Les effets pervers du contrôle des loyers

Pour détruire une ville, quelle est la meilleure façon de faire : la bombarder ou simplement y imposer un contrôle des loyers ? Certains économistes affirment que les deux solutions sont équivalentes.

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Les effets pervers du contrôle des loyers

Publié le 19 mars 2012
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Quelle est la meilleure façon de détruire une ville : la bombarder ou simplement y imposer un contrôle des loyers ? Certains économistes affirment que les deux solutions sont équivalentes. 

Par Art Carden (*), Memphis, Tennessee, États-Unis.

« Je souhaite bloquer les loyers qui sont supérieurs de 20% à la moyenne au moment de la relocation. » — Nicolas Sarkozy

« Pour stopper l’envolée des loyers, nous plafonnerons leur montant lors de la première location ou à la relocation, notamment dans les zones de spéculation immobilière. » — François Hollande

« On calcule la moyenne des loyers d’un bassin
et l’on ne permet à personne d’être au-dessus. » — Jean-Luc Mélenchon

« Je souhaite procéder à un audit des organismes publics de l’habitat
afin de vérifier que les règles concernant le surloyer sont bien appliquées. » — Marine Le Pen

« Je propose un moratoire sur les loyers pendant au moins trois ans » — Eva Joly

« On fait une moyenne par ville. On autorise la liberté de fixation des loyers – il ne faut pas revenir à un système trop rigide – et, dans le même temps, on fixe un plafond de 20 ou 30% au-dessus de la moyenne par ville par exemple, qui ne pourra pas être dépassé. — Nicolas Dupont-Aignan

Ont signé le « contrat social » de la Fondation Abbé Pierre engageant à « encadrer les loyers du parc privé en mettant en place un système (…) pour établir des prix et des augmentations modérées » : François Bayrou, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Eva Joly.

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Imaginons que vous vouliez détruire une ville. Quelle serait la meilleure solution : la bombarder ou simplement y imposer un contrôle des loyers ? La réponse semble évidente, mais certains économistes affirment que les deux sont équivalentes. Lorsque le prix des loyers est maintenu en dessous du niveau d’équilibre du marché, les pénuries apparaissent et le parc immobilier se détériore rapidement.

Ceux qui défendent le contrôle des prix le font souvent sur la base de leurs opinions sur la justice distributive. Ils estiment qu’il n’est pas juste que quelqu’un qui a vécu quelque part toute sa vie soit contraint de quitter son quartier pour des raisons de prix, ni que les gros propriétaires profitent de loyers élevés simplement parce que beaucoup de gens veulent vivre à New York et San Francisco. La proposition de contrôler les loyers repose typiquement sur l’hypothèse qu’un niveau d’activité économique constant va se maintenir, mais une distribution différente va se produire. Autrement dit, le même nombre de logements va être fourni, et ils vont être fournis aux mêmes personnes, avec la même qualité. La seule différence, à en croire les défenseurs du contrôle des loyers, sera que le malheureux locataire n’aura pas à remplir les poches du propriétaire. Tout changement dans la taille du parc immobilier est ensuite vu comme une absence de moralité de la part du propriétaire.

À en croire les défenseurs du contrôle des loyers, les propriétaires profitent des hauts loyers sans travailler. Ils restent juste assis là, à attendre que les prix augmentent. Un immeuble peut être utilisé de nombreuses façons. Il peut servir pour le logement locatif. Il peut servir comme copropriété. Il peut servir comme espace de bureaux. Il peut être démoli, et le terrain utilisé pour l’agriculture. Les prix nous indiquent quel est l’usage de l’immeuble et du terrain le plus utile. La mise en place de lois sur le contrôle des loyers distord ce signal.

La réalité du contrôle des loyers est différente de ce que ses défenseurs prévoient. Un article d’Eileen Norcross du Mercatus Center, publié le 13 septembre 2008 dans le Wall Street Journal, traite du contrôle des loyers à New York City, en suggérant que c’est une expérience qui mérite d’être répétée. Norcross évoque les logements occupés par le Représentant de New York, Charles Rangel. M. Rangel « occupe quatre appartements au loyer stabilisé dans un immeuble huppé de New York City. » Il en utilise trois pour vivre et utilise le quatrième comme bureau. Du fait de la stabilisation des prix, il est impossible de savoir si ces appartements auraient pu être utilisés pour loger plusieurs familles à la place. Cela permet à M. Rangel d’utiliser des ressources de valeur, à des prix inférieurs au marché, au détriment de potentiels habitants de New York City.

Norcross indique qu’il y a à New York City 43 317 appartements sous l’égide des lois de contrôle des loyers de 1947 et 1 043 677 unités au « loyer stabilisé » ; au total, elle explique que cela représente environ 70% du parc immobilier de New York. À l’origine, le contrôle des loyers était un programme temporaire visant à aider la population à trouver des logements à New York pendant la Seconde Guerre Mondiale sans payer des loyers exorbitants. De nos jours, plus de soixante ans après la fin de la guerre, le contrôle des loyers domine toujours le marché.

À l’apogée du débat visant à déterminer lequel du capitalisme ou du socialisme était la façon la plus productive d’organiser une société, Ludwig von Mises affirmait que l’intervention de l’État engendrait inexorablement l’intervention de l’État. Lorsque les loyers sont maintenus en dessous du niveau d’équilibre du marché, des logements locatifs sont retirés du marché ou convertis en copropriétés, en appartements de luxe, ou en bureaux. Des pratiques comme le « pas-de-porte » peuvent également émerger, où le loyer est maintenu artificiellement bas, mais le propriétaire demande des frais exorbitants pour la location de la clé de l’appartement. D’autres propriétaires entreprenants ont tenté de contourner la restriction en fournissant des appartements « meublés », pour lesquels le locataire doit payer le loyer contrôlé mais doit aussi payer un prix majoré pour louer les meubles.

Les fonctionnaires du gouvernement et les propriétaires se retrouvent dans un jeu sans fin du chat et de la souris par régulations et contournements qui a maintenant sa propre administration avec la New York City Housing Court. Cette cour dispose de cinquante juges et traite plus de trois cent mille affaires chaque année.

Le contrôle des loyers élimine également toute incitation pour les propriétaires à entretenir le parc immobilier. Dans une situation de contrôle des loyers, les gens font la queue pour obtenir un logement, ce qui permet aux propriétaires de choisir ceux qui se contentent des plus maigres prestations. Éliminer la possibilité pour le propriétaire de profiter du retour sur investissement pour augmenter la qualité du logement signifie éliminer l’incitation pour le propriétaire d’investir dans son plus basique entretien.

Finalement, qu’est-ce qui est pire, le contrôle des loyers ou les bombardements ? Sur le site du Mises Institute, on peut trouver une conférence en vidéo de l’économiste Joseph Salerno de la Pace University. Dans celle-ci, il se livre à un exercice visuel convaincant. Il présente à son auditoire des photos de zones urbaines détruites et demande si ces zones ont été touchées par le contrôle des prix ou si elles ont été bombardées. Il est difficile de répondre, et le manque de différence suggère une ironie tragique mais prédictible. Quand une ville est bombardée, elle est détruite par des gens qui ont de mauvaises intentions. Quand une ville est victime du contrôle des loyers, elle est détruite par des gens qui ont de bonnes intentions.

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Article original titré « The Unintended Consequences of Rent Control » et publié le 05.08.2009 sur le site du Mises Institute.
Traduction : Geoffrey B. pour Contrepoints.

(*) Art Carden est professeur assistant d’économie au Rhodes College de Memphis, Tennessee.

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