Isabel Paterson était une romancière et, de 1924 à 1949, une célèbre chroniqueuse littéraire au Herald Tribune. Au cours du temps sa chronique ne resta pas confinée à la littérature, mais finit par embrasser l’économie, la politique, l’histoire, etc., les livres étant un prétexte à sa chronique, signée I.M.P. (Isabel Mary Paterson). Elle fut virée du journal en 1949 pour des raisons politiques, le centralisme socialiste qui s’installait aux États-Unis avec Roosevelt n’étant pas sa tasse de thé (notons que, contrairement à son amie Rose Wilder Lane, elle n’appréciait pas non plus Herbert Hoover, bien que Républicaine).
Au Herald Tribune, elle eut comme collaboratrice et protégée une jeune immigrée russe qu’elle influença par sa vaste culture dans beaucoup de domaines : Ayn Rand. The Fountainhead (La Source vive) de cette dernière parut en même temps que The God in the Machine de Paterson. L’athéisme militant de Rand n’était cependant pas du tout partagé par Isabel Paterson, ce qui fut une des raisons qui conduisit à leur rupture. Plus tard, bien qu’ayant rompu avec Rand, Isabel Paterson défendit Atlas Shrugged contre une mauvaise critique de la National Review de William Buckley, journal (conservateur) auquel elle collaborait à l’occasion.
Le livre The God in the Machine fut salué par Albert Jay Nock, qui considérait qu’avec The Discovery of Freedom de Rose Wilder Lane il s’agissait des « seuls livres intelligibles sur la philosophie de l’individualisme qui aient été écrits en Amérique au cours de ce siècle ». Malgré les désaccords et la rupture (et surtout le titre du livre), Ayn Rand cita l’ouvrage à plusieurs reprises dans les articles de son recueil Capitalism, The Unknown Ideal (1967) et le recommanda dans la bibliographie. Quant à Murray Rothbard, il le cite dans Man, Economy, and state ainsi que dans Power and Market.
Les informations ci-dessus ont pour une grande part été tirées de la longue introduction de Stephen Cox pour l’édition de Transaction Publishers (1999).
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L’humanitariste avec une guillotine
Chapitre XX de « The God of the Machine » (1943), par Isabel Paterson, traduit par Hervé de Quengo
Dans le monde, la plupart du mal est faite par des braves gens, non par accident, faute ou omission. C’est au contraire le résultat de leurs actions délibérées, longuement continuées, qu’ils pensent être motivées par de grands idéaux et pour des motifs vertueux. On peut le démontrer et il ne pourrait en être autrement. Le pourcentage des personnes sincèrement malfaisantes, vicieuses ou dépravées est nécessairement faible, car aucune espèce ne pourrait survivre si ses membres étaient naturellement et consciemment enclins à se faire du mal les uns aux autres. La destruction est si facile que même une minorité ayant une mauvaise intention persistante pourrait rapidement exterminer la majorité des personnes bien disposées qui ne se méfient pas. Tout individu à toute époque a facilement en son pouvoir la possibilité de perpétrer le meurtre, le vol, la rapine et la destruction. Si on suppose qu’il est uniquement restreint par la peur ou la force, alors la peur de quoi, et qui pourrait utiliser la force contre eux si tous les hommes avaient ce même état d’esprit ? Sans aucun doute, si le mal fait délibérément par des criminels devait être calculé, on trouverait que le nombre des meurtres, l’étendue des dommages et des pertes sont négligeables en comparaison de la somme totale de morts et de dévastations infligées aux êtres humains par leurs semblables. Il est donc évident que lors des périodes pendant lesquelles des millions de gens sont abattus, durant lesquelles la torture est pratiquée, la famine forcée et l’oppression une politique, ce qui est le cas actuellement dans une grande partie du monde et fut souvent le cas dans le passé, ce doit être le résultat des ordres donnés par de nombreuses braves personnes, et même le résultat des actions directes menées pour ce qu’elles estiment un but noble. Si elles ne sont pas les exécutants immédiats, elles donnent leur accord, élaborent des justifications ou gardent le silence sur les faits, et évitent toute discussion.
A l’évidence, ceci ne pourrait pas se passer sans raison, sans cause. Et il faut comprendre que, dans le passage précédent, lorsque nous disons des braves gens, nous voulons vraiment parler de gens biens, de personnes qui ne voudraient ni effectuer ni envisager intentionnellement des actes qui puissent faire du mal à leurs semblables, que ce soit par perversion ou pour en tirer un bénéfice personnel. Les braves gens veulent le bien d’autrui et espèrent mettre leurs actions en accord avec ce choix. De plus, nous ne voulons pas dire ici qu’il y ait un quelconque « transfert de valeurs », confondant le bien et le mal, ou suggérant que le bien engendre le mal, ou disant qu’il n’y a pas de différence entre le bien et le mal ou entre les braves gens et les personnes mal disposées. Nous n’insinuons pas non plus que les vertus des braves gens ne sont pas de véritables vertus.
C’est donc qu’il doit y avoir une très grosse méprise sur les moyens par lesquels ils cherchent à atteindre leurs fins. Il doit même y avoir une erreur dans leurs axiomes premiers, pour leur permettre de continuer à utiliser de tels moyens. Quelque chose de terriblement faux, quelque part. De quoi s’agit-il donc ?
A coup sûr, les massacres commis de temps en temps par des barbares envahissant des régions habitées, ou les cruautés capricieuses de tyrans avoués, ne se montent pas à un centième des horreurs perpétrées par des gouvernants armés de bonnes intentions.
Comme le raconte l’Histoire qui nous est parvenue, les anciens Égyptiens furent mis en esclavage par les Pharaons pour un plan charitable de « greniers toujours approvisonnés ». Des réserves étaient faites contre la famine. Et, alors, les gens furent forcés d’échanger propriété et liberté contre ces réserves, qui étaient préalablement soustraites à leur propre production. La rudesse inhumaine des anciens Spartiates était également pratiquée pour un idéal civique de vertu.
Les premiers Chrétiens furent persécutés pour des raisons d’État, de bien-être collectif. Et ils luttèrent pour le droit de la personne, chacun parce qu’il avait une âme personnelle. Ceux qui furent tués par Néron pour le sport étaient peu nombreux comparés à ceux qui furent condamnés à mort pour des raisons strictement « morales, » par des empereurs ultérieurs. Gilles de Retz, qui assassina des enfants pour satisfaire une perversion bestiale, n’en tua au total pas plus de cinquante ou soixante. Cromwell ordonna le massacre de trente mille personnes d’un coup, y compris des enfants, au nom de la vertu. Même les brutalités de Pierre le Grand avaient comme prétexte le but de bénéficier à ses sujets.
La guerre actuelle [la Deuxième Guerre Mondiale], qui a commencé avec un traité entre deux puissantes nations (la Russie et l’Allemagne), selon lequel elles pouvaient écraser leurs plus petits voisins avec impunité, ce traité ayant été rompu par une attaque surprise d’un des deux conspirateurs, aurait été impossible sans la puissance politique intérieure dont on s’était emparé, dans les deux cas, avec l’excuse de faire du bien à la nation. Les mensonges, la violence, les meurtres de masse furent pratiqués en premier lieu sur les peuples de ces deux nations par leur gouvernement respectif. On pourrait dire, et il se pourrait bien que ce soit vrai, que les détenteurs du pouvoir étaient dans les deux cas de vicieux hypocrites, que leur objectif conscient était le mal dès l’origine. Cependant, ils n’auraient pas pu arriver au pouvoir sans le consentement et l’assistance de braves gens. En Russie, le régime communiste a pris le pouvoir en promettant la terre aux paysans, dans des termes que ceux qui faisaient les promesses savaient être un mensonge. Une fois à la tête du pays; les communistes confisquèrent aux paysans la terre qu’il possédaient déjà et exterminèrent ceux qui voulurent résister. Ceci fut fait avec un plan et intentionnellement. Le mensonge fut salué comme de « l’ingénierie sociale » par leurs admirateurs socialistes d’Amérique. Si c’est de l’ingénierie, alors la vente d’une mine fantôme en est aussi. Toute la population de Russie fut soumise à la contrainte et à la terreur. Des milliers furent tués sans jugement. Des millions travaillèrent jusqu’à en mourir et moururent de faim en captivité. De même toute la population d’Allemagne fut soumise à la contrainte et à la terreur, avec des moyens identiques. Avec la guerre, les Russes dans les prisons allemandes et les Allemands dans les prisons russes n’endurent pas de destin pire ou différent de celui qu’un aussi grand nombre de leurs compatriotes ont connu chez eux du fait de leur gouvernement. S’il y avait une quelconque petite différence, ils souffrent plutôt moins de la vengeance d’ennemis déclarés que de la prétendue générosité de leurs compatriotes. Les nations vaincues de l’Europe, sous la botte russe ou allemande, font simplement l’expérience de ce qu’ont enduré les Russes et les Allemands pendant des années, sous leur propre régime national.
De plus, les principaux acteurs politiques au pouvoir en Europe, y compris ceux qui ont vendu leur pays à l’envahisseur, sont des socialistes, des ex-socialistes ou des communistes : des hommes dont le credo fut le bien collectif.
Avec ces faits pleinement démontrés, nous avons devant nous l’étrange spectacle d’un homme qui a condamné des millions de ses compatriotes à la famine et qui est admiré par des philanthropes dont le but déclaré est de voir chacun, dans le monde entier, recevoir son litre de lait. Un professionnel diplômé de la charité a parcouru la moitié du monde pour obtenir l’interview de ce maître du commerce et pour produire des écrits enthousiastes sur le fait d’avoir obtenu ce privilège. Pour garder leur emploi, dans le but avoué de faire le bien, des idéalistes similaires acceptent volontiers le soutien politique d’escrocs, de souteneurs avérés et de casseurs professionnels. Cette affinité de types se produit invariablement quand survient l’occasion. Mais quelle est cette occasion ?
Pourquoi la philosophie humanitaire de l’Europe du dix-huitième siècle a-t-elle inauguré le règne de la Terreur ? Ce n’est pas arrivé par hasard. Ce fut la conséquence de la prémisse originelle, de l’objectif et du moyen proposés. L’objectif est de faire le bonheur des autres en tant que justification première de l’existence. Le moyen est le pouvoir collectif. Et la prémisse est que le « bien » est collectif.
La racine de cette question est éthique, philosophique et religieuse, mettant en jeu la relation de l’homme avec l’univers, de la faculté créatrice de l’homme avec son Créateur. La divergence fatale se produit avec l’inaptitude à reconnaître la norme de la vie humaine. A l’évidence, il y a beaucoup de souffrance et de misère accompagnant l’existence. La pauvreté, la maladie et l’accident sont des possibilités qui peuvent être réduites au minimum mais qui ne peuvent pas être éliminées des hasards auxquels l’humanité est confrontée. Cependant, ce ne sont pas des conditions souhaitables, à provoquer ou à perpétuer. Les enfants ont naturellement des parents, tandis que la plupart des adultes sont en bonne santé pendant la plus grande partie de leur vie et ont une activité utile qui leur permet de vivre. Voila la norme et l’ordre naturel. Les malades sont marginaux. Ils ne peuvent être soulagés que par le surplus de la production : sinon rien ne pourrait être fait. On ne peut donc pas supposer que le producteur n’existe que pour le malade, le compétent pour l’incompétent, ni qui que ce soit autrui. (Le raisonnement logique, si on soutient qu’une personne vit uniquement pour une autre, a été tenu dans des sociétés à moitié barbares, lorsque la veuve ou les disciples d’un défunt étaient enterrés vivants dans sa tombe.)
Les grandes religions, qui sont aussi de grands systèmes intellectuels, ont toujours reconnu les principes de l’ordre naturel. Elles recommandent la charité la générosité comme des obligations morales, à remplir avec les surplus du producteur. Ce qui veut dire qu’elles les rendent secondaires vis-à-vis de la production, pour la raison implacable que rien ne peut être donné sans production. Par conséquent, elles prescrivent la règle la plus sévère, qui ne peut être acceptée que volontairement, à ceux qui désirent dévouer totalement leur vie aux travaux de charité, grâce à des dons. Ceci est toujours considéré comme une vocation spéciale, parce qu’il ne pourrait pas s’agir d’un mode de vie général. Comme l’aumônier doit obtenir des producteurs les fonds ou les biens qu’il distribue, il n’a aucune autorité pour commander : il doit demander. Quand il paye ses propres besoins avec de telles aumônes, il ne doit pas prendre plus que le minimum de subsistance. Comme preuve de sa vocation, il doit même renoncer au bonheur d’une vie de famille s’il veut entrer dans les ordres. Il ne doit jamais tirer de confort pour lui de la misère des autres.
Les ordres religieux ont tenu des hôpitaux, érigé des orphelinats, distribué de la nourriture. Une partie des dons était donnée sans condition, pour qu’il n’y ait pas d’obligation sous le manteau de la charité. Il n’est pas décent de dépouiller un homme de son âme en échange de pain. Il existe une grande différence entre la charité faite au nom de Dieu et celle faite selon des principes humanitaires ou philanthropiques. Si la malade était guéri, l’affamé nourri, les orphelins élevés jusqu’à ce qu’ils soient grands, c’était certainement bien, et le bien ne peut pas être calculé en simples termes physiques. Mais de telles actions avaient pour intention de dépanner les bénéficiaires pendant une période de détresse afin de les remettre si possible dans la norme. Si les malheureux pouvaient en partie subvenir à leurs besoins, c’était d’autant mieux. S’ils ne le pouvaient pas, le fait était reconnu. De plus, la plupart des ordres religieux faisaient l’effort d’être simultanément productifs, ce qui leur permettait de donner leur propre surplus, en plus de distribuer des donations. Quand ils effectuaient un travail productif, comme des constructions, un enseignement à un prix raisonnable, des travaux de ferme, ou des arts et des industries accessoires, les résultats étaient excellents, non seulement en ce qui concerne les produits particuliers, mais aussi pour les progrès de la connaissance et des méthodes avancées, de telle sorte qu’ils élevaient la norme du bien-être à long terme. Et il convient de noter que ces résultats durables découlaient de l’amélioration personnelle.
Qu’est ce qu’un être humain peut vraiment faire pour un autre ? Il ne peut lui donner que ses propres fonds et son propre temps, autant qu’il peut en avoir. Mais il ne peut pas accorder des facultés que la nature lui a refusé. Ni lui donner ses propres moyens de subsistance sans devenir dépendant lui-même. S’il gagne ce qu’il donne, il doit le gagner d’abord. Il a certainement le droit à une vie de famille s’il doit subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants. Il doit par conséquent mettre assez de côté pour que lui-même et sa famille continuent à vivre. Personne, même avec un revenu de dix millions de dollars par an, ne peut s’occuper de tous les nécessiteux du monde. Mais en supposant qu’il n’en ait pas les moyens personnels et qu’il imagine cependant pouvoir avoir comme but premier « d’aider les autres » au point d’en faire sa manière de vivre habituelle, comment peut-il s’en sortir ? On a publié des listes de cas les plus nécessiteux, certifiées par des fondations séculières charitables qui paient généreusement leurs propres membres. On a étudié les indigents, mais on ne les a pas soulagés. Avec les dons reçus par les fondations, leurs membres se payent en premier. C’est embarrassant, même pour la peau de rhinocéros du philanthrope professionnel. Mais comment esquiver l’aveu ? Si le philanthrope peut disposer des moyens du producteur, au lieu d’en demander une partie, il pourrait s’attribuer le bénéfice de la production, étant en position de dicter ses ordres au producteur.
Si l’objectif premier du philanthrope, sa raison de vivre, est d’aider les autres, son but ultime réclame que les autres soient dans le besoin. Son bonheur est la contrepartie de leur misère. S’il désire aider « l’humanité, » toute l’humanité doit être dans le besoin. L’humanitariste souhaite être l’élément moteur de la vie des autres. Il ne peut admettre ni l’ordre divin ni l’ordre naturel, dans lesquels les hommes ont le pouvoir de s’aider eux-mêmes. L’humanitariste se met à la place de Dieu.
Mais il est confronté à deux faits gênants : premièrement, le compétent n’a pas besoin de son aide et, deuxièmement, la majorité des gens, si elle n’est pas pervertie, ne veulent absolument pas que les humanitaristes leur « fassent du bien. » Lorsqu’on affirme que chacun doit d’abord vivre pour les autres, quel chemin particulier faut-il suivre ? Chaque personne doit-elle faire exactement ce que les autres lui demandent, sans limites ni réserves ? Et que se passe-t-il si plusieurs personnes ont des demandes conflictuelles ? Le projet est irréalisable. Peut-être ne doit-il faire que ce qui est véritablement « bon » pour les autres. Mais ces autres savent-ils ce qui est bon pour eux ? Non, c’est exclu parce qu’on retombe sur la même difficulté. A doit-il alors faire ce qu’il pense être bon pour B, et B ce qu’il pense être bon pour A ? Ou A ne doit-il accepter que ce qu’il pense être bon pour B et vice versa ? C’est absurde. Bien entendu, ce que propose au fond l’humanitariste est que lui fasse ce qu’il pense être bon pour tout le monde. C’est à ce point que l’humanitariste installe la guillotine.
Quel type de monde l’humanitariste considère-t-il comme lui laissant le champ libre ? Il ne peut s’agir que d’un monde rempli de soupes populaires et d’hôpitaux, dans lequel personne ne garderait son pouvoir naturel de subvenir à ses besoins ou de refuser les cadeaux qu’on lui fait. Et c’est précisément ce monde que l’humanitariste organise quand on le laisse faire. Quand un humanitariste désire que chacun ait son litre de lait, il est évident qu’il n’a pas le lait et qu’il ne peut pas le produire lui-même. Sinon pourquoi ne ferait-il que désirer ? De plus, s’il avait une quantité de lait suffisante pour accorder son litre à chacun, tant que les bénéficiaires potentiels peuvent produire et produisent effectivement leur lait, ils répondront : non merci. Comment, dès lors, l’humanitariste se débrouille-t-il pour qu’il puisse disposer de tout le lait à distribuer et pour que chacun en manque ?
Il n’y a qu’une solution et il s’agit de l’utilisation de la puissance politique dans sa pleine expression. Ainsi, l’humanitariste éprouve la plus grande satisfaction quand il visite ou entend parler d’un pays où la consommation de chacun est limitée par des cartes de rationnement. Quand les moyens de subsistance sont accordés au compte-gouttes, la situation désirée est obtenue : un besoin général et un pouvoir supérieur de le « soulager. » L’humanitariste avec sa théorie est comme le terroriste en action.
Les braves gens lui donnent le pouvoir qu’il demande parce qu’ils ont accepté sa prémisse erronée. Le développement de la science lui a donné une plausibilité trompeuse, avec l’augmentation de la production. Comme il y a assez pour tout le monde, pourquoi ne pas distribuer d’abord aux « nécessiteux, » le problème étant ainsi définitivement éliminé ?
Si on leur demande à cet instant comment définir le « nécessiteux, » à partir de quelle source et avec quel pouvoir les provisions seront faites pour lui, les personnes avec un grand coeur pourraient répondre avec indignation : « C’est chicaner. Restreignez la définition à ses limites les plus étroites, vous ne pouvez pas nier à ce minimum irréductible que l’homme qui a faim, est mal habillé et sans abri soit nécessiteux. La source de l’aide ne peut être que les moyens de ceux qui ne sont pas dans le besoin. Le pouvoir existe déjà : s’il peut y avoir un droit de taxer les gens pour l’armée, la marine, la police, les routes ou tout autre but, il doit certainement y avoir un droit prioritaire de taxer pour la préservation de la vie elle-même. »
Très bien. Prenons un cas particulier. A l’époque rude des années 1890, un jeune journaliste de Chicago était préoccupé des souffrances épouvantables des chômeurs. Il voulait croire que tout homme honnête voulant travailler pouvait trouver un emploi, mais il étudia quelque cas pour en être sûr. L’un d’eux était celui d’un jeune issu d’une ferme, où sa famille avait peut-être assez à manger mais qui manquait de tout le reste. Le garçon de ferme était venu à Chicago pour y chercher un emploi et aurait certainement accepté tout type de travail, mais il n’y en avait pas. En supposant qu’il ait pu mendier son billet retour, il y en avait d’autres qui était séparés de chez eux par la moitié d’un continent plus un océan. Ils ne pouvaient pas rentrer quel que soit leur propre effort, et on ne peut pas discuter de cela. Ils couchaient dans les ruelles, attendant les maigres rations de la soupe populaire, et souffraient beaucoup. Il y a une autre chose : parmi ces chômeurs se trouvaient des personnes, on ne peut pas dire combien, qui étaient exceptionnellement entreprenantes, douées ou compétentes. Et c’est ce qui les avait plongés dans cette crise. Ils s’étaient détachés de la dépendance à une époque particulièrement périlleuse et avaient couru un grand risque. Les extrêmes se côtoyaient parmi les chômeurs : les extrêmes de l’entreprise courageuse, de la malchance absolue, de la franche imprévoyance et de l’incompétence. Un forgeron travaillant près de Brooklyn Bridge et qui donna dix cents à un vagabond sans le sou ne pouvait pas savoir qu’il faisait une avance à l’immortalité, en la personne d’un futur Lauréat de la Poésie d’Angleterre. Ce vagabond était John Wasefield. Ce qui montre que les nécessiteux ne sont pas obligatoirement « sans mérite. » Il y avait aussi dans ce pays, dans des zones de sécheresse ou infestées d’insectes, des gens qui étaient dans une grande misère et qui seraient littéralement mortes de faim sans l’assistance. Ils ne recevaient pas beaucoup, et encore des choses au petit bonheur. Mais tout le monde s’en sortait, ce qui conduisait à un rétablissement spectaculaire de tout le pays.
Au passage, il y aurait eu une bien plus grande misère, au lieu d’une simple pauvreté, sans les aides du voisinage qu’on n’appelait pas charité. Les gens ont toujours beaucoup donné quand ils possédaient. C’est un réflexe humain sur lequel joue l’humanitariste pour poursuivre son propre but. Qu’y a-t-il de mal à institutionnaliser cet élan naturel au sein d’une agence politique ?
A nouveau très bien. Le garçon de ferme a-t-il fait quelque chose de mal en quittant la ferme, où il avait assez à manger, pour aller à Chicago afin d’essayer d’y trouver un travail ?
Si la réponse est oui, alors il faudrait un pouvoir légitime qui lui interdise de quitter la ferme sans permission. La puissance féodale l’a fait. Elle ne pouvait empêcher les gens de mourir de faim : elle ne pouvait que les obliger à mourir là où ils étaient nés.
Mais si la réponse est non, le garçon n’a rien fait de mal, il avait le droit de prendre sa chance. Que faudrait-il alors faire pour qu’il ne soit pas dans une triste situation quand il arrive à la destination choisie ? Doit-on fournir un emploi à toute personne quel que soit l’endroit où elle choisit d’aller ? C’est absurde. Ce n’est pas faisable. A-t-il le droit à l’assistance partout où il va, aussi longtemps qu’il choisit d’y rester. La demande serait illimitée : aucune production n’y suffirait.
Et qu’en est-il des personnes qui ont été appauvries par la sécheresse : ne pourraient-elles pas recevoir une aide politique ? Il doit pourtant y avoir des conditions. Doivent-elles bénéficier de l’assistance aussi longtemps qu’elles se trouvent dans le besoin, en restant où elles sont ? (On ne peut leur payer un voyage indéfini.) C’est tout simplement ce qui a été fait dans les dernières années. Et les bénéficiaires reçurent l’aide pendant sept années dans un cadre sordide, en gaspillant au passage temps, travail et grains de blé dans le désert.
La vérité est que ceux qui s’y opposent le plus aujourd’hui adopteraient volontiers l’une des méthodes proposées pour prendre soin des demandes et des misères marginales de la vie humaine en faisant porter un fardeau permanent sur la production, si c’était praticable. Il s’y opposent parce que c’est impraticable du fait de la nature des choses. Ce sont des gens qui ont déjà imaginé tous les remèdes partiels possibles, comme par exemple l’assurance privée, et ils savent exactement quel est le piège, parce qu’ils s’y heurtent quand ils essaient d’assurer des provisions pour leur propre famille.
L’obstacle insurmontable est qu’il est absolument impossible de retirer quoi que ce soit de la production avant d’assurer son maintien.
S’il était vrai que les producteurs en général, les industriels et les autres avaient des coeurs d’acier et ne s’occupaient en rien des souffrances humaines, il serait cependant toujours plus pratique pour eux que la question de l’aide à tous les types de misère, que ce soit le chômage, la maladie ou la vieillesse, soit réglée une fois pour toute, afin qu’ils n’en entendent plus parler. On les attaque toujours à ce sujet, ce qui double leurs difficultés quand l’industrie traverse une dépression. Les politiciens récoltent des votes à partir de la détresse, les humanitaristes mettent en place des postes lucratifs d’employés de bureau pour eux-mêmes, pour distribuer les fonds d’aide. Seuls les producteurs, qu’ils soient capitalistes ou travailleurs, reçoivent les injures et doivent payer la note.
La difficulté se verra mieux avec un exemple concret. Supposons qu’un homme, possédant une affaire prospère et saine avec une bonne gestion depuis longtemps, désire faire en sorte que sa famille en bénéficie indéfiniment. Comme propriétaire, il peut tout d’abord leur donner des titres obligataires rapportant un certain montant, disons 5000 dollars par an pour une entreprise qui rapporte 1000 000 dollars de bénéfices nets annuels. C’est le mieux qu’il puisse faire. Et si jamais son affaire n’arrive pas à générer 5000 dollars de profits nets, sa famille n’aura pas l’argent et c’est tout. Ils peuvent mettre l’entreprise en faillite et récupérer les avoirs, mais ceux-ci peuvent alors ne plus rien valoir du tout. On ne peut pas retirer quoi que ce soit de la production avant d’assurer son maintien.
Par ailleurs, bien sûr, sa famille peut hypothéquer les obligations et les donner en « gestion » à un ami « bénévole » – une chose qui est connue pour se pratiquer – et ils ne reverront pas l’argent. C’est ce qui arrive avec les oeuvres de charité organisée qui ont des dotations. Elles soutiennent un grand nombre de bons amis dans des emplois de planqués.
Mais que se passerait-il si l’homme d’affaire, sous le coup de la générosité, décidait que sa femme et sa famille auront un compte ouvert sur les fonds de sa compagnie, et pouvait en retirer autant d’argent qu’ils le souhaitent. Il pourrait être persuadé, en toute innocence, que la somme ne dépassera pas un petit pourcentage, pour répondre à des besoins raisonnables. Mais le jour pourrait venir où le caissier devra annoncer à l’heureuse épouse qu’il n’y a pas d’argent pour honorer son chèque. Avec un tel arrangement, il est certain que ce jour arriverait assez vite. En tout cas, c’est quand la famille aura le plus besoin d’argent que l’affaire rapportera le moins.
Mais la procédure serait complètement folle si l’homme d’affaires donnait à une tierce partie le pouvoir irrévocable de prendre dans les fonds de la compagnie autant qu’elle le désire, avec uniquement la conviction sans obligation que la tierce partie soutiendra sa famille. Et c’est à ceci que revient la proposition de prendre soin du nécessiteux par des moyens politiques. Elle donne aux politiciens le pouvoir de taxer sans limites, et il n’y a absolument aucune façon d’assurer que l’argent ira là où il est censé aller. En tout cas, l’entreprise ne supportera pas une telle saignée illimitée.
Pourquoi les personnes au grand coeur en appellent-elles au pouvoir politique ? Elles ne peuvent pas nier que les moyens pour soulager les maux doivent venir de la production. Mais elles répondent qu’il y en a assez. Elles doivent aussi supposer que les producteurs ne veulent pas donner ce qui est « juste. » De plus, elles supposent qu’il existe un droit collectif d’imposer des taxes, pour tout but que le collectif détermine. Elles localisent ce droit dans le « gouvernement, » comme s’il avait une existence autonome, en oubliant l’axiome américain qui dit que le gouvernement n’existe pas en lui-même mais est institué par des hommes pour des buts limités. Le contribuable lui-même espère une production de l’armée, de la marine ou de police. Il utilise des routes. Ainsi, son droit à insister pour limiter les impôts est évident. Le gouvernement n’a pas de « droits » en la matière, uniquement une autorité déléguée.
Mais si les taxes sont imposées pour l’assistance, qui va juger de ce qui est possible ou bénéfique ? Ce doit être soit les producteurs, soit les nécessiteux, soit un troisième groupe. Dire que ce doit être les trois ensemble n’est pas une réponse : le verdict doit être obtenu de la majorité ou de la pluralité issue de l’un ou l’autre groupe. Les nécessiteux vont-ils se voter tout ce qu’ils veulent ? Les humanitaristes, le troisième groupe, vont-ils voter eux-mêmes le contrôle des producteurs et des nécessiteux ? (C’est ce qu’ils ont fait.) Le gouvernement est ainsi supposé avoir le pouvoir de donner la « sécurité » aux nécessiteux. Il ne peut pas le faire. Ce qu’il fait, c’est confisquer les réserves faites par des personnes privées pour leur propre sécurité, privant ainsi tout le monde de l’espoir de la sécurité. Il ne peut rien faire d’autre, s’il veut agir. Ceux qui ne comprennent pas la nature de l’action sont comme des sauvages qui couperaient un arbre pour obtenir le fruit : ils ne prennent pas en compte le temps et l’espace, comme le font les hommes civilisés.
Nous avons vu le pire qui puisse arriver quand il y a uniquement une assistance privée et des indemnités de chômage municipales improvisées et d’un caractère temporaire. Les dons privés non organisés sont aléatoires et sporadiques : ils n’ont jamais été capables d’empêcher totalement la souffrance. Mais ils ne perpétuent pas non plus la dépendance de ses bénéficiaires. C’est la méthode du capitalisme et de la liberté. Elle implique des périodes d’amélioration et de détérioration extraordinaires, mais ses améliorations ont toujours été plus grandes à chaque fois, et de plus longue durée que ses détériorations. Dans les périodes de plus grande misère, il n’y a pas eu de réelles famines, de désespoir absolu, mais un certain mélange de colère, d’optimisme actif ainsi que d’une foi certaine en des jours meilleurs à venir, ce que la suite a justifié. Des dons privés non officiels et sporadiques ont effectivement servi ce but. Cela a fonctionné, même si c’est de manière imparfaite.
D’un autre côté, que peut faire la puissance politique ? Un des prétendus « abus » du capitalisme a été l’usine. Des immigrants sont venus en Amérique, sans le sou, ne connaissant pas la langue et sans qualification. On leur payait de bas salaires, ils travaillaient de longues heures dans des taudis et on disait qu’ils étaient exploités. Pourtant, mystérieusement, ils ont amélioré leur condition au fil du temps : la grande majorité a obtenu le confort et une certaine richesse. Le pouvoir politique aurait-il pu fournir des emplois lucratifs à tous ceux qui désiraient venir ? Bien sûr qu’il ne le pouvait et qu’il ne le peut pas. Néanmoins, les braves gens ont réclamé du pouvoir politique un allègement du sort difficile de ces nouveaux venus. Qu’est ce qu’a fait le pouvoir ? Sa première exigence a été de demander que chaque nouvel immigrant apporte avec lui une certaine somme d’argent. Ce qui veut dire qu’il a supprimé le seul espoir des étrangers les plus nécessiteux. Plus tard, quand, en Europe, le pouvoir politique avait réduit la vie à un lugubre enfer, mais qu’un grand nombre de personnes avaient économisé la somme requise pour l’admission en Amérique, le pouvoir politique a simplement réduit les critères d’admission en instituant un quota. Plus le besoin est désespéré, moins grande est la chance que le pouvoir politique puisse les admettre. Des millions d’Européens ne seraient-ils pas heureux et reconnaissant s’ils avaient la toute petite chance que l’ancien système leur offrait, en lieu et place des bagnes, des cellules de torture, des abominables humiliations et de la mort violente ?
L’employeur de l’usine n’avait pas un grand capital. Il risquait le peu qu’il avait en employant des gens. Il fut accusé de leur faire un grand mal et son affaire montrée comme un exemple de la brutalité intrinsèque du capitalisme.
L’agent politique est assez bien payé et bénéficie d’un emploi permanent. Ne risquant rien lui-même, il reçoit sa paie pour renvoyer des gens désespérés aux frontières, comme quand des hommes se noyant étaient repoussés des flancs d’un bateau bien approvisionné. Que pourrait-il faire d’autre ? Rien. Le capitalisme a fait ce qu’il pouvait. Le pouvoir politique fait ce qu’il peut. Notons au passage que le bateau était construit et équipé par le capitalisme.
A propos du philanthrope privé et du capitaliste privé agissant en tant que tels, prenons le cas d’un homme véritablement dans le besoin, qui n’est pas handicapé, et supposons que le philanthrope lui donne de la nourriture, des vêtements et un abri – quand il en a bénéficié, il est dans la même situation qu’auparavant, sauf qu’il peut avoir acquis l’habitude de la dépendance. Mais supposons que quelqu’un sans aucun motif généreux décide d’employer le nécessiteux contre salaire. L’employeur n’a pas fait une bonne action. Pourtant, la condition de l’employé a en réalité bien changé. Quelle est la différence entre ces deux actions ?
C’est que l’employeur non philanthrope a ramené l’homme vers le circuit de production, le grand circuit de l’énergie. Alors que le philanthrope ne peut que détourner de l’énergie de telle façon qu’il ne puisse pas y avoir de contrepartie produite, et donc moins de probabilités pour que l’objet de sa sollicitude trouve un emploi.
C’est la raison profonde, rationnelle, pour laquelle les êtres humains fuient l’assistance et détestent le mot même. C’est aussi la raison pour laquelle ceux qui effectuent des travaux de charité avec une véritable vocation font de leur mieux pour qu’elle soit marginale et abandonne joyeusement l’occasion de « faire le bien » au profit de toute chance qui se présente au bénéficiaire de travailler selon des termes à moitié acceptables. Ceux qui ne peuvent pas éviter d’aller à l’assistance ressentent et montrent les conséquences par leur attitude physique : ils sont coupés des ressorts vivants de l’énergie autorégénératrice et leur vitalité diminue.
La conséquence, si les philanthropes déterminés les gardent assez longtemps sous assistance, a été décrite par un agent d’assistance. Au début, les « clients » acceptent à contrecoeur. « Tout change en quelques mois. Nous découvrons que le gars qui voulait juste assez pour être dépanné s’était installé naturellement dans une vie d’assistanat. » L’agent d’assistance qui racontait cela vivait lui-même « naturellement de l’assistance. » Mais il était situé à un degré bien plus bas que son client, en cela qu’il ne voyait même pas sa propre condition. Pourquoi était-il capable de fuir la vérité ? Parce qu’il pouvait se cacher derrière un motif philanthropique. « Nous aidons à empêcher la famine et essayons de faire en sorte que ces gens disposent d’un abri et d’une couche. » Si l’on demandait à l’agent : produisez-vous la nourriture, construisez-vous l’abri, ou sortez-vous l’argent de vos revenus pour les payer, il ne verrait pas que cela puisse faire une différence. On lui a appris que c’était juste de « vivre pour les autres, » pour des « buts sociaux » et pour des « gains sociaux. » Tant qu’il peut croire qu’il le fait, il ne se demandera pas ce qu’il fait nécessairement à ces autres, ni d’où doivent venir les moyens pour les aider.
S’il fallait faire la liste complète de tous les philanthropes sincères, depuis le début des temps, on trouverait que tous ensemble, avec leurs activités philanthropiques, n’ont jamais apporté à l’humanité le centième des bénéfices qui ont découlé des efforts normalement intéressés de Thomas Alva Edison, pour ne pas parler des grands esprits qui ont élaborés les principes scientifiques qu’Edison a appliqué. D’innombrables penseurs spéculatifs, inventeurs et organisateurs ont contribué au confort, à la santé et au bonheur de leurs semblables – parce que ce n’était pas leur objectif. Quand Robert Owen essaya de diriger une entreprise avec pour but une production efficace, le procédé améliora au passage certains caractères très peu prometteurs de ses employés, qui vivaient de l’assistance et s’étaient méchamment avilis. Owen gagnait de l’argent pour lui-même, et, pendant qu’il le faisait, il lui vint à l’idée que si de meilleurs salaires étaient payés, la production pourrait être augmentée, ayant créé son propre marché. C’était raisonnable et vrai. Mais Owen commença à avoir des ambitions humanitaires, à vouloir faire le bonheur de tout le monde. Il rassembla un tas d’humanitaristes dans une colonie expérimentale. Ils avaient tous tellement l’intention de faire le bien des autres que personne n’entreprit le moindre brin de travail : la colonie disparut avec aigreur. Owen en fut brisé et mourut légèrement fou. Ainsi, les principes importants qu’il avait entrevus devaient attendre un siècle avant d’être redécouverts.
Le philanthrope, le politicien et le souteneur finissent toujours par s’allier, parce qu’ils ont les mêmes motifs, poursuivent les mêmes buts, afin de vivre pour, grâce et par les autres. Et les braves gens ne peuvent pas être exonérés du soutien qu’ils leur apportent. On ne peut pas non plus croire que les braves gens soient totalement inconscientes de ce qui se passe vraiment. Mais quand elles savent, comme elles le savent certainement, que trois millions de personnes (estimation basse) sont mortes de faim en une année à cause des méthodes qu’elles préconisent, pourquoi continuent-elles à fraterniser avec les assassins et à soutenir leurs mesures ? Parce qu’on leur a dit que la mort lente de ces trois millions pourrait finalement bénéficier à un plus grand nombre. Le même argument s’applique tout aussi bien au cannibalisme.
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