Militarisme américain : la lettre des 30 démocrates ne changera rien à Washington

Il n’y a pas réellement une remise en question de la part de ces cosignataires de la politique étrangère néoconservatrice en vigueur à Washington.

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Screenshot 2022-10-31 at 15-21-29 (1) ‘People are furious’ Jayapal withdraws Ukraine letter amid Democratic anger - YouTube

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Militarisme américain : la lettre des 30 démocrates ne changera rien à Washington

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 1 novembre 2022
- A +

Le 22 octobre 2022, trente élus de l’aile gauche du parti démocrate américain ont publié une lettre dans laquelle ils ont appelé le président Joe Biden à faire des efforts pour « chercher un cadre réaliste pour un cessez-le-feu ». Cela a eu un grand retentissement aux États-Unis car jusqu’à présent, de telles suggestions n’avaient pas été entendues ouvertement, surtout venant du parti démocrate au pouvoir.

Est-ce que cela veut dire qu’une pression politique est lentement en train de prendre forme à Washington, pression qui permettrait d’initier des premières tentatives de pourparlers avec la Russie pour mettre une fin à ce conflit et diminuer les souffrances du peuple ukrainien ? Pas pour l’instant.

Les cosignataires démocrates de cette lettre demandent un début de négociations car leurs soutiens dans la gauche anti-guerre s’attendent aujourd’hui à ce genre d’initiatives. Cette lettre est une manière pour eux de répondre à cette demande, surtout après de récentes protestations publiques à leur encontre.

Mais il n’y a pas réellement une remise en question de la part de ces cosignataires de la politique étrangère néoconservatrice en vigueur à Washington. Cette lettre est loin d’être une révolte envers un parti démocrate alliés aux faucons néoconservateurs, car elle suit la position de la classe politique américaine, en identifiant la Russie comme seule responsable du conflit actuel. Il faut se rappeler que la base d’un accord de paix était à portée de main fin mars 2022 à Istanbul entre la Russie et l’Ukraine, lorsque cette initiative a été torpillée début avril 2022 par Boris Johnson avec, indiscutablement, l’Oncle Sam dans les coulisses.

De plus, cette lettre ne remet pas en question le soutien humain, financier, militaire et logistique des États-Unis à l’Ukraine. Le conflit aurait probablement pu prendre fin bien plus tôt si les Occidentaux n’avaient pas encouragé Kiev à encaisser de lourdes pertes tout en les dopant d’armes. Comme le signale The Hill, publication de centre-gauche à Washington, ses « cosignataires ont voté pour plus de 50 milliards de dollars sous diverses formes d’aide à l’Ukraine depuis l’invasion de la Russie et, dans la lettre, n’ont exprimé aucun regret à cet égard, liant l’aide aux succès militaires ukrainiens. »

Pis encore, après la publication de cette timide lettre, la forte réaction du parti démocrate a immédiatement fait rentrer dans le rang ces politiciens soi-disant « militants et révoltés », puisqu’ils se sont immédiatement dédits du contenu. La leader de ce groupe de 30 députés, la congresswoman Pramila Jayapal, s’est désavouée de manière humiliante de cette lettre en disant, très improbablement, qu’un de ses stagiaires l’avait publiée à son insu…

 

Pas d’intérêt de négocier pour Washington

Cet épisode épistolaire n’indique donc pas un début de changement de la politique américaine envers l’Ukraine, mais plutôt le contrôle obsessionnel qu’exerce le parti démocrate et le manque de débat à Washington en ce qui concerne la politique extérieure. De la même manière, un consensus quasi-général existait parmi la classe politique américaine lors des guerres illégales contre la Serbie en 1999 et contre l’Iraq en 2003.

Cet indécent alignement politique n’est qu’un signe de plus du caractère fasciste du gouvernement fédéral des États-Unis, où les intérêts commerciaux du complexe militaro-industriel influencent fortement depuis des décennies la politique extérieure, avec des conséquences tragiques pour le monde entier. En effet, ce n’est pas une surprise que les ventes des grandes sociétés d’armement américaines, comme Raytheon, sont en forte hausse depuis la début de la guerre en Ukraine.

Il n’y a probablement que deux choses qui peuvent contraindre aujourd’hui la Maison Blanche et le département d’État à accepter la négociation avec la Russie (avec ou sans implication de l’Ukraine elle-même) afin d’arriver à un cessez-le-feu : les élections de mi-mandat du 8 novembre 2022 ou une imminente victoire militaire russe. Dans le premier cas, un probable nouveau congrès républicain pourrait décider de ne plus accorder de financement à l’Ukraine après les dizaines de milliards déjà octroyés, ce qui augmenterait les possibilités de pourparlers. Dans le deuxième cas, l’offensive russe qui se prépare pour cet hiver pourrait forcer Washington à entrer en négociations si l’Ukraine était sur le point de capituler.

 

Le rôle du libéralisme dans un monde instable

Sur le long terme, uniquement un changement en profondeur de la culture politique à Washington pourra altérer son comportement délétère et déstabilisateur mondial, y compris pour les pays européens. L’inévitable arrivée du monde multipolaire va avoir tendance à réduire le pouvoir de nuisance de l’État fédéral américain dans le monde. Cependant, le risque de conflit augmentera temporairement, car Washington ne semble pas vouloir accepter son déclin naturel avec grâce.

Un tel changement politique éventuel à Washington nécessiterait forcément une réduction de l’influence de l’État profond, notamment incarné par les dix-huit services de renseignement impliqués ces dernières années dans la censure, la manipulation politique et la violation des libertés individuelles. Un tel bridage ne pourrait être possible qu’avec une résurgence du libéralisme anti-étatique à la Old Right, ce mouvement conservateur libertarien typiquement américain.

Il y a peu de signes de cela aujourd’hui, mais la situation politique actuelle, non seulement aux États-Unis mais ailleurs en Occident, montre plus que jamais l’importance des idées libérales pour contrecarrer la croissance du pouvoir de l’État.

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  • Pendant pès de 50 ans j’ ai été un admirateur de l’ Amérique par par anti communisme et aussi parceque j’ adorait le softpower américain. Mais depuis une dizaine d’ années je suis devenu tellement anti américain que j’ en viens à souhaiter la victoire de Poutine.

  • Quel étrange texte ? Commencer par faire l’éloge d’une tribune écrite par l’aile gauche du Parti Démocrate, ensuite parler de fascisme quand il évoque Washington, faire transpirer tout du long un pacifisme benêt pour finir par souhaiter le retour de la « Old right », tout ça ne me parait pas très sérieux et cohérent…

    -1
    • Etrange commentaire de votre part. Je ne fais pas du tout l’éloge de cette lettre, au contraire. Je n’ai que du mépris pour ces démocrates car non seulement ils sont socialistes mais en plus ils n’ont aucune colonne vertébrale.
      Et bien sur que tout fascisme est un étatisme, comme le socialisme. Vous avez raison. C’est bien pour cela aussi que ces 30 démocrates ne veulent pas , en réalité , changer Washington.

  • Les États-Unis ne financent de façon importante la guerre en Ukraine que facialement. Une bonne partie de ces milliards proviennent de l’Europe qui a décidé de se réarmer en achetant du matériel américains au prix fort. Merci à l’Allemagne pour être la tête de pont de ces dépenses.

  • Je partage entièrement l avis de Bernard mais je fais un distingo entre le peuple Américain , et l’état Américain sous l’emprise des faucons ( en fait des vrais ) Leur cynisme est sans limite , d’ autant que les guerres qu’ils provoquent ne se passent jamais sur le sol Américain mais il parait qu’il existe une justice immanente et …

  • Ca vus étonne que les démocrates soient des néofascistes? Pour mémoire ce sont biens les socialistes italiens qui disaient tout pour l’Etat, tout par l’Etat et rien en dehors de l’Etat : c’est la base du collectivisme socialiste.

  • Délire poutiniste sur Contrepoints, au secours !
    Le régime fasciste est à Moscou.

    -2
      • « Poutine a été formé à la fois par la pègre et le KGB. Il en résulte qu’il est incapable de penser en termes politiques. Il ne tient compte ni de la société ni de l’opinion, qui à ses yeux sont totalement manipulables par les élites. Il ne comprend pas ce qu’est un État ni un empire, car le droit est absent de ses catégories mentales. Sa logique est celle d’un chef de bande. Sa vision de la scène internationale est celle d’une jungle où s’affrontent les mâles dominants. Sa vision de l’empire est celle d’un espace exclusif de pillage et de prédation. Pour lui, souveraineté est synonyme d’impunité. Il ne reconnaît qu’un seul crime : faire défection et passer sous le contrôle d’un mâle dominant rival (notamment le président des États-Unis). Les traîtres, ceux qui ont joint les rangs d’une bande rivale de la sienne, doivent être punis d’une mort atroce. D’où l’assassinat spectaculaire de Litvinenko, la tentative d’assassinat de Skripal, un message clair aux Russes : les capos étrangers ne vous mettront pas à l’abri de la sentence que j’ai prononcée contre vous. Le crime commis par l’Ukraine aux yeux de Poutine est de même nature que celui d’un Litvinenko : elle faisait partie de sa bande, elle a fait défection pour se mettre sous la protection d’un chef rival. Cela explique la fureur destructrice, la rage de dévastation que Poutine a déclenchées sur ce malheureux pays. Les vraies motivations de la guerre menée contre l’Ukraine sont la vengeance et l’avertissement : tout le reste n’est qu’un habillage rhétorique. Poutine est un gangster, il raisonne et agit en gangster. »

        -1
    • Bien sur , ils sont egalement fascistes a Moscou.
      Mais le traitement de Washington comme fasciste ne date pas de hier (voir John T. Flynn, As We Go Marching, voir Albert J Nock, et HL Mencken dans les annees 30). Bref…

      -1
      • Oui, c’est cela, le fasciste Roosevelt a fini par faire la guerre aux fascistes Hitler, Mussolini…
        Le délire libertarien sur Contrepoints.

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