Des petits pas pour l’IA mais des bouleversements géants pour l’humanité

Bien que l’IA puisse offrir des avantages considérables dans des domaines tels que la médecine, la capacité à maîtriser les processus de repliement des protéines comporte également des risques potentiels.

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Des petits pas pour l’IA mais des bouleversements géants pour l’humanité

Publié le 19 avril 2023
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Depuis le 30 novembre dernier, l’homme de la rue, ou, disons, l’internaute moyen a pu découvrir une version grand public de l’intelligence artificielle, avec un étonnant assistant de dialogue, chatGPT. Depuis – et alors que cet événement ne s’est produit que quatre mois en arrière – des avancées considérables sont enregistrées dans tous les domaines de l’intelligence artificielle…

On pourrait ainsi mentionner les bénéfices obtenus dans des domaines scientifiques très pointus en utilisant l’intelligence artificielle, comme notamment son application au calcul du repliement de protéines. En effet, depuis 2018, l’intelligence artificielle est utilisée dans le cadre de AlphaFold pour aider au calcul de la façon dont les acides aminés vont s’assembler et se stabiliser pour former une protéine.

Traditionnellement (et depuis la fin des années 1970), ce repliement était calculé en évaluant notamment les forces de Van der Waals entre les différentes parties de la structure moléculaire en cours de stabilisation, ce qui entraînait rapidement des calculs extrêmement complexes et longs. La simulation in silico de ce repliement par cette méthode, particulièrement gourmand en force de calcul, a cependant été remplacée récemment par l’utilisation de l’intelligence artificielle qui permet d’obtenir des résultats stupéfiants (de meilleure qualité dans un temps considérablement plus court), qualifiés même de révolutionnaires en ce qu’ils permettent, trois ans plus tard, d’obtenir des résultats en quelques secondes : les scientifiques peuvent alors simuler des dizaines de repliements par jour et augmenter phénoménalement la quantité de test in vivo aptes à déterminer les protéines capables de fournir une réponse souhaitée.

Avec AlphaFold, il devient par exemple possible de réaliser des médicaments sur mesure, ou de modifier la structure génétique de certaines bactéries : pour le meilleur, par exemple amener et distribuer certaines substances spécifiques dans les cellules pour guérir de toutes sortes de maladies, et pour le pire puisqu’on peut fort bien s’en servir pour développer de nouvelles fonctions dangereuses inconnues dans la nature. Tout comme la maîtrise de l’atome, la maîtrise complète du repliement des protéines comporte en elle des capacités de création ou de réparation égalées seulement par ses capacités de destruction…

Un récent exemple de l’application d’AlphaFold est l’actuelle recherche d’enzymes capables d’aider des bactéries à non seulement digérer toutes sortes de plastiques, mais aussi de les recycler pour que ces bactéries soient capables d’excréter des polymères directement réutilisables ensuite, rendant le recyclage des matières plastiques aussi simple et peu coûteux que possible, diminuant d’autant nos besoins en matière première fossile…

Parallèlement à ces développements, notons la sortie d’un très récent papier de Microsoft sur GPT 4, la version actuelle du moteur d’OpenAI, dans lequel les chercheurs ont tenté d’évaluer la qualité des réponses et des adaptations de ce moteur à différents problèmes et jeux qui lui ont été proposés.

En somme, Microsoft a tenté d’évaluer les capacités intellectuelles du moteur (ou disons ce qui passe pour) et les conclusions de l’article sont pour le moment spectaculaires puisque les chercheurs impliqués soutiennent que pour la première fois ce modèle fait preuve d’une intelligence plus générale que les modèles précédents : selon eux, au-delà de sa maîtrise du langage, GPT4 peut résoudre des tâches nouvelles et difficiles dans les domaines des mathématiques, du codage, de la vision, de la médecine, du droit, de la psychologie, sans avoir besoin d’une aide particulière. En outre, et toujours selon les évaluations des chercheurs détaillées dans l’imposant papier (155 pages tout de même), les performances de GPT4 sont étonnamment proches de celles d’un être humain dans toutes ces tâches et dépassent souvent largement celles de modèles antérieurs tels que ChatGPT.

Autrement dit, les chercheurs estiment que, compte-tenu de ses capacités, GPT4 peut raisonnablement être considéré comme une première version (encore incomplète, certes) d’un système d’intelligence artificielle générale (AGI).

Une affirmation aussi forte demande bien sûr des preuves solides et force est de constater que les évaluations détaillées dans le papier imposent de considérer sérieusement cette affirmation. Par exemple, le moteur est capable de reconstituer le plan sommaire d’un appartement à partir de la description textuelle des déplacements d’une pièce à l’autre, obtenue exclusivement par dialogue avec l’utilisateur, ce qui démontre une capacité de modélisation dans l’espace. Il s’agit d’un résultat émergent, puisque cette modélisation n’est pas programmée dans le modèle à proprement parler :

De même, en demandant au moteur de produire des dessins utilisant TikZ, les chercheurs ont non seulement observé sa capacité à produire un résultat en rapport avec les concepts manipulés, mais ils ont de surcroît constaté sa capacité à affiner ses précédents résultats à mesure que sa maîtrise du langage de dessin et de ces concepts s’améliorait.

C’est ainsi que l’un des chercheurs, Sebastien Bubeck, a régulièrement demandé à ce moteur de lui dessiner une licorne dont l’apparence finale n’a cessé de s’améliorer.

Sur d’autres tâches (comme par exemple passer des examens, depuis le barreau jusqu’à des tests de codage), GPT4 s’en est là encore sorti brillamment ; le moteur a par exemple réussi les tests informatiques proposés par Amazon lors de ses entretiens d’embauches, en réalisant un score de 100 % en 4 minutes (là où un humain dispose normalement de deux heures pour finir le test et où aucun ne l’a jamais bouclé en si peu de temps).

Malgré des erreurs étonnantes (une incapacité assez amusante à faire des calculs mathématiques simple, comme des racines carrées ou dénombrer des éléments dans un ensemble), GPT4 démontre de plus en plus de capacités à comprendre réellement les tâches qu’on lui demande, voire à démontrer un certain bon sens… Même si, parfois, on peut raisonnablement douter :

Finalement, si « monde d’après » il y a, c’est celui qui se met en place actuellement, avec une vitesse dont bien peu se rendent compte. Et dans ce monde, l’intelligence artificielle semble avoir un impact de plus en plus fort, de plus en plus rapide et de plus en plus profond, à tel point qu’elle prend tout le monde par surprise (beaucoup d’experts n’imaginaient pas voir certains des résultats de GPT4 avant 2027 voire 2030 par exemple).

Dans ce nouveau monde, il apparaît évident que toute spécialisation poussée – intellectuelle pour le moment – trouvera rapidement dans l’intelligence artificielle un remplaçant redoutable, qui fera plus vite et mieux. Le monde d’après va avoir besoin de généralistes.

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  • Une licorne dont l’apparence n’a cessé de s’améliorer ? Pas plus ressemblante à la fin qu’au début, me disent ceux qui en ont vu…

  • Je n’ai toujours pas compris en quoi l’utilisation de réseaux neuronaux était de l’intelligence artificielle. N’est-ce pas juste un prétexte pour faire accepter n’importe quoi aux paresseux de l’intelligence naturelle ?

    • Oui c’est un peu une pirouette : on ne sait toujours pas ce qu’est l’intelligence, on met donc des données dans un gros flipper et on secoue, et à force de renforcement positif avec des tonnes d’essais-erreurs sur d’énormes volumes, on se retrouve avec des performances stupéfiantes… mais inexpliquées (la vidéo qui présente le papier de recherche le dit d’ailleurs clairement).
      L’intelligence artificielle envisagée par Asimov (cerveau numérique entièrement conçu par des ingénieurs pour remplir des besoins donnés) semble toujours aussi loin. Encore plus la notion passionnante d’être informatique conscient de lui-même, ressentant des émotions, se fixant des buts, éprouvant des sentiments.
      Par contre on est visiblement arrivés à une autre intelligence naturelle, produit du hasard et de l’expérimentation, sur support informatique, avec laquelle on commence à apprendre à communiquer (et particulièrement stupéfiante quand il s’agit de rater des calculs élémentaires encore plus souvent qu’un élève distrait).

  • Avatar
    jacques lemiere
    20 avril 2023 at 7 h 28 min

    hmmm…
    les machines capables de remplir des taches humaines dites intellectuelles mieux que des hommes… en effet… donc révolution sociale et technologique probable.. pour moi ce n’est pas le sujet..

    la question que je ne cesse de me poser est de vouloir presque à toute force nommer cela « intelligence » et d’articuler cette affirmation sur des tests..essentiellement comparatifs aux humains..
    un être humain menteur est parfois vu comme hautement intelligent.

    Une machine sera t elle responsable comme un humain voire punissable en cas d’erreur de faute ou de mensonge?
    chez les humains l’intentionnamlité sépare souvent la responsabilité de la culpabilité par exemple..

    JE n’arrive pas à dissocier intelligence et vie… mort et reproduction…

    machines…

    • Avatar
      jacques lemiere
      20 avril 2023 at 7 h 37 min

      le rapport qui existe entre un médecin et son patient est la confiance..ce n’ets pas la justesse du diagnostic qui compte le plus mais… que e médecin agisse dans l’interet de son patient dans les limitations de la connaissance scientifique du moment..en gros l’ignorance est assimilée à un aléa.

      vous remarquez que la météo vous donne des indices de confiance notre prérogative..de notre fait .. on sait qu’on a des ingénieurs météo France à blamer le cas échéant..et qu’ils ont quelque chose à perdre…

      • ChatGPT a énormément à perdre, et est en train de le perdre à vitesse grand V. Justement sur cette affaire de confiance. Vous, il ne sait pas qui vous êtes. Moi, il écrit dans ma bio que je suis décédé en 2020, que j’étais un coureur d’océans et un photographe passionné (alors que mon dernier embarquement date de 1977 et que je ne sais prendre que des photos floues et mal cadrées), le fondateur d’un chantier naval et un membre d’une prestigieuse institution où je n’ai jamais mis les pieds, et le reste à l’avenant. ChatGPT ne répond à aucun autre besoin humain que celui de rigoler un peu face à un infatué prêt à raconter n’importe quoi sur n’importe quel sujet. Et pour ça, on a déjà Macron tous les soirs à la télé.

  • Pour moi, traduire l’anglais « intelligence » par le français « intelligence » est une source d’erreur et donc de compréhension. Si vous traduisez le terme pa « renseignement », ce qu’il signifie d’ailleurs, vous vous rendrez compte que ce la change votre rapport à ce système.

    • Même en anglais, l’acceptation « collecte d’informations » n’est pas la plus courante. Les créateurs de ChatGPT cherchent à le différentier d’un collecteur d’informations, ses réponses sont très loin de la synthèse des premières réponses d’un moteur de recherches sur le sujet.

  • Si Chat GPT va remplacer les métiers très spécialisés, pourquoi ne remplacerait il pas par exemple des chercheurs en IA sur Chat GPT? C’est bien spécialisé, technique, exactement ce qu’il faut donc?
    Le jour où il sera capable de s’améliorer lui même (et pas juste de l’entraînement), cad ecrire le code de Chat GPT n+1, je me ferai du souci pour les professions intellectuelles.
    Là il en jette juste plein la vue aux ignares ( ce qui comprend des professions officiellement intellectuelles). H16 nous avait montré un code d’une FFT radix 2 ( code facile à trouver en ligne). Que répond t il pour une FFT radix 3 ou 5 par exemple (même principe, mais juste introuvable en ligne), je suis curieux de voir…

    • En plus, il est gratuit. On pourrait lui faire remplacer certaines enseignantes-chercheuses en sciences économiques, suivez mon regard, ça ferait des économies pour l’Ed Nat.

  • J’adore la remarque de Heinlein ! Incroyable l’intelligence des auteurs de SF , et que dire des lois de la robotique de Asimov , qui vont vraiment devoir sortir de la fiction …

  • Les commentaires sont fermés.

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