Présidentielle : Macron – Le Pen, bloc élitaire contre bloc populaire

Le danger populiste, même s’il est écarté au second tour cette fois-ci, ne fera que revenir l’élection suivante, en plus menaçant, si aucune réforme de fond n’est faite.

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Présidentielle : Macron – Le Pen, bloc élitaire contre bloc populaire

Publié le 11 avril 2022
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Le politologue Jérôme Sainte-Marie l’avait prédit : le clivage gauche/droite est en train d’être supplanté par celui entre un bloc élitaire et un bloc populaire1. Seulement, le bloc populaire est lui-même fracturé entre son aile nationaliste et son aile communiste, ce qui donne un avantage au bloc élitaire qui arrive au premier tour avec Emmanuel Macron.

L’ancien clivage entre PS et LR est mort. Entre une Anne Hidalgo à 2 % et une Valérie Pécresse à 4,7 %, l’ancienne classe politique n’a pas su utiliser les 5 années d’opposition pour se rénover. La sanction est sans appel, PS et LR disparaissent au profit des nouvelles formations aux discours plus tranchés et plus manichéens.

Illibéralisme des deux blocs

Les deux blocs qui se font face désormais n’ont rien de libéraux. Ce sont des agrégats d’intérêts politico-économiques qui cherchent à maintenir et rénover le fameux modèle social français devenu horizon politique indépassable du débat public français.

Jérôme Sainte-Marie fait des élites du capitalisme national et de l’État -les deux en France sont profondément imbriquées- le cœur du bloc élitaire. Lui sont satellisés les cadres et les retraités qui aspirent à ce que rien ne change en leur défaveur. Il ajoute cependant qu’il s’agit d’une synthèse entre libéralisme économique et culturel.

Là, il se trompe : le modèle social français défend les intérêts des classes protégées2, celles d’un modèle social français qui exclut le libre échange et la concurrence quand ils bousculent les intérêts de la bureaucratie et du capitalisme de connivence. Le libéralisme défend des principes, celui de la liberté individuelle et de son rôle structurant de tout l’ordre social.

Au contraire, le bloc populaire rassemble les ouvriers, les employés, les déclassés qui vivent loin des métropoles. Beaucoup moins structuré que le bloc élitaire, sans leader naturel et, comme l’ont montré Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, sociologiquement dispersé par une nouvelle économie de service, il aspire à toujours davantage de redistribution sociale et économique3. Faut-il chasser les riches ? Faut-il exclure les immigrés du circuit de redistribution des richesses ? Dans tous les cas, il faut plus d’État, plus d’autorité, donc davantage de classe bureaucratique, mais cette fois-ci réassignée à la place de servante de l’idéologie nationaliste ou communiste.

Le déclin de l’État de droit

Le réformisme libéral est sans doute audible pour une partie du bloc élitaire quand il parle d’innovation, de révolution numérique et d’entrepreneuriat. Il est audible pour une partie du bloc populiste quand il parle de pression fiscale, de dépenses publiques somptuaires et de refaire le régalien. Quelle que soit la nouvelle configuration, la question de la liberté individuelle et son armature juridique, l’État de droit, passe au second plan. La Macronie lui a substitué l’état d’urgence permanent4, les Le Pen et Mélenchon rêvent de transposer le modèle poutiniste en France.

L’État de droit donne sa forme à la démocratie représentative : l’encadrement de l’action politique par le droit, la protection des libertés individuelles, la séparation des pouvoirs dessinent les contours d’un régime libéral qui fonctionne. Cependant, la substance risque de lui manquer. Même si Emmanuel Macron est réélu au second tour, comment gouverner un pays avec plus de 51 % de votes protestataires ? Le consensus sur l’esprit des institutions s’est dissipé, ce qui rendra extrêmement difficile l’exercice du pouvoir du prochain président, quelle que soit son étiquette.

Face au tous contre Macron de Marine Le Pen, Emmanuel Macron a choisi la stratégie chiraquienne de l’union nationale contre l’extrémisme. Stratégie ultraconservatrice, elle anticipe une nouvelle ère d’immobilisme après l’élection qui ne ferait qu’accélérer le déclin national.

Surtout, elle n’éliminera pas le danger populiste, qui reviendra à l’élection suivante : c’est sur le conservatisme des élites que s’alimente l’esprit révolutionnaire des populismes. Pour que les deux blocs se fissurent, la voix du libéralisme doit continue à se faire entendre.

  1. Jérôme Sainte-Marie, Bloc contre bloc : La dynamique du Macronisme, Paris, éditions du Cerf, 2019.
  2. Timothy Smith, La France injuste. Pourquoi le modèle social français ne fonctionne plus, Autrement, 2006.
  3. Jérôme Fourquet, Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux, Seuil, 2021.
  4. Stéphanie Hennette Vauchez, La démocratie en état d’urgence, Seuil, 2022.
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  • C’est quoi le danger populiste ?
    Bonne question n’est ce pas dans un pays en totale faillite !

  • En attendant, le « Poutinisme » a été pas trop mal utilisé sous Macron… Il a même fait pire que ce que pourraient faire une Le Pen ou un Mélenchon en terme de privation de liberté…
    Mais sinon en 2022, si tu n’es pas d’accord avec la bien pensante, tu es populiste, nazi, climatosceptique, islamophobe, raciste, ou autres et surtout, tu ne peux être considéré comme intelligent ou faisant parti de « l’élite ».
    Les gens sont tellement des moutons influençables, que ça fait peur pour la suite. La preuve en est qu’ils ont voté contre le président et vont se précipiter pour revoter pour lui. Et on critique les membres du gouvernement qui sont des girouettes… Lamentable.

  • Bloc élitaire est plutôt mal trouvé comme nom… Bloc méprisant, plutôt… On y trouve beaucoup de cadres moyens et d’employés qui se prennent pour des intellectuels parce qu’ils ont vaguement compris les analyse des demi-habiles qu’on voit passer à la télé. Mais qui prennent ‘les autres’ pour des débiles, des prolos, des « perdants de la mondialisation », des…

    On a bien deux blocs collectivistes mais l’un pense que « Nous » s’oppose à ceux qui sont inférieurs et l’autre que « Nous » s’oppose à ceux qui sont extérieurs…. Aucun n’a la moindre sensibilité pour le libéralisme mais on y pensant bien, les « nous v. extérieur » ont plus de facilités pour le libéralisme puisqu’ils veulent qu’on les laisse tranquilles sans l’influence des « extérieurs » (immigrés/globalistes/se mêlent des affaires des autres) quand les « nous v. inférieurs » ont une volonté tyrannique inévitable qui empêche toute forme de réel libéralisme puisqu’ils pensent qu’il faut « éduquer » les inférieurs, les « contraindre » à ci ou ça « pour leur bien, bien sûr »…

    Bref, tout sauf Macron, même si ça fait un peu mal à la tête de voter Le Pen. D’autant qu’elle aura, si elle passe, tous les contre-pouvoirs potentiels vent debout contre elle alors que le Jupiter en peau de lapin a déjà montré qu’il était en roue libre guidé seulement par ses « envies » et que tout les potentiels contre- pouvoirs étaient prêts à se renier à répétition pour « aller dans le bon sens ».

    20
    • C’est exactement ça. Les deux camps ont des projets déprimants, mais entre un Macron en roue libre allergique à la contestation qui veut régenter administrativement le moindre détail de la vie de chacun, et une Le Pen qui n’arrivera probablement à rien contre l’administration, les médias, les syndicats, les bien-pensants de ce « bloc élitaire », la meilleure option libérale est évidemment Le Pen, même si elle tient un discours franchement socialiste. Son programme a l’avantage d’être inapplicable, on aura la paix individuellement.
      Si par miracle elle triomphe de l’administration, reste l’argument du bloc nous contre l’extérieur qui fera forcément moins de tort que les élites contre le peuple sale et ignorant qu’il faut rééduquer.

      15
    • En effet, c’est une drôle d’analyse que de classer les électeurs en fonction de ce qu’ils voudraient, alors qu’ils se déterminent, manifestement, en fonction de ce qu’ils refusent le plus.
      Et d’accord aussi, tant pis s’il faut souffrir pour avoir une chance d’éjecter Macron.

      12
    • D’autant plus qu’au final, le programme de Le Pen se rapproche plus d’un truc libéral car elle propose plus de régalien que Macron ^^ ; et pourtant elle est loin d’être libérale… 🙂

    • Oui, il n’est pas juste de qualifier la « classe dirigeante » d’élite. L’élite est une exigence de moralité, de raisonnement et de résultat.
      Un simple syndicaliste anonyme qui se soucie uniquement du bon équilibre entre intérêt de l’entreprise et intérêt du salarié fait partie de l’élite.
      Un patron de syndicat qui joue surtout des connivences parisiennes ne fait pas partie de l’élite.
      Le libéralisme ne peut véritablement s’exercer s’il n’y a pas un retour des véritables élites aux affaires.

      • Franz a raison : bloc méprisant est plus juste que bloc élitaire.
        ça me fait penser à cette boutade de Frédéric Dard (alias San Antonio) : «Le Monde est acheté par l’élite, plus, heureusement, par ceux qui font semblant d’appartenir à l’élite, sinon, il ferait faillite».

  • Je rajoute une pièce dans la machine, cela a été dit mais il faut continuer à l’écrire : « entre deux maux, il faut prendre le moindre ».

    L’éleveuse de chats n’a aucune chance de pouvoir gouverner. Tout au plus aura-t-on quelques déclarations internationales à l’emporte-pièces, ici et là, mal avisées et non avenues. De toutes façons, on subit déjà ce genre d’interventions ridicules de la part du soit-disant « président républicain » actuellement aux pouvoirs. Le voilà qui insulte, ici, un polonais ou un hongrois et, là, un brésilien ou un malien. On passera pour des peintres mais bon, on a l’habitude donc ce n’est pas une raison de ne pas voter pour elle.

    L’apprenti saltimbanque est lui un véritable danger mortel, comme il l’a prouvé pendant cinq ans. Grâce à ses « députés fantômes » ; patchwork maladroit d’arrivistes sans foi ni loi, de traîtres sans colonne vertébrale et autres phénomènes de foires d’ampleur régionale ; il se pose en véritable « imperator ». Aucune violation des libertés fondamentales ne lui semblent tabou. Aucun « contre-pouvoir » ne semble lui résister. Cet homme doit être écarté du pouvoir quoi qu’il en coûte.

    Longtemps abstentionniste, j’ai été voté dimanche dernier pour Marine. J’encourage également tout libéral qui se respecte à voter pour elle au deuxième tour afin de mettre hors d’état nuire le véritable adversaire des libertés individuelles. Chaque voix compte. 🙂

    19
    • Merci !
      Voilà pourquoi le choix le plus libéral est ici Marine : Macron ne recule devant aucune violation des libertés, il est même contre la légitime défense maintenant !
      Marine n’y pourra rien du tout, elle aura de la chance si elle parvient à faire plus ou moins obéir son administration, ce qui ne peut être que bénéfique : soit elle dégraissera, nous faisant le plus grand bien, soit tous les Français pourront voir que, loin de nous procurer des Services Publics que le Monde nous Envie, notre administration poursuit ses propres desseins de parasite insatiable et sadique et sera donc dans le collimateur pour le prochain mandat.
      Ce qu’on risque c’est des pleurnichards dans les journaux qui traitent tout le monde de fasciste à longueur de colonnes, mais en fait c’est déjà le cas actuellement.

      12
  • Il n’y a plus qu’une façon de lutter contre l’utopie populiste, c’est de les mettre au pouvoir pendant 5 ans. Pour comprendre réellement ce que ça peut donner.
    Au passage, on y gagnerait, quand même et sans doute, l’arrivée du RIC et la proportionnelle aux législatives, qui sont tous deux de vrais outils démocratiques.
    A toute chose malheur est bon.

  • Ce duel était refusé par 70% des électeurs et plus de 50% l’ont remis en selle! Le nouveau monde de Macron a rejoint (mais l’avait-il quitté) l’ancien monde. mêmes refrains, mêmes rengaines: On rase gratis avec l’argent virtuel. le but est de ratisser large. navrant

  • A lire les commentaires, il semble évident que M. Macron a quand même un peu trop tiré sur l’élastique de l’arrogance et de la suffisance. La jeunesse n’excuse pas tous les dérapages et ricanements. Il aurait sans doute dû attendre d’être un peu plus adulte pour briguer le poste qu’il a obtenu après moult tractations. Il ne fait aucun doute qu’il est certain d’obtenir un second mandat tant les media et autres « experts » se sont entendus pour lui dérouler le tapis rouge depuis des mois. Encore presque deux semaines à subir le matraquage du rouleau compresseur. C’est usant !

    • Je ne suis pas pleinement certain qu’il gagne. Il est extrêmement usant à supporter, quoi qu’il fasse et qu’il dise, tellement il transpire le mépris par tous les pores.
      Le vote par âge est très éclairant : il ne gagne au premier tour que chez les plus de 60 ans, il a donc déjà réussi à emmerder les actifs ce qu’il fallait. S’il part trop dans tous les sens concernant les retraites, ses électeurs préférés pourraient douter de la principale raison de le garder au pouvoir : profiter de leur retraite pendant encore un mandat en espérant être enterrés avant le suivant où le système sera déclaré en faillite. En effet, les ajustements de Macron sur l’âge de départ et sa passion pour la fausse monnaie de la BCE promettent de différer sans l’empêcher la catastrophe de quelques années…
      Comme Marine semble moins excitée à l’idée de se lancer dans des guerres et des confinements dévastateurs pour l’économie, il est même probable que sur le plan économique et budgétaire elle s’en sorte mieux que Jupiter malgré ses capacités discutables en la matière.

    • Lundi, manifestement, les médias avaient une peur salutaire qu’il ne soit pas réélu. Mardi, les sondeurs les ont rassurés et c’est reparti comme en 14. Aujourd’hui, on en est dans le même bulletin d’infos macroniennes au « salaire choquant et excessif » de Mbappé et aux amicales pressions sur Tavares pour qu’il accepte le même montant pour rester au PSG. Ah non, on me dit dans l’oreillette que les notes ont été mélangées et que c’est le contraire…

  • Étonnant ces francais se disant libéraux appellant a voter MLP dont le programme ne contient aucune mesure libérale mais un renforcement tres net de l etatisme. Encore une de ces nombreuses contradictions dont est pétrie la France. Si certains populistes comme le PVV néerlandais de de G Wilders ou le wlaams belang belge sont des partis libéraux, ce n est absolument pas le cas du RN. Le déni de réalité se porte comme un charme ?????

    • Les libéraux n’appellent pas à voter MLP, ils appellent à voter contre Macron qu’ils estiment pragmatiquement plus dangereux encore…

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