L’entretien du président Macron à TFI le 24 juillet 2023, à l’occasion de son déplacement en Nouvelle Calédonie, est l’occasion de jeter un coup d’œil libéral sur la géopolitique du Pacifique.
Macron parle ouvertement de la « projection de la France » dans le Pacifique. Or, d’habitude, les dirigeants politiques ne le font pas en ces termes et à juste raison : ils savent que ce n’est pas démocratique, que les intérêts géopolitiques d’un État sont différents des intérêts des citoyens.
Pour ne pas nuire au libre marché, le rôle d’un État devrait être de « laisser faire, laisser passer », c’est-à-dire de permettre la liberté du commerce national et international aux entreprises et aux individus, dans un environnement de droit. Parler de projection de pouvoir de l’État, comme le fait Macron, ne fait rien pour faciliter le commerce des îles françaises du Pacifique, ce qui aurait été le rôle d’un État au moins théoriquement au service de la société.
Pour le gouvernement français, il ne s’agit pas du tout de commerce mais de géopolitique, de contrer l’influence de la Chine, car celle-ci est maintenant considérée officiellement comme un rival stratégique par l’Union européenne, qui s’aligne ainsi avec Washington. Ce n’est évidemment pas un hasard si la visite de Macron en Nouvelle Calédonie a eu lieu en même temps que la tournée du Pacifique du secrétaire d’État américain Anthony Blinken. Il est alors difficile pour Macron de prétendre que la France « mène des opérations de souveraineté » dans le Pacifique.
Macron dit que la zone indopacifique est « un espace soumis à toutes les tensions » et alerte sur les « nouveaux impérialismes », sans explications ultérieures. Ce manque de clarté en s’adressant à ses élus reflète à nouveau le fait que pour les dirigeants politiques, les affaires internationales ne concernent pas le peuple.
Il faut supposer que ces « impérialismes » proviennent de la Chine et de la Russie. Mais est-ce sage, pour la bonne entente entre les pays, d’évoquer des actions « impérialistes », et publiquement qui plus est ? Ce mot est fort, plein de résonances historiques, surtout pour les Chinois. Non seulement son utilisation est une accusation à peine voilée à l’encontre de ces deux pays, mais il n’a pas un grand fond de vérité.
En quoi la Russie et la Chine sont-elles « impérialistes » dans le Pacifique ?
Il faut au contraire rappeler que ce sont les États-Unis qui contrôlent une grande partie du Pacifique, y possédant de nombreux territoires, et que beaucoup d’îles juridiquement indépendantes de cet océan ne le sont pas de facto. Les États-Unis se sont longtemps considérés les maîtres du Pacifique, depuis leur prise de contrôle du royaume indépendant de Hawaï en 1893, et surtout après la victoire sur les Japonais en 1945.
Un objectif important aujourd’hui des États-Unis est de tenter de maintenir leur primauté sur cette région indopacifique.
En effet, avec les possessions françaises de leur allié, le Pacifique est une zone contrôlée géopolitiquement par les États-Unis, et quelque atteinte réelle ou perçue à ce contrôle provoque des réactions très exagérées à Washington.
Par exemple, après l’accord de sécurité signé en 2022 entre les Îles Solomon et la Chine, la Maison Blanche a déclaré « qu’il y avait des implications potentielles de l’accord sur la sécurité régionale, y compris pour les États-Unis et leurs alliés et partenaires […] Si des mesures sont prises pour établir une présence militaire permanente de facto, des capacités de projection de puissance ou une installation militaire […] les États-Unis auraient alors des préoccupations importantes et réagiraient en conséquence. ».
Pour mettre les choses en perspective, il faut noter que les îles Solomon sont un pays indépendant à presque 10 000 km de la côte Ouest des États-Unis… De plus, le président Biden n’avait-il pas dit que « les nations ont droit à la souveraineté et à l’intégrité territoriale. Ils ont la liberté de tracer leur propre chemin et de choisir avec qui ils s’associeront. » ?
Mais qui connaît la politique étrangère américaine, sait que cela n’a aucun ancrage dans la réalité.
L’État fédéral des USA est traditionnellement incapable et peu intéressé à permettre des investissements américains dans les infrastructures de ces États pacifiques. Il investit plutôt des millions de dollars par an par le biais d’organisations telles que le National Endowment for Democracy (NED) pour manipuler sa politique interne, son espace médiatique et même son système éducatif. C’est exactement ce qui s’est passé en Ukraine par exemple, et dans bien d’autres pays, avec le plus souvent des résultats désastreux.
En revanche, la Chine offre des opportunités économiques et de développement évidentes pour ces petits pays pacifiques qui pourraient donc facilement la choisir comme partenaire commercial principal, si les Occidentaux, dont la France, étaient simplement fidèles à leurs propres déclarations de non-ingérence. De plus, dans l’esprit de la politique officielle de multipolarité adoptée très publiquement par la Chine, les gouvernements de ces petits pays n’ont pas besoin d’un alignement politique ou idéologique avec Pékin, les accords économiques suffisent. C’est par exemple la même logique pour les nombreux pays impliqués dans le projet chinois de « Nouvelle Route de la Soie » et dans des projets d’investissement chinois en Afrique.
De la même manière, les îles françaises du Pacifique pourraient donc certainement aussi bénéficier de relations économiques plus proches avec la Chine. Il n’y a aucune raison que l’influence commerciale chinoise ne soit pas permise (sic) d’augmenter en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française, pour le bien de la société locale.
D’un point de vue libéral, Macron ferait donc mieux de soutenir une indépendance accrue de la France envers les États-Unis, et de se préoccuper davantage du bien-être de la société française, aussi bien en métropole que dans le Pacifique. Ce n’est pas dans l’intérêt de la France d’avoir un chef d’État qui joue à l’apprenti géopoliticien contre la Chine, tout en se cachant derrière les jupons des États-Unis. Le commerce français ne doit pas être artificiellement entravé, et doit avoir le droit de se développer avec la Chine si elle le souhaite – bien sûr, tout en veillant au droit et à la sécurité.
Il en va de la souveraineté et du succès économique futur de la France dans tous ses territoires.
Cet article reprend quand-même mot pour mot tous les éléments de langage de la communication officielle chinoise : la Chine n’a jamais pratiqué l’impérialisme alors que les États-Unis ont une longue histoire de ce côté, la Chine ne cherche que le commerce mutuellement profitable, etc.
Si l’impérialisme des États-Unis ne fait pas de doute – bien qu’étant historiquement un peu plus subtil que ce qui est décrit ici -, le « pacifisme » de la Chine n’est par contre pas garanti, le problème de ce pays étant qu’il dépend entièrement des objectifs de la personne qui dirige le parti (en général, un homme, les femmes sont plutôt rares dans les instances dirigeantes du Parti). L’objectif assumé du dirigeant actuel est que la Chine soit en 2049 la première puissance mondiale et ait retrouvé ses frontières « historiques » (en pratique, il s’agit des frontières du pays pendant la dynastie Qing, à l’époque de l’extension maximale de l’empire). Parlez aux taïwanais, aux tibétains ou aux indiens du fait que la Chine est pacifique et n’a aucune tradition impérialiste, leur réaction pourrait vous surprendre… À noter que ce point a évolué après la mise au pas de Hong Kong, je suis convaincu que si le leader suprême actuel avait respecté les institutions issues de l’accord de rétrocession, les taïwanais aurait fini par voter en faveur de leur rattachement au continent…
Ne pas oublier non plus que le « doux commerce » avec la Chine commence par des rachats d’infrastructures critiques, puis le remplacement des salariés locaux pas assez dociles par des salariés chinois, pour aboutir finalement à un noyautage de la zone, les pays d’Afrique qui ont accepté l’aide « désintéressée » de la Chine s’en mordent les doigts actuellement.
Il fallait le dire
La Chine investit dans les petits pays pour leur faire plaisir. Jamais je n’ai entendu autant de bêtises (et le mot est faible) dans un article. On devrait donc demander à la Chine de venir investir en France sans contre partie, comme elle le fait si bien en Afrique et dans le monde. C’est vrai, visiblement Macron n’a rien compris mon pauvre Monsieur.
D’ailleurs, les Kanaks, eux, avaient tout compris : ils voulaient que la Chine remplace la France sur leur cailloux ; comme les pays du sahel avec Wagner et le Russie. C’est sûr que les Chinois, très écolos, auraient pris soin de ne pas polluer l’île et respecté le droit coutumier des Kanaks ; comme celui des Ouïghours.
Je pense qu’on devrait même leur donner la Corse.
Tous les Etats sont des monstres froids , Macron est en totale contradiction dans ses paroles ,la Nouvelle Calédonie ne sera jamais chinoise ( il suffit de regarder une carte ) , pour l’instant les américains. tolèrent notre présence … au cas ou la France disparaitrait du paysage austral ,le porte avion NC serait mis sur orbite de l’oncle Sam avec les australiens (‘ou pas .) . Les grandes théorie libérales s’effaceront toujours devant les interêts des Puissants du moment . Nous vivons un de ces moments clefs de l histoire ou, l’Empire dominant , voit sa suprématie remise en cause , donc , le sort des populations du pacifique s’inscrit dans ce mouvement , pas dans de théories libérales
Pour ma part, je trouve intéressante cette analyse qui change un peu des sentiers battus et incite à la réflexion.
De mon côté, je n’ai rien contre le fait de trouver un article déployant une telle rhétorique ici, je pense que toutes les opinions doivent pouvoir être exprimées.
Il n’empêche que cet article reproduit fidèlement la position officielle du PCC sur les problèmes géopolitiques mondiaux : « l’impérialisme des États-Unis est la cause unique de tous les maux de la planète, par opposition à la Chine dont les intentions sont parfaitement pures ». L’essentiel, pour pouvoir en faire une lecture critique, c’est d’en être conscient.
Les commentaires sont fermés.