Le nouveau Mao, c’est tout beau !

L’empereur Xi « a un rêve » qui semble plaire : celui d’une Chine dominant « tout ce qui est sous le ciel ».

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Le nouveau Mao, c’est tout beau !

Publié le 27 octobre 2017
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Par Yves Montenay.

L’empereur Xi a été sacré par le congrès du Parti communiste chinois qui se termine ce 25 octobre.

Il devrait rester dans les archives officielles comme l’un des trois fondateurs de la Chine actuelle avec Mao et Deng Xiao Ping. Donc avec le démolisseur et le reconstructeur, « en même temps » comme chez nous…

 

Des précautions qui évoquent un fond d’insécurité

Bizarre :  à l’approche du congrès, les combats de coqs publics ont été interdits, comme toute réunion pouvant rassembler d’éventuels mécontents. Interdiction également de louer des chambres dans un rayon de 20 kilomètres. Et Internet est filtré plus sévèrement que jamais. Pourtant, la plupart des personnalités du parti et de l’armée ont été remplacées, en principe par des alliés. Au total, plus d’un million de membres du parti auraient été remplacés, ce qui a donné au « patron » l’image d’un dirigeant dur et intègre.

Symétriquement aux interdictions, il y a la promotion qui se traduit par plusieurs initiatives médiatiques :

  • à la télévision on expose « la diplomatie de la superpuissance », animée par le président Xi
  • il est applaudi pour son rôle idéologique censé inspirer les dirigeants
  • il annonce une « ère nouvelle » qui profitera de la nouvelle conjoncture mondiale, avec la Chine comme moteur économique alors que les États-Unis s’effacent
  • place Tiananmen se trouve une exposition du renouveau chinois intitulée « Après un siècle d’humiliation »
  • on envisage d’insérer son nom dans la Constitution comme ayant contribué à « adapter le marxisme au contexte chinois »
  • le président sera qualifié officiellement de troisième dirigeant chinois à avoir transformé le pays : Après Mao « qui l’a réunifié et installé le communisme », et Deng « qui l’a mis sur la route de la richesse »
  • enfin, comme Deng, il est maintenant « le commandant suprême »

 

Ne pas confondre avec le « culte de la personnalité », terme tabou depuis Mao. Mais cela reflète une admiration réelle.

 

Des admirateurs chinois et étrangers

Les sondages nationaux donneraient 60 à 80 % d’opinions positives à des questions portant sur les succès économiques ou de politique étrangère, tandis qu’une partie de la presse occidentale est admirative.

The Economist du 23 septembre 2017 évoque le feu d’artifice d’innovations en Chine. Résumons : « tout va plus vite qu’ailleurs, 609 milliardaires contre 552 en Amérique, 89 licornes (entreprises récentes valant plus de un milliard de dollars) ».

Cela s’expliquerait par la taille du pays et son unité linguistique, son infrastructure matérielle de meilleure qualité que celle des États-Unis, l’amour de la technologie, l’habitude des paris, la réaction des entrepreneurs face à l’inefficacité des entreprises publiques, et parfois des universités. Et par le soutien public à des choix stratégiques comme la voiture électrique.

Le centralisme étatique et communiste permet à la Chine de mobiliser des hommes et des capitaux là où elle l’estime nécessaire : 1300 chercheurs ont travaillé à développer le plus puissant supercalculateur mondial.

De même les 20 000 km de TGV ont bénéficié de crédits massifs pour la recherche, l’appropriation de terres, plus facile qu’en pays démocratique, les subventions aux équipementiers et la pression sur les compagnies étrangères pour obtenir leur technologie. Aujourd’hui, les crédits se déversent sur la robotique, l’intelligence artificielle, « les plus beaux » téléphones portables…

 

Le rêve chinois

Bref l’empereur « a un rêve » qui semble plaire, celui d’une Chine dominant « tout ce qui est sous le ciel ».

Cette formule date d’avant Trump, mais sa mise en œuvre est facilitée par l’absence et l’incohérence de ce dernier. La mission de l’armée est passée de défensive (notamment pour contrôler la population) à offensive. Xi veut mettre en place « un ordre mondial plus rationnel », ce qui n’est pas rassurant pour les démocraties.

Quel est son programme pour réaliser tout cela ? L’examen détaillé de ses discours ne fait pas apparaître de thème concret nouveau. Nous aurions donc la même ligne en plus accentuée à l’intérieur comme à l’extérieur, avec notamment la sévérité envers les voisins en mer de Chine et vis-à-vis de Taïwan, dont il répète vouloir détruire les prétentions à l’indépendance.

Donc rien de nouveau sur le plan économique et de politique intérieure. Pourtant les problèmes s’aggravent.

 

Quels problèmes ?

D’abord, une partie des succès précédents provenaient du rattrapage économique, comme dit dès mon article de janvier 2014 et les suivants. Ajoutons un exemple : le système de distribution occidental n’existait pas en Chine avant le boom actuel. De ce fait, les Chinois sont passés directement au numérique.

De même, ils ont sauté l’étape PC pour s’équiper d’un mobile. Mais cette force de rappel due au rattrapage s’amoindrit au fur et à mesure qu’on se rapproche du niveau occidental, comme on l’a constaté au Japon puis en Corée. De moins en moins de progrès arriveront de l’extérieur pour compenser les échecs.

Or les échecs, il y en a eu : constructeurs automobiles et fabricants de semi-conducteurs par exemple. Et d’autres perdurent, dont l’immense problème des entreprises d’État.

L’empereur veut compenser ce dernier problème en poussant des entreprises innovantes. Les Chinois déposent un nombre impressionnant de brevets, mais la majorité n’a pas obtenu d’accréditation internationale.

Plus généralement, l’innovation imposée par un État autoritaire n’est pas toujours la bonne et les chercheurs se heurtent à la censure d’internet. La protection de leur propriété intellectuelle n’est pas assurée et leur carrière dépend de leur proximité avec le parti, dont l’empereur veut justement renforcer le rôle.

Pas étonnant que nombre de ceux formés aux États-Unis refusent de retourner en Chine, devenus allergiques à l’absence de libertés, à la pollution et à la corruption.

Vous direz que cette dernière est combattue par l’empereur. Mais le fait qu’il faille en pratique en référer au parti pour presque tout joue en sens inverse. Par ailleurs, qui dit corruption, donc complicité des contrôleurs, dit non-respect des normes, donc persistance de la pollution et vente de produit toxiques, alimentaires notamment. D’où la consommation de produits importés, ou, pour les plus riches, achetés directement à Hong Kong, à Taiwan ou au Japon.

Les exportations chinoises pourraient également en souffrir faute de confiance des acheteurs occidentaux, Japon compris. Ne vient-on pas de voir arriver en France un miel qui est en fait du sirop de betterave ?

 

Les problèmes demeurent

Les pénuries d’eau, la pollution de l’air et des sols multiplient les révoltes locales. La démographie est quantitativement catastrophique. Elle l’est également qualitativement, les jeunes adultes étant des enfants uniques extrêmement gâtés. Ils seront probablement frustrés par le manque de liberté… et de femmes, suite aux avortements sélectifs de l’époque de l’obligation de l’enfant unique.

L’éducation a aussi ses problèmes : la pression est si forte sur les élèves que les parents aisés choisissent le privé, qui se développe à toute vitesse. Certes, les tests internationaux sont flatteurs pour les maths, les sciences et la lecture, du moins dans les plus grandes villes, mais les parents estiment que le bachotage tue la créativité. La réapparition des cours de marxisme n’arrangera rien !

Certes, l’empereur pense qu’avec sa poigne relayée par un parti puissant, il pourra résoudre tout cela. Mais cela prive le pays de la pression de groupes spontanés, et de leur appui par les médias pour dénoncer la pollution et les corrompus. Or, le statu quo, dont la restriction croissante des contacts Internet avec l’étranger, pousse au départ les entreprises internationales.

Il peut donc échouer, mais comme il s’est mis en première ligne, ce sera de sa faute, après des dégâts considérables dans son pays et le monde entier. Des troubles seraient alors à prévoir.

Il ne faut pas oublier que le « miracle chinois » est en grande partie un retour à la normale après l’instauration par Mao de la dictature du parti poussée à l’extrême, ce qui a entraîné l’effondrement économique et culturel. Voir reprendre cette recette n’est pas rassurant.

 

Suite à un problème technique, une première version incomplète du texte a été diffusée. Nous prions nos lecteurs et l’auteur de nous en excuser. 

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  • Si vos connaissances factuelles et politiques sur la Chine sont certainement bien documentées, il n’en reste pas moins vrai que reprendre les analyses journalistiques extérieures au pays n’est pas le gage d’une littérature impartiale.
    La difficultés semble être de ne pas saisir le concept chinois unique d’une alliance d’un capitalisme privé très puissant avec un parti politique communiste dur.
    Or, contrairement à la plupart des pays extérieurs au Centre du monde, la corruption prégnante due à la lutte à l’obtention des meilleures place y est férocement combattue :
    – Liquidation politique et économique de milliardaires corrompus.
    – Importantes purges des éléments corrompus au sein du parti unique.
    Ensuite, pour en revenir à votre type d’analyse journalistique, relier la géopolitique du pays le plus peuplé du globe au pot de miel de betterave que vous avez trouvé au supermarché du coin est tout bonnement ahurissant, pour ne pas dire scandaleux !
    – Fut-ce subliminalement.
    Paraphrasez cela pour la France, par exemple : ne serait-ce pas parfaitement ridicule ?
    Subsidiairement, le jour où vous verrez des purges étendues pour fait de corruption dans un parti politique majoritaire au sein d’un pays européen, faites-nous signe… !

    • Parce que vous croyez vraiment aux purges vertueuses ? De la part d’un parti communiste ? C’était sans doute de l’ironie …

      • Et vous, vous croyez à la vertu de l’absence de purges ?
        Ensuite, la question est de savoir combien de bébés partiront avec l’eau du bain, on peut le déplorer et en discuter, mais ça n’est en aucun cas une justification pour garder l’eau fétide dans la baignoire, à la française.

    • Les purges sont un bon prétexte pour se débarrasser de ses adversaires et concurrents politiques. Votre naïveté me fait bien rire. Le totalitarisme a fait la preuve de son inanité dans tous les pays où il a sévit. La Chine ne fera pas exception. Pour progresser il faut de la liberté afin de remettre en question les acquis.

      • Les purges  »un bon prétexte… ». Vous ne comprenez pas. Les opposants, dans les systèmes démocratiques, sont cantonnés hors du parti au pouvoir. Dans le système chinois, les opposants qui s’introduisent fallacieusement au sein du parti au pouvoir sont renvoyés. Point.
         »Purges  » est tellement connoté que vous n’en voyez même plus l’équivalent dans nos sociétés. Vous êtes donc tellement empli d’illusions, par auto-intoxication propagandiste, que vous en êtes venu à qualifier de  »naïve » la simple présentation des faits et des usages banaux au sein d’un État, quel qu’il soit. Bref …

      • Pour la grande majorité des Chinois, les images du retour en arrière au congrès du PCC sont celles d’un autre monde. Eux sont occupés à se constituer des acquis, et il sera bien temps dans quelques lustres, quand ces acquis matériels individuels seront consolidés, de s’interroger sur les questions politiques et de se remettre en question.

    • Une partie du problème réside dans votre formule « un capitalisme privé très puissant », car ce n’est que partiellement vrai :
      – le « petit » capitalisme a effectivement apporté de grands progrès dans la vie quotidienne, mais aussi des catastrophes par corruption des autorités locales. D’où les produits empoisonnés ou contre-faits : le miel de betterave » est une fraude, même elle est moins grave que les faux médicaments qui déferlent sur l’Afrique les bouées pour enfants qui ont causé des noyades.
      – le « grand » capitalisme a certes lui aussi ses succès, mais les « relations » au sommet ont dérivé une partie de ses moyens financiers vers des investissements inutiles.
      Bref c’est un capitalisme qui ne fonctionne pas complètement comme le« capitalisme privé » que nous connaissons

      • Vous êtes présumé informé (100 fois mieux informé) des problèmes qui se posent en France en matière de fraudes (Pip, médicaments, pollutions diverses…) que sur les problèmes chinois (même si les leurs sont quantitativement plus élevés).
        La choses à considérer en ce cas est que les systèmes correctifs n’y sont pas identiques.
        Si vous n’en connaissez pas les structures comparées et leurs effets, comment vos comparaisons pourraient-elles être pertinentes ?

    • concernant votre dernier paragraphe : il y a eu (Allemagne sous le nazisme, pays du bloc de l’est durant 45 ans, voire au delà).
      L’alliance avec un parti politique unique s’appelle la corruption, justement.

    • @Gosseyn
      Je suis 100% d’accord avec vous, je suis expatrié en Chine et Hong kong depuis 22 ans, le changement de la Chine, je le vois de mes yeux, et pas du blabla de journaliste qui viennent 3 jours en Chine et qui connaissent tout.

  • c’est interessant mais vous voyez je pense que la France ce n’est pas mieux aussi.. ll y aussi le tribunal d’internet que vous devriez parler en France et qui fait rire en Amerique pour la soit liberte d’expression en FRANCE…. !!! le point en parle. http://www.lepoint.fr/justice-internet/

    • Pour Marie : en France, vous pouvez vous connecter à qui vous voulez à l’étranger. Pas en Chine.

      Pour tous : certes la France est très imparfaite, mais ceux qui n’ont pas connu les régimes communistes que j’ai longuement fréquentés, n’imaginent pas à l’immensité de la différence.

      • On peut se connecter partout en France, sauf quand on vous banni de facedebook, Twitter et qu’on ferme votre blog, parceque vous etes patriote ? et que des patriotes sont obliges de fuir en Suisse ou au Japon.
        Et que toute la presse appartiennent a moins d’une dizaine de personne, qui sont tous de l’establishment.

  • Hier, je me frotte les yeux en voyant un dirigeant chinois brandir le petit livre rouge de la charte du PCC où l’on vient d’inscrire la pensée du Président Xi. Ce matin, ouf, nous sommes bien en 2017. Et c’est alors qu’à la radio, j’entends annoncer que le Président Macron a choisi M. Castaner pour être élu à la tête de LAREM. Elu ?
    On est en quelle année ?

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