L’Union européenne déclare la Chine « rival stratégique »

Une déclaration commune entre les États-Unis et l’Europe a été publiée le 10 mars 2023 lors de la visite à Washington de Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 5
Alexandros Michailidis / Shutterstock.com

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’Union européenne déclare la Chine « rival stratégique »

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 mars 2023
- A +

Au vu de son contenu, cette déclaration cojointe entre les États-Unis et l’Europe suscite des réactions, malheureusement pas de la part des centaines de millions d’Européens que madame von der Leyen est supposée « représenter », mais au moins au sein même de l’U.E.

D’abord, il est notable que cette déclaration n’est disponible qu’en anglais, pas en allemand ni en français, ni en aucune des autres langues officielles de l’Union européenne. Ceci est un signe évident de l’ascendant des États-Unis sur l’Europe.

Mais plus grave que la forme, cette déclaration commune adopte sur le fond une position clairement antagoniste par rapport à la Chine. En effet, elle identifie la Chine comme un « rival stratégique ».

Les velléités étasuniennes de considérer « rival » tout pouvoir indépendant qui représente un obstacle à l’hégémonie américaine sont bien connues. C’est le terme officiel que les États-Unis utilisent déjà pour qualifier la Chine. Pour Washington, « rival » est simplement un euphémisme pour « ennemi ». Considérer ainsi la Chine n’est qu’un signe de plus d’une politique étrangère paranoïaque d’un imperium américain subissant un rejet concerté de son modèle de monde unipolaire.

L’Europe n’a absolument aucun intérêt à adopter une telle position. Mais en signant cette déclaration, madame von der Leyen associe l’Union européenne, et par extension sa population, à une position commune avec les États-Unis contre la Chine. La présidente de la Commission est-elle encore dans son rôle ? Des sources au sein de l’Union européenne notent que les relations sino-européennes « vont au-delà de la simple compétence de la commission européenne » que Ursula von der Leyen préside.

 

Le texte accuse la Chine

Dans ce contexte, les deux cosignataires disent vouloir empêcher que « le capital, l’expertise et les connaissances de nos entreprises alimentent les avancées technologiques qui amélioreront les capacités militaires et de renseignement de nos rivaux stratégiques », la Chine et la Russie.

Cette phrase est quelque peu naïve car les Occidentaux surestiment ici les capacités occidentales en termes d’innovation technologique et de dépendance à l’Occident qu’aurait encore la Chine, et sous-estiment, comme si souvent, la capacité de la Chine dans ce domaine. Selon un récent rapport australien, la Chine est déjà leader dans 37 sur 44 industries clefs…

De plus, l’Union européenne et les États-Unis accusent dans cette déclaration la Chine de « politiques et pratiques non marchandes » (« non-market policies and practices »), alors que ni les États-Unis ni l’Union européenne sont des exemples en la matière. Ils font implicitement appel à un passé longtemps révolu, quand les sociétés occidentales étaient bien plus libres que maintenant, lorsque les États avaient surtout un rôle régalien.

Que dire par des derniers exemples en date ; la Inflation Reduction Act (IRA) votée l’été 2022, ayant soi-disant pour objectif de réduire l’inflation, ou bien le EU Green Deal Industrial Plan, qui tous les deux sont mentionnés avec fierté dans la même déclaration commune ? Cela a été dit déjà dans ces colonnes : le IRA est « une intervention massive de l’État fédéral américain dans l’économie, ce qui signifie donc encore une distorsion significative du libre marché aux États-Unis. »

Idem pour le Green Deal européen, qui mélange capitalisme de connivence avec une volonté de planification économique centralisée, cette fois au niveau européen. Il est évident que ces programmes ne font que confirmer des « politiques et pratiques non marchandes » qui existent depuis longtemps en Occident.

 

Une division européenne

Cependant, il faut noter comme le fait Politico, que « Joe Biden divise les élites de l’UE au sujet de la Chine». En effet, la Commission européenne et le Conseil européen ne veulent pas mener l’UE dans la même direction en ce qui concerne la Chine : la tête de la Commission européenne von der Leyen écoute le « faucon » Joe Biden qui lui dicte un durcissement de la politique envers Pékin, tandis que le plus modéré Charles Michel veut éviter la confrontation.

Les hauts fonctionnaires du Conseil européen, son président Charles Michel compris, insistent sur une approche moins conflictuelle envers la Chine. Le Conseil, où siègent les chefs d’États européens, est évidemment plus représentatif des intérêts des membres de l’UE ; certains pays membres considèrent que la position de von der Leyen ne correspond pas du tout à leur position vis-à-vis de la Chine.

Un fonctionnaire du Conseil Européen a dit, sous condition d’anonymat :

« Oui, nous sommes des partenaires des États-Unis mais nous ne sommes pas un État vassal. Nous estimons que nous ne devons pas pleinement nous séparer de la Chine ».

Il semble que l’U.E a depuis plusieurs années du mal à se positionner vis-à-vis de la Chine, car depuis 2019 celle-ci est officiellement « en même temps un partenaire de coopération et de négociation, un concurrent économique et un rival systémique ». Cette combinaison de rôles plutôt contradictoires ne donne sûrement pas beaucoup de clarté à Pékin. C’est un message ambigu et confus qui traduit bien la schizophrénie politique typique de la classe dirigeante européenne à cet égard : vouloir d’une part continuellement plaire à son maître américain et en même temps maintenir de bonnes relations commerciales avec la Chine. Aujourd’hui, madame von der Leyen et monsieur Michel incarnent ces deux positions divergentes.

 

Accepter le monde multipolaire

Cette déclaration commune entre Washington et Bruxelles est donc complètement contreproductive pour l’UE.

Elle met en évidence à nouveau non seulement l’absence de réalisme dans les relations avec la Chine mais aussi le privilège qui persiste en Occident, telle la vieille expression « Quod licet Iovi, non licet bovi» (« ce qui est autorisé à Jupiter ne l’est pas pour un bœuf »). C’est la même attitude qui consiste à soutenir un « ordre international basée sur des règles », qui n’a jamais été clairement défini et qui ne sert qu’à légitimer le monde unipolaire centré autour de Washington.

Quoi que l’on puisse dire du gouvernement chinois en matière de politique intérieure, celui-ci préconise un monde multipolaire d’égalité entre les nations, basé sur le commerce et la non-ingérence. C’est le contraire de la politique de confrontation et d’intervention constante dans les affaires d’autrui menée par Washington.

Les libéraux ont plusieurs raisons de préférer le monde multipolaire émergent et donc de dénoncer cette déclaration commune entre les USA et l’UE. Il faut se souvenir du cri de ralliement du libéralisme classique, déjà connu et bien compris depuis le XVIIIe siècle en France : « Laissez-faire, Laissez passer ! ».

Voir les commentaires (26)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (26)
  • Il faut que cette VdL arrête de prendre des décisions au nom de tous les pays européens sans aucune concertation avec eux (quoique je ne sois pas sûr que notre paltoquet n’ait pas été d’accord).
    Cette femme doit être destituée de son poste mais il doit être mis à sa place une personne qui ait une vision totalement différente de sa politique européenne, càd sans soumission aux US et aux allemands, chose dont Macron est absolument dépourvu car il est évident qu’il brigue un tel poste, voire plus.

    • On ne peut que constater l’impuissance de ceux qui pensent comme vous et moi.

    • Merci pour votre commentaire. Et oui…

    • Avatar
      jacques lemiere
      23 mars 2023 at 7 h 55 min

      vous êtes certain que ce n’est pas désormais un tango bien pensé pour court circuiter la démocratie??? et avoir la possibilité de se poser en » victimes » : « c’est lue qui nous y contraint.. »..

      vous avez vu macron applaudir le brexit… ? seule façon intellectuellement honnête de se plaindre de La bureaucratie de l’ue.

      donc les chefs d’états européens utilisent cette dame.. ils n’en sont pas victimes..
      on ne sait plus ce ‘est lue… on nous explique juste que la quitter serait une catastrophe économique..

      or le but de lue..si je ne me trompe.. c’est surtout la paix..la fin du cycle des conflits..grace a commerce et échanges « libres ».. ça aurait du conduire à une limitation de l’interventionnsime étatique.. la fin des secteurs publics.. des subventions..ce n’ets pas rien d’avoir une monnaie commune!!!!!
      c’est devenu un marchandage inextricable ou les secteurs économiques sont des monnaies d’échange pour soutenir le projet electoral des concurrents…mon agriculture contre ton soutien budgétaire mon électronucléaire contre eta tolérance à ma dette.. ..
      le retour à la souveraineté n’empeche pas l’interventionnisme..mais au moins, elle permet d’etre responsable et ne pas jeter sur les autres la culpabilité..

      cette dame dit ce qu’elle veut.. qui sait quels son ses pouvoirs réels???

      je fus bien plus choqué par macron déclarant qu’il allait emmerder les emmerdeurs…

  • C’est quand même formidable de qualifier la chine de « rival stratégique », alors que c’est notre fournisseur numéro 1….. Et surtout vouloir favoriser les véhicules électriques qui sont déjà produits au moins pour une partie (batterie) quand ce n’est pas 100% en Chine et financés avec les subventions étatiques ???? Décidément nous sommes toujours très forts, nous finançons l’économie chinoise !

    • Il y a aussi les cellules photo électriques. Et tout ça se fait en pillant les réserves des minerais rares du Tibet. Les écolos sont les alliés de la Chine, on pourrait même penser qu’ils souhaitent un régime comme celui de la Chine pour les pays européens.

      • Oui, ils le souhaitent. La décroissance en plus !

      • Exploiter les minerais a permis à l’Homme de s’élever et de sortir des âges de pierre. Ce sont les écolos qui parlent de piller les réserves de minerais en prétendant qu’elles seraient la propriété de Gaïa.

        • Il ne faut pas sortir du contexte, cela ne me choquerait pas que les tibétains les exploitent, mais là ce sont les Chinois qui viennent les voler chez les tibétains. C’est-à-dire que pour pouvoir nous les vendre, ils ont envahi un pays et ils pillent ses richesses.

          • J’adore la définition « pionnière » de la propriété : la terre appartient à celui qui l’exploite. Les Indiens volés par les Cowboys, les Kieviens volés par les Donbassiens, les Tibétains volés par les Chinois, ça me laisse au mieux indifférent. La notion d’envahir un pays n’a pas de sens moralement. Imposer de force sa culture, c’est autre chose, et en ce qui concerne le Tibet, il se peut qu’il y ait lieu de s’indigner. Mais pas d’un « vol de richesses minières ».

            • C’est juste une question militaire, il aurait fallu que les tibétains soient une puissance nucléaire et les Chinois seraient restés chez eux. C’est juste la loi du plus fort même chose pour les Indiens et pour les Kieviens. Quand les Chinois envahiront Taïwan pour pouvoir vendre au reste de la planète les microprocesseurs qui y sont fabriqués ça vous laissera, au mieux, indifférent…

              -1
              • N’importe quoi ! C’est comme de dire que si les indiens avaient eu des dizaines de bataillons de lanciers et d’artilleurs à pantalon rouge, les cowboys ne seraient pas venus élever leur bétail chez eux. La prospérité ne vient pas de la capacité à se défendre militairement, elle vient de celle à savoir marchander pour exploiter au mieux et en commun les ressources naturelles et artificielles du monde. Une dose de force est nécessaire dans le marchandage, mais elle n’est pas un but en soi.
                Les Tibétains ne sont pas encore totalement sortis de la cuisine au feu de bouse de yak et de la misère, les Chinois viennent exploiter chez eux leurs richesses naturelles sans faire trop de sentiment, et l’Occident déclare que c’est indigne, que les Tibétains devraient pouvoir accéder aux McDo et aux téléphones portables du simple fait des royalties « légitimes » parce que c’était chez eux même s’ils n’en faisaient rien.
                Donc il y a peut-être matière à s’indigner si, par exemple, les Chinois n’associent pas les Tibétains au développement de leurs ressources sous prétexte qu’ils n’ont pas le teint blanc qui fait la réputation des Chinoises du Nord ou qu’ils sentent le beurre de yak brûlé parce qu’ils s’éclairent toujours avec. Mais certainement pas parce que les Chinois exploitent ce dont ils ignoraient l’existence et n’auraient jamais rien fait, mais qu’un géographe visiteur étranger a noté il y a des décennies comme étant dans leur « territoire ».

    • Vous avez raison : pour l’instant, c’est bien la Chine qui fournit nos batteries.
      Mais vous oubliez que notre futur Nobel d’économie, nono le neuneu, va lancer l’airbus de la batterie et que nous deviendrons ainsi le leader du monde et des environs dans ce domaine.
      Les Chinois sont très inquiets car ils savent que nono ne se trompe jamais !

    • Oui , c’est tout a fait cela. Merci pour votre commentaire et votre contribution.

  • Le seul pays à voir cette déclaration d’un mauvais œil est l’Allemagne. Ça menace ses exportations vers la Chine. Pour les autres, la Chine s’en fout : elle est effectivement en position de force.

    • Dire que « la Chine s’en fout » est tres exagere’ a mon avis. L’Europe est un partenaire essentiel pour la Chine, surtout que maintenant les USA se braquent.

  • Quand je lis, et sous couvert d’anonymat : « « Oui, nous sommes des partenaires des États-Unis mais nous ne sommes pas un État vassal. Nous estimons que nous ne devons pas pleinement nous séparer de la Chine ». tout cela à demi mots, en cachette, en sourdine, je ris aux éclats !! Van der la hyène est l’ambassadrice des usa, de pfizer, et du complexe militaro industriel des USA, c’est tout !

  • Je n’ai pas attendu Uncle Sam pour considérer la Chine comme un « ennemi » et politique et économique.
    Très précisément depuis le 11 décembre 2001.
    22 ans, il aura fallu à l’Europe !
    Franchement qu’attendre de bon d’un empire communiste, diversifié dans le capitalisme d’Etat ?
    « L’ennemi se déguise parfois en géranium, mais on ne peut s’y tromper, car tandis que le géranium est à nos fenêtres, l’ennemi est à nos portes » (Pierre Desproges)

  • le scandale, c’est qu’aucun chef d’Etat ou de gouvernement de l’union européenne ne stoppe immédiatement von der Waffen dans ses folies ! Lâcheté ou complicité ? Trahison en tout cas !

  • Avatar
    jacques lemiere
    23 mars 2023 at 7 h 38 min

    qu’est ce qui importe de le penser ou de le déclarer mais surtout d’expliquer ce qu’on entend par là…

  • L’article est très sensé. Cependant, si un monde multipolaire est souhaitable, certainement pas avec un état totalitaire communiste tel que la Chine actuelle !!
    C’est pour cela que qualifier la Chine de partenaire commercial ET rival stratégique est tout à fait justifié, j’ajouterais pour ma part et je l’assume : ennemi politique….Il faut quand même savoir ce que l’on veut et se tenir à nos valeurs !!!

  • Plus c’est gros, mieux ça passe ! 🙂

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Ce n’est pas encore forcément très clair, mais la voiture électrique pourrait constituer un changement de paradigme industriel, non seulement en affaiblissant l’avantage concurrentiel des constructeurs historiques occidentaux, européens et américains, mais également en bouleversant les équilibres de la filière. Et la Chine a bien compris tout le parti qu’elle pouvait tirer de la situation.

Sortons un peu des débats techniques ou écologiques sur la voiture électrique ; le fait est que la propulsion 100 % électrique est bien partie pour ... Poursuivre la lecture

Par Barry Brownstein.

 

Lorsque le chanteur folk canadien Gordon Lightfoot, récemment décédé, chantait "Je t'ai entendu parler dans ton sommeil... de tes lèvres est sorti ce secret que je n'étais pas censé connaître", il parlait de l'infidélité conjugale.

Peu après l'arrivée au pouvoir du président Mao en Chine, les étudiants idéalistes ont appris que la fidélité politique à Mao et au parti communiste était la vertu la plus importante dont ils devaient faire preuve. Des membres du parti ou de la Ligue de la jeunesse ... Poursuivre la lecture

 

 

Le Parti Communiste Chinois (PCC) mène depuis plusieurs années une répression terrible envers les Ouïghours de la région du Xinjiang, laquelle peut être qualifiée de génocidaire quand on prend en compte les atteintes très sérieuses des droits de fonder une famille pour cette minorité ethnique.

En août 2022, un rapport rigoureusement documenté du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU dénonçait des « violations très sérieuses des droits humains » à l'encontre des Ouïghours et expliquait que l’étendu... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles