L’élection du Premier ministre : Mélenchon se trompe

Contrairement à ce que Jean-Luc Mélenchon déclare, le Premier ministre n’est pas élu.

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Meeting Mélenchon Parc des expos (57) By: Blandine Le Cain - CC BY 2.0

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L’élection du Premier ministre : Mélenchon se trompe

Publié le 25 avril 2022
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C’est lors de cet entretien sur la chaîne BFM TV que l’actuel leader de la France Insoumise a déclaré : « Je demande aux Français de m’élire Premier ministre,  je leur demande pour m’élire Premier ministre, d’élire une majorité de députés insoumis, Insoumis et Union populaire » affirmant plus loin « ce sont les Français qui décident de qui va être le chef du gouvernement ».

Pourtant, comme nous le verrons dans cet article, cette affirmation est fausse. Plus généralement, c’est une réflexion sur le rôle du Premier ministre qu’il faudra esquisser.

Un Premier ministre nommé et non élu

La Cinquième République, système hybride mi-parlementaire (Constitution de 1958) mi-présidentiel (Constitution de 1962) se caractérise par une dyarchie. Cela signifie qu’au niveau de l’exécutif, deux têtes cohabitent.

D’une part, celle du président de la République qui est selon l’article 5 de la Constitution le gardien du respect de la Constitution, le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités, avec un rôle d’arbitre entre les pouvoirs publics. Il est irresponsable politiquement face au Parlement.

De l’autre, le Premier ministre qui selon l’article 20 conduit et dirige la politique de la Nation ; selon l’article 21.C, il est le chef du gouvernement, en dirige l’action, organise le travail gouvernemental, est le responsable de la Défense nationale (ce qui n’est pas sans poser de difficulté avec l’article 15.C). Il est titulaire du pouvoir réglementaire en application des articles 21 et 37 de la Constitution. Il est politiquement responsable devant le Parlement.

Contrairement à ce qu’affirme Jean-Luc Mélenchon, le Premier ministre n’est pas élu par le peuple mais nommé par le président de la République, lors des périodes ordinaires.

En vertu de l’article 8 de la Constitution « le président de la République nomme le Premier ministre ».

En l’absence de conditions de fond et de forme, la nomination est soumise au libre choix du président de la République. Cependant, cette liberté ne saurait être totale. En effet, à partir du moment où le gouvernement est responsable devant le Parlement (article 20 C), le Premier ministre doit obligatoirement être choisi, soit au sein de la majorité parlementaire, soit s’il n’y appartient pas, avec l’accord de cette dernière. En principe donc, le président de la République a le choix pour la nomination sauf quand des raisons politiques la lui imposent.

En plus de cela, lors des périodes de cohabitation, le pouvoir de nomination du président de la République est entièrement lié par la volonté de la majorité parlementaire qui lui est, par hypothèse, hostile. Lors de ces moments-là, le président de la République nomme souvent la personnalité politique que la nouvelle majorité parlementaire avait au préalable choisi, comme ce fût le cas avec Lionel Jospin en 1997.

On peut se demander pourquoi une telle affirmation de Jean-Luc Mélenchon ?

Comme l’affirme Olivier Beaud dans un article du 21 avril 2022,

« Cette méconnaissance intentionnelle par Jean-Luc Mélenchon des dispositions constitutionnelles vise à créer un conflit de légitimité, en opposant l’élu le plus récent (celui des législatives) à l’élu le plus ancien (de l’élection présidentielle), même si l’écart temporel serait de deux mois seulement. En parlant à chaque fois d’élu pour le président de la République comme pour le Premier ministre, Jean-Luc Mélenchon entend asseoir sa prétention à gouverner la France ».

Évidemment, en droit constitutionnel, Jean-Luc Mélenchon commet une erreur, ce qui devrait tout de même interroger les partis de gauche.

Car comme l’affirme Olivier Beaud :

« Le leader charismatique de la France Insoumise semble notamment oublier que si la gauche formait une majorité de coalition, d’autres candidatures que la sienne pourraient être envisagées. C’est une drôle de façon de traiter ses partenaires que de s’imposer à eux sur le mode de l’évidence. On est assez loin de la logique du régime parlementaire qui repose le plus souvent sur des compromis entre les partis désireux de constituer une majorité de coalition ».

Réviser la Constitution pour aller vers un régime primo-ministériel ?

La question des institutions a été oubliée durant cette campagne, alors qu’avec la crise des Gilets Jaunes nous avons vécu une remise en cause radicale de nos institutions.

Si l’on veut radicaliser la démocratie, et faire en sorte que les citoyens trouvent leurs places aux seins des institutions, outre l’idée de la représentation-écart, laissant une autonomie entre représentants et représentés, le passage vers un régime primo-ministériel permettrait d’échapper à l’autisme constitutionnel qui nous guette, avec pour reprendre les mots de Jean-François Revel :

« Être Premier ministre sous la Ve République n’est plus une fonction mais une fiction […] le Premier ministre est victime de l’hypertrophie présidentielle ».

Par cet autisme constitutionnel, l’irresponsabilité politique a envahi l’ensemble des sphères de la politique, obligeant le citoyen à saisir le juge pénal, alors qu’il n’y a pas lieu de le saisir, mettant à mal la confiance dans les institutions et renforçant cet autisme constitutionnel.

En effet, comme l’affirme très justement Jean-François Revel :

« L’efficacité d’un pouvoir est d’autant plus limitée que son irresponsabilité est illimitée. Dans le présidentialisme dégénéré, l’irresponsabilité constitutionnelle du décideur unique et suprême se trouve en quelque sorte « déclinée », répartie et distribuée du haut en bas de l’échelle du pouvoir d’État […], l’absolutisme engendre l’absolution ».

La Cinquième République a en effet déconnecté le pouvoir de décision et la responsabilité politique.

Alors que faire ?

Pour certains, il faudrait basculer totalement vers un régime présidentiel, où le président de la République serait responsable politiquement devant le Parlement. Sauf que pour ce faire, trois conditions sont nécessaires :

  1. Fédéralisme
  2. Culture du compromis
  3. Cour constitutionnelle indépendante

 

Tout le monde conviendra que la France ne remplit aucune des trois conditions citées.

L’autre solution consiste à passer à un régime primo-ministériel. Selon Dominique Rousseau, il faudrait créer un contrat de législature entre le Premier ministre et les députés. Cela signifierait qu’ils sont engagés l’un envers les autres et qu’en cas de rupture de ce contrat, le gouvernement démissionne et l’Assemblée est dissoute, ce qui donnerait clarté et responsabilité à ce régime, sans négliger une certaine stabilité.

Le Premier ministre devait être le pilier central de l’exécutif en présidant le Conseil des ministres notamment. L’objectif est de faire reculer le pouvoir du président de la République. Pas la peine pour ce faire de supprimer l’élection au suffrage direct de ce dernier, il faut faire en sorte qu’il n’ait plus d’importance politique. Il devra être limité à maintenir la stabilité des institutions, véritable clé de voûte du système.

Cela peut se faire par l’ajout d’un alinéa comme suit :

« Le Président de la République ne peut excéder les compétences qui lui sont confiées. Il dispose d’un domaine propre de compétence restreint aux éléments évoqués dans le précédent alinéa ».

 

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  • Avatar
    jacques lemiere
    25 avril 2022 at 6 h 53 min

    Mélenchon n’ets pas un imbécile..

    c’est essentiellement une déclaration que les institutions qui ne sont pas à son gout, il en rejette la légitimité…
    assez curieusement, il en invente d’inexistantes, le fameux » coup d’état social.

    C’est un admirateur de la démocratie absolue, à la condition préalable de retirer le droit de vote aux fous ou irresponsables.. et si vous croyez au libre marché , et si vous n’ets pas d’accord avec mélenchon, vous faites partie du lot

    • Avatar
      jacques lemiere
      25 avril 2022 at 7 h 30 min

      c’est un tyran en puissance… une personne devenue assez banale en france, c’est à dire qui refuse de voir  » car il le vaut bien  » que ce qui importe est la liberté de ceux qui ne pensent pas comme lui.

      • Un tyran en puissance ? comme vous y allez !! Sur quoi vous basez vous pour tenir ce genre de propos ??
        Si le personnage a un côté mégalo, il est certainement le plus démocratique du paysage politique français … jusqu’à preuve du contraire, il est le seul à dénoncer le pouvoir vertical, décalé et archaïque, de la cinquième République.
        Ceci dit, pour trouvez un tyran en puissance, regardez davantage du côté de Zemmour et autres paranos.

        -4
        • Le problème avec les nuisibles c’est qu’on les chasse par la porte (2017, claque la porte du parti) mais reviennent par la fenêtre. (Normal, il a été, sa vie durant, biberonné au lait du contribuable, que ferait-il d’autre?)

  • Le ver qui est dans le fruit de la démocratie a un nom: Le marchandage. Devenues omnipotentes (mais ô combien impotentes !) ces institutions « démocratiques » continuent d’envoyer le signal aux groupes les mieux lotis, dotés de flopées d’intérêts PARTICULIERS, qu’elles accéderont à leurs demandes moyennant renvois d’ascenseurs, entre autres, électoraux.
    Quant aux corny-cheezy-greedy insoumis, qui se charge de leur expliquer qu’il faut d’abord fabriquer le gâteau avant d’en distribuer les parts…
    Enfin, que dire de ceux, encore trop nombreux, qui ont mis dans l’urne leur petit billet dominical…qu’ils sont atteints du syndrome de Stockholm?

  • Le propos de Mélenchon est inadmissible, il ne se trompe pas bien sûr, il trompe « les gens » par pure tactique politicienne.
    Les français ne connaissent déjà pas grand’chose à leurs institutions, instaurer une telle confusion pour de basses raisons, il faut le faire quand on prétendait devenir Président !

    • Seriez-vous à ce point naïf pour prendre au premier degré le propos de Mélenchon ??
      En tout cas, les français ne sont pas si naïfs et n’ignorent pas qu’ils n’ont JAMAIS voté, donc élu, un premier ministre.
      En réalité, c’est bien vous qui entretenez la confusion à tenir de tels discours.

  • Dans les faits et pour autant qu’il y ait une plateforme/union acceptée par les groupes participants, c’est tout de même cela qui s’appliquerait (je cite l’auteur):
    « En plus de cela, lors des périodes de cohabitation, le pouvoir de nomination du président de la République est entièrement lié par la volonté de la majorité parlementaire qui lui est, par hypothèse, hostile. Lors de ces moments-là, le président de la République nomme souvent la personnalité politique que la nouvelle majorité parlementaire avait au préalable choisi, comme ce fût le cas avec Lionel Jospin en 1997. »
    Donc si la plateforme/union remporte la majorité du parlement et est décidée à voir nommer leur champion, il n’y a que peu d’échappatoires… jusqu’à la dissolution un an après minimum.

  • Les « castors soumis » vivent dans un rêve : LFI a autant de chance d’obtenir une majorité (ou une minorité substantielle lui permettant de « faiseur de roi ») aux législatives que son « lider maximo » de réussir à s’envoler en battant des bras.

    Ils ont voulu MACRON, ils en mangeront pendant cinq ans : en roue libre et avec les « pleins pouvoirs ». Pas d’échappatoire pour eux. Il fallait réfléchir aux présidentielles.

  • Croire que Mélenchon est un idiot … est le lot des idiots ! Comment peut-on prendre au pied de la lettre son propos ?? La réalité (très simple) est que Mélenchon appelle à un « 3ème » tour grâce aux législatives qui lui permettrait d’être majoritaire au parlement et donc d’obliger Macron à le nommer 1er ministre. Ce qui aboutirait à une cohabitation. Pas besoin d’avoir fait l’ENA pour comprendre ça.
    Concernant nos institutions, il est temps de changer de République !! le pouvoir vertical à la française est dépassé et archaïque. Louis XIV … c’est fini !
    Mélenchon est, hélas, le seul a demandé un changement bienvenu et inévitable.
    Je doute que Macron, si bien installé dans le fauteuil de Président-Roi, ne recherche un quelconque changement. Marine Le Pen, n’aurait pas fait mieux …
    Pauvre France…

  • Mélenchon, tout malin qu’il est, s’est magnifiquement fait cocufier par Macron en appelant à voter pour lui au second tour. Ce faisant, il a trompé ses électeurs qui sont les dindons de la farce.
    Macron ne lui donnera rien, il a beaucoup trop de traitres à caser et le nombre de places n’est pas illimité.
    Mélenchon aurait du appeler ses électeurs à l’abstention mais, comme il est un faux révolutionnaire et un vrai bourgeois, il s’est dégonflé en beuglant le fameux « no pasaran », tant galvaudé par les bobos gauchistes.
    Il n’a aucune excuse car il connaissait parfaitement la « loyauté » de Macron. Les soignants non vaccinés pourront toujours attendre avant d’être réintégrés mais Mélenchon n’en a cure.
    La suite, ce sera une assemblée de godillots pour Macron, encore plus large qu’en 2017, grâce au zèle des néo convertis au macronisme.
    Le second tour, c’était hier. Aujourd’hui, c’est trop tard !

  • Surprenant puisqu’en France, on n’élit pas le premier ministre ! Et puis même, avec son raisonnement, alors, pourquoi pas Marine Le Pen ? Curieuse façon de raisonner.

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