Blocage du prix du gaz : une vraie fausse bonne idée

Le gouvernement a trouvé opportun de lancer une vraie fausse bonne idée : le bouclier tarifaire qui consiste à bloquer les prix du gaz jusqu’au printemps.

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Blocage du prix du gaz : une vraie fausse bonne idée

Publié le 13 octobre 2021
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Par Nathalie Janson.

La reprise économique après un an et demi de vie entre parenthèses s’accompagne de tension sur de nombreux marchés et fait flamber les prix, en particulier ceux des matières premières. Ces tensions font craindre une potentielle reprise de l’inflation. Hésitation entre flambée des prix conjoncturelle en raison de goulots d’étranglement ou véritable augmentation des prix due à une accélération de la demande.

Difficile à ce jour de savoir si l’inflation est aujourd’hui conjoncturelle ou structurelle, une possibilité à ne pas négliger étant donné la quantité massive de liquidités qui ont été injectées dans des économies grandement à l’arrêt : la taille du bilan de la Fed a augmenté de 90 % depuis fin février 2020 et représente 36 % du PIB américain de 2019 tandis que celui de la BCE a augmenté de 60 % et représente 60 % du PIB de la zone euro de 2019.

Dans ce contexte, le gouvernement a trouvé opportun de lancer une vraie fausse bonne idée : le bouclier tarifaire qui consiste à bloquer les prix du gaz jusqu’au printemps où ils pourront éventuellement réaugmenter pour compenser le manque à gagner. Cette décision intervient alors qu’après avoir augmenté de 25 % cet été, le prix du gaz a été revu pour la dernière fois à la hausse de 12,8 %.

Pourquoi le bouclier tarifaire du gaz est une vraie fausse idée ?

Même si le gouvernement revendique le droit de pouvoir bloquer les prix en raison de la loi lui permettant « en cas d’augmentation exceptionnelle des prix des produits pétroliers ou des prix de marché du gaz naturel », l’idée n’en reste pas moins contre-productive surtout en matière d’énergie. Tout d’abord il est légitime de se demander pourquoi les prix du gaz et pas celui de l’essence. En effet, le prix de l’essence a augmenté d’environ 20 % en moins d’un an. Le prix du baril de pétrole dont le prix a été négatif pendant quelques semaines en 2020 a retrouvé des cours qu’ils n’avaient pas atteints depuis 2018 autour de 80 dollars le baril de brut alors qu’il était à peine 35 dollars il y a un an.

Compte tenu de l’absence d’accord des pays de l’OPEP pour augmenter la production, le trend haussier du baril va poursuivre sa course. De nombreux experts le voient s’envoler à 100 dollars cet hiver si les conditions climatiques s’avèrent rudes. Le gouvernement n’a pas exclu d’intervenir dans les mois à venir via le chèque énergie. En revanche, il a déjà choisi de limiter la prochaine hausse de l’électricité à 4 % en février au lieu de 12 % en diminuant une taxe.

La raison pour laquelle le gouvernement entend limiter la hausse du prix de l’électricité vient du fonctionnement particulier du marché de l’électricité et du gaz en Europe, le prix de l’électricité suivant celui du gaz. Le gouvernement français réclame une réforme du marché de l’électricité d’autant plus que le prix de l’énergie en France est plutôt bon marché compte tenu de notre mix énergétique en faveur du nucléaire. Il est intéressant que la solidarité européenne ait ses limites !

Un bel exemple de nanny state combiné à du clientélisme politique

Déclaration du ministre de l’Économie Mr Bruno Le Maire à la suite des annonces de blocage des prix par Jean Castex, symptomatique de la posture gouvernementale française :

Je pense que c’est une question de justice. Les Français n’ont pas à prendre de plein fouet cette augmentation des prix du gaz. Le rôle de l’État, c’est de protéger. Nous assurons notre rôle de protection des Français face à la flambée des prix de l’énergie.

Cette attitude s’inscrit dans la lignée de tradition de l’État protecteur qui vous veut du bien et qui sort renforcé par la crise du COVID où il a dicté la conduite des Français dans ces moindres détails.

Pourtant, si la préoccupation est celle de protéger alors pourquoi se limiter au prix de l’énergie ? Après tout, les dépenses de l’énergie ne représentent pas le poste principal de dépenses des ménages. Selon l’INSEE, les dépenses d’énergie – liées au logement et au transport – représentent 8,4 % de la consommation des ménages français répartie entre 4,6 % pour l’habitation et 3,6 % pour les transports individuels. Elles représentent une part équivalente à l’habillement et aux loisirs et la culture et sont stables depuis 20 ans même si elles recoupent des inégalités d’efforts énergétiques importantes.

Le poste de dépenses le plus important est celui le logement en France et sa part n’a cessé de croître depuis 20 ans – une hausse de 20 % en 10 ans avec une augmentation encore plus accentuée – 37 % – pour les 20 % des ménages qui gagnent le moins contre 25 % chez les 20 % des ménages qui gagnent le plus1.

La France se situe d’ailleurs au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. La décision de cibler les prix de l’énergie est symbolique et renvoie à la crise des Gilets jaunes. En cette période pré-électorale, il est important de ne pas allumer de feux sociaux.

Cependant cette décision est tout à fait regrettable pour deux raisons essentielles qui sont liées.

La première est qu’elle contribue à véhiculer l’idée que le contrôle des prix est possible et souhaitable. C’est une preuve supplémentaire de l’inculture économique en France.

La seconde raison est qu’elle concerne un secteur dont la dynamique à la hausse n’est pas près de cesser en raison de la lutte contre le réchauffement climatique. Est-ce opportun aujourd’hui de contrôler les prix de l’énergie alors que le but est d’aller vers une consommation plus verte ?

Le prix en économie de marché est un véhicule d’information essentielle dans la coordination des décisions économiques prises par les différents acteurs du marché. Sans cette variable essentielle, les prises de décision sont erronées. Du côté des consommateurs, la moindre augmentation des prix ne les incite pas à changer leurs habitudes de consommation.

Or, la lutte contre le réchauffement climatique appelle des modifications de comportement substantielles. Du côté de l’offre, le blocage des prix pèse sur la rentabilité du secteur et sa capacité d’investir. Si les prix de l’énergie continuent à augmenter dans les mois à venir, on se demande jusqu’où le gouvernement est prêt à protéger les Français contre eux-mêmes.

Encore une fois l’État protecteur aurait mieux fait de jouer un rôle éducateur pour aligner les comportements aux objectifs de verdissement de la croissance !

  1. Étude de l’OCDE, Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement, 2021.
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  • « UN BEL EXEMPLE DE NANNY STATE COMBINÉ À DU CLIENTÉLISME POLITIQUE » et ça s’appelle avoir une politique énergétique, quelle qu’elle soit..

    prendre à paul pour donner à pierre dans l’interet de pierre et paul.

  • La faillite de fournisseurs de gaz en GB, résultant principalement du blocage des prix, a visiblement donné des idées à BLM

  • Bah, les fournisseurs de gaz sont plein de pognon alors pourquoi pas bloquer leur marge , ça ne les mettra pas en faillite, ils se rattraperont demain. Pas très libéral mais le marché de l’énergie est plus qu’ultra liberal, il est fou, entièrement basé sur la speculation d’intermédiaires douteux inventés par la commission… Pour soi disant faire baisser les prix.

    • Quand les pays de l’OPEP s’entendent entre eux pour réduire la production quand la demande redémarre et augmente à seule fin de conserver leur rente pétrolière, vous appelez ça comment? Pire que de la spéculation, du capitalisme de connivence!

      • Bah, c’est de bonne guerre, après les vaches maigres, il faut faire du gras..mais, ça leur retombera dessus, ils ne produisent rien et importent tout.
        Mais j’ai l’impression qu’il s’agit d’un problème de transport, manque de travailleurs dans les ports.

      • Sauf que ça fait depuis longtemps que ce n’est plus l’Opep qui fait la pluie et le beau temps.

    • Pas tant que ça plein de pognon. Le gaz étant une ressource limitée, l’enjeu des fournisseurs n’est pas tant de fournir que de trouver et exploiter. Or, cela demande énormément d’investissement et pour un coût toujours plus élevé du à la rareté et la difficulté.

      De plus, comme la pression est grande de la part des gouvernements occidentaux pour aller vers les énergies renouvelables les fournisseurs doivent la encore énormément investir pour se diversifier et se convertir.

      Or, bloquer les prix a forcément une répercussion sur ces investissements. Et à moyen terme ça ne fera qu’augmenter le coût de l’énergie du fait d’une plus grande rareté. C’est donc contre productif.

    • combien font il de pognon?

      et pourquoi ne vous mettez vous pas à chercher du gaz?

      il ya des millions de gens qui pensent comme vous..groupez vous et lancez vous.

  • « Encore une fois l’État protecteur aurait mieux fait de jouer un rôle éducateur pour aligner les comportements aux objectifs de verdissement de la croissance ! »

    certainement pas : que l’Etat nous fiche la paix.
    Et les objectifs de verdissement de la croissance sont aussi idiots (voire plus) que le blocage du prix du gaz.

  • Quel besoin d’une transition énergétique ? Le réchauffisme est un postulat hypothético-déductif basé sur une axiomatique indémontrée…

  • pas jusqu’au printemps…jusqu’après les élections serait plus juste.

  • L’État ne bloque pas le prix du gaz vu qu’il n’en a pas les moyens. Les prix sont fixés par les pays producteurs.
    Il ne fait que baisser temporairement les énormes taxes qu’il y a ajoutées au fil des années.
    Il y a tellement de taxes que dès que le gaz augmente trop, il doit les baisser pour éviter que les gens descendent dans la rue.
    Bientôt ce sera le cas de l’essence.
    Le racket atteint ses limites à partir d’un certain seuil.

    • L’Etat bloque le prix de vente des distributeurs pour éviter que les augmentations décidées par les producteurs soient répercutées au consommateur. Le niveau de taxes reste inchangé ( pour le gaz, en tous cas )

      • Et comment fait le distributeur quand le produit augmente? Il l’achète avec quoi ? Ah oui avec ses centaines de milliards de bénéfices ; je n’y pensais pas.
        Aucun fournisseur ne va lui vendre son produit moins cher que la valeur qu’il a. Je vois mal Poutine ou son homologue algérien vendre aux distributeurs français le gaz moins cher parce que son Ministre a décidé de bloquer les prix.

  • Ben, si ces glands de l’UE (donc tous les ministres des finances) avaient signé plus de contrats à long terme que de passer par le marché spot pour « compenser » on en serait pas là.
    De même, l’asservissement du prix de l’électricité au marché du gaz est quand même stupide. Mais bon, c’est la Russie qui est « méchante ».

  • Je ne comprends pas pourquoi le prix de notre électricité doit dépendre du marché du gaz, avec en plus des taxes dévastatrices !

    • Éoliennes, tu connais ? C’est pas les écolos qui vont les subventionnées, c’est le petit peuple des sans dents.
      Électricité nucléaires : pas assez chère mon fils !

  • Moi je voudrais que l’état me protège de l’augmentation des taxes. Qu’ils assument leur « rôle » face à la flambée des taxes.

  • Les commentaires sont fermés.

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