La prospérité du vice de l’endettement

Démagogie politique, manque d’incitations à rembourser et effet d’aubaine de l’euro

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La prospérité du vice de l’endettement

Publié le 28 septembre 2011
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Qu’est-ce qui a entretenu la prospérité du vice de l’endettement ? Outre la démagogie politique, figurent parmi les péchés capitaux les croyances scientistes, le manque d’incitations à rembourser et l’effet d’aubaine de l’euro.

Par Marc Crapez

Ils exigent le sauvetage de la zone euro grâce au renforcement de l’intégration européenne. Le fédéralisme est la seule voie de salut ! Impossible de tergiverser vu l’urgence de la situation ! C’est une option unique ! Une décision de la dernière chance ! Les peuples sont des sous-doués qui ralentissent l’adoption de mesures appropriées. Les marchés sont guidés par l’irrationalité ou téléguidées par un complot anglo-saxon.

Ce raisonnement menaçant se focalise sur une idée fixe : l’Union européenne. Les européistes considèrent l’Europe comme un bien absolu et une nécessité impérieuse. Tandis que les europhobes sont prêts à tout pour faire capoter l’euro, les européistes veulent le sauver quoi qu’il en coûte. Les uns comme les autres ont un mode de pensée catégorique : « Périsse telle chose pourvu que telle autre advienne ! ».

Pourtant, si l’on n’est pas libre de reculer, de bifurquer, ou de temporiser, sans que l’Union européenne se détricote, c’est que c’était mal fait, mal pensé, mal conçu. Dissocions donc la crise de la dette du projet européen. Recherchons des solutions à la crise de la dette indépendamment du point de savoir si cela va favoriser ou nuire à la construction européenne.

Début septembre, en validant la participation allemande au deuxième plan d’aide à la Grèce, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a recommandé un mécanisme de réversibilité d’une décision aux « effets difficilement prévisibles ». Autrement dit, l’Allemagne doit rester souveraine et libre de se désengager du soutien à la Grèce, voire à l’euro. Car contrairement à ce qu’on entend, ce n’est pas seulement la sortie de l’euro accompagnée de faillite de la Grèce qui pourrait avoir des conséquences imprévisibles. Le mécanisme de solidarité au sein de la zone euro pourrait, en effet, déclencher un krach sans précédent. Certes, le défaut de la Grèce représente un saut dans l’inconnu et présente un risque d’effet domino ou de poupées gigognes sur l’Italie. Mais si continuer de prêter à la Grèce est sans risque dans l’immédiat, cela recèle le coût caché ou différé du risque d’une situation de surendettement de la zone euro immaîtrisable.

Le fait qu’une partie des Allemands ne veuillent pas payer est présenté comme de l’égoïsme. En réalité, ce qui choque les Allemands c’est surtout que les Grecs aient triché. En outre, la Grèce a persisté à contourner les règles du jeu, au lieu d’appliquer des mesures draconiennes pour montrer qu’elle avait enfin compris. Après la crise asiatique, en 1998, l’Indonésie avait subi sans broncher une récession de -15%. En 2009, ce fut le cas des Pays baltes, la Finlande étant, elle aussi, durement touchée, sans parler de l’Islande.

Qu’est-ce qui a entretenu la prospérité du vice de la dette ? D’abord la croyance que les États ne font pas faillite (les accords de Bâle ont encouragé les banques à acquérir des obligations d’État présumés sans risques et Bâle 3 facilite l’endettement des États auprès des banques). Cette croyance s’inscrit dans une série d’utopies scientistes regardant les crises comme un phénomène révolu. Entre autres prophéties erronées, citons celle d’Anton Brender, économiste chez Dexia, en mars 2008 : « les paniques bancaires à l’ancienne ont disparu » (six mois après, Dexia était recapitalisée à hauteur de 6 milliards par les gouvernements français et belges).

Ensuite, l’euro a provoqué un effet d’aubaine et d’anesthésie des signaux d’alerte du marché. Les écarts de taux entre l’Allemagne et la Grèce n’ont débuté qu’en 2008, et ne se sont développés qu’en octobre, au moment du krach financier. Alors que la crise grecque couve depuis novembre 2009, il fallut attendre l’été 2011 pour que les autres pays réagissent en réduisant leurs dépenses. La sortie de la Grèce de la zone euro pourrait constituer un choc salutaire pour obliger les autres à se retrousser les manches.

Paradoxalement, les inconditionnels du soutien à la Grèce accusent l’option sortie d’être irresponsable, alors qu’elle pourrait relancer la responsabilisation. Les humains font ce pour quoi ils sont récompensés. Les incitations à rembourser font partie des fondamentaux économiques. Ceux-ci ne peuvent être indéfiniment heurtés par l’existence de dettes couvertes par des endettés, ou d’États qui empruntent pour rembourser les intérêts de leurs emprunts précédents.

Les marchés demandent à juger sur pièces une capacité à honorer ses engagements et des perspectives de soutenabilité. Les vingt-sept se composent d’un tiers de pays qui ne sont pas dans la zone euro, d’un gros tiers de participants pas trop déméritants et d’un petit tiers de participants trop dispendieux. Il faut renforcer le bloc des pays méritants et aider la Grèce à faire faillite en répartissant les pertes entre les États (donc les contribuables), les banques et les détenteurs d’obligations.

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