La faiblesse économique de la Russie

Les quelques données macro-économiques ci-après permettront d’apprécier globalement l’évolution de l’économie de la Russie depuis la chute de l’URSS.

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Screenshot 2021-07-08 at 13-00-58 Comment la Russie a cherché à interférer dans l'élection américaine

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La faiblesse économique de la Russie

Publié le 10 juin 2022
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La Russie est aujourd’hui à la peine, comme l’ancienne URSS.

Le 28 mai 1957, Nikita Khrouchtchev, premier secrétaire du Parti communiste soviétique, déclarait à la télévision américaine :

« Ce qui me plait d’ores et déjà, c’est que nous avons à présent la possibilité de nous comparer avec vous et pourtant les États-Unis sont un pays très riche. »

Les dirigeants russes avaient une hantise : rattraper économiquement les États-Unis. Cela ne s’est jamais produit.

En 1991, à la chute de l’URSS, le PIB russe par habitant était de 7400 dollars par an et celui des États-Unis de 38 700 dollars. L’écart ne s’est pas réduit depuis cette date. Pourquoi ? Tout simplement parce que jamais une dictature n’a pu supplanter économiquement une démocratie. La liberté est une condition de la croissance. Tôt ou tard, la Chine se heurtera aussi à cette problématique.

Les quelques données macro-économiques ci-après permettront d’apprécier globalement l’évolution de l’économie russe depuis la chute de l’URSS.

 

Une relative stagnation de la richesse par habitant

Les chiffres sont donnés en dollars constants de 2015 afin d’éliminer l’incidence de l’inflation.

                                                                                                  1989-2020 (données Banque mondiale)

 

 

 

Évolution du PIB par habitant en dollars

Russie États-Unis France
1989 8100 39 000 28 000
2020 9700 58 200 35 800
Croissance annuelle moyenne sur 32 ans 0,56 % 1,26 % 0,77 %

 

L’écart a donc continué à se creuser entre la richesse individuelle moyenne des russes et celle des occidentaux.

 

Une baisse de la population

 

                                                                                                      1961-2020 (données Banque mondiale)

 

 

Tous les pays se développant économiquement connaissent une chute du taux de croissance démographique. Sur la période étudiée, ce taux est toujours resté positif pour les États-Unis (1 % en 2020) et la France (0,2 % en 2020), mais il est devenu négatif pour la Russie entre 1993 et 2007 et à nouveau en 2020 (-0,2 %). Depuis 1992, la population russe se situe sur une tendance baissière de long terme : 119,9 millions en 1960 148,5 millions en 1992, 144,1 millions en 2020. La conséquence est un vieillissement de la population et un moindre dynamisme économique.

 

L’indice de développement humain (IDH)

L’IDH, calculé par l’ONU, intègre des données qualitatives comme l’état de santé de la population, sa longévité, le niveau d’éducation, le niveau de vie.

 

IDH année 2018

Monde Russie États-Unis France
0,731 0,824 0,926 0,901

 

La Russie reste en dessous des pays occidentaux. L’indice est considéré par l’ONU comme élevé à partir de 0,750 et très élevé à partir de 0,892. La Russie appartient donc aux pays du monde ayant un indice élevé, les pays occidentaux se situant à un niveau très élevé. Les IDH les plus faibles concernent certains pays d’Afrique (Tchad, Niger) et se situent vers 0,4.

 

Exportations russes : beaucoup d’énergies fossiles

(Source : fr.statista.com)

 

La balance commerciale russe est fortement excédentaire : 67,6 milliards de dollars au dernier trimestre de l’année 2021, mais elle est très dépendante des exportations de gaz et de pétrole. Le client le plus important de la Russie est l’Union européenne (UE).

L’UE absorbait 40 % des exportations russes en 2020, comprenant 47 % de produits pétroliers ou gaziers. La dépendance gazière de certains pays européens à l’égard de la Russie est critique : Finlande (94 %), Bulgarie (77 %), Slovaquie (70 %), Allemagne (49 %), Italie (46 %), Pologne (40 %). La politique française d’approvisionnement a été plus sage avec une dépendance de 24 % au gaz russe.

Mais inversement, la dépendance russe à l’égard de l’UE est considérable. Avec l’agression russe en Ukraine, la réorientation européenne en matière d’approvisionnement énergétique est inéluctable. Elle prendra des années mais sera très douloureuse pour la Russie. Par ailleurs, à échéance de plusieurs décennies, la planification énergétique occidentale consiste à réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles. La structure des exportations russes peut donc être considérée comme une grave faiblesse.

 

Ne pas humilier les faibles

La Russie à la population vieillissante n’a jamais réussi à atteindre les performances économiques occidentales. Le pays vit de la rente pétrolière et gazière et non pas du dynamisme créatif. Petite puissance économique dont le PIB de 1700 milliards de dollars est nettement inférieur à celui de la France (3100 milliards de dollars) et très loin de celui des États-Unis (24 800 milliards), la Russie a toujours été en guerre depuis la chute de l’URSS (Géorgie, Ossétie du Nord, Tadjikistan, Tchétchénie, Crimée, Donbass, Syrie et enfin Ukraine). La propension des dictatures à masquer leurs insuffisances par des conflits afin de susciter une adhésion nationaliste de population est bien connue. Aussi, la Russie consacre-t-elle 4,3 % de son PIB aux dépenses militaires contre 2,1 % pour le France et 3,7 % pour les États-Unis.

L’armée russe a cependant montré ses limites au cours de l’agression de l’Ukraine. La comparaison des budgets militaires des pays de l’OTAN (environ 1000 milliards de dollars) et de la Russie (environ 65 milliards) ne nécessite aucun commentaire.

Il faut des moyens considérables pour maintenir à niveau un outil militaire performant sur le plan technologique. La Russie ne les a pas et il est permis de se poser la question de l’état réel de sa force de dissuasion nucléaire.

Le thème de l’humiliation de la Russie, évoqué par Emmanuel Macron, a suscité le débat. En tenant compte de l’aspect économique, il semble assez évident que la Russie est devenue une petite puissance agressive à la suite de ses échecs répétés. Elle s’est sentie humiliée. La voie sans issue du communisme pendant 70 ans, l’orientation autocratique de plus en plus affirmée ensuite, ont conduit ce grand pays par sa culture et son histoire dans une impasse.

La population, soumise à la propagande officielle, constate que son niveau de vie stagne. Les dirigeants, les cadres, les universitaires, les intellectuels, les artistes n’ignorent rien de la distance croissante qui sépare leur pays des démocraties occidentales. Poutine lui-même a indirectement avoué l’humiliation ressentie lors de la dislocation de l’URSS. Dans un discours de 2005, il a exprimé que la chute de l’URSS a été « la plus grande catastrophe géopolitique du siècle dernier ». Le despote s’emploie donc à reconstituer l’empire par la guerre en brandissant la menace nucléaire contre l’Occident. Voilà sa seule force.

Pour l’avenir à plus ou moins long terme, l’approche de Macron semble donc adaptée à la situation. Nous sommes beaucoup plus riches et beaucoup plus puissants que la faible Russie. Il ne faudra pas, le jour venu, ajouter de l’humiliation à l’humiliation.

 

Voir les commentaires (15)

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  • « Nous sommes beaucoup plus riches et beaucoup plus puissants que la faible Russie. »
    En supposant que ce cocorico soit justifié, ne vous inquiétez pas, c’est parti pour se terminer bientôt. Corruption et incompétence sont parfois moins visibles dans les prétendues démocraties, mais elles y gonflent artificiellement les chiffres autant sinon plus que dans les pays que nous prétendons pouvoir humilier de notre suffisance.

    • Merveilleux complotisme agité par un populiste…..pour justifier son ralliement au poutinisme dans un média dit libéral…….😁😁😁

      -5
    • Avatar
      jacques lemiere
      11 juin 2022 at 8 h 28 min

      il n’y pas de cocorico à pousser…le problème est que dans une approche rationnel … la russie de poutine devrait nous faire réaliser aux français que nous sommes sur le mauvais chemin!!!!

      la plus belle illustration est la censure des médias russes!!!!!!

      Poutine fascine encore ceux qui sont convaincus que un état doit gérer les opinions de son peuple.et l’ éduquer .dans le sens du nationalisme.. il doit être censuré pour ceux qui penser aussi que le peuple doit être éduqué mais autrement..

      la russie et l »ed nat me choquent… mais je peux critiquer l’ed nat!!!

  • Un pays aussi pauvre que la Russie ne devrait pas avoir d’ennemis, mais être déjà absorbé par les usa, y a un truc qui m’échappe ou bien les comparaisons de pib sont du toc. !

    • Sans être complètement du toc, les comparaisons de PIB sont très peu instructives. Parmi les sources d’erreur, on trouve les unités ($, alors qu’un dollar est loin d’avoir le même pouvoir d’achat dans des pays différents), le mode de déflation des données (quand on ramène tout à des $ 2022, p.ex., veille-t-on à appliquer à chaque pays le taux d’inflation de sa monnaie et non celui du $ ?), la création de dette publique (on peut gonfler artificiellement le PIB en créant de la dette, en France on sait faire !), la distinction entre PIB marchand et non-marchand, etc. etc.
      Personnellement, je trouve beaucoup plus instructives des notions comme l’indice Big Mac, ou l’indice iphone (combien d’heures un citoyen médian doit-il travailler pour s’offrir le dernier iphone ? Apparemment, on est vers les 50 aux US, 100 en France, 300 en Russie ou en Chine, et 1000 en Egypte), ou le pourcentage de survie aux infarctus à 50 ans, etc.

    • Ben oui… Tous les pays pauvres devraient être colonisés… C’est clair…! Et surtout il faut pas les aider à se développer…

  • Au moins, la Russie a une balance commerciale excédentaire, contrairement à la France… Il aurait d’ailleurs été intéressant d’avoir une statistique sur la France sur ce sujet.
    Certes, le système Russe est pourri, on le sait tous, mais il faut quand même tenter de faire des analyses cohérente.
    D’ailleurs, le PIB par habitant est un indicateur traite à mon sens, car il ne prend pas en compte le prix de la vie du pays (ou alors j’ai pas tout compris dans son calcul, mea culpa dans ce cas).

  • « Nous sommes beaucoup plus riches et beaucoup plus puissants que la faible Russie. »
    Plus riches sans doute mais pour combien de temps encore, au vu de nos dettes et de notre balance commerciale ? Plus puissants ? Dans la mesure où nous comptons sur l’appui US pour notre défense.

  • Rien de neuf du côté de la Moscova. Des tanks, des canons, des matières premières. A l’arrivée un PIB presque honorable. A nos amis russes de bouffer du pétrole, de voyager en T90 et de s’offrir des canons pour Noël. J’aimerais un jour que l’on calcule un PIB/hab utile et savoureux. Pauvres russes qui pourraient alors jalouser bien des pays africains.

  • Il faut se méfier des agrégats économiques qui ne veulent dire que ce que l’on veut bien y voir.
    A notre époque et dans le futur, vaut-il mieux avoir un PIB constitué de matières premières, de minerais, d’énergies fossiles et de denrées agricoles ou bien un PIB basé sur les services, la finance, la sur-valorisation des actifs qui supposent une abondance quasi-infinie de matières premières, minerais, énergies fossiles et denrées agricoles ?
    Je crois que la France se porterait beaucoup mieux avec les « graves faiblesses de la structure des exportations Russes »

    • C’est sûr que les secteurs excédentaires sont l’aéronautique (la moitié de l’excédent), la chimie parfums cosmétiques (le quart), l’agriculture et la pharmacie (le reste). Tout le reste fait du déficit, énergie, produits industriels, informatique, biens d’équipement, automobile, textile, .. (Le commerce extérieur de la France 2020, p.17). S’il y a de graves faiblesses dont il faudrait s’inquiéter, ce sont bien les nôtres !

  • Il est évidemment très compliqué de comparer le niveau de développement des pays. Et, comme certains lecteurs, je ne pense pas que le PIB par habitant en dollars étasuniens soit le meilleur outil.
    Plus approprié, pour commencer avec un seul indice, ce qui est évidemment insuffisant, il est préférable de retenir le taux de mortalité infantile car il est la résultante d’un certain nombre de paramètres relevant de divers domaines. Voici quelques chiffres pour 2010 :
    – Japon : 2,00 ‰
    – Suède : 2,41‰
    – Espagne : 2,67‰
    – Corée du Sud : 2,70 ‰
    – Allemagne : 3,00 ‰
    – France : 3,60 ‰
    – Suisse : 3,90 ‰
    – États-Unis : 5,60 ‰
    – Russie : 6,00 ‰
    Bien sûr, ce n’est qu’un élément, en partie contestable, au sujet duquel il faut poser la question de l’homogénéité des critères et de la fiabilité des sources pour les pays non démocratique (le classement de la Biélorussie au 15ème rang avec un chiffre de 2,40 ‰ me pose problème).
    Mais il est malgré tout souvent intéressant et révélateur : ainsi, au cours des années 1980, ce chiffre se dégradait-il en URSS, ce qui illustrait bien l’impasse dans laquelle se trouvait son « socialisme rhumatisant », heureuse expression du regretté André Fontaine … notamment quand on repense aux photos des brochettes gérontes égrotants qui dirigeaient alors cette puissance et dont l’état de santé incarnait bien celui du pays.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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