Du national-bolchévisme à l’eurasisme, qui est vraiment Alexandre Douguine ?

Qui est vraiment le théoricien russe Alexandre Douguine ?

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Du national-bolchévisme à l’eurasisme, qui est vraiment Alexandre Douguine ?

Publié le 5 septembre 2022
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Par Adrien Nonjon.

Le 20 août 2022, Daria Douguina, 29 ans, fille et émule du théoricien russe Alexandre Douguine, disparaît dans un attentat des plus mystérieux. Les services secrets russes ont imputé l’attentat à l’Ukraine, laquelle nie toute implication.

Cet épisode a remis sur le devant de la scène Alexandre Douguine, une personnalité au parcours intellectuel aussi radical que complexe, et dont l’influence supposée sur le pouvoir russe et spécifiquement sur Vladimir Poutine a donné lieu à des analyses très contrastées, certains médias exagérant nettement l’impact de sa pensée sur les cercles au pouvoir au Kremlin.

Ce qui est sûr, c’est que Douguine (comme dans une moindre mesure sa fille, étoile montante de la mouvance dite néo-eurasiste) est une personnalité marquante, quoique relativement marginale, des trente dernières années de la vie intellectuelle russe.

Qui est-il exactement, et qu’est-ce que le néo-eurasisme, dont il est le chantre depuis plusieurs décennies ?

 

Occultisme et géopolitique : les débuts d’Alexandre Douguine

Alexandre Guélevitch Douguine naît en 1962 à Moscou. Issu d’une famille parfaitement intégrée à la société soviétique, il s’en détache toutefois au cours de ses études d’ingénierie à l’Institut d’aviation de Moscou, qu’il abandonne au profit des sciences humaines – il aurait fini par soutenir une thèse en philosophie à l’université de Rostov en 2000. À partir de 1980 il fréquente assidûment le cercle dissident Ioujinski (qui tire son nom de l’ancienne dénomination de la rue Bolchoï Palachevsky où le groupe était établi), fondé par l’écrivain Iouri Mamleev.

Bien que diminué par l’expulsion de Mamleev d’URSS en 1974, ce cercle poursuivit ses activités jusqu’au milieu des années 1990, porté par le souffle libertaire de la perestroïka.

C’est dans ce milieu d’avant-garde que Douguine, encouragé entre autres par l’occultiste Evguéni Golovine et le philosophie soufi Gueïdar Djamal, s’intéresse aux auteurs traditionalistes comme le Français René Guénon (1886-1951) et l’Italien Julius Evola (1898-1974).

Marqué par la notion d’« empire organique » élaborée par ce dernier, Douguine développe dans sa jeunesse une attirance pour les courants de pensée allemands, notamment la Révolution conservatrice allemande. Bien que sensible aux écrits du géopolitologue Karl Haushofer (1869-1946), qui a théorisé l’importance des grands espaces dans le cadre d’une affirmation de la puissance, il prête une attention particulière aux idées dites de « Troisième Voie » d’Arthur Moeller van Den Bruck (1876-1925) et de l’idéologue du national-bolchévisme Ernst Niekisch (1889-1967), tous deux hostiles au libéralisme et au communisme, et favorables à une « nouvelle communauté de destin » sociale et nationale.

L’ensemble de ce corpus littéraire qu’il lit et compile rigoureusement lui permet de rapidement s’élever au sein de la nouvelle droite russe encore embryonnaire à la fin des années 1980, mais aussi d’engranger un certain nombre de contacts de l’autre côté du rideau de fer.

Désireux – au même titre que le journaliste ultra-nationaliste Alexandre Prokhanov (né en 1938) – d’extraire la droite russe de ses archaïsmes théoriques et organisationnels, Alexandre Douguine va dès 1989 rencontrer plusieurs cadres de la nouvelle droite française tels Alain de Benoist, Robert Steuckers et même de Jean Thiriart. Il deviendra le représentant en Russie du mouvement nationaliste pan-européen de ce dernier : le Front européen de libération.

 

L’expérience national-bolchévique

Auteur et conférencier, c’est en 1990 qu’Alexandre Douguine se lance officiellement en politique.

S’il rejoint au départ le mouvement d’extrême droite Pamiat (Mémoire), il manque cependant d’appuis au sein d’une organisation n’ayant que peu de considération pour sa lecture du politique fondée en partie sur l’ésotérisme.

Alors que l’opposition nationaliste russe peine à émerger dans le paysage politique de la « décennie noire », il fonde le 1er mai 1993, avec l’écrivain Édouard Limonov (1943-2020), une coalition virtuelle, le Front National-Bolchévique, qui sera enregistrée deux années plus tard sous le nom de Parti National-Bolchévique.

Présenté comme un mouvement novateur désireux de s’affirmer dans une période d’instabilité politique – marquée notamment par le coup de force du président Boris Eltsine à l’encontre du Parlement russe en octobre 1993 –, le PNB est un parti hétérogène rassemblant aussi bien des individus issus de la mouvance punk comme le chanteur Egor Letov que des skinheads et des vieux-croyants.

Ses activités sont plurielles. En effet, le PNB se déploie aussi bien dans la rue à travers un militantisme proactif que dans la sphère culturelle en tant que projet d’avant-garde misant énormément sur l’esprit et l’esthétique underground, quitte à être provocateur ou dérouter.

Tandis que son symbole (une faucille et un marteau noir sur fond blanc et rouge) s’inspire du T-shirt que Gary Oldman portait alors qu’il interprétait le chanteur des Sex Pistols, Sid Vicious, dans le film Sid and Nancy, le journal du parti, la Limonka (du nom de Limonov), reprend les codes du réalisme socialiste et de l’école hollandaise des années 1920 pour diffuser la prose punk et provocatrice de Limonov. Influencé par La Société du spectacle de Guy Debord, Douguine encourage la tenue de happenings politiques.

Pluridimensionnelle, l’idéologie du PNB s’appuie sur certains écrits de Limonov comme Le grand Hospice Occidental, mais est principalement structurée par Alexandre Douguine lui-même.

Le national-bolchévisme se fait d’abord l’écho d’une pensée eschatologique et millénariste principalement tirée du mythe russe de la « Troisième Rome » qui présente la Russie comme le rempart du monde orthodoxe et de sa tradition face à l’Occident. Par ailleurs, le national-bolchévisme est conçu autour de l’idée d’« homme nouveau » ainsi que de celle de révolution nationaliste et populaire.

L’eurasisme fait également son entrée dans le programme du PNB. En 1996, Limonov soutient l’idée d’un espace continental allant de Vladivostok à Gibraltar, dans lequel les anciens peuples de l’URSS devront s’unir autour des Russes. Préfigurant la pensée actuelle de Douguine, ces conceptions reposent en partie sur l’idéal scythe développé en Russie au XIXe, qui fut repris par la suite par les eurasistes originels.

Né à l’époque des guerres napoléoniennes, l’eurasisme est avant tout une réponse aux hésitations concernant l’identité réelle de la Russie. Rejetant la polarisation Occident-Asie, cette pensée élaborée par Piotr Tchaadaïev (1794-1856) fut redécouverte puis alimentée par l’émigration russe blanche du début du Xe siècle, notamment par Nicolas Berdaiev (1874-1948). Contrairement à ses prédécesseurs, le courant eurasiste contemporain ne cherche aucunement à séparer la Russie des civilisations européenne et asiatique existantes ; au contraire, il joue de sa dualité pour les unir dans un seul et même ensemble.

Après seulement cinq années d’existence, le PNB vole en éclats. En désaccord sur la direction du parti – Limonov préférant se concentrer sur l’opposition frontale alors que Douguine juge qu’une tactique entriste serait plus opportune –, les deux hommes mettent fin à leur collaboration. Affaibli par cette séparation, le PNB du seul Limonov subsistera jusqu’en 2007, date de son interdiction. De son côté, Douguine fonde en 2001 le mouvement Eurasia.

 

La place de l’Ukraine dans les écrits néo-eurasistes de Douguine

Resté fidèle aux principes de révolution conservatrice, Alexandre Douguine poursuit son œuvre guidée par la notion de « Troisième Voie » qu’il insuffle à l’idéologie eurasiste au cours d’une carrière d’universitaire au sein de l’Université écologique et politique internationale indépendante.

Mettant en avant la nécessité d’associer la doctrine de la gauche révolutionnaire à celle des droites populistes contre-révolutionnaires, il publie en 2012 La Quatrième théorie politique, qui reste à ce jour l’un des principaux ouvrages permettant de définir sa pensée.

Imprégné des penseurs originels du national-bolchévisme – qu’ils soient occidentaux ou russes comme Nikolaï Oustrialov (1890-1937) ou Mikhaïl Agoursky (1933-1991) –, Douguine s’oppose à la « société ouverte » décrite par le philosophe de gauche autrichien Karl Popper (1902-1994). Il propose, à travers le néo-eurasianisme, une « super-idéologie » commune à l’ensemble des peuples rejetant le modèle culturel occidental au nom de leurs racines et traditions, ainsi qu’un nouvel ordre mondial multipolaire.

Indépendamment de ces conceptions ontologiques teintées de spiritisme et d’ésotérisme, Alexandre Douguine est avant tout connu pour la dimension géopolitique qu’il voit dans le néo-eurasisme. Dans la perspective d’une révolte globale contre le monde moderne, Douguine imagine un modèle d’union impériale « tellucocrate » (c’est-à-dire regroupant les pays « de la terre ») s’opposant aux puissances thalassocratiques (celles « de la mer »), au premier rang desquelles les États-Unis.

Si l’on retrouve principalement l’influence du nomos de Carl Schmitt (1888-1985) et de son Terre et Mer, les théories de Douguine sont également empreintes des écrits d’Halford Mackinder(1861-1947) et de Nicholas Spykman (1893-1943) qui dessinent une stratégie de conquête progressive de l’Eurasie (Heartland) à travers la prise de contrôle de ses marges (Rimland). Cette lutte serait, explique Douguine dans La grande guerre des continents, pluriséculaire et (comme le montre d’ailleurs son intérêt pour le géopolitologue américain Samuel Huntington) civilisationnelle.

Compte tenu de cet arrière-plan théorique, l’Ukraine occupe une place non négligeable dans l’œuvre de Douguine. Perçue comme un verrou stratégique important de l’Eurasie, celle-ci doit revenir naturellement au monde russe.

En 1997, il s’attaque vivement, dans Fondamentaux de Géopolitique, à l’indépendance ukrainienne :

La souveraineté ukrainienne est tellement négative pour la géopolitique russe qu’elle pourrait, en théorie engendrer un conflit. […] L’Ukraine comme État ne fait aucun sens. Elle n’a pas de signification culturelle universelle, aucune distinction géographique ou exclusivité ethnique. La signification historique de l’Ukraine peut être dérivée de son nom. Le mot “Ukraine” vient du mot russe “okraïna” ou “périphérie”. L’impératif absolu de la géopolitique russe sur les rivages de la mer Noire est le contrôle total et illimité par Moscou de ces rivages sur toute leur longueur, de l’Ukraine à l’Abkhazie.

La vision de Douguine est claire. L’Ukraine fait partie intégrante de la Russie. Cette position sera d’autant plus radicale que la Révolution orange de 2004 le conforte. Estimant que le passage de Kiev dans le camp atlantiste représente une menace pour la Russie, il réitère son souhait de voir l’établissement d’une Nouvelle Russie (Novorossia) dans l’est de l’Ukraine.

Pour autant, Douguine reste, jusqu’au Maïdan et au déclenchement de la guerre en 2014, une figure assez attractive aux yeux d’un certain nombre d’Ukrainiens. Durant cette période 2004-2014, et alors même que l’Union de la jeunesse eurasienne défend avec véhémence ses thèses irrédentistes, Alexandre Douguine se rapproche de certains milieux conservateurs et nationalistes ukrainiens également influencés par le traditionnalisme et la Révolution conservatrice. C’est à ce titre qu’il invite en 2011 certains membres du Club Traditionaliste ukrainien (un cercle étudiant et métapolitique qui réunit la nouvelle garde intellectuelle du nationalisme ukrainien) à sa conférence Against the Post-Modern World, organisée par le Centre de la Tradition, qu’il dirige jusqu’en 2014 à l’université Lomonossov.

Par ailleurs, Douguine cultive depuis le début des années 2000 une proximité avec le leader nationaliste ukrainien Dmytro Korchynsky et son mouvement Bratsvo (Fraternité), dont l’orientation eurasiste des débuts soulignait la volonté d’une coopération entre nationalistes russes et ukrainiens contre le monde occidental et son influence. C’est dans cette perspective que Korchynsky officia en 2006 en tant que membre du Haut Conseil de l’Union de la Jeunesse eurasienne.

La coopération prit toutefois brutalement fin en 2007 suite à la provocation d’activistes eurasistes qui ont dégradé le monument national ukrainien situé au sommet du Mont Hoverla (le point culminant du pays). Korchynsky a dirigé dans les années post-Maïdan le groupe de volontaires Bataillon Sainte-Marie qui s’est opposé par les armes aux Russes et aux séparatistes ukrainiens pro-russes de la DNR et de la LNR dans l’est de l’Ukraine.

 

Daria Douguina : un traditionalisme néoplatonicien

Daria Douguina était devenue au cours de ces dernières années le relais d’un père interdit de territoire européen. Si sa pensée s’inscrit dans les grands préceptes du néo-eurasisme, elle s’est toutefois démarquée de son père en explorant davantage la philosophie antique.

Ayant étudié en France pendant une courte période, elle s’est notamment spécialisée dans l’étude des platoniciens – elle prendra d’ailleurs « Platonova » pour nom de plume.

Ses travaux l’on ainsi conduite à partir de 2015 à s’intéresser à l’empereur Julien, dont elle considère les soubassements de sa philosophie non pas comme une tentative de restauration religieuse mais plutôt comme une plate-forme métaphysique et politique calquant la triplicité de l’âme et celle de l’État au sens platonicien du terme. Il s’agit d’une actualisation de la théorie politique de la Tradition.

S’opposant aux spécialistes du platonisme tardif, Douguina s’inspire notamment des écrits du philosophe suisse Dominic J. O’Meara, mais aussi des travaux du philologue français Georges Dumézil (1898-1986) dont la théorie de la trifonctionnalité indo-européenne fait aujourd’hui partie des canons idéologiques de l’extrême droite.

Si ce travail constitue sa principale contribution au mouvement néo-eurasiste, Daria Douguina chercha également à inculquer au concept de « monde multipolaire » une lecture racialiste en évoquant une confrontation existentielle entre l’Occident et l’Eurasie dans lequel le conflit dans le Donbass serait un génocide commis par les Occidentaux à l’encontre des Eurasiens.

Idéologue prolixe au parcours aussi atypique qu’en phase avec l’histoire russe de ces trente dernières années, Alexandre Douguine demeure, malgré les fausses relations avec le pouvoir qu’on lui prête, un personnage marquant du nationalisme russe et des radicalités politiques contemporaines.

Si à ce jour aucune piste ne saurait être privilégiée pour expliquer l’explosion qui a tué sa fille et dont il était peut-être la cible, il est plus que probable que cet événement, aussi tragique soit-il, lui redonne une certaine audience parmi ses compatriotes.The Conversation

Adrien Nonjon, Doctorant en Histoire , Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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  • Tout le monde savait qu’ il fallait prendre l’ Ukraine avec des pincettes, que c’ était une zone ultra sensible pour des raisons historiques, mais non, les USA estiment que les richesses du monde leur appartient. Je tiens à dire que j’ ai toujours soutenu l’ Amérique ( j’ ai 60 ans), même pendant l’ invasion de l’ Irak , mais trop c’ est trop et les mensonges sur les armes de destructions massives ont été un déclic quelques années plus tard. Bien sur que Poutine est le grand méchant, l’ Amérique aurait préféré un président servile style Eltsine pour que les grandes firmes US puissent pomper toutes les matières dont regorge la Russie.

    • Oui, vous avez raison
      Après Poutine est (était?) loin d’être anti-occidental! Le dégommer ne va pas automatiquement conduire à un nouveau Eltsine ou autre caniche à Biden… ça pourrait être un nouveau Staline ou pire encore…
      Dans l’histoire les manœuvres de déstabilisation de la CIA n’ont pas toujours donné l’effet escompté (Iran, Irak, Afganistan…) En Syrie il s’en est fallu de peu qu’on installe l’EI ou alquaida à la tête du pays!

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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