Déconventionnement, effet boule de neige ?

L’échec des négociations sur la convention médicale peut offrir une opportunité pour une véritable réforme de notre système de protection sociale.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 6
Photo de Kelly Sikkema sur Unsplash

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Déconventionnement, effet boule de neige ?

Publié le 1 avril 2023
- A +

La France entière parle de la réforme des retraites. Macron la présente comme l’œuvre maîtresse de son second quinquennat.

En vérité ce n’est qu’une succession d’arbitrages au sein de la spoliation légale : qui voler, au profit de qui, jusqu’à quand. Bref quelques mesures paramétriques dont la disposition essentielle est le recul de l’âge de la retraite et l’allongement de la durée de cotisation.

C’est insuffisant pour sauver le pays mais assez pour aggraver les tensions qui règnent dans une France qui se disloque. La partie n’est pas finie, moins parce que la contestation continue, que parce que dans quelques années il faudra de nouveau modifier les paramètres pour tenir compte de la situation qui existera alors.

C’est en effet le régime par répartition lui-même qui ne fonctionne pas. Pourtant, l’objectif officiel est de le sauver, il n’est pas de servir des retraites décentes et pérennes aux Français.

C’est le même raisonnement que pour la Sécurité sociale. Le but de chaque réforme est de la sauver, pas de permettre que chacun reçoive, tout le temps, en toute circonstance, les soins dont il a besoin.

 

Le combat de médecins pour leur liberté

À ce propos, il se passe actuellement un petit quelque chose dont on ne parle pas mais qui, bien mené pourrait changer la France en profondeur en faisant sauter un des verrous essentiels de la spoliation légale. Il s’agit du combat des médecins pour leur liberté.

L’échec des négociations sur la convention médicale peut offrir une opportunité pour une véritable réforme de notre système de protection sociale.

Un certain nombre de médecins libéraux, en particulier des généralistes, envisagent très sérieusement de se déconventionner. Des milliers de médecins brandissent cette menace. Le mouvement « Médecins pour demain » est en pointe, soutenu par l’UFML qui a organisé les Assises du déconventionnement.

Pour l’instant 1347 lettres d’intention ont été reçues par ce syndicat. C’est peu.

Ce cheminement intellectuel vers le hors Sécu démontre que ces médecins ont compris qu’ils ne survivront que libres. Il n’est de secret pour personne qu’en France la médecine libérale n’a de libéral que le nom.

Pour mener à bien ce processus ils devront briser le sacro-saint tabou : « la Sécurité sociale monopole public, modèle social que le monde entier nous envie. »

En 1945, l’objectif de la Sécurité sociale était de garantir les travailleurs contre l’ensemble des risques sociaux.

« Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 créent une organisation de la Sécurité sociale qui fusionne toutes les anciennes assurances (maladie, retraite…) et garantit à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. »

Aujourd’hui ce que les Français appellent affectueusement « la Sécu », concerne la branche maladie.

Pour certains, elle a solvabilisé la demande. Ce qui veut dire que les médecins ne vivraient que grâce à la Sécu. Or les médecins vivent grâce à leurs talents, leur humanité et aux services qu’ils rendent à leurs patients. C’est une exigence de qualité. Cela deviendra patent en cas de déconventionnement.

Officiellement la Sécu permet à chacun d’être soigné sans que l’argent constitue un obstacle :

« La Sécu repose sur un contrat implicite qui lie tous les citoyens : chacun y contribue selon ses moyens et en bénéficie selon ses besoins. ».

En fait, tout le monde peut se faire soigner s’il y a abondance de soins et prospérité économique. La France a quitté les chemins de l’abondance et de la prospérité depuis belle lurette donc… il y a pénurie de soins.

 

La Sécu ne remplit pas ses missions

Malgré les sommes dépensées dans le système de santé, soit 226,7 milliards d’euros en 2021, malgré ses financements multiples, les besoins ne sont pas couverts. Il y a mal-investissement, c’est-à-dire une mauvaise affectation des ressources parce que nous sommes dans un système d’économie administrée.

La situation du système sanitaire français est dramatique. Les pénuries sont partout. Pénuries de médecins, de soignants au sens large, de médicaments, d’équipements, de soins disponibles… Aucun territoire n’est épargné. Aucun secteur n’est épargné. Les fermetures d’établissements de soins et de lits continuent.

Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement est allé jusqu’à interdire aux Français d’être soignés par les généralistes, ou les priver de soins lors des Plans blancs, au prétexte des covid.

Officiellement la médecine est gratuite. En pratique elle ne l’est pas puisque les Français ont prépayé leurs soins par les prélèvements obligatoires. Et malgré cela ils peuvent en être privés lorsqu’ils en ont besoin.

Elle n’est pas gratuite au point de vue financier, tout n’est pas remboursé. Elle ne l’est pas parce que le temps d’attente est un prix à payer. Elle ne l’est pas parce que la détérioration des prestations sanitaires est aussi un prix à payer.

La régulation de cette pénurie se fait par la file d’attente et les déremboursements. Aujourd’hui en France, la médecine est devenue pour beaucoup une médecine de réseaux et de relations.

 

Des réformes de fond pour la liberté

Avec le déconventionnement, les médecins ont l’occasion de provoquer la remise à plat du système.

En l’état actuel, les conséquences pour les médecins comme pour les patients seraient importantes. Pour que ce soit un succès et aboutisse à un système de santé performant et pérenne il faut aller au bout de ce que l’on appelle le déconventionnement. C’est en réalité un retour à la liberté de choix autant pour les médecins que pour les patients. C’est un retour à l’échange libre de services entre le médecin et son patient. C’est le retour du colloque singulier sans ingérence de l’État.

Pour que chacun puisse choisir, soignants comme soignés, il faut que chacun en ait les moyens. Les médecins doivent comprendre, expliquer et demander que le déconventionnement s’accompagne de réformes de fond, de réformes systémiques.

Le salaire complet 

Chacun sait aujourd’hui que la somme qui figure en bas du bulletin de salaire et qui est perçue par le salarié, n’est pas son salaire réel. Certains croient encore à la fiction des charges patronales et salariales. Les charges patronales sont constituées de richesses créées par le travail du salarié, elles lui appartiennent. Ce qui figure en bas de la fiche de paye c’est ce qui lui reste quand l’État a tout prélevé, retraites, protection sociale, chômage et autres charges, y compris l’impôt sur le revenu. Il faut rendre au salarié la totalité de son salaire.

L’équivalent pour un non salarié c’est le chiffre d’affaires diminué des frais nécessaires à l’exercice de sa profession. Pour les pensionnés c’est l’intégralité des pensions.

Peu d’impôts 

Il faut éviter que l’État reprenne par les prélèvements ce qu’il rend avec le salaire complet. Un seul impôt faible et proportionnel serait l’idéal. Peu d’impôts en quantité et qualité sera déjà un grand progrès. Il n’y aura plus de prélèvement à la source.

Libre choix de l’assurance maladie

Grâce à la disposition de l’intégralité de leurs revenus les Français pourront abonder un compte épargne santé pour prendre en charge leurs soins jusqu’à un certain montant. Ce compte sera transmissible. Ils auront la liberté de choisir leur organisme d’assurance maladie pour les frais au-delà du compte épargne santé. La Sécu sera mise en concurrence avec les assurances et mutuelles. Chacun n’aura qu’un prestataire choisi, au lieu de deux aujourd’hui. (un imposé : la Sécu, et un choisi : la mutuelle). Les prestations seront garanties par contrat. Aujourd’hui rien ne garantit les prestations de la Sécu. Elles changent au gré des politiques et à leur profit. La définition d’un panier de soins rassurera tout le monde. Il n’y aura plus de reste à charge. C’est un retour à la prévoyance et à la responsabilité personnelle.

Filet de sécurité

Prévu pour les personnes en difficulté et financé par l’impôt, parce qu’il s’agit là de solidarité nationale. Il pourrait prendre la forme d’un « chèque assurance santé », parce qu’être pauvre n’ôte pas le bon sens et n’empêche pas de pouvoir choisir pertinemment. L’accès aux soins pour tous sera certain.

Nouvelle protection sociale

Ces bases acquises, il sera possible de réformer réellement les retraites puisque les Français disposeront de l’intégralité de leurs revenus. Cela leur ouvrira la possibilité de capitaliser pour leur retraite. Grâce à la capitalisation, chacun pourra choisir ses organismes de retraites et définir ce qu’il souhaite en durée de cotisation, âge de départ etc. en fonction de critères qui lui sont propres. Une retraite à la carte donc…

 

Réduire le périmètre de l’État

Ce sont ces mesures d’accompagnement qui permettront le succès du déconventionnement et feront sauter le verrou de la spoliation légale que constitue notre système de protection sociale. Tout cela entraînera une véritable régénération du système politico-social français, aujourd’hui en ruines.

Les réformes pourront continuer :

L’Éducation nationale

Elle ferait bien de redevenir instruction publique. Elle proposera les établissements, havre de paix, en libre choix, leurs responsables choisiront leurs équipes et vice-versa, les programmes seront libres autour d’un socle de transmission des savoirs, la discipline sera respectée, la neutralité sera assurée.

L’entreprise

Elle n’aura plus à supporter le carcan de multiples prélèvements et règlements obligatoires, étouffants et multiples. Les charges disparues l’URSSAF disparaîtra.

L’État

Il sera concentré sur ses fonctions régaliennes, justice, sécurité des biens, des personnes, de la patrie. Il cessera enfin de régenter la vie des gens, ce qui est une revendication des opposants à la réforme des retraite Macron.

 

L’harmonie sociale

Il serait judicieux de considérer la soif de déconventionnement comme un signal de basse intensité sur le délabrement de la France. Il serait judicieux d’en profiter pour analyser correctement la situation du pays et prendre les mesures adéquates pour remettre la France sur les rails.

À partir de ce petit point de départ, le déconventionnement des médecins, les Français pourraient recouvrer la liberté d’échanger des services, la responsabilité de leur projet de vie. La France renouerait avec la prospérité et l’abondance. Ce qui mettrait fin au gouvernement par la division, la peur et le chaos, voulus par des politiciens pompiers pyromanes. L’harmonie sociale serait restaurée. Petite cause, grands effets.

Relisons Frédéric Bastiat :

« Dans l’isolement, nos besoins surpassent nos facultés. Dans l’état social, nos facultés surpassent nos besoins. […] L’homme a d’autant plus de chances de prospérer qu’il est dans un milieu plus prospère […] Car, il n’en faut pas douter, c’est là qu’est la raison de décider entre l’Organisation naturelle et les Organisations artificielles ; c’est là, exclusivement là, qu’est le problème social. Si la prospérité de tous est la condition de la prospérité de chacun, nous pouvons nous fier non-seulement à la puissance économique de l’échange libre, mais encore à sa force morale […]La vraie puissance de l’échange […] Ce n’est pas […] qu’il implique deux gains, parce que chacune des parties contractantes estime plus ce qu’elle reçoit que ce qu’elle donne. Ce n’est pas non plus que chacune d’elle cède du superflu pour acquérir du nécessaire. C’est tout simplement que, lorsqu’un homme dit à un autre: « Ne fais que ceci, je ne ferai que cela, et nous partagerons », il y a meilleur emploi du travail, des facultés, des agents naturels, des capitaux, et, par conséquent, il y a plus à partager. » Échange (1850)

Voir les commentaires (8)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (8)
  • J’ai cliqué sur votre lien medecinspourdemain. Il n’est pas indiqué la moindre volonté de déconventionnement, au contraire, ils insistent pour que le montant de la consultation sécu soit remboursée. On est toujours dans la position de l’attente que l’état fasse qqch. Rien ne change, l’objectif est de faire pression, de menacer l’état.
    Les médecins, comme la plupart des français, préfèrent la prison, sûre et gardée, que la liberté et ses dangers, et ce même si leur cellule rétrécit.
    Enfin, un point non abordé dans l’article: les français veulent ils être bien soignés? Autour de moi, très peu veulent payer plus cher pour un meilleur service de santé, car « c’est sensé être gratuit, c’est de la médecine de riche ».

    • Qui dit que, dans ce système de santé libéral, les Français auraient à payer plus cher, même pour un service meilleur ? Il serai étonnant qu’on ne puisse faire mieux en terme de coûts que le système actuel !!

  • Avatar
    jacques lemiere
    1 avril 2023 at 9 h 37 min

    effet de la « collectivisation » d’un secteur…

    vous serez soigné selon vos besoins…en contribuant selon vos moyens..
    conduit à gérer la force qui conduit à l’explosion du système lié à la réticence à payer pour la santé d’autrui. . en définissant des besoins « normaux. ».. et une qualité de soin normale… ce système ne connaitrait pas de pénurie de médecins si on pouvait « forcer » les gens à être médecin..et en acceptant de jouer sur le niveau minimum requis pour l’être…

    les médecins appréciaient beaucoup le système quand l’argent des autres abondait…et que les gens savaient que des soins efficaces n’etait pas un droit mais un service précieux.. comme l’éducation d’ailleurs…ils pouvaient se poser en personne non cupide..
    certains médecins continuent cependant le trip collectiviste..il suffit de mettre plus d’argent des autres..

    la santé ne relève pas du régalien… être soigné n’est pas un droit.. sinon… vous aurez des restrictions de libertés pour garantir la possibilité de se droit.. fin de l’idée l’égalité des citoyen pour loafer de soin , idée vicieuse..
    on choisit où on vit en fonction de la disponibilité des médecins.. notamment..qu’ on met en balance avec le s reste..opportunité d’emploi ou tranquillité, climat, logement , etc etc..
    vous remarquez que quand il n’y pas de médecins dans une zone. .les élus accusent …les médecins de cupidité..

    le collectivisme est une maladie qui s’étend …pas de collectivisme sans garde fou ou garanties..

    donc oui…. moment intéressant, ou bien on prend une option de fonctionnarisation des médecins..
    classement et affectation par zone selon par exemple le classement..en trouvant le nombre de médecin necessaire en jouant sur le niveau..

    ou bien on revient à une logique de marché..

    ou les deux..médecine publique pour les « nécessiteux ». et médecine privée pour les autres..

  • On en est au point qu’une réflexion de simple bon sens peut passer pour une blague du 1er avril …

  • Une solution très simple serait aussi de sortir de la logique assurantielle pour les soins de santé est-ce qu’on prend une assurance quand on va acheter sa baguette de pain chez ou son steak chez le boucher ? non bien sûr la plupart des soins de santé sont des soins de faible valeur que l’on peut se payer immédiatement sans avoir à passer par une assurance les seuls soins a assurer sont les soins hospitaliers et cela nécessite un système assurantiel.
    Ensuite il faut bien rattacher le système de sécu et retraite par répartition à la Révolution nationale du Maréchal Pétain elle-même empreinte du catholicisme romain qui a mené ce pays à la faillite depuis le Concile de Trente lorsque l’on rattache les événements au vrai fait historique on obtient un meilleur éclairage des problèmes qui nous étouffent

  • Bonjour Patrick j’ai failli t’appeler ce matin parce que vraiment à la réflexion il faut distinguer deux types de soins de santé, ceux qui requiert des investissements massif et donc qui entraînent des coûts qui dépassent les capacités d’un individu et qui relèvent donc de l’assurance
    et ceux qui sont de simples prestations de service qui ne requièrent aucun investissement lourd et donc qui sont facturables à des prix modérés et doivent sortir totalement de la logique assurantielle
    C’est pour cela qu’à mon avis il faut faire le distinguo entre les soins des médecins libéraux qui sont ceux d’un prestataire de service lambda donc aucun besoin de logique assurantielle et ceux de « l’industrie lourde » donc les hôpitaux, les cliniques etc, qui requièrent des investissements matériels extrêmement lourds et dont les prestations sont du domaine de l’assurance.
    La logique de l’assurance s’applique à une dépense aléatoire et imprévisible et d’un montant unitaire qui dépasse la solvabilité d’un individu. On pourrait faire le même commentaire sur le compte épargne temps etc ou tout autre dispositif de même nature que tu évoques dans ton article comme solution.

  • Ah c’est le premier Avril … !!!

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
L’Éducation nationale se trompe d’objectif en favorisant la mixité sociale et la réduction des inégalités plutôt que le niveau de connaissances. En effet, la dégradation du niveau général est nuisible à tout le monde et réduit l’égalité des chances en nivelant par le bas.

Depuis la publication en avril de mon article « L’éducation nationale se trompe d’objectif », sont arrivés les résultats de la dernière enquête PISA, qui confirme la catastrophe, et le plan Attal qui tente d’y pallier.

Ce plan vient tout juste d’être annoncé, on ... Poursuivre la lecture

Oliver Faure, premier secrétaire du Parti socialiste a pris la plume car il a un rêve, qu’il estime révolutionnaire et qu’il souhaitait partager avec l’ensemble de la population : réaliser une plus grande égalité réelle entre les Français. Pour atteindre cet objectif impératif, il a une méthode qu’il présente comme originale : distribuer aux citoyens des aides supplémentaires, en euros sonnants et trébuchants, qu’il fera abondamment financer par une augmentation de la fiscalité pesant sur les plus riches et contrôler par une administration pl... Poursuivre la lecture

Dans un premier article, nous avons évalué les réponses apportées par le projet de réforme des marchés de l’électricité approuvée par le Conseil européen le 17 octobre dernier, à la flambée des prix du gaz et de l’électricité depuis l’automne 2021.

Cet article montre comment, en s’appuyant sur une solution optimisée du financement des très lourds investissements qu’il faut faire pour maintenir et développer le parc nucléaire centralisé, il est possible d’organiser le marché français de l’électricité dans le cadre européen, avec une con... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles