« Le droit d’ignorer l’État » d’Herbert Spencer

Penchons nous sur Le droit d’ignorer l’État pour découvrir la pensée de Herbert Spencer.

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« Le droit d’ignorer l’État » d’Herbert Spencer

Publié le 24 février 2022
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Par Robert Guiscard.

Précurseur de la théorie de l’évolution, Herbert Spencer n’aura pourtant pas survécu à la sélection du temps… Réparons donc ici cette injustice !

Si ses travaux ont eu une influence majeure à son époque, ils sont à présent tombés dans l’oubli, injustement caricaturés comme un darwinisme social ou un laissez faire naïf.

Mais qu’en est-il vraiment ? Penchons nous sur Le droit d’ignorer l’État pour découvrir la pensée de ce penseur génial.

Ce livre se décompose en trois parties :

  1. Le droit d’ignorer l’État
  2. L’esclavage futur
  3. La superstition politique

 

Le droit d’ignorer l’État

Il ne s’agit rien de moins que du droit de faire sécession, c’est-à-dire refuser les services de protection étatiques et ne plus payer ses impôts. En effet, tout contrat peut être rompu, y compris le contrat social. L’individu séparatiste ne lèse donc personne puisque ses contributions ne servent qu’à payer la sécurité dont il bénéficie.

Pour justifier cette idée fort hardie aux yeux de ses contemporains (l’est-elle vraiment moins aujourd’hui ?), Spencer la fonde sur une généralisation du droit de conscience : s’il est admis qu’un individu puisse décider de son salut sans être contraint par autrui, pourquoi ne pourrait-il procéder de même pour les autres aspects de sa vie terrestre ?

Le sociologue part aussi du constat que l’État n’existant que pour réprimer les crimes, sa raison d’être s’estompe donc à mesure que les communautés humaines se civilisent et se pacifient, les sociétés militaires laissant place aux sociétés commerciales.

De plus, l’État accomplit sa fonction par des moyens forts imparfaits qui risqueraient de vicier les sociétés vertueuses.

L’esclavage futur

Dans le second chapitre, Spencer analyse le changement de paradigme qui s’opère à la fin du XIXe siècle : l’abandon progressif du laissez faire sous l’effet de la progression constante du socialisme.

Pour expliquer ce phénomène, Spencer a recours à la notion physique de moment politique : les défenseurs d’une loi pensent à tort que les effets de celle-ci s’arrêtent là où leur volonté le décrète. Mais ils négligent que la superposition de lois crée une dynamique fatale : l’État se renforce exponentiellement au détriment des individus.

En même temps ceux qui regardent le courant récent créé par la législation comme désastreux et qui voient que le courant futur le sera davantage gardent le silence dans la conviction qu’il est inutile de raisonner avec des gens en état d’ivresse politique. 

Or où mène donc ce moment politique créé par les lois sociales ? À l’esclavage, dans un futur proche. On retrouve ici la route de la servitude d’Hayek.

Pourquoi appeler ce changement l’esclavage futur ? La réponse est simple : Tout socialisme implique l’esclavage.

La sphère de l’État investit des domaines toujours plus étendus via les précédents législatifs (qui régule un œuf régule un bœuf) et la croissance auto-alimentée de la régulation pour résoudre les effets pervers des mesures précédentes.

Chaque extension est d’autant plus forte que l’opinion s’accoutume au poison du contrôle étatique bientôt considéré comme la seule solution admissible et qu’elle crée de nouveaux emplois administratifs. Ces positions privilégiées séduisent à la fois les élites qui espèrent faire carrière ou placer leurs proches, les citoyens ordinaires qui s’attendent à davantage de services publics (considérés comme des bienfaits gratuits) et les politiciens qui voient là l’occasion de se faire une clientèle.

Spencer souligne au passage le rôle joué par les journalistes et l’instruction obligatoire, qui se font le relais des idées réclamant l’accroissement des prérogatives de l’État car leur auditoire préfère les mensonges agréables aux vérités dures à admettre. Or, ces promesses utopiques de corne d’abondance créent de fausses attentes chez les électeurs qui appellent tout naturellement l’État à l’aide, ce dont jouent les politiciens ambitieux.

Par ailleurs la démocratisation des emplois publics permise par l’instruction des masses renforce encore les forces de la croissance étatique car tout citoyen peut espérer faire une carrière de fonctionnaire.

La superstition politique

Enfin, le dernier chapitre aborde la superstition politique, à savoir la croyance dans la toute-puissance d’un État démiurge. Cette conception du pouvoir sans limites qui prévalait dans les anciennes monarchies s’est reportée sur les démocraties modernes.

Autrement dit, la forme de souveraineté, le détenteur du pouvoir a changé, le roi faisant place aux assemblées mais la forme de gouvernement, la manière d’exercer le pouvoir sont demeurées identiques : le droit divin de Jean Bodin est devenu la tyrannie de la majorité chez Tocqueville et l’absolutisme démocratique chez Pascal Salin.

La grande superstition de la politique d’autrefois c’était le droit divin des rois, la grande superstition politique d’aujourd’hui c’est le droit divin des parlements. L’huile d’onction semble-t-il a glissé sans qu’on y prenne garde d’une seule tête sur celles d’un grand nombre les consacrant eux et les décrets.

Cela rappelle la formule d’Hazlitt : « Aucune foi au monde n’est plus tenace ni plus entière que la foi dans les dépenses de l’État. »

Spencer interroge les limites de l’obéissance aux lois et s’attache à réfuter les théories de souveraineté, de Thomas Hobbes à Jean-Jacques Rousseau, selon lesquelles l’autorité créerait ex nihilo les droits des individus et serait donc illimitée, la justice se confondant avec l’obligation aux lois. À l’empereur Frédéric II qui prétendait être la loi incarnée répondent les assemblées modernes qui prétendent incarner la volonté générale et le bien commun.

Notre philosophe affirme au contraire que le droit positif ne fait que préciser et entériner le droit naturel préexistant en prenant appui sur l’exemple de tribus amérindiennes ou africaines qui obéissent aux coutumes en l’absence d’organisation étatique.

Lorsque que cette splendeur divine qui entoure le roi et qui a laissé un reflet autour du corps héritier de son pouvoir aura complètement disparu […] on verra que ce comité d’administration n’a aucune autorité intrinsèque.

Le droit naturel existe donc non seulement indépendamment du droit positif mais il est également la source de sa légitimité.

Sans le droit naturel, les lois ne sont que la volonté arbitraire du souverain :

Les lois qu’il publie ne sont pas sacrées en elles-mêmes, mais tout ce qu’elles ont de sacré elles le doivent à la sanction morale. Et voici le corollaire : quand elles sont dépourvues de cette sanction morale elles n’ont rien reçu de sacré et peuvent être récusées de droit.

L’autorité de l’État ne peut donc s’exercer qu’au sein d’un périmètre restreint aux domaines pour lesquels les individus sont unanimement d’accord pour coopérer, ce qui exclut par exemple la religion, les habitudes vestimentaires ou alimentaires… et inclut la défense contre une invasion étrangère.

La fonction du libéralisme dans le passé a été de mettre une limite aux pouvoirs des rois. La fonction du vrai libéralisme dans l’avenir sera de limiter le pouvoir des parlements.

Bien loin des clichés rattachés à leur auteur, Herbert Spencer est donc bien un libéral classique, qui dénote cependant par une certaine radicalité en admettant que l’État n’est pas nécessaire et qu’il est même voué à disparaître.

Je ne peux que conseiller cette lecture, brève mais enrichissante, dont les analyses pertinentes peuvent aisément s’appliquer de nos jours. C’est l’occasion de forger ses armes intellectuelles contre le climat ambiant hostile aux idées libérales.

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  • Merci pour cet article sur Spencer que j’affectionne particulièrement ( oui, ce n’est pas tellement surprenant )

  • Les commentaires sont fermés.

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