Menaces sur votre épargne : investir dans un monde où l’inflation est élevée

Ces stratégies, espérons-le, guideront les épargnants dans leur approche d’investissement en période de forte inflation.

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Menaces sur votre épargne : investir dans un monde où l’inflation est élevée

Publié le 3 novembre 2022
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« Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance », lisent Virgile et Dante au-dessus de la porte de l’Enfer.

Une recommandation similaire pourrait être adressée à ceux qui cherchent, dans un monde où l’inflation est élevée, à placer intelligemment leur épargne. Il est communément admis qu’il est préférable de ne pas conserver de liquidités trop importantes lorsque la valeur de la monnaie s’érode rapidement. Pourtant, dans le même temps, investir son épargne en période d’inflation peut se révéler hasardeux.

En effet, la création monétaire déforme la structure du prix des actifs en donnant l’illusion d’une épargne abondante. L’intervention des autorités monétaires entraîne une hausse des prix qui n’aurait pas eu lieu d’être en son absence. À titre d’illustration, les taux de crédit maintenus artificiellement bas incitent les épargnants à investir dans certains actifs, comme l’immobilier, beaucoup plus qu’ils ne l’auraient fait sans intervention étatique. Un jour ou l’autre, les prix doivent s’ajuster. C’est alors la crise.

Dès lors, comment les épargnants qui souhaitent faire fructifier leurs avoirs peuvent-ils s’orienter dans un environnement économique où règne un tel paradoxe ?

Avant d’apporter quelques éléments de réponse, il convient de rappeler que l’augmentation des prix à la consommation est une conséquence de celle de la masse monétaire.  Cette croissance des prix, contrairement à ce que les pouvoirs publics ont annoncé à plusieurs reprises, ne semble pas transitoire mais bien partie pour durer. Cela ne doit pas nous surprendre.

 

L’inflation comme bombe à retardement

Souvenons-nous que les États-Unis ont connu une période d’inflation élevée dans les années 1970. Pourtant, bien que le pic d’impression monétaire ait été atteint en 1971, celui de la hausse des prix ne l’a été que neuf ans plus tard, en 1980.

L’augmentation de la masse monétaire et celle du prix des biens à la consommation ne sont pas simultanées.

Cela s’explique par deux phénomènes : d’une part, les gains de productivité, par nature déflationniste ; d’autre part, l’homme de la rue ne se rend pas immédiatement compte de l’augmentation de la masse monétaire dont les conséquences peuvent se faire sentir sur certains actifs plutôt que sur les biens et services du quotidien.

Dans leur dernier discours de politique d’orientation monétaire, les dirigeants de la Banque centrale européenne ont semblé indiquer que le pic de création monétaire avait été atteint. De manière surprenante, la BCE se montre même optimiste sur le niveau de l’augmentation pour les douze mois à venir.

Nous pensons nécessaire de considérer ces prédictions avec prudence. Nous sommes circonspects à l’idée de donner trop de crédit à des institutions qui n’ont vu venir ni la chute de Lehman, ni la crise des subprimes, ni l’augmentation des prix à la consommation que nous connaissons depuis un an. À l’inverse, l’École autrichienne d’économie a su faire preuve d’une étonnante sagacité qu’il convient de garder en mémoire. Cette école nous apprend notamment que lorsque les autorités monétaires manipulent les prix, les ressources sont mal investies. Ce ne sont pas les vœux pieux qui mettent fin à ces mauvaises allocations de ressources mais un ajustement qui peut être long et progressif ou court et brutal (communément appelé crise).

Il est certain que l’augmentation des prix est un ennemi pour les investisseurs qui ne peuvent que constater une diminution du pouvoir d’achat de leur épargne. Nous renvoyons les lecteurs à notre précédent article publié cet été dans le magazine Contrepoints sur les idées reçues entendues ici ou là au sujet de l’inflation.

Avant d’en venir aux différentes stratégies qui permettent de protéger ses actifs contre les conséquences d’une inflation élevée, rappelons que le prix des actifs est régi par un certain nombre de forces parfois contradictoires. Le prix d’un actif financier peut être déterminé par l’évaluation de son risque mais aussi par les anticipations que le marché se fait de sa valeur. En outre, si les prévisions des météorologues sont sans effet sur la direction des nuages, celles de certains intervenants financiers peuvent influencer la direction que prendra un actif.

L’augmentation du prix des actifs (financiers, immobiliers, alternatifs) n’est pas strictement proportionnelle à l’augmentation de la masse monétaire. Cela s’explique par le fait que les préférences des consommateurs (ou des investisseurs) peuvent être altérées au fur et à mesure que le public ressent les effets de la création monétaire.

 

Comment bien gérer son épargne

Précautions oratoires prises, voici les stratégies qu’il nous semble utile de considérer dans un monde où l’inflation est élevée.

 

  1. Privilégier les actifs libellés dans les devises de pays dont les autorités monétaires appliquent des politiques monétaires plus restrictives que la moyenne.
  2. Éviter les produits à taux fixes qui prévoient le versement du capital in fine.
  3. Éviter les obligations indexées à l’inflation. Au-delà du fait que ces instruments n’ont pas vocation à dépasser l’indice des prix à la consommation mais à l’égaler, elles souffrent d’un défaut majeur : celui du changement régulier des modes de calcul de l’inflation.
  4. Éviter les investissements dont les coûts de maintenance, d’assurance ou de stockage peuvent augmenter significativement à cause d’une hausse généralisée des prix.
  5. Privilégier les actifs dont la quantité est limitée ou difficile à accroître. Il peut s’agir d’emplacements dans le cas immobilier, d’actifs uniques ou de produits en quantité limitée, d’actifs dont la barrière à l’entrée est haute et peu accessible à la concurrence.
  6. Privilégier les actifs pour lesquels il est communément admis qu’ils protègent de l’inflation. Cette assertion peut surprendre, mais il est parfois préférable d’avoir tort avec tous que raison tout seul.
  7. Privilégier les actifs dont le modèle économique repose sur une offre de produits qui ne sont pas ceux dont les ménages peuvent facilement se passer : énergie, produits agricoles.

 

Pour terminer, rappelons-nous la sagesse de Peter Lynch. Peter Lynch est l’un des investisseurs sur les marchés boursiers les plus connus au monde et fréquemment désigné comme une légende vivante. Il doit sa renommée non seulement à la performance du fonds qu’il géra mais aussi à ses principes d’investissements simples et applicables par le plus grand nombre. Le fonds qu’il géra obtint une performance spectaculaire de 29, 2 % par an pendant les treize années durant lesquelles il en eut la charge.

Peter Lynch conseille aux investisseurs de s’intéresser en premier lieu aux sociétés dont ils connaissent l’activité et les produits. Il reconnaît qu’une grande partie de ses meilleurs investissements ont été réalisés lors de discussion avec son cercle familial et amical ou encore en allant faire ses courses.

Selon lui :

« Si une société vous attire en tant que consommateur, elle doit également vous attirer en tant qu’investisseur ».

Dans le Dao of Capital, l’investisseur Mark Spitznagel, disciple de l’École autrichienne d’économie avertit ses lecteurs : « Pour gagner durablement, il faut tolérer des revers initiaux ». En cela, comprenons qu’une stratégie gagnante ne consiste pas à avoir raison tout le temps mais avoir un peu plus souvent raison que tort.

Ces stratégies, espérons-le, guideront les épargnants dans leur approche d’investissement en période de forte inflation. Nos prévisions sont pessimistes : quoi qu’en disent les autorités, l’inflation des prix se résorbera soit par une crise brutale, soit par un ajustement long et pénible. Méfions-nous donc des discours trop optimistes sur l’inflation qui pourraient nous induire en erreur sur son évolution future. Et rappelons-nous que dans l’un de ses Petits Poèmes en Prose, Baudelaire affirmait que « la plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ».

 

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  • Ce positionnement sur d’autres actifs conjoncturels font dévier la(les) stratégie(s) d’investissement alors que la volatilité observable peut-être devenue nulle en valeur absolue étant donnée qu’elle est une fonction inverse du temps. Un investisseur doit avoir un objectif à terme et il n’est peut-être pas de bon conseil de l’en détourner pour une inflation qui risque de durer certes et que l’on pouvait anticiper compte tenu de ces déversements monétaires (QE) .
    Il ne faut pas oublier que vendre un actif emporte un coût et le réinvestissement aussi CQFD
    Warren Buffet ne vend pas, moi non plus et nous profitons(terons) des aubaines avec nos liquidités que nous ne gardons(derons) pas trop longtemps

    • L’inflation n’a pas été provoquée par les QE qui sont en place de longue date, elle a décollé précisément à partir de 2020 en raison des restrictions sanitaires et de leurs implications sur le niveau de la production, les chaines logistiques, le commerce international et l’investissement privé.

      -7
      • Ainsi que sur nos infrastructures énergétiques. Evidemment le contexte géopolitique y a également contribué.

        • @SebastienRearden
          Vous soulignez l’essentiel : le contexte géopolitique et nos infrastructures énergétiques, (en dépit de l’importance nos sites nucléaires, et de nos capacités pour aborder l’ère du numérique).
          La guerre en Ukraine qui s’enlise et dont l’issue reste plus que jamais incertaine, avec pour conséquence l’apparition éventuelle de nouveaux rapports de force entre les grands blocs d’états, ouvre le champ de tous les possibles pour un cycle économique inédit qui ne s’annonce en rien comme un long fleuve tranquille.

      • On se demande d’où vient l’argent que l’état a distribué lors des « restrictions sanitaires ». Peut être une petite cagnotte que l’état avait gardé au cas où? Ou plutôt des emprunts grâce à ces fameux QE. Sans les QE, je ne sais pas où en serait les finances de l’état français, mais je doute qu’il aurait faire du quoi qu’il en coute…
        Sans les QE, peut être même n’y aurait il pas eu de restrictions sanitaires, l’Etat n’ayant plus de quoi endormir le peuple.

      • Confusion entre le révélateur (Covid, Ukraine, …) et la cause : inflation monétaire. Ce que l’auteur de l’article explique parfaitement.

      • @SébastienRearden

        L’inflation crée de l’incertitude, et représente in fine une variable d’ajustement macroéconomique.
        Il serait bien hasardeux d’ignorer les conséquences à terme de l’hélicoptère monnaie,et surtout l’importance de la valeur travail aujourd’hui remise en cause !

  • Cette présentation simpliste de l’une des idées développées par le grand Peter Lynch est très dangereuse, il insiste à la fois sur les perspectives de croissance des sociétés (qui peuvent effectivement être identifiées par les consommateurs) et sur leur valorisation, déconseillant ainsi fortement d’acheter une action surévaluée juste parce qu’on connait bien ses produits ou services et qu’on en est satisfait.

    -2
    • @SébastienRearden
      Bonjour,
      Avant d’acheter une action il est parfaitement cohérent d’estimer au mieux les produits et services du secteur choisi en tant que consommateur.
      Cette façon d’apprécier le potentiel d’une société, loin d’être simpliste, est au contraire pragmatique et rationnelle.
      Certaines actions cotées n’ont-elles pas récemment dévissé en un an en raison de scandales mis en exergue par les médias auprès d’éventuels consommateurs ?

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