OVH, innovation, échec étatique : le cloud à la française

Il est temps de s’intéresser à l’écosystème du cloud en France. Nous verrons qu’OVH n’est pas seul. Même derrière les États-Unis, le cloud français reste bien placé en Europe.

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Cloud computing comes to NERSC by Berkeley Lab (Creative commons CC BY-NC-ND 2.0)

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OVH, innovation, échec étatique : le cloud à la française

Publié le 21 novembre 2021
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Par François Jolain.

Article disponible en podcast ici.

Avec l’introduction d’OVH en bourse le 15 octobre dernier, il est temps de s’intéresser à l’écosystème du cloud en France. Nous verrons qu’OVH n’est pas seul. Le cloud français, même derrière les États-Unis, reste bien placé en Europe.

L’histoire d’OVH reflète l’histoire d’internet

OVH est devenu le leader du cloud en Europe. C’est une success-story à la française. Un jeune entrepreneur, Octabe Klaba décide de se lancer en 1999 dans le cloud. Il créa une société à Roubaix devenue multinationale et pionnière dans son domaine.

Car oui, dans l’internet naissant, OVH faisait figure de leader. Plutôt que d’installer son serveur chez soi, OVH propose de nous louer un des siens, d’où le nom de l’entreprise On Vous Héberge (OVH). Ainsi des milliers de particuliers et professionnels peuvent héberger leur boîte mail ou site web facilement.

OVH a prospéré avec l’hébergement des blogs ou des sites e-commerce. Le besoin se résume alors à louer pour plusieurs mois, voire années, un même serveur pour héberger le site web.

Malheureusement pour OVH, internet a rapidement évolué avec l’arrivée d’Amazon en 2006 et son offre révolutionnaire de cloud élastique. On pouvait ainsi louer des serveurs à la minute, les allumer et les éteindre en quelques secondes. Cette souplesse devient fondamentale pour les plateformes cloud comme Netflix. Leur infrastructure s’adapte en continu à la charge de travail.

Quelques années après, la flexibilité s’est encore améliorée avec le serverless. Dans ce cas, le site sera automatiquement déployé sans avoir à configurer le moindre serveur. Avec le serverless, le serveur disparaît de la vue du développeur : il dépose son code et comme par magie, l’hébergeur lui donne une URL pour accéder à la plateforme déployée.

Cette double révolution a laissé les acteurs établis comme OVH sur le carreau. Amazon, Microsoft et Google ont été les grands gagnants. Aujourd’hui, bien qu’OVH a remonté la pente, le mal est fait. Une bonne partie du CAC40 a migré vers les GAFA pour leurs besoins cloud.

Le cloud français ne se résume pas qu’à OVH

Par sa taille et sa couverture médiatique (surtout durant les pannes), OVH est l’arbre qui cache la forêt du cloud français. Petit tour d’horizon de différents acteurs.

Scaleway est un petit OVH. Sa taille le laisse dans l’ombre, mais lui permet de s’adapter plus rapidement aux révolutions et ainsi gagner en parts de marché.

Outscale est une filiale de Dassault Système lancée en 2010 suite aux révélations de Snowden. Ce cloud souverain est à destination des acteurs critiques. Il est certifié SecNumCloud pour sa sûreté par l’Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information (ANSSI).

Qarnot propose un cloud atypique puisque ses serveurs prennent la forme du radiateur de nos logements. Ainsi la chaleur dégagée par le calcul sert à se chauffer.

Même Naval Group vient de mettre un pied dans le cloud. L’entreprise a conçu le premier cloud immergé au monde en partenariat avec Microsoft.

Il faut aussi rappeler les poids lourds du développement et de l’infogérance tels Atos, Sopra ou Capgemini.

L’État français toujours fidèle à lui-même

Pour ceux qui ont encore un doute sur la compétence de l’État en dehors du régalien, le cloud français est un sketch.

Le gouvernement a commençé par promptement saboter l’écosystème avec une lourde réglementation. Par exemple, en 2000, l’hébergeur Altern a dû fermer, car la loi française l’obligeait à contrôler les 21 893 sites qu’il hébergeait. Des entrepreneurs du numérique sont alors partis vers la Californie. La goutte d’eau (fiscale) arriva en 2012 avec Hollande et a provoqué le Mouvement des Pigeons.

Par une sorte de miracle, le champion national OVH est tout de même parvenu à s’en sortir. Le gouvernement qui visiblement ne voulait pas de cloud chez lui a fait preuve d’une totale indifférence envers la pépite française.

Par exemple en 2011, l’État a lancé le projet Andromède avec pour objectif de bâtir un cloud souverain. Mais au lieu de consolider le champion, l’État a décidé de lui créer deux concurrents : CloudWatt (Orange & Thales) et Numergy (SFR & Bull). Après 285 millions d’euros investis tous les deux ont mis la clé sous la porte en quelques années.

Cette indifférence à son propre écosystème reste encore présente, puisque l’État a choisi Microsoft pour héberger les données de santé des Français (Health Data Hub).

Le cloud français est donc bien présent avec sa french touch. Il regroupe des poids lourds et des entreprises innovantes. L’État les soutient comme la corde soutient le pendu.

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  • L’Etat est un alchimiste de talent : il transforme l’or en plomb, plomb qui s’accroche ensuite aux semelles de toutes les entreprises françaises pour les empêcher de courrir.

  • L’État ne comprend que l’impôt et le clientélisme. Pour cela, mieux vaut chanter une relocalisation qui coûte des centaines de millions à l’état que de préparer l’avenir avec des nouvelles technologies et business.

  • Vous confirmez bien dans votre article que le vrai « cloud à la française », c’est OVH, non géré par l’état…
    Si vous écoutez les médias, il n’y a pas de cloud souverain… Il est vrai qu’il ne faudrait pas nommer une entreprise privée…

    • Oui. On peut ajouter la personnalité d’Octave Klaba. Il n’est pas du genre à faire la danse du ventre devant les politiciens pour décrocher des subventions. Il assume son indépendance.

    • Wikipedia : « En avril 2015, Octave Klaba prend position contre le projet de loi sur le renseignement »

      Ceci explique peut-être cela.

  • Le problème est malheureusement simple , nos élites ont pour la grande majorité un cursus spécialisé en dialectique et s’entoure de « copains » d’une même culture. C’est bien incompatible avec un esprit tourné vers les sciences . Discours sur la start up nation mais il faut voir le spectacle de nos biotech par exemple ! On peut arrêter Astrid et se lever un bon matin chantre du nucléaire , lancer sur le papier des méga-factories en prenant soin de détruire les petites , des fois qu’il y aurait une courbe d’apprentissage …parler du made in France et acheter US ( microsoft , google… et Chinois aprés appel d’offre bien sur.

  • Quand j’ai entendu macron parler de start-up nation, je me suis dit que c’était foutu. Ayant côtoyé, pendant des années, les différentes promos de l’ENA, j’ai vite compris que la très grande majorité des élèves ne comprenait rien à l’industrie et encore moins aux sciences. L’ENA ne fabrique que des dialecticiens, à l’égo démesuré et totalement obtus à l’innovation. Ce n’est pas sans raison que dès qu’une innovation apparaît l’administration s’empresse de rédiger des normes sur des sujets qu’elle ne maîtrise pas. La France est entrée dans une période de déclin et ce n’est pas les trois ou quatre ETI qui ont émergé depuis 10 ans qui nous feront redevenir un champion de l’innovation.
    Tout est à revoir et je commencerais par l’éducation qui est dans un état de délabrement incommensurable. Comment redevenir une nation innovante si on ne forme pas convenablement nos jeunes ?

  • Fabriquer un « cloud » ne me semble pourtant pas tellement difficile – contrairement à une « fonderie » de silicium pour concurrencer TSMC.

    C’est un « service », c’est « high-tech » donc à priori adapté à nos aspirations économiques (dont le bien fondé reste à justifier).

    Alors pourquoi n’est-on pas (ou plus ?) capable de le faire ? Serait-on encore capable de créer une industrie aéronautique ou nucléaire ou d’armement ? Est-on réellement capable de créer une industrie de fabrication de batteries ?

    Il me semble qu’il y a 50 ans l’état pouvait insuffler l’énergie nécessaire mais qu’aujourd’hui c’est exactement le contraire.

    • Le cloud ? c’est prosaïquement un assemblage de disques durs de grandes capacités et une gestion rigoureuse d’iceux-là.

      • si c etait si simple que ca, il y aurait longtemps qu amazon aurait ete detroné.
        gerer des millions de serveurs dans differents pays, pouvoir les basculer en cas de panne ou de surcharge … c est pas a la portee de n importe qui

  • Une nouvelle (r)évolution du cloud est en route depuis qq mois. Le cloud sur blockchain ou le cloud décentralisé.
    Et le plus décentralisé est celui qui permet à tout 1 chacun d’acheter le jeton de gouvernance et de le bloquer pour assurer la sécurité et le bon fonctionnement de ladite blockchain. En retour de quoi, il reçoit des récompenses ou rewards sous forme du même jeton, qu’il peut soit vendre, soit réinvestir.
    Si la mayonnaise prend (et ça a l’air bien parti), ça va faire 1 peu mal à ceux qui rateront le train.

    • J’avoue que je n’y connais pas grand chose.
      Vous avez des noms de sociétés pour me guider un peu ? J’aimerais voir un peu à quoi cela ressemble sans perdre de temps en méandres marécageux…

    • Comme dit « zelectron », un « cloud » est un assemblage de disques. Comme dit « maniaco » et d’autres, il semble y avoir des blocages politiques. Comme dit « Bigmatou », l’avenir appartient à un concept plus puissant et ceux qui rateront le train en seront exclus.

      Conclusion : en matière de « réindustrialisation » comme évoqué par « Think2 », on est à 2 ordres de grandeur près de parvenir à quelque-chose !

  • Encore un magnifique exemple du rôle nuisible de l’Etat, qui se gargarise du mot « réindustrialisation » tout en faisant le contraire de ce qu’il faudrait faire.
    Ecoutons ce petit extrait de ce que nous disait quelqu’un qui sait de quoi il parle lors d’un exposé à la SEII, Loïk Le Floch-Prigent (https://mailchi.mp/43939f3f81e1/draft-newsletter-seii-mai-4904706?e=4ef628582a) :
    « … Il est vain de penser qu’on peut repartir de zéro. Le Commissaire européen Thierry Breton peut prétendre mettre 20 ou 30 milliards pour refaire des microprocesseurs, il peut mettre 50 milliards et même plus, il faudra 20 ou 30 ans pour se mettre au niveau de ce que font TSMC et Samsung aujourd’hui. A ce moment-là ils auront encore 10 ans d’avance. Le sujet n’est pas là. On doit raisonner en paysan : si on n’a ni la terre ni les semences, comment voulez-vous bâtir quelque chose avec des aides publiques ? Cela ne sert à rien, il faut d’abord reprendre la compétence et l’ensemble du secteur. …  »  » … On a aujourd’hui dans l’UE une centaine d’entreprises qui sont capables de produire des pièces de fonderie dans toutes sortes de domaines, des petites entreprises, qui sont aujourd’hui rackettées par des groupes de Taiwan, de Corée du Sud et américains, et qui vont être rachetées parce que personne ne s’en occupe. Si on considère que ce sont les semences qui permettront un jour de nous en sortir, il faut les conserver et les faire travailler. Et ça c’est un travail de dentelle et pas un travail de bureaucrates de type soviétique. Mettons les gens dans ce secteur de microprocesseurs dans les conditions de pouvoir grandir. Ce sont là les conditions générales de survie du système… »

    • Oui!
      Quand l’Etat remplace la liberté (d’inventer et d’entreprendre) par des milliards (confisqués tous azimuts), il ne crée que de la bureaucratie, du sous-développement et de l’émigration des plus aptes.
      Qu’on laisse mûrir les talents, cela ne coûte rien et tout ira mieux pour tout le monde.

  • Merci pour cet article. Un point :  » la compétence de l’État en dehors du régalien » ? Alors dans le régalien vous considérez l’Etat compétent?

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