem)

Non seulement elle lui trouve des qualités supérieures à la collectivisation “car chacun donne à la gestion de ce qui lui appartient en propre des soins plus attentifs qu’il n’en donnerait à un bien commun à tous ou à plusieurs” (Saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique, circa 1270, p. 1737 du PDF) mais elle considère que dans le système socialiste de la propriété collective,

“le mythe tant caressé de l’égalité ne serait pas autre chose qu’un nivellement absolu de tous les hommes dans une commune misère et dans une commune médiocrité” (Ibidem).

Belle clairvoyance.

Et de poursuivre ainsi :

“Il résulte que la théorie socialiste de la propriété collective est absolument à répudier comme préjudiciable à ceux-là mêmes qu’on veut secourir, contraire aux droits naturels des individus, comme dénaturant les fonctions de l’État et troublant la tranquillité publique. Que ceci soit donc bien établi : le premier principe sur lequel doit se baser le relèvement des classes inférieures est l’inviolabilité de la propriété privée.” (ibidem)

Intéressant, non ?

C’est en tout cas ma façon de voir les choses. Le socialisme est de prime abord sympathique car il se présente comme LE système qui veut l’égalité et la paix entre les hommes. Dans les faits, il génère pénurie, pauvreté et privation de liberté. Comme l’écrit très justement Léon XIII, il est préjudiciable à ceux-là mêmes qu’il prétend secourir.

Si je pensais en conscience que salaire minimum élevé, impôts confiscatoires très progressifs et redistribution débridée formaient la meilleure voie vers la prospérité et la liberté de tous, si je pensais sincèrement que notre système politique et social est effectivement le meilleur qu’on puisse imaginer, modulo quelques inévitables petites retouches à faire par-ci par-là, je n’hésiterais pas une seconde à le dire et à l’écrire. Ce serait tellement plus confortable.

Mais je ne le peux pas. Au contraire, pour qui veut bien regarder, la France a accédé ainsi au rang de modèle parfait de l’échec de ce système socialiste lourdement redistributif et déresponsabilisant, ainsi que j’ai eu de nombreuses occasions de le montrer dans ce blog.

Quant à notre nouveau pape Léon XIV, adoptera-t-il la Doctrine sociale de l’Église de Léon XIII, comme il a adopté son nom ? L’avenir le dira, mais tous les espoirs sont permis.

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