Sortie du nucléaire en Belgique : un suicide programmé

La sortie du nucléaire programmée en Belgique est un suicide énergétique et social qui provoquera des troubles.

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Sortie du nucléaire en Belgique : un suicide programmé

Publié le 8 décembre 2021
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Par Philippe Charlez.

La Belgique va décider d’ici quelques semaines de sortir du nucléaire lui fournissant aujourd’hui la moitié de son électricité. À moyen terme il serait remplacé par des centrales à gaz nouvelle génération. Mais, selon ECOLO, à plus longue échéance la Belgique devrait opérer le virage vert rêvé de tous. Le gaz serait alors abandonné au profit d’un mix 100 % renouvelable (ENR). Cette stratégie relève-t-elle d’une véritable logique climatique ou constitue-t-elle pour le plat pays un suicide programmé ?

La transition énergétique sera avant tout une transition électrique, la plupart des équipements thermiques étant à terme remplacés par des équipements électriques. Ce grand remplacement induira un accroissement significatif de la consommation électrique. En Belgique, elle devrait doubler d’ici 2050, passant de 90 TWh à 200 TWh.

Le « Belgium Energy Outlook 2050 » publié en 2019 par la plateforme énergétique de la FABI avait considéré que la part d’ENR dans le mix énergétique ne pourrait excéder 50 % mais que dès 35 %, les intermittences pouvaient provoquer de graves instabilités dans le réseau. Techniquement faisable, un mix 35 % renouvelables et 65 % gaz serait-il pour autant économiquement viable ?

L’utopie d’une génération électrique 100 % verte

Considérant des facteurs de charge1 de 20 % pour l’éolien terrestre et de 50 % pour l’éolien marin, 35 % d’énergie renouvelable nécessiteront de mettre en œuvre à l’horizon 2050 40 GW d’éolien terrestre (soit 20 000 éoliennes équivalentes de 2 MW) ou 16 GW d’éolien marin (soit 2000 éoliennes équivalentes de 8 MW). Quand on compare à la situation 20192 (8,5 GW d’ENR ayant produit 13,9 TWh d’électricité avec un facteur de charge de 18%) la course vers 35 % de renouvelables en 2050 représente un réel défi industriel et sociétal.

Ces chiffres démontrent par ailleurs sans ambiguïté l’utopie d’une génération électrique 100 % verte. Les besoins atteindraient alors 114 GW en éolien terrestre ou 45 GW en éolien marin. Le nombre d’équipements deviendrait délirant : il faudrait installer une éolienne terrestre tous les 700 mètres sur les 30 000 km2 du territoire belge ou une éolienne marine tous les 11 mètres sur les 65 km du littoral.

Une génération électrique 100 % verte ne protégerait pas pour autant des intermittences, le Belge devant adapter sa consommation électrique aux aléas de la nature. Elle signifierait l’entrée inexorable dans une société de décroissance.

Un accroissement douloureux du prix du MWh

Sans nucléaire, les 65 % restants proviendraient du gaz et nécessiteraient la mise en œuvre de 18 GW de centrales TGV3. À l’horizon 2050, la Belgique importerait 220 TWh de gaz dont la combustion émettrait 45 millions de tonnes de CO2. Une stratégie n’allant pas vraiment dans le sens de l’histoire. Mais surtout, la facture serait très salée pour le citoyen belge.

Depuis 2018, on assiste sur les marchés du gaz à une baisse de l’offre liée à la faiblesse des investissements mais surtout à une augmentation frénétique de la demande à la fois en Europe et dans le Sud-Est Asiatique.

En conséquence, depuis début 2021 les cours du gaz ont flambé sur les marchés européens dépassant lors des dernières semaines le seuil fatidique des 100 euros/MWh. Si certains économistes considèrent cette hausse comme conjoncturelle, tous les indicateurs (réserves, production, demande) montrent que le prix moyen du gaz ne devrait pas baisser au cours des prochaines années. Parallèlement au gaz, les marchés du carbone se sont aussi envolés.

Mécaniquement le MWh électrique gazier atteint aujourd’hui 180 euros. De tels cours conduiraient en 2050 à une facture stratosphérique annuelle de 23 milliards d’euros. De quoi grever à tout jamais la balance des paiements du plat pays. Il est intéressant de comparer ce prix à celui du MWh nucléaire « caréné »4 de l’ordre de 65 euros et à celui de l’EPR qui malgré l’explosion de ses coûts devrait converger à terme autour de 100 euros.

En justifiant économiquement la sortie du nucléaire par le « mécanisme de rémunération de capacités » permettant à la Belgique de récupérer une partie de ses investissements gaziers, la ministre de l’Énergie fait preuve d’une méconnaissance coupable. Pour la génération gazière, le coût des installations ne représente qu’une partie infime du coût du MWh alors que le coût du combustible en couvre plus de 95 %. Pour le nucléaire ce sont au contraire les installations qui font le prix alors que le combustible (l’uranium) ne compte que pour quelques pourcents. Il n’y a donc aucune comparaison entre les risques inflationnistes liés à la volatilité des prix du gaz et ceux de l’uranium.

Le choix unilatéral du gaz reviendrait indirectement à brader une indépendance énergétique chèrement acquise. Quant à l’argument « qu’une partie très limitée de notre gaz vient de Russie et que la Belgique possède grâce au port de Zeebrugge une capacité de regazéification de 17 millions de m³ par an » il n’est pas davantage recevable. Le prix du gaz naturel liquéfié tiré vers le haut par la demande chinoise est aujourd’hui supérieurs au prix du gaz russe.

En sortant du nucléaire pour foncer tête baissée vers le gaz la Belgique court vers un suicide économique programmé mais aussi vers de graves troubles sociaux. Emmanuel Macron qui à mi-mandat avait été confronté au mouvement des Gilets jaunes en sait quelque chose. Sa volte-face récente à propos du nucléaire est évidemment étroitement liée à l’envolée récente des prix du gaz et de l’électricité. Elle atteste de sa conviction quant à la nature structurelle de l’accroissement des prix.

La Belgique ne pourra certes mettre en œuvre 18 GW de nucléaire et devra reposer en partie sur génération gazière. En carénant ses réacteurs existants (12 euros/MWh de surcoût) et en lançant la construction de 4 EPR, la consommation d’électricité 2050 reposerait alors sur un mix « arc-en-ciel » 35 % ENR, 45 % nucléaire et 20 %gaz. Arc-en-ciel était le nom de la coalition qui en 2003 avait décidé de la sortie du nucléaire. Un juste retour de l’Histoire.

 

  1. Le facteur de charge est la durée annuelle de fonctionnement de l’équipement pleine puissance
  2. Source des données BP Statistical review 2019
  3. Cycles combinés Turbine Gaz & Vapeur
  4. Rappelons que le carénage consiste en des travaux de rénovation et de mise aux normes destinés à accroître la durée de vie d’une centrale. Le carénage d’un réacteur de 1MW est estimé à un milliard d’euros soit un accroissement 12 euros/MWh
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  • donc nucleaire/charbon/gaz/biomasse .. pour s’épauler les uns les autres en cas de défaillance d’un élément mais..

    une eolienne ne remplace pas une centrale pilotable..

    à la rigueur encore éolienne_stockage est « plus » comparable..

    rien n’est plus malhonnête que de comparer directement un watt éolien avec un watt pilotable..

    le réveil va être difficile.

  • la question n’est s pas le débat technique…la question c’est de raconter des fables aux gens…les fameuses petites lignes des rapports des de l’ademe…

    Ils savent.. nous allons payer..ils savent..

  • la fable est similaire à celle des voitures électriques..

    l »a voiture électrique » ce n’est pas vous aurez une voiture électrique à la place de votre véhicule, c’est vous n’aurez sans doute pas de voiture individuelle.

  • « le grand remplacement »..
    🙂

  • Les pays sortent du nucléaire mais vont compter sur le nucléaire de la France pour les alimenter quand leurs générateurs seront à l’arrêt. Enfin… Si toute fois les écolos ne sont pas élus dans les 15 ans.

  • Et il va venir d’où tout ce gaz supplémentaire ?
    Problème donc insoluble sans recourir au nucléaire…. Je ne sais même pas pourquoi on se pose encore la question en Belgique et ailleurs, jamais l’Europe n’aura la moindre influence sur le climat.

  • La France a besoin comme prochain président d’une personne qui ait compris, qu’il est vital d’elimininer tout ecolos des ministéres, de la fonction publique, etc.

  • Celui qui doit se régaler, c’est Poutine ?
    Il va bientôt tenir toute l’Europe par les co**lles grâce à son gaz!

    Qui aurait pu prédir un tel revirement géopolitique? On dit merci qui? Merci les pays européens de se tirer une balle dans le pied (et les écolos au passage).

  • Ce serait évidemment une aberration comme celle des Allemands qui devraient arrêter leurs dernières tranches en 2022 (elles fournissent une puissance en « base » de 8GW)
    On peut éventuellement se poser la question pour Doel 1 et 2 et Tihange 1 qui sont vieillissantes et peu puissantes mais pas pour Doel 3 (les micro-bulles d’hydrogène de la cuve sont sous contrôle), Doel 4 et Tihange 2 et 3.
    Ces quatre unités possèdent déjà des circuits d’ultime secours dits bunkerisés (diesels, alimentation de secours des GVs et salle de commande annexe) le carénage mentionné au dernier paragraphe devrait être assez limité.
    Quant à se doter d’EPR je suis assez dubitatif, l’EPR est à mon avis une erreur. Les politiques ont voulu faire « l »Airbus du nucléaire » mais on a vu trop grand i) l’EPR est trop puissant, un arrêt d’urgence ou un ilotage peut déstabiliser le réseau ii) il est trop complexe car aucune des deux nations ne voulant renoncer à son design on a empilé les complexités du N4 français et du Konvoy allemand, iii) les très gros composants posent des problèmes de fabrication (homogénéité de la répartition du carbone) au point que l’on se fournit chez Japan Steel!
    Le meilleur design, simple et de bon goût, est le CPR1000 chinois qui n’est pas autre chose qu’un 900MW français légèrement amélioré et doté d’un contrôle-commande moderne.

    • A acheter chinois, le Hualong semble être un meilleur compromis:

      Les chinois ont acheté des EPR a l’ex areva, des VVER à rosatom, des AP1000 a westinghouse. Ils ont pesé les avantages et inconvenients de chacun et conçu le Hualong avec le meilleur des trois….

      En plus ils vont en construire à la chaine en chine, ils vont maitriser, contrairement à d’autres…

  • Le facteur de charge des eoliennes belges en mer du nord est de l’ordre de 34%, et pas 50%.
    En cas de doute, sur le site d’Elia vous téléchargez la feuille excell avec l’historique de la production éolienne, et vous faites un petit calcul…

    • le problème est la non pilotabilité..

      ce serait 34% de la puissance max tout le temps…

      un voiture thermique…produit de la chaleur…essentiellement perdue..quel gâchis pourrait on dire…

      l’important c’est l’économie… donc…on roule en diesel. on peut même penser que le gâchis et de le brûler pour se chauffer..ou pourtant..

      l’électricté produite par les éoliennes ne vaut pas grand chose…au point qu’elle a souvent une valeur nulle ou n’gative sur le marché instantané car.. les moyens pilotables en concurrence naturelle doivent parfois se forcer à réduire leur puissance ce qui leur coutre du pognon et ils sont prêts à payer pour éviter de le le faire!!! voir courbe de jeanco…
      le prix qui tend vers zéro ou négatif quand l’intermittent produit massivement..ce qui n’est PAS bon..et lié aux obligations d’achats..

      et ce n’est pas les 34% qui comptent…mais la production aléatoire..face à une conso qui ne l’est pas pourl’essentiel..et sans doute pas prête à changer pour s’adpater ( comme acheter des batteries///)

      • D’accord avec vous: sur le marché de puissance, les éoliennes ne valent rien. Mais sur le plan de l’énergie, elles valent aussi bien moins que ce qu’on lit ici et là.

  • Aux gens qui disent que remplacer 5500 MW de nucléaire par 1800 MW de gaz ça ne fonctionnera pas, le gouvernement répond qu’en 2024 on fera un nouvel appel d’offre pour résoudre le problème.
    Mais selon un commentaire de l’ancienne ministre de l’énergie, l’appel d’offre 2024 sera un appel « DSM » (gestion de la demande).
    En clair, l’état ne va pas dire « il manque x MW de production, qui peut les fournir et à quel prix? », mais bien « on consomme x MW de trop, qui peut réduire sa consommation et à quel prix? ». C’est ça la décroissance.
    Le piège diabolique se referme sur la petite Belgique…

  • Consolation Belge !
    « …un suicide programmé… »
    Une Fois !!

  • Mais vous m’étonnez: encore dimanche, le coprésident écolo (Jean-Marc Nollet) affirmait haut et fort que le nucléaire c’était fini, qu’on allait bien faire attention de ne pas augmenter, et que tout allait bien se passer. On lui dit que les prix du gaz, de l’électricité, bientôt de l’eau à Bruxelles, ….. ? On lui dit que les Chinois et Australiens vont ouvrir de nouvelles mines. Des faux culs qu’on a du mal à arrêter.

  • L’intermittent aux mains des super miteux.

  • On ne souligne pas assez la responsabilité écrasante du gouvernement de Charles Michel dans le pourrissement du dossier nucléaire en Belgique. La politique du rat crevé au fil de l’eau (je laisse cette affaire qui me dépasse dériver au gré des courant pour l’abandonner à ceux qui suivent, fût-ce à l’état de cadavre) menée par ce gouvernement dont les
    ni écolos ni socialistes ne faisaient partie, n’a sans doute pas été pour rien dans la démission du CEO d’Engie, Me Kocher. Le même Monsieur Michel s’est montré beaucoup plus décisif pour s’envoler à Marrakech, faisant tomber ainsi son propre gouvernement. On connaît la suite ….

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