Au Canada, en Nouvelle Zélande, et ailleurs, les convois de la liberté sont un signe, peut-être le plus éloquent, non seulement d’un rejet spécifique d’une politique sanitaire arbitraire et injuste, mais plus généralement d’un nouvel autoritarisme en Occident.
Ces manifestations sont intéressantes car pour une fois ce sont des Anglosaxons qui ont pris l’initiative de se révolter contre les violations des libertés individuelles qu’ils subissent depuis deux ans. Cela est relativement inhabituel car ce sont des populations ayant traditionnellement un niveau de confiance élevé – et jusqu’à présent, plutôt justifié – dans leurs gouvernements. Après-tout, l’origine du « Rule of Law » anglosaxon remonte à la Magna Carta de l’an 1215.
Si de telles manifestations ont éclaté maintenant dans ces pays, c’est qu’un seuil a été franchi. Un niveau d’autoritarisme intolérable pour beaucoup a été atteint, même si, considérant les mesures des gouvernements anglosaxons depuis 2020, qu’il soit britannique, canadien, australien ou néo-zélandais, la réaction populaire semble un peu tardive.
D’une manière générale, il est rare d’entendre des demandes de liberté parmi les populations occidentales. Celles-ci sont convaincues à tort que la liberté est acquise une fois pour toutes. En effet, ces dernières décennies, les revendications populaires envers les gouvernements consistent surtout à défendre des droits sociaux déjà acquis, ou bien à en exiger des nouveaux. En d’autres termes, la plupart des manifestations consistent à demander davantage de l’État et donc à se soumette à une dépendance accrue envers celui-ci : c’est à dire le contraire de la liberté.
Du côté des manifestants du convoi de la liberté : un manque de cohérence politique
Or, au Canada et en Nouvelle-Zélande, les manifestants scandent maintenant « rendez-nous notre liberté » et « la coercition n’est pas un consentement”, comme s’ils s’agissaient de dissidents libéraux dans des régimes autoritaires. Si les gouvernements qu’ils critiquent ont effectivement adopté des traits autoritaires, il faut admettre que ces manifestants ne se définissent pas comme des libéraux dans le sens classique de ce terme.
En effet, ces camionneurs et ceux qui les soutiennent ne semblent pas s’opposer à la fiscalité élevée que leur imposent depuis longtemps leurs gouvernements, fédéral et locaux, ni au contrôle de l’État sur des domaines essentiels tels que la monnaie, la santé, l’éducation et les retraites.
Ces constatations ne sont pas surprenantes car la majorité de la population n’a pas d’approche scientifique de la politique, comme l’ont montré les penseurs machiavéliens. Les mouvements populaires se nourrissent surtout d’émotions politiques. Ils ne peuvent pas être prédits, un détail mineur peut les allumer et leur issue politique est généralement inconnue d’avance. Il ne faut donc pas chercher de cohérence idéologique ou de rationalité politique chez ces mouvements.
Dans ces cas précis, une opposition contre le pass vaccinale obligatoire est en train de s’élargir en opposition au pouvoir politique en place.
La force de ces mouvements populaires est directement proportionnelle à la volonté hégelienne de leurs membres de mettre leur (niveau de) vie en danger, quand ils désobéissent à l’État. Ils ont instinctivement raison : pour retrouver la liberté perdue, il faut parfois prendre le risque de changer la donne politique par des moyens illégaux. En effet, ces revendications sont exprimées hors du processus soi-disant démocratique qui est surtout en place pour calmer la majorité et canaliser ses frustrations.
Mais manifester, même de manière osée, originale et romanesque, comme le font les camionneurs, n’est pas suffisant. Pour que leurs revendications aient une chance réelle d’aboutir, il faut que des leaders expérimentés émergent, et qu’ils s’allient à une partie de la classe dirigeante de ces pays. Le combat politique que mènent les camionneurs a donc besoin de dirigeants politiques influents au sein du pouvoir établi. Il y a quelques signes de cela, mais il est encore trop tôt pour prédire l’issue de ces crises politiques.
Du côté des dirigeants : fermeté et intransigeance
Le fait que les Premiers ministres canadien et néo-zélandais, Trudeau et Ardern, déclarent « ne pas avoir l’intention de dialoguer avec les personnes qui ont participé à cette opération » ne devrait être pas une surprise. Leurs discours plein d’arrogance et de mépris pour les camionneurs, exposent le sentiment de supériorité de la classe politique envers les majorités qui néanmoins continuent à les élire.
Étant donné que les camionneurs semblent résister et qu’une partie croissante de la population sympathise avec eux, le choix qui se présente, au moins à Trudeau, devient presque binaire. Soit il effectue une fuite en avant, soit il démissionne. Plus il attendra avant de donner au gouvernement fédéral et à la province de l’Ontario l’autorisation de communiquer directement avec ces camionneurs afin de résoudre la crise de façon proactive et pacifique, plus ce choix binaire s’imposera à lui (ou à ceux qui l’influencent).
Il semble que Trudeau a décidé de choisir la voie de la confrontation. Il vient d’invoquer des pouvoirs d’urgence, le Emergencies Act, qui suspendent les libertés civiles et autorisent une action policière élargie et inédite. Celles-ci permettent même au gouvernement de bloquer les comptes en banque personnels des manifestants et de ceux les financent, par exemple via des plateformes de crowdsourcing.
La plupart des médias traditionnels, contrôlés par la classe dirigeante globaliste soutenant Trudeau et Ardern, font évidemment peu d’efforts pour défendre les camionneurs. Ils ont d’abord peu couvert ces convois de la liberté, puis l’ont fait de manière biaisée quand le silence n’était plus possible. Il est facile d’imaginer la différence radicale de couverture de ces manifestations par ces médias si elles avaient lieu, par exemple, en Russie ou en Iran, et non pas au Canada et en Nouvelle-Zélande. Dans ce cas, ces mêmes médias auraient évidemment saturé les ondes d’images, de reportages, et de journalistes faisant semblant d’exprimer leur compréhension et leur compassion pour les manifestants opprimés se battant pour la liberté…
Une lutte classique pour la liberté
Les convois de la liberté sont des exemples modernes de la lutte classique du peuple pour la liberté, face à la tyrannie politique et l’abus de pouvoir. Quel que soit le sort de ces manifestations, ces mouvements vont certainement contribuer à semer le doute parmi les majorités apolitiques, que leurs soi-disant démocraties libérales sont des exemples de démocratie et de liberté.
D’une manière générale, il est clair que les conséquences politiques des mesures draconiennes récentes prises par les gouvernements occidentaux vont être significatives et durables.
D’un côté, les gouvernements occidentaux ont découvert de nouveaux outils de répression et de contrôle de leurs populations qu’ils n’avaient pas trop osé utiliser jusqu’à présent. Mais d’un autre côté, le réveil d’une partie de la population, qui ne pense pas d’habitude à la liberté politique, semble être en cours. Le futur présente donc aussi certaines lueurs d’espoir pour ceux qui défendent la liberté.