Yann-Maël Larher : « le doctorat retrouve ses lettres de noblesse »

Entretien avec Yann-Maël Larher sur les liens entre le doctorat et le monde de l’entreprise.

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Yann Mael Larher.

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Yann-Maël Larher : « le doctorat retrouve ses lettres de noblesse »

Publié le 10 août 2022
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Yann-Maël Larher a co-fondé son cabinet d’avocats Legal Brain Avocats et un cabinet conseil Okay Doc pour valoriser l’expertise des chercheurs dans les entreprises et appréhender toutes les dimensions de l’innovation.

Lauréat du Prix des Talents de la Recherche décerné par RUE 89 et FABERNOVEL, en 2017 il a soutenu sa thèse intitulée « Les relations numériques de travail » à l’université Panthéon-Assas. Il intervient désormais afin de favoriser l’adoption de nouveaux modes de travail et faciliter l’organisation de la société numérique.

Entretien réalisé par Contrepoints.

 

Contrepoints : Avocat et titulaire d’un doctorat en droit, vous avez créé okaydoc.fr pour valoriser l’expertise des docteurs, quelle que soit leur spécialité. Le doctorat, c’est un diplôme qui fait encore peur aux entreprises ? Pourquoi ?

Yann-Maël Larher : Le doctorat souffre parfois de stéréotypes hérités du passé. Les entreprises ne connaissent pas toujours les compétences des docteurs car finalement, parmi les dirigeants assez peu ont été formés par la recherche contrairement aux pays anglo-saxons ou à l’Allemagne. C’est d’ailleurs la raison qui nous a poussé à conduire une étude sur le sujet, et nous cherchons à ce titre des entreprises prêtes à témoigner.

Pour autant, avec les difficultés de recrutement et la concurrence internationale, le diplôme commence à retrouver ses lettres de noblesse. Les entreprises, en particulier les plus innovantes, sont de plus en plus nombreuses à recruter ou à faire appel à l’expertise ponctuelle de chercheurs pour leurs expertises spécifiques par exemple en IA, ou encore dans le domaine de la santé. Il est possible d’aller encore plus loin; notamment dans le champ des sciences humaines et sociales.

En effet, trop souvent l’innovation est prise sous un prisme technique alors qu’elle est d’abord un prisme de pensée. Les chercheurs peuvent ainsi aider les organisations à mieux appréhender et anticiper les évolutions des usages de leurs salariés comme des consommateurs.

 

Les docteurs, c’est un gisement de compétences sous-exploité ? 

Quand on parle d’innovation en France, on n’a pas suffisamment le réflexe de se tourner vers les chercheurs. Pourtant, les compétences et savoirs des jeunes docteurs ont toute leur place dans le monde de l’entreprise. Non seulement le doctorat valorise des connaissances scientifiques spécifiques à un domaine de recherche, mais ses titulaires développent aussi des compétences transversales et transférables qui devraient attirer les entreprises car elles sont essentielles sur le marché du travail.

On parle ici de rigueur, d’ouverture d’esprit, de capacité à communiquer, ou encore de force de persuasion. S’y ajoutent d’autres qualités, parfois méconnues, telles que la résistance au stress, la capacité à mener à bien des projets à long terme, à collaborer, ou encore à travailler en pleine autonomie. Des qualités attachées à toute démarche innovante.

 

Que peuvent apporter les docteurs à l’entreprise ou même à la haute administration ?

L’apparition de nouvelles technologies, le défi climatique ou encore de nouveaux usages ou attentes justifient la réalisation d’études approfondies et le recours à des experts dans tous les champs disciplinaires (environnement, droit, économie, management, informatique, neurosciences, psychologie, mathématiques, sociologie…). En effet, les entreprises comme les administrations doivent s’inscrire dans des dynamiques nouvelles, sans courir de risques disproportionnés tout en tirant pleinement profit de champs encore peu structurés.

Okay Doc s’inscrit pleinement dans cette démarche. Le fonctionnement est simple. Les organisations qui souhaitent faire appel à un chercheur, expert de son domaine, nous soumettent une demande en ligne. Nous nous chargeons ensuite de proposer des profils, qu’il s’agisse d’un recrutement pérenne avec le sourcing de candidats ou d’une mission ponctuelle. Les prestations ponctuelles peuvent prendre différentes formes : une conférence inspirante pour décoder un sujet, par exemple la blockchain, mais aussi des services de conseil, la rédaction d’un état de l’art ou encore une note de prospective…

 

Pour beaucoup de jeunes docteurs, c’est le monde de l’entreprise, voire de l’innovation et de la recherche qui est totalement inconnu, voire hostile. Il y a urgence à réformer les mentalités ? C’est aussi à ça que travaille okaydoc.fr ?

Faire mieux collaborer les chercheurs avec les entreprises ou les administrations, c’est la philosophie de Okay Doc. Avoir accès à la bonne expertise au bon moment est une composante clé pour les organisations : c’est ce besoin que Okay Doc souhaite combler mais nous accompagnons aussi les universités et les chercheurs pour prendre la posture de conférencier, de vulgarisateur ou encore de consultant. Les chercheurs n’ont pas toujours les codes du monde de l’entreprise et souffrent parfois du syndrome de l’imposteur alors qu’ils détiennent une véritable expertise et une vraie valeur ajoutée. Ils doivent les revendiquer et il faut les accompagner sur ce chemin.

C’est ce que nous faisons à travers chacune de nos missions. Nous voulons faire reconnaître l’expertise des chercheurs auprès des entreprises, des universités comme des hautes administrations, pour qu’ils soient enfin considérés comme l’une des clefs devant permettre à la France de relever les défis du XXIe siècle. Si les chercheurs n’ont pas la science infuse, leurs années de recherche et leur posture peuvent fondamentalement aider les organisations à poser les problèmes autrement et à trouver des solutions originales.

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  • Avatar
    jacques lemiere
    10 août 2022 at 7 h 26 min

    « LE » doctorat?? j’en ai un!!!

    tout entreprise qui juge un membre sur un bout de papier et non sur pièce prend un risque…

    • Avatar
      jacques lemiere
      10 août 2022 at 7 h 27 min

      et je peux vous dire qu’il ne « vaut » RIEN..ne sanctionne rien ..

      • Avatar
        jacques lemiere
        10 août 2022 at 7 h 29 min

        j’ai inséré plusieurs fois les même figures pas exemple … pour voir l’effets sur les examinateurs.. n’ai pas corrigé des données fausses..

        bout de papier qui sanctionne l’approche académique..essentiellement …
        lire, citer.. écrire..

        • Avatar
          jacques lemiere
          10 août 2022 at 7 h 45 min

          il ya une contradiction dans le monde académique , une volonté d’universalité des connaissances..mais un mécanisme de cooptation..
          il ya un phénomène corporatiste..

          principe de précaution.. non dénoncé..par le monde académique..
          il faut croire les scientifique..non dénoncé..
          confit d’interet.. réservé au financement privé..non dénoncé..

          je vous conseille fortement de juger un domaine académique sur pièce!!!!

        • Vous me semblez généraliser un peu vite votre cas personnel…

        • En effet, le doctorat montre d’abord l’aptitude à se conformer à un mode de pensée convenu. Les entreprises n’ont véritablement besoin de docteurs que pour les postes de hiérarchie intermédiaire, là où la rigueur procédurale fait défaut… Pour le reste, un doctorat représente une expérience de vie, dont l’intérêt est à évaluer au cas par cas.

  • Bien d’accord avec Mr Lemière. J’ai donné des cours de droit financier à La Sorbonne, les étudiants faisaient jusqu’à 53 fautes d’orthographe par copie, dans une thèse de doctorat, il y en avait 3 à 5 par page, et bien que cela ait été relevé d’emblée par le président du jury, le doctorat a été accordé… Dirigeant d’une société d’édition juridique, j’avais interdir ile recrutement de doctorants pour leur façon alambiquée d’écrire, leur approche inadéquate des besoins des lecteurs, tournée vers la complexification de phrase comportant des incidentes en pagaille, si bien qu’ils se rendaient parfaitement illisibles. Rien à voir avec le niveau d’étudiants qui cherchent à se professionnaliser utilement, comme en trouve à Siences Po ou dans les écoles de commerce par exemple. L’université doit sortir de la cooptation et de l’entre soi en se croyant l’élite intellectuelle, l’accumulation laborieuse de sommes de textes n’a rien à voir avec l’intelligence.

    • Les thèses de doctorat en sciences sont lues au fur et à mesure par le directeur de thèse. Ensuite, le manuscrit est proposé à un ou deux rapporteurs. Il faut généralement deux publications acceptées par une revue internationale à comité de lecture. L’édition de la thèse n’est possible qu’après la prise en compte des remarques. Les textes publiés sont maintenant en anglais et passent par les fourches caudines des « reviewers » inconnus des auteurs. Il n’y a pas de soutenance possible si toutes ces opérations préliminaires ne sont pas terminées avec accord des trois parties. Autrefois, la thèse durait entre 4 et 10 ans. Les réformes européennes ont uniformisé la durée à trois ans après la maîtrise.
      L’Université n’est plus dans l’entre soi depuis l’obligation d’intégrer dans le jury un rapporteur extérieur, et un professionnel. Les recrutements de Maîtres de Conférence et surtout de Professeurs sont largement ouverts.
      Je n’apprécie pas cette phrase : « l’Université se croit l’élite intellectuelle et l’accumulation laborieuse de sommes de textes n’a rien à voir avec l’intelligence ». Ce monsieur devrait s’astreindre à lire une thèse de sciences et verrait que les textes sont une preuve d’intelligence sur un sujet pointu et moderne, et la transcription sans mots inutiles de la réalité des résultats expérimentaux.
      Je ne peux parler que du domaine qui a été le mien jusqu’en 2000. La génétique et la biologie moléculaire sont aujourd’hui la source de tout ce qui existe dans les applications médicales, pharmaceutiques, agronomiques. Les scribouillards sont plutôt du côté des « sciences » dites humaines.
      Je ne comprends donc pas les commentaires ci-dessus.

  • Quel est le pourcentage de doctorants à qui la thèse est finalement refusée ?

    • La soutenance de thèse est un rituel public bon enfant joué d’avance et se terminant généralement par des agapes : on y stimule principalement le cerveau reptilien comme dans toutes les sociétés primitives qui célèbrent le passage à l’âge adulte.
      L’échec du thésard est joué avant au niveau de l’interaction avec les rapporteurs.
      Lorsque le rapporteur demande des corrections (fautes d’orthographe ou autres) qui ne sont pas apportées, le rapporteur refuse son accord et on en reste là.

      • Pour avoir encadré quelques thèses, je connais fort bien le mécanisme. Mais je n’ai jamais vu le cas se présenter dans mon domaine scientifique. C’aurait été une injure mortelle envers le directeur de thèse, et quel rapporteur s’y serait risqué ? De plus, ces thèses étaient le plus souvent co-financées par des industriels… Du coup, la sélection se fait avant le début de la thèse et finalement ça ne marche pas si mal. Sauf qu’il s’agit de sciences dures. Dans les sciences plus humaines, il semble qu’il n’y ait pas la même sélection, ni la même confiance dans la valeur du doctorant retenu, d’où ma question.

  • Quand on constate la baisse du niveau des autres échelons universitaires diplômants (1ers cycles, licences, maîtrises ou équivalents), il est logique que le doctorat retrouve un petit regain de forme. Cela ne veut néanmoins pas signifier qu’il est en soi en gage de qualité.
    De plus, il faut différencier les doctorats de matières scientifiques dures telles que la physique, les maths voire l’informatique et la biologie des doctorats en sciences sociales, humaines, littéraires et en droit. Que ces dernières « développent aussi des compétences transversales et transférables » est possible, mais en matière de Sciences, le doctorat traduit plutôt une hyperspécialisation peu « transversale ».
    Enfin, la fuite en avant devant la dépréciation et la baisse de niveau des autres diplômes universitaires, augmente la demande des étudiants en doctorats souvent au-delà des capacités formatrices des universités.
    Cela aboutit à multiplier les doctorats « low cost » torchés en 2 ans tandis que les « vrais » doctorats (càd ceux résultant d’un travail de plusieurs années aboutissant à une thèse de valeur et plusieurs publications de bon niveau) restent minoritaires.
    Tous portent le nom de Doctorat mais recouvrent des réalités et niveaux bien différents.
    C’est pour cela que j’ai plutôt l’impression que cette augmentation du Doctorat en entreprise est plutôt le témoin de la dépréciation du reste de la formation universitaire qui, en France, a du mal à accepter qu’un étudiant ressorte du système sans diplôme…

  • Avatar
    The Real Franky Bee
    10 août 2022 at 19 h 58 min

    Il est triste de voir autant de commentateurs dévaloriser le doctorat, et à fortiori la recherche. Tout cela donne beaucoup trop de crédit à la rhétorique pathétique d’un Idriss Aberkane.

    Écrire une thèse c’est avant faire preuve de sa capacité à s’approprier l’état de l’art sur un sujet, et dépasser ce dernier via un travail de recherche à la fois original et significatif. Et cela n’a rien de facile.

    Oui, il est tout à fait possible qu’en France la qualité de certains travaux laisse à désirer. Pire, il existe très clairement des thèses de complaisance (n’est-ce pas Idriss ?). Enfin, certaines disciplines baignent parfois plus dans l’idéologie que dans la science à proprement parler – se référer à Karl Popper pour la démarcation entre les deux. Mais tout cela relève bien plus d’un dysfonctionnement du système universitaire français, que d’un problème lié au doctorat lui-même.

    Les qualités requises en recherche sont très clairement un atout pour les entreprises, comme l’avance cet article. Certes, tous les chercheurs ne parvienent pas aisément à penser en-dehors du cadre, mais ni plus ni moins que partout ailleurs, car n’est pas créatif qui veut.

    J’ajouterai pour finir qu’on peut faire de la recherche et publier ses travaux sans pour autant avoir de doctorat. Car d’un côté il existe des « hyper docteurs » qui n’ont jamais rien publié de leur vie, et de l’autre des personnes qui publient sans avoir le moindre « Ph.D » dans leur bio Twitter.

    • Ben oui. Mais doctorat ou non, c’est comme mâle ou non, jaune de peau ou non, jeune ou non : totalement hors du sujet. C’est irritant de voir un certain nombre de qualités attribuées à la caractéristique « docteur », parce que ça laisse subodorer la présence de passagers clandestins. Les employeurs ne sont pas bêtes au point de refuser les bons profils, alors pourquoi aller leur vanter ceux-là en particulier ?

      • Avatar
        The Real Franky Bee
        10 août 2022 at 20 h 35 min

        Mouais. Dans mon domaine (la finance), on voit quand même une différence d’un point de vue rigueur, connaissance des dernières recherches, et méthodologie de recherche. Ça ne veut pas dire qu’un PhD vaut nécessairement plus que le premier venu, et aurait nécessairement toujours raison. Mais il y a clairement des compétences clés développées par ceux qui ont suivi ce cursus (ce que je n’ai pas fait personnellement).

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