Tomi Huhtanen : « l’Europe du Nord se tourne vers le centre droit »

Entretien sur le résultat des élections générales en Finlande avec Tomi Huhtanen, le directeur exécutif du Wilfried Martens Centre for European Studies, le centre de réflexion du Parti Populaire Européen (PPE).

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Tomi Huhtanen

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Tomi Huhtanen : « l’Europe du Nord se tourne vers le centre droit »

Publié le 8 avril 2023
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Dimanche dernier, le centre droit a remporté les élections en Finlande face aux socio-démocrates de Sana Marin. À l’heure de l’adhésion du pays à l’OTAN et de changements politiques en Europe, cette victoire mérite une attention particulière.

Afin d’en savoir plus, nous sommes allés interroger Tomi Huhtanen, le directeur exécutif du Wilfried Martens Centre for European Studies, le centre de réflexion du Parti Populaire Européen (PPE).

Tomi Huhtanen a commencé sa carrière en travaillant pour la délégation finlandaise du Parti populaire européen au Parlement européen. De 1999 à 2007, il a été conseiller politique puis conseiller principal pour le PPE, se concentrant principalement sur la politique économique et sociale. Au cours de cette période, il a lancé le journal politique European View, dont il est devenu le rédacteur en chef. En 2007, Tomi Huhtanen été chargé de lancer la fondation politique du Parti populaire européen, le Centre d’études européennes (rebaptisé Centre d’études européennes Wilfried Martens en 2014) ; la même année, il a été nommé directeur du Centre, dont il est le directeur exécutif depuis octobre 2015.

Entretien réalisé par Alexandre Massaux.

 

Tomi Huhtanen : Tout d’abord, je dois souligner que je ne suis pas un représentant officiel du parti de la coalition nationale, ni un représentant du gouvernement. Je partage mon point de vue en tant qu’expert individuel.

 

Alexandre Massaux : Le parti de centre-droit Coalition nationale (Kansallinen Kokoomus ou Kok.) a remporté les élections générales en Finlande. Quels sont les principaux éléments de son programme et de son idéologie ?

Tomi Huhtanen : Le fondement idéologique du Parti de la coalition nationale (PCN) est le pluralisme, qui repose sur le libéralisme et la démocratie. Les priorités du programme principal de la Coalition nationale (2018) sont la civilisation, la démocratie, l’internationalisme et le développement durable. Politiquement, la coalition est de centre-droit et met l’accent sur l’individualisme et les droits de l’Homme.

 

AM : Comment le parti envisage-t-il de gérer l’adhésion de la Finlande à l’OTAN ?

TH : Comme la Finlande vient de devenir membre de l’OTAN, la discussion sur les aspects pratiques de son adhésion n’en est qu’à ses débuts.

D’une manière générale, on peut dire que la Finlande vise à s’intégrer rapidement et de manière productive à l’OTAN. Pour la Finlande, l’OTAN devient une plateforme prioritaire pour la coopération militaire. Cependant, la Finlande continuera à voir l’importance de la sécurité européenne et de la coopération en matière de défense qui, pendant la guerre en Ukraine, a fait d’énormes progrès. Pour la Finlande, il est important qu’il n’y ait pas de chevauchement ou de conflit entre la coopération en matière de sécurité et de défense de l’OTAN et de l’UE, mais que la coopération entre ces deux organisations soit harmonieuse.

La Finlande s’efforcera de prendre ses engagements et ses responsabilités très au sérieux. Elle ne se fait pas d’illusions non plus sur le fait que la base de la sécurité des Finlandais est sa propre armée, dans laquelle elle continuera d’investir. Par exemple, il y a quelques jours, la Finlande a approuvé un contrat de 300 millions d’euros pour le système de défense antiaérienne à longue portée David’s Sling. En temps de guerre, l’effectif des forces de défense est de 280 000 soldats, et environ 870 000 Finlandais appartiennent à la réserve, qui est complétée par d’autres réservistes si nécessaire.

 

AM : Pourquoi le parti social-démocrate de Sanna Marin a-t-il perdu ? Est-ce dû à des questions économiques et budgétaires ?

TH : Sanna Marin a perdu les élections principalement parce que les électeurs n’étaient pas convaincus par ses politiques économiques et budgétaires, qui préoccupaient les Finlandais. Son parti (le Parti social-démocrate, SDP) a basé sa campagne sur sa popularité personnelle mais cette stratégie n’a pas fonctionné. Elle a également commis des erreurs pendant la campagne, notamment en donnant l’impression, juste avant les élections à Kiev (Ukraine), que la Finlande pourrait donner à l’Ukraine des chasseurs F-16 en déclarant qu’une telle discussion existait en Finlande, ce qui n’était pas vrai. De même, au cours de la campagne, elle a été jugée de temps à autre trop agressive dans certains débats télévisés.

 

AM : La coalition nationale devra créer une coalition gouvernementale. Un scénario à la suédoise est-il possible ? Une alliance entre le parti de centre-droit du PPE et le parti populiste de l’ECR (Démocrate suédois). Ou bien la coalition la plus probable est-elle celle des sociaux-démocrates ?

TH : Les négociations gouvernementales seront très difficiles pour au moins deux raisons :

Les négociations sur le budget seront ardues, et le PCN insiste sur l’assainissement du budget, ce qui signifie en pratique des coupes budgétaires. Le PCN et le SDP ont des points de vue très différents à ce sujet. Les Finlandais (Perussuomalaiset, parti populiste) ont des positions très différentes de celles du PCN et du SDP, notamment en ce qui concerne l’Union européenne.

À l’heure actuelle, les analystes estiment que le scénario le plus probable est celui du PCN, du Parti des  Finlandais (Perussuomalaiset), du Parti chrétien-démocrate finlandais et du Parti populaire suédois, soit une coalition de centre-droit.

Il convient de rappeler que sous le gouvernement de Juha Sipilä, de 2015 à 2019, le Parti du centre, les Finlandais et Kokoomus (PCN) étaient déjà au gouvernement.

Cependant, hier, Sanna Marin a annoncé qu’elle ne continuerait pas à présider le SDP et qu’elle ne participerait pas au gouvernement même si le SDP faisait partie de la coalition. Sanna Marin avait des opinions très à gauche sur l’économie, sa démission pourrait donc ouvrir la voie à une coalition entre le PCN et le SDP et à un compromis sur les questions économiques.

Les négociations seront difficiles et le résultat pourrait être une surprise.

 

AM : Au niveau européen, quel sera l’impact de la victoire de la Coalition nationale ? Renforcera-t-elle le PPE ?

TH : Au niveau européen, la victoire est importante pour le PPE. Après le changement de gouvernement en Suède suite aux élections suédoises et la victoire du PCN en Finlande, l’Europe du Nord se tourne vers le centre-droit – et le PPE a deux chefs d’État de plus au Conseil européen. Il est possible que ces victoires soient le début d’une tendance plus large, où le centre-droit remportera des élections sur tout le continent.

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