L’aide fatale, par Dambisa Moyo

Autour de l’ouvrage de Dambisa Moyo sur les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique

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L’aide fatale, par Dambisa Moyo

Publié le 22 décembre 2010
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Par Guillaume Vuillemey.

Peu de sujets sont aussi tabous que celui de l’aide au développement.

Mettre en cause le bien-fondé des milliards d’euros déversés chaque année en Afrique est sacrilège pour la grande majorité des dirigeants politiques occidentaux. Pourtant, une économiste zambienne – Dambisa Moyo – vient de publier un ouvrage à charge, désormais disponible en français aux éditions JC Lattès, dénonçant non seulement l’inefficacité de l’aide mais aussi ses conséquences néfastes. Elle appelle de ses vœux un modèle de développement fondé sur le commerce et le marché.

Au cours des cinquante dernières années, le montant total de l’aide au développement transférée des pays riches vers l’Afrique s’élève à plus d’un trillion de dollars (mille milliards). Ceci inclut des dons directs ainsi que des prêts à taux réduits. À l’heure actuelle, l’aide représente environ 15 % du PIB de l’Afrique. Ceci a-t-il permis de faire reculer la pauvreté ? Non, répond l’auteur.

Au contraire, l’aide au développement encourage la corruption et permet à des régimes de se maintenir artificiellement. En raison des montants importants qu’elle engage, elle attise des convoitises et peut aviver des tensions ethniques, pouvant parfois conduire à la guerre civile. Sur le plan économique, l’aide nuit à la compétitivité des secteurs productifs, réduisant leur capacité à exporter. Elle contribue aussi au maintien de secteurs publics pléthoriques qu’il conviendrait de réformer en profondeur.

Ce n’est donc pas un hasard si, selon l’auteur, entre 1970 et 1998, c’est-à-dire durant la période au cours de laquelle l’aide au développement était au plus haut, la pauvreté est passée de de 11 % à 66 %. Au fond, l’aide souffre d’un défaut essentiel : elle détruit les incitations à évoluer, à se réformer et à se développer.

Pour autant, leur suppression n’aggraverait-elle pas la situation ?

Au contraire, il s’agit d’une condition essentielle pour que l’Afrique trouve le chemin d’une croissance durable.

À la base de cette idée se trouve un constat simple : tous les pays qui ont connu un développement important, que ce soit en Europe, en Amérique ou en Asie, doivent leurs performances non pas à l’aide extérieure mais à leur capacité à créer des richesses.

« Il y a trente ans, rappelle Dambisa Moyo, le Malawi, le Burundi et le Burkina Faso disposaient d’un revenu par habitant supérieur à celui de la Chine ».

Depuis des années, la Chine connaît une croissance soutenue parce qu’elle a réussi à gagner en compétitivité et à attirer à elle des investissements étrangers. Ce n’est pas encore le cas de nombreux pays africains.

La moitié de l’ouvrage offre des solutions possibles pour l’Afrique.

Première piste de l’auteur : s’ouvrir au commerce extérieur et aux investissements directs étrangers. À l’heure actuelle, l’Afrique ne représente que 1 % des échanges mondiaux alors qu’elle est proche d’un marché de taille, le marché européen. Une réelle insertion dans le commerce international suppose un contexte politique et juridique stable, ainsi que des droits de propriété garantis.

Autre piste : supprimer les subventions massives que les gouvernements américains et européens accordent à leurs agriculteurs. Les paysans africains pourraient ainsi accéder aux marchés mondiaux et vivre de leur production ce qui serait beaucoup plus efficace que de leur octroyer des aides au développement.

Enfin, plutôt que de se financer par des prêts à taux réduits, l’économiste suggère que les États africains se financent par émissions d’obligations sur les marchés de capitaux. Ceci les pousserait à respecter une discipline plus stricte : ils devraient convaincre les investisseurs de leur solidité financière.

Derrière l’ensemble des propositions avancées par Dambisa Moyo transparait une priorité unique : le respect des droits de propriété.

Selon elle, cette recette fonctionne, ainsi que l’illustre le cas du Botswana, qui fait figure d’exception en Afrique. Entre 1968 et 2001, la croissance moyenne y a été de 6,8 % en raison des politiques favorisant la liberté économique : ouverture des marchés à la concurrence internationale, politique monétaire non inflationniste, pression fiscale modérée. Il n’y a donc pas de fatalité concernant l’Afrique. Avec précision et clarté, Dambisa Moyo montre la voie à suivre pour permettre un réel développement.

Dambisa Moyo, L’aide fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique, JCLattès, 2009.

 

 

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