Maltraitance en EHPAD : mettons les choses au point (2)

Les EHPAD sont dans la tourmente depuis la crise sanitaire. Il est temps de rappeler certaines vérités, au-delà de la polémique anti-secteur privé.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 3
jeune et vieux credits Spyros Petrogiannis (licence creative commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Maltraitance en EHPAD : mettons les choses au point (2)

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 avril 2022
- A +

Les EHPAD existent dans les sociétés devenues prospères, et où les progrès médicaux, l’abondance alimentaire, l’amélioration des conditions de vie ont permis le vieillissement. Malheureusement, certains sont devenus dépendants. De manière concomitante la prospérité a donné les moyens matériels de prendre soin de ces personnes, dont la prise en charge est trop lourde pour les familles… quand famille il y a.

L’État maltraitant

« En 2018, la dépense de soins de longue durée aux personnes âgées s’élève à 11,3 milliards d’euros. L’essentiel de cette dépense se concentre sur les personnes âgées vivant en établissement : 9,6 milliards, soit 85 % de la dépense totale. Cette dépense en établissements se répartit pour 90 % en établissements d’hébergement et 10 % en soins en USLD. » Source

Le coût repose en grande partie sur le financement public. Pour faire simple, par l’intermédiaire des ARS l’État prend en charge le soin et le département prend en charge la dépendance. L’hébergement est à la charge des familles. Toute création de place en EHPAD implique une dépense publique.

« L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. » Frédéric Bastiat, L’État (1848)

L’État peut être national ou local. Il prend de l’argent à tout le monde et le distribue à qui il veut, après avoir prélevé sa part. Il déshabille Pierre pour habiller Paul, après avoir pris quelques habits pour lui. L’État veut survivre. Le politicien veut être réélu. Il arrose donc ses clients, et ceux qui crient le plus fort pour les faire taire. S’il donne de l’argent aux EHPAD il n’en donnera pas ailleurs et vice versa. Il décidera en fonction de son intérêt ce qui lui rapporte le plus.

Ce problème est structurel, lié à l’organisation très collectivisée, centralisée, du pays en général, et de la protection sociale en particulier. À la Libération la protection sociale a été sortie du marché. Elle est devenue publique. Le secteur privé libéral n’a de libéral que le nom. Il n’y a plus de libre adaptation de l’offre et de la demande à partir de choix personnels. L’État prive les Français des moyens de choisir et décide pour eux. Il y a des déserts médicaux, manque de places et de personnels dans les EHPAD. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Le secteur des EHPAD est soumis à de multiples autorisations. Cette insuffisance de l’offre joue en faveur du producteur du service, l’EHPAD, et au détriment du consommateur, le résident et sa famille. Il n’existe plus vraiment de concurrence, d’où des prix élevés parfois déconnectés du service rendu.

Cela peut créer des rentes de situation pour des dirigeants peu scrupuleux. Ce déficit en places peut expliquer que des familles qui constatent de la maltraitance dans un établissement soient coincées pour changer d’établissement. Et il peut arriver, rarement, que le placement, même maltraitant, les arrange et qu’elles se désintéressent de leur parent.

Coût et risque de dérive

Le financement collectif, sa politisation, la discrimination entre les bénéficiaires de l’argent de l’État, le coût élevé de la prise en charge d’une personne âgée dépendante et des soins durant les derniers jours de la vie, contiennent en germe un risque de dérive. C’est la légalisation de l’euthanasie qui n’a rien à voir avec le suicide, ni avec les soins palliatifs. Légalisée, elle traduirait une régression sociale.

On se trouverait dans la situation d’avant la Révolution industrielle où une personne usée, devenue une bouche inutile dans une société de vaches maigres, ne vivait pas très longtemps, quitte à aider la nature. Aujourd’hui, ces personnes socialement inutiles coûtent cher à la collectivité qui chercherait à s’en débarrasser.

La différence est que nous ne sommes plus une société de vaches maigres mais d’abondance où les gens cotisent toute leur vie pour être soignés et pris en charge pendant leurs vieux jours.

L’ordonnance du 4 octobre 1945 de création de la Sécurité Sociale énonce :

« Il est institué une organisation de la sécurité sociale, destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maladie ou de maternité qu’ils supportent. » 

L’euthanasie est une trahison civilisationnelle.

La pénurie de personnel

La maltraitance est complexe et comprend plusieurs facteurs. De la part du personnel supposé maltraitant, elle peut-être intentionnelle et malveillante, mais c’est rare. Elle peut être subie, elle pourrait alors s’assimiler à une bientraitance insatisfaisante. L’agent est frustré de ne pouvoir consacrer à un résident autant de temps qu’il désirerait, pour des raisons indépendantes de sa volonté, par manque de moyens par exemple.

Les EHPAD fonctionnent fréquemment en sous-effectif par défaut de personnels qualifiés. Il est difficile d’embaucher un personnel qui n’existe pas, ou attiré par des situations plus attractives et gratifiantes en termes de salaire, de charge de travail, de pénibilité. Le métier souffre de la mauvaise image de ces établissements, le côté humain est occulté, il y a de moins en moins de vocations.

Le manque de personnels formés est récurrent pour le système de santé français. Les déserts médicaux de lieux, de spécialités et d’horaires ont des conséquences sur les EHPAD qui ont parfois bien du mal à trouver un médecin disponible.

La gestion gouvernementale de la covid a aggravé la situation. Les centres de vaccination ont siphonné des personnels, leur rémunération étant sans aucune commune mesure avec celle que peut offrir un EHPAD.

Le gouvernement a chassé les personnels soignants non vaccinés, pourtant qualifiés et expérimentés. C’est par principe une ignominie éthique. Des personnes ayant besoin de soins risquent d’en être privées faute de professionnels. Priver des personnes de tout revenu, leur créer une indignité au travail, simplement parce qu’elles ne sont pas vaccinées, est une honte pour le gouvernement.

Ces personnes rejetées vont bien au-delà des seuls soignants. Les priver de ressources par une loi scélérate alors qu’elles n’ont commis aucun délit d’atteinte aux biens et aux personnes, est une infamie digne d’un régime totalitaire.

L’enfermement

Quand on aborde la vie en EHPAD on présuppose un calvaire et un arrachement. En vieillissant les plaisirs se font rares. Pourtant, le bonheur y existe aussi : plaisir de vivre et plaisir d’échanger, plaisir de partager avec autrui, avec d’autres personnes âgées ou avec du personnel attentif, avec de la famille, des visiteurs ou des intervenants extérieurs ; plaisir de partager le repas ; plaisir de ne pas être seul.

Cet aspect a été complètement détruit par le gouvernement quand il a interdit l’accès à ces établissements. Il a décidé pour ces personnes que leur vie se limitait à ne pas être mort, et que le seul intérêt à vivre était de ne pas contracter la covid. Il a enfermé les personnes âgées au prétexte de les sauver malgré elles. Il ne les a pas écoutées, les a considérées comme incapables de faire des choix sensés, des projets de vie pour le temps qu’il leur restait à vivre, d’éprouver des sentiments, des émotions. Il les a méprisées, abandonnées… pour leur bien.

Les personnes âgées ont ainsi été considérées comme des objets. Comme le reste des Français d’ailleurs… jeunes, étudiants, enfants, actifs… Ce faisant le gouvernement a été le premier maltraitant. Les personnes âgées en établissement ont été enfermées et beaucoup sont mortes. Comme le reste de la population elles n’ont pas été soignées par des traitements spécifiques, le gouvernement ayant pris soin de ne jamais les valider.

« Les résidents décèdent à 89 ans en moyenne, après une durée de séjour moyenne de trois ans et quatre mois. »

Cela indique que les soins, qui peuvent toujours être améliorés, ne doivent pas y être si mauvais. Cela permet d’apprécier le traumatisme de l’enfermement. À 20 ans l‘espérance de vie est de 65, 89 ans soit 16 fois plus environ. Donc enfermer 6 mois une personne âgée équivaut à lui voler un septième de son espérance de vie résiduelle. Pour une personne de 20 ans cela équivaut à une peine d’enfermement de 9 ans environ, et sans avoir commis aucun crime ou délit.

L’Homme est une créature sociale. Il vit en groupe, il vit du groupe, par l’échange avec ses semblables. Le priver de cette possibilité c’est le tuer.

Les bien-traitants

La qualité du soin repose exclusivement sur le dévouement du personnel. Le meilleur matériel ne suffit pas s’il n’est pas servi par un personnel dévoué. Il faut ici rendre hommage à ces milliers de soignants, infirmières, aides soignants, cuisiniers, agents de service, lingères, animatrices, agents d’entretien, agents administratifs. Tous, dans leur domaine de compétence, s’efforcent d’être le plus attentionnés possible dans des conditions de travail difficiles.

Voir les commentaires (8)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (8)
  • Ce serait bien d’expliquer votre calcul dans le paragraphe sur l’enfermement. Pour une mise au point du sujet, c’est plutôt incompréhensible.

    -1
  • Un point à ajouter est que pour une personne en maison de retraite, les perspectives de vie sont bien différentes. A ces âges, on vit beaucoup plus pour sa famille, repensons à ceux qui avaient retardé leur mort pour éviter les droits de succession. Les priver de leur famille, c’est un peu comme les tuer.
    P.S. Dans les temps anciens, ce sont souvent les vieux eux mêmes qui se laissaient mourir car ils ne voulaient pas être une charge pour leur famille.

    • « les priver de leur famille, c’est un peu comme les tuer » oui dans le sens que dit l’auteur, les priver des visites en EHPAD au moment des confinements et à cause du passe sanitaire!
      mais une personne placé en EHPAD a plus de chance de vivre plus long temps que si elle reste dans sa famille; une personne qui a besoin d’être sous oxygène 24/24h, qui a besoin qu’on l’aide pour aller du lit au fauteuil , du fauteuil à la chaise WC, qui a besoin d’être laver ,etc. est mieux en EHPAD qu’à la maison ou son seul fils, âgé aussi, ne pourra faire tout ça.

  • Il y a maltraitance des personnels, ça c’est sûr, dont les causes sont diverses et maltraitance des propriétaires des structures et les rapports sont formels sur ce point et la seule raison est : le lucre.

    • bof lucre est un jugement de valeur…

      c’est une activité économique donc son objet est le profit..

      vous pourriez dire la radinerie des familles..

  • Bien mais on ne peut rien y faire,, car c’est pratiquement impossible de s’occuper d’une. Personne âgée dependante. Et je sais de quoi je parle, cela fait plus de 5 ans que m’occupe d’un légume, et si je n’étais pas son fils….. Même avec tout l’argent du monde…. Ça occupe 24h de mon temps de vie, et aucune aide possible…. L’epad sera mon dernier recours… Et heureusement qu’ils existent même si ils n’accomplissent pas l’impossible, ils existent.

  • Comprenez-vous ce paragraphe; si,oui, j’aimerais qu’on m’explique
    :
    « Cela indique que les soins, qui peuvent toujours être améliorés, ne doivent pas y être si mauvais. Cela permet d’apprécier le traumatisme de l’enfermement. À 20 ans l‘espérance de vie est de 65, 89 ans soit 16 fois plus environ. Donc enfermer 6 mois une personne âgée équivaut à lui voler un septième de son espérance de vie résiduelle. Pour une personne de 20 ans cela équivaut à une peine d’enfermement de 9 ans environ, et sans avoir commis aucun crime ou délit. »

    • Ce que je suppute comprendre de cette phrase incompréhensible est qu’à 89 ans on n’a plus que 4 ans à survivre soit un seizième de l’espérance de vie à 20 ans.
      Et que donc que ce n’est pas très malin de bousiller la vie des jeunes pour prolonger la survie des vieillards.
      Je remarque au passage qu’un « riche » en EHPAD réinjecte encore mieux sa fortune dans l’économie générale que les droits de succession, même en tenant compte de sa retraite.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
1
Sauvegarder cet article

Un article de Romain Delisle

Au début du mois d’octobre, Arnaud Robinet, maire de Reims et président de la Fédération hospitalière de France qui représente les hôpitaux publics, a déclaré un besoin non satisfait par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 de 2 milliards d'euros, et de 1,9 milliard d'euros pour l’année en cours, alors que le total des dépenses allouées aux établissements publics et privés se monte déjà à 98,4 milliards en 2022.

Depuis quinze ans, l’hôpital public est habitué à demeurer so... Poursuivre la lecture

4
Sauvegarder cet article

Nous entendons toujours les ONG dire que nous ne pouvons pas faire confiance à l'industrie, que nous devons exclure les preuves de l'industrie, ou que les lobbyistes de l'industrie répandent la tromperie et le mensonge. On nous rappelle constamment les quelques cas où des acteurs de l'industrie ont menti ou dissimulé des informations importantes au cours du siècle dernier.

Mais j'ai travaillé dans l'industrie pendant 15 ans et je n'ai rien vu de tel. Au contraire, j'ai vu une application stricte des pratiques éthiques, le respect des c... Poursuivre la lecture

Par Romain Delisle.

Durant la crise sanitaire, la pénurie de masques de protection, dont les stocks avaient été détruits sur ordre de Marisol Touraine, ministre de la Santé sous le mandat de François Hollande, avait mis en lumière le risque accru de pénurie de produits de santé en cas de crise majeure. En réalité, la pandémie n’a fait que révéler au grand jour les déséquilibres structurels d’une économie surrégulée du médicament : selon l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), le nombre de ruptures ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles