Voilà, le système hospitalier français s’écroule

L’hôpital français vit probablement ses dernières années : encore une fois, l’État démontre son incompétence totale en gestion.

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Voilà, le système hospitalier français s’écroule

Publié le 29 octobre 2021
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par h16

Il y a quelques semaines de cela, je constatais dans un billet étayé par quelques statistiques éclairantes que la médecine française, dans une lente descente qui dure depuis quelques décennies, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ce billet sera l’occasion de s’intéresser de plus près à quelques intéressants malaises dans la gestion des hôpitaux, bien récents ceux-là, et que le gouvernement semble à peu près incapable de corriger ou même de comprendre.

Et parmi ces malaises, la gestion de la sécurité des données patients semble revenir comme un thème lancinant démontrant l’incapacité des systèmes publics de tenir leurs promesses. La chronique est malheureusement assez régulièrement fournie de l’une ou l’autre de ces fuites massives de données de santé qui montrent au mieux de grosses lacunes dans la sécurisation de ces éléments essentiels des systèmes d’information de santé publique, au pire un jmemfoutisme assez détendu qui n’inquiète que quelques sous-fifres lorsqu’il est découvert…

La situation est encore plus préoccupante lorsqu’on se penche sur la sécurité des systèmes d’information des hôpitaux eux-mêmes : malgré les rappels réguliers du régulateur, des autorités de tutelle et des différents services informatiques locaux, trop peu est fait pour protéger ces établissements des pratiques régulières de piratage ou pire, de rançonnement pur et simple.

La série noire qui frappe les hôpitaux français donne une assez bonne idée de leurs lacunes : février à Dax, mars à Oloron, avril à Saint-Gaudens, septembre à l’APHP, les mois se suivent et se ressemblent pour les cybercriminels qui attaquent les établissements publics de santé français.

Pour certains, c’est encore une occasion de fustiger le capitalisme galopant, l’ultralibéralisme débridé qui pousse les hôpitaux dans un dénuement complet laissant leur infrastructure informatique dénudée et ouverte aux quatre vents cybercriminels. Cependant, l’analyse des manquements, des raccourcis, des budgets (ou de leur absence) montre a contrario que gérés comme de vraies entreprises, les hôpitaux s’en porteraient bien mieux ; eh oui, le choix de l’administration pyramidale et de sa lourde bureaucratie tatillonne, paperassière et empêtrée dans les procédures de plus en plus absconses n’aide en rien.

Et si c’est consternant question informatique, ce n’est guère mieux du côté de la gestion du personnel.

Pour s’en convaincre, il suffira de voir le lamentable épisode de la loi RIST qui aurait du entrer en vigueur le 27 octobre dernier et qui a été retirée in extremis par le gouvernement.

Décidée tout à trac par un gouvernement aussi démagogique que brouillon, cette loi visait à plafonner et réguler les rémunérations des intérimaires hospitaliers.

Pour la faire courte, la rémunération de ces intérimaires – allant de 1300 euros net à 2000 euros net à certaines dates pour une garde de 24 heures – était jugée plus ou moins scandaleusement élevée, ce qui est objectivement grotesque pour des professionnels ayant des responsabilités vitales en jeu. En réalité, la différence avec les salariés s’explique par une couverture sociale moins favorable pour les intérimaires et l’évidente nécessité de son adaptation aux différents environnements (hôpitaux, logiciels, protocoles, personnels). Certes, ils sont une minorité à ne pratiquer que l’intérim pour de pures raisons lucratives (bien amplifiées par les médias), mais cela reste en réalité très limité.

Ce phénomène a pris de l’ampleur ces dernières années avec l’effondrement de la qualité et du prestige hospitaliers, des rémunérations (notamment en comparaison des confrères européens) ce qui a poussé beaucoup à pratiquer l’intérim en complément.

Actuellement, beaucoup d’hôpitaux (et notamment les ruraux et les moins bien situés géographiquement) peinent à faire tourner une activité sans recourir plus ou moins massivement à l’intérim, ce qui pousse là encore les rémunérations vers le haut : attractivité faible, besoins criants, offre et demande suffisent à expliquer l’inflation progressive des salaires et de la pratique.

À l’instar d’un contrôle des loyers qui, comme la guerre, garantit la destruction des logements en ville, la loi RIST proposait donc de plafonner tout ça bravement, en limitant la garde de 24 heures à 940 euros net, avec d’évidentes conséquences désastreuses pour de nombreux hôpitaux : à l’orée de l’application de cette loi les médecins remplaçants ou intérimaires des urgences et des services d’anesthésie ont décidé tout simplement- c’est vraiment surprenant – de ne plus assurer de vacations dans ces hôpitaux abandonnés de tous. Des hôpitaux de toutes dimensions (y compris de villes moyennes) se sont rapidement trouvés à devoir fermer des blocs opératoires et des lignes de garde. Malin.

On appréciera au passage le timing parfaitement diabolique de cette loi qui devait donc régler son compte à l’intérim au moment où les hôpitaux ont tous des problèmes plus ou moins graves de gestion des équipes, dans ce qui nous est régulièrement présenté comme une furieuse pandémie où le manque de personnel devient véritablement criminel, au point que mêmes certains députés s’en sont ouverts.

Si, dans ce tableau déjà particulièrement bousculé, on ajoute les tensions déjà exacerbées, les burnouts et les dernières « innovations » autoritaires de Véran et sa clique méphitique, qui consistent essentiellement à bouter hors du corps médical tout un pan de soignants qui refusent simplement l’injonction vaccinale, on obtient un résultat consternant : youpidou la ribambelle, il manque des milliers de soignants à l’appel.

Sans se démonter, et parce que le culot et l’imbécilité vont souvent de pair, voilà donc lancée une petite enquête de derrière les fagots pour déterminer ce qui a bien pu provoquer cette étonnante rupture dans la masse salariale, tout en accusant au passage les gouvernements précédents. Comme le notait Saint Thomas d’Aquin, l’aplomb des abrutis est probablement ce qui les caractérise le plus et, comme ajoutait Audiard, c’est même à ça qu’on les reconnaît.

Le système de soin public français est très probablement sur le point de s’effondrer ou est déjà en cours d’effondrement.

Les raisons sont multiples et s’étalent sur plusieurs décennies de gabegies, de décisions politiques souvent sans courage et plus ou moins minables. Mais ne vous y trompez pas : sans le moindre doute, les derniers coups de boutoir ont été assénés par l’actuel gouvernement, avec une obstination sans faille.

Ce système est foutu.


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  • rendons a cesar ce qui est a cesar.
    francetest n est pas du secteur public, c est une entreprise privee (qui a fait n importe quoi (genre un site recueillant des donnees sensibles avec wordpress) afin de se remplir les poches

    • @cd
      Bonjour,
      Francetest existe légalement depuis juin 2021. Son président mandaté exerce
      depuis août. Le capital social de cette entreprise s’élève à 100€. Ça renarde fort le capitalisme de connivence, voire l’entreprise de paille.

  • Il paraît qu’à Cuba, des médecins font taxi comme job d’appoint (pour avoir de quoi manger), pourquoi ne pas demander aux chauffeurs Ûber de faire des gardes dans ces hôpitaux oubliés ? Ce serait-y pas du progrès ça !?

  • 940€ pour 24h, le dimanche, cela fait 5500€ par mois en ne comptant pas les vacances et la majoration WE, soit 4000€. Alors qu’en libéral un anesthésiste se fait 12000€. Cela ne va pas le faire.
    D’ailleurs, il parait que 20% des lits sont fermés par manque de personnel.
    Une IDE gagne le double en libéral et elle est sa propre patronne.

  • Ce qui est incroyable avec Macron, c’est qu’il s’est faire élire avec une étiquette de réformateur, alors qu’il est encore plus communiste que ses prédécesseurs !

  • L’URSS a tenu vaille que vaille durant 72 ans (1917-1989), alors vous savez, la France « URSS qui a réussi » peut bien tenir cahin-caha pendant quelques années voire quelques décennies supplémentaires … il suffira de mettre sur pied quelques goulags pour citoyens récalcitrants. D’ailleurs quand on voit le niveau de révolte de nos concitoyens devant l’incompétence crasse doublée d’arrogance dans le mensonge, doublée de corruption, de notre classe dirigeante (politiciens / hauts fonctionnaires, d’ailleurs c’est quasiment pareil), on se dit que ce pays va être foutu pendant encore un moment avant que les choses ne changent.

  • « Comme le notait Saint Thomas d’Aquin, l’aplomb des abrutis est probablement ce qui les caractérise le plus »

    Je ne connaissais pas.

    J’ai toujours été fasciné par l’aplomb des ministres, politiciens, haut fonctionnaires ou « experts » médiatique.

    Tout comme M. Jourdain découvre la prose, je comprends enfin que cela n’a rien de plus fascinant qu’un graffiti sur un mur.

  • Les administrations n’ont jamais été capables de gérer quoi que ce soit. Ni la santé, ni l’éducation, ni la police, ni l’armée, ni le chômage, ni l’immigration, ni …
    Leurs méthodes sont simples : problème = subvention. Et on passe à autre chose.
    Mais aujourd’hui, il n’y a plus d’argent.
    Alors, problème = ????
    Que faire quand on est incompétent ?
    C’est la grande question de nos énarques et politiciens.

    • Que faire quand on est incompétent ? Enarque ou politicien, ça permet de hausser fièrement le col en ayant répondu efficacement à la question…

    • @JR
      Bonjour,
      L »Adminstration – comme la police- est aux mains de ceux auxquels elle est confiée. Ces mains sont celles d’incompétents. Ces incompétents, pour garder la main sur l’Adminstration, utiliseront les autorités dont l’Adminstration a la charge.

  • Ce n’est pas l’argent qui manque, alors que les dépenses de santé représentent 11,3% du PIB, soit le plus haut niveau de l’UE (9,8%) avec l’Allemagne ? Que ce taux a augmenté de 1 point en 10 ans ? Et qu’enfin, 32% de ces dépenses sont concentrées sur l’hôpital contre 29% en moyenne en Europe ? La mauvaise allocation des ressources est une réalité, par exemple un sureffectif notoire (la moitié de plus que les établissements allemands comparables) du personnel hospitalier sous statut n’ayant aucune tâche médiacale.

  • je ne peux m’empecher de signaler une chose..
    ce n’est pas la crise qui est édifiante mais le fait que le système na pas de mécanisme « naturel » d’adaptation…

    actuellement vous avez un forcing des défenseurs de l’hopital publique qui vous expliquent que la crise s’explique par le fait que ce serait le libéralisme qui aurait conduit à la situation de crise..

    en gros l’hopital public doit être prêt pour tout crise..
    ou on doit acheter des chasse-neiges à cherbourg..

    non ..le débordement du système ..ça peut arriver…la crise n’est pas le problème..

    la crise prouve juste que la planification et la gestion centralisée EMPIRENT les situations de crise.

    • @jacques oui le sujet qui importe est pourquoi il est impossible de réformer ce pays . Je pense qu une des réponse se tient dans le statut de la fonction publique . Aucun d’entre eux ne veut réformer le système , ils le protègent . Ils sont devenus les gardiens du temple . A la manière des petites vieilles bigotes -dont ils se plaisent à rire- qui empêchent le curé de déplacer la moindre chaise .

    • En effet, le problème de fond de toute administration n’est pas l’incompétence (il y a parfois des administrateurs/fonctionnaires qui sont compétents, beaucoup de médecins de l’hopital public sont bons, beaucoup de professeurs d’université savent de quoi ils parlent)… mais que le système est bloqué jusqu’à ce qu’un clampin décide de le changer, et après il est de nouveau bloqué, juste dans un état différent.
      Il faudrait une adaptation continue aux circonstances, aux besoins. Le marché le fait très bien, mais comme ils ont décidé par principe que le marché c’est le mal, intégrer du marché dans le public ne peut pas même les effleurer. Ils mettent du « libéralisme » uniquement en tentant de réduire les coûts.

      Ce qui montre que nos braves fonctionnaires et politiciens n’ont rien compris au libéralisme, rien compris à l’efficacité, rien compris au marché ni même à la gestion. On s’en doutait mais ils tiennent absolument à le prouver le plus souvent possible !

    • Ah, les chasse-neiges à Cherbourg !
      L’hiver 63, il me semble que le subdivisionnaire de l’équipement local avait résolu le problème en soudant à la hâte quelques tôles à l’avant de ses camions pour dégager la côte des Rouges-Terres. Les habitants ont apprécié, mais bien entendu, un tel manquement aux règles dans l’emploi du matériel de l’Administration a lourdement pesé sur le restant de sa carrière.

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