Cour des comptes : la France au bord du défaut de paiement

Le rapport de la Cour des comptes publié en plein examen de la réforme des retraites pointe une situation budgétaire exsangue dans un contexte de décentralisation inachevée.

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Cour des comptes : la France au bord du défaut de paiement

Publié le 14 mars 2023
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Quelle gestion de l’eau demain ? Alors que la France a connu ces derniers jours son record de nombre de jours sans averses, l’idée de repenser la gouvernance de l’eau ressort des profondeurs du débat public. Après l’affaire du bassin de Sainte-Soline, le dernier rapport annuel de la Cour des comptes publié ce vendredi pointe une organisation illisible.

Le très sec hiver que vient de connaître l’Hexagone, avec notamment des mesures de restrictions d’eau dans certains départements, a mis en lumière des conflits d’usages dans une France à l’organisation différenciée selon le secteur géographique et la taille du plan d’eau.

Cet enjeu, dans un pays en pointe sur la question agricole et nucléaire – deux secteurs parmi les plus gourmands en eau – est fondamental.

Cependant, cela n’est rien à côté de l’état des finances publiques et de la décentralisation, au cœur de ce même rapport des magistrats financiers.

Ce rapport de 572 pages, publié en plein examen de la réforme des retraites, pointe une situation budgétaire exsangue dans un contexte de décentralisation inachevée.

Le texte est salué par le Sénat, chambre des territoires, qui réclame depuis longtemps des avancées sur ces deux fronts.

 

Une décentralisation inexistante

La Cour des comptes fait ici un bilan de 40 ans de décentralisation. Une décentralisation démarrée officiellement en 1982 mais qui ne semble jamais avoir réellement commencé, et ce n’est pas le Sénat qui dira le contraire. Plusieurs sénateurs ont ainsi noté que près de 930 maires ont démissionné de leur poste depuis 2020, soit presque 3 % des édiles que compte l’Hexagone.

Dans un contexte de surenchère normative, s’ouvriront ce 16 mars les états généraux de la décentralisation présidés par le président du Sénat Gérard Larcher et qui pourraient déboucher sur une charte d’encadrement des normes cosignée par le gouvernement.

Prenons le pari que cette charte a très peu de chances d’être signée. Si elle l’est, elle ne portera aucune révolution. Si par miracle elle en contient une, elle ne sera pas appliquée. Si elle l’est, cela prendra des années.

Bref, l’histoire de la prise de décision politique française ne rend en rien optimiste sur cette charte s’apparentant d’avance à une opération de communication.

 

Un scénario « à la grecque »

Les magistrats financiers ont aussi et surtout évoqué le statut de la dépense publique française.

Avec un déficit public de 5 % et une dette représentant 111 % du PIB, la Cour des comptes note une hausse des dépenses publiques de 3,5 % en 2022. Cette situation ne devrait pas s’inverser cette année, faisant de la France un des pires élèves budgétaires de la zone euro, avec l’Espagne, l’Italie et la Grèce, à laquelle les magistrats financiers n’hésitent pas à comparer la France.

En cause : la politique du « quoiqu’il en coûte », démarrée officiellement avec la pandémie mais qui date en réalité de plusieurs dizaines d’années du fait du poids des dépenses sociales.

La politique de lutte contre la pandémie aurait ainsi coûté 37,5 milliards d’euros. Aujourd’hui, malgré les appels à la fin de cette dispendieuse politique, les différentes mesures contre l’inflation ont coûté aux contribuables français la somme de 25 milliards d’euros en 2022 auxquels devraient s’ajouter cette année 12 milliards, soit un total de 37 milliards d’euros.

Encore une fois, la Cour des comptes se fait l’écho du Sénat, qui pointe depuis longtemps cette situation en demandant 15 milliards d’euros d’efforts au gouvernement.

 

82 euros par mois et par foyer

Pour prendre un niveau de comparaison qui parlera à chacun, faisons un petit calcul.

La France compte 38 millions de foyers fiscaux correspondant généralement à un ménage ou une famille.

Prenons maintenant les deux principaux impôts : la TVA et l’impôt sur le revenu. Ces recettes rapportent respectivement 186 et 80 milliards d’euros par an. En théorie, tout foyer paie la TVA dès lors qu’il effectue un acte de consommation, représentant donc une pression fiscale de 4900 euros par foyer. De l’autre côté, seuls 16,5 millions de ces ménages sont imposables à l’impôt sur le revenu et paient en moyenne 4850 euros par an à ce titre auxquels s’ajoute donc le même montant en TVA.

En tenant compte de ces éléments, les 37,5 milliards d’euros de la politique sanitaire ont coûté l’équivalent de 980 euros de TVA par foyer ou 2279 euros d’impôts sur le revenu par foyer imposable. Ces sommes sont similaires s’agissant du coût des mesures anti-inflation.

En se limitant uniquement à la TVA, en tant qu’impôt s’appliquant à tous quels que soient les revenus, le covid et l’inflation auront successivement coûté près de 82 euros par mois et par foyer depuis 2020, que vous soyez au RSA, assistant commercial ou dentiste. »

 

Une traînante loi de programmation

En guise de solution, la Cour des comptes appelle à une loi de programmation des finances publiques afin de trouver une trajectoire cohérente avec une réduction du déficit à 3 % du PIB en 2027.

Cependant, cette même loi de programmation a été rejetée début octobre par l’Assemblée nationale et fait aujourd’hui l’objet d’une étude en commission mixte paritaire.

Or, la France est depuis de nombreuses années tributaire des taux d’emprunts, et une simple hausse de 1 % coûterait au contribuable français la somme de 31 milliards d’euros, soit une moyenne de 456 euros par Français et 1900 euros par foyer imposable.

 

La menace du défaut de paiement

Un mot est toutefois étrangement absent de ce rapport : celui de « faillite », soit la contrainte, pour une personne physique ou morale, de vendre ses actifs pour payer un passif bien trop important.

Or, un État ne saurait faire faillite puisqu’une grande partie de ses biens sont inaliénables et ne peuvent donc être cédés.

Si la faillite est impossible, tel n’est pas le cas des défauts de paiement, c’est-à-dire l’incapacité pour un État d’honorer ses créances.

Ce défaut peut être provoqué par une cause externe, comme la soudaine baisse d’un cours, à la manière du pétrole (Mexique 1982, Venezuela 2017) ou des matières premières en général (Russie 1998). Dans le cas français, la hausse des taux d’intérêts pourrait parfaitement faire l’affaire.

En général, le défaut de paiement est déclenché soit par un moratoire sur la dette nationale, c’est-à-dire un report de remboursement, comme l’ont fait la Russie et l’Argentine, soit par le refus, par le pays en question, n’honorer certains engagements financiers, comme la Grèce en 2015.

 

Les réformes de la dernière chance

Les conséquences d’un tel défaut sont de trois ordres.

Premièrement, le pays n’est plus autorisé à emprunter sur les marchés. À titre d’exemple, la Russie a attendu 12 ans après son défaut de paiement avant de pouvoir emprunter à nouveau sur les marchés.

Deuxièmement, le pays fait généralement face à une grave crise économique, sociale, politique, voire diplomatique. Les traitements des fonctionnaires, aides sociales et subventions ne peuvent plus être versés tandis que les partenaires internationaux se détournent et perdent confiance.

Troisièmement, le FMI intervient généralement en contrepartie d’un engagement à suivre les réformes drastiques que le pays n’a jamais eu le courage de faire durant plusieurs années voire décennies.

De quoi se permettre une petite touche d’optimisme dans un désespoir budgétaire. Il est en effet fort peu probable que nos élus prennent les choses en main tant que le pire n’est pas arrivé…

 

Un article mis à jour le 15/03/23 à 8h12.

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  • « Il est en effet fort peu probable que nos élus prennent les choses en main tant que le pire n’est pas arrivé… »
    Mieux que çà ils veulent « mettre à genoux l’économie russe » !
    Quel beau programme pour un pays en faillite, « dirigé » par des élites que le monde nous envie

  • Avatar
    jacques lemiere
    14 mars 2023 at 8 h 17 min

    bah les riches paieront.. taxons les superprofits.. « venezuelons » .

  • Rien ne pourra être réformé tant que la France comptera autant d’élus.
    Les gaspillages engendrés par toutes les structures qui créent des machins, subventionnés par ces mêmes structures, sont énormes.
    Les sénateurs sont aussi responsables que les autres de cette gabegie, puisqu’ils doivent leur siège aux grands électeurs. Ils n’ont donc aucun intérêt à en réduire le nombre.
    Ils sont censés représenter les territoires, mais pourquoi ne sont-ils pas en première ligne pour défendre notre agriculture ou pour empêcher la folie des ZFE ?
    Si Macron veut laisser une trace positive dans l’histoire, il doit avoir le courage de proposer une vaste réforme de l’Etat et des collectivités, pas un enfumage comme il envisage avec les régions, mais une réduction de 50% du nombre de communes, une réduction de 50% du nombre de conseillers départementaux qui sont actuellement constitués de binômes.
    Il doit réduire le nombre de parlementaires dans les deux chambres, supprimer le Conseil économique et social et inscrire dans notre constitution que l’intérêt français prime sur tout autre.
    Il a une arme redoutable pour faire tout cela : le référendum.
    Monsieur le Président, si vous faites cela, je suis prêt à vous pardonner tous vos écarts !

    • Le pardon? Peut-être, c’est à voir! Par contre l’oubli, difficile ( sauf pour une bonne part de français Alzheimer!)

  • Les républiques bananières dont la France fait partie finissent toutes un jour ou l’autre par être sous tutelle du FMI. Et là, que vont faire nos ami staliniens de la CGT, cheminots, fonctionnaires, écolos, socialistes, communistes etc ? Ils vont taxer les riches . Mais pas de pot, ils ne seront plus là. Il ne restera plus qu’à massacrer les entreprises du CAC 40 pour qu’elles ne puissent plus réinvestir leurs bénéfices.
    Merci à tonton Mitterrand de nous avoir montré la voie.

  • La lutte contre la pandémie et le quoiquilencoute seulement 37 milliards? J’aurais tendance à penser 10 fois plus: achats de vaccins, tests, soutien à l’économie, indemnisation des entreprises à l’arrêt…
    Autres réélection sur la décentralisation: la suppression, imbécile à mon avis, de la taxe d’habitation rend les communes complètement dépendantes de l’ état, s’y ajoutent les « compensations » plus ou moins modulées selon la couleur politique du maire, la encore bonjour la décentralisation

  • Avatar
    Pierre Allemand
    14 mars 2023 at 9 h 50 min

    Comme je l’ai mentionné dans un article récent de Contrepoints, (https://www.contrepoints.org/2023/01/06/439227-bouclier-tarifaire-et-autres-largesses-du-gouvernement-qui-va-payer) une déclaration d’insolvabilité priverait d’office le gouvernement d’une source de financement qui se monte à 157 milliards d’euros pour 2022 sur un budget total de 523 milliards, ce qui veut dire que le tiers du budget français n’est actuellement pas financé. Un tel état de chose est calamiteux. En effet, il arrivera forcément un jour (peut-être cet après-midi) ou le système s’écroulera. Les politiques ont installé leur campement sur un volcan, et nous avec.

  • Cela n’arrivera jamais, l’ue ni l’otan ne peuvent le permettre. Et puis, ils n’hésiterons pas à piocher dans nos comptes et il y encore plein de trucs à céder pour le milliard symbolique.

    •  » ils n’hésiterons pas à piocher dans nos comptes  »
      Euh, si j’ai bien compris, nos comptes en banque ne sont que de la monnaie numérique ( des lignes de code dans un programme informatique) et cette « monnaie » n’a de valeur que si elle peut être associée à des biens tangibles!
      Souvenez vous, au moment de la chute du mur, les russes avaient plein de monnaie vu qu’ils ne pouvaient rien acheter, les magasins étant vides! Il me semble que l’on va vers cette situation assez particulière!

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