Impôt sur les multinationales : la coûteuse solution de Joseph Stiglitz

Joseph Stiglitz propose un taux mondial de 25 % pour l’impôt sur les sociétés. Mais cette hausse sera surtout payée par les classes moyennes.

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Joseph Stiglitz at Asia Society New York by Asia Society (Creative commons CC BY-NC-ND 2.0)

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Impôt sur les multinationales : la coûteuse solution de Joseph Stiglitz

Publié le 10 octobre 2021
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Par Philippe Lacoude.

L’ouverture internationale des marchés au cours des quatre dernières décennies a définitivement rendu la vie des étatistes écœurante. Il est facile de fuir les pays où la pression fiscale est la plus importante et les États sont obligés de limiter leurs hausses d’impôts de peur de perdre des contribuables.

Bien sûr, les contribuables les plus mobiles sont d’une part les individus millionnaires – le segment de la population mondiale qui déménage le plus, statistiquement – et, d’autre part, les grandes entreprises multinationales.

Cet état de fait frustre nos étatistes depuis des lustres.

Cependant, le fait que tous les États occidentaux sont financièrement aux abois – à de très rares exceptions près – ouvre une opportunité sans précédent, celle d’harmoniser la fiscalité au niveau mondial.

Joseph Stiglitz et l’impôt

Contrepoints a déjà ouvert ses colonnes à la critique d’un impôt sur les sociétés minimum de 15 % (ici et ), mais il convient de revenir sur cette question, car Joseph Stiglitz, le prix Nobel d’économie de 2001, pense que l’accord trouvé par le G20 sur une taxation d’au moins 15 % des bénéfices des entreprises ne va pas assez loin.

Cet ancien économiste en chef de la Banque mondiale et 17e président du Conseil économique national des États-Unis sous le président Clinton prétend qu’un taux de 25 % « mettra fin au nivellement vers le bas des politiques fiscales [… et fera] face à l’urgence de la crise des inégalités qui traverse l’économie mondiale et fragilise nos sociétés démocratiques ».

Cette déclaration est importante à deux titres : tout d’abord, elle émane de quelqu’un qui a une réelle influence sur les élucubrations de l’administration du président Biden et ensuite, elle illustre, pour nous libéraux, la direction vers laquelle les étatistes nous engageront dès qu’ils auront obtenu leur taux mondial minimum de 15 % : ils comptent engager une fuite éperdue vers des taux toujours plus délétères pour l’activité économique.

Quels effets d’un taux à 25 % ?

Comme nous l’avons rappelé dans une série d’articles (écrite en collaboration avec Pascal Salin), l’impôt sur les sociétés n’est pas payé par ces dernières (cf. ici et .)

Il est acquitté par les dirigeants d’entreprises et les actionnaires, bien sûr, mais aussi par leurs fournisseurs (qui font face à une moindre demande et donc des prix plus bas), par les clients (sur lesquels se reporte une partie de cet impôt via des prix plus élevés) et, enfin par les salariés.

Ces derniers paient très cher l’impôt sur les sociétés : selon une méta-étude du Congressional Budget Office (CBO) de 2011, « la majorité des études concluent que le travail supporte une charge substantielle de l’impôt sur les sociétés » (page 31).

En fait, selon pratiquement toutes les études économiques sur l’incidence de cet impôt, de tous les acteurs de l’entreprise – actionnaires, dirigeants, fournisseurs, clients et salariés – ce sont ces derniers sur lesquels se reporte la plus grosse part de cet impôt.

De plus, on peut se poser la question de savoir quels sont les effets à long terme de cet impôt. S’il abaisse la croissance future – et donc les futurs salaires – combien coûte un euro de cet impôt aujourd’hui aux salariés dans le futur ? L’OCDE a fait la synthèse de cette question dans une méta-étude de 2017 : dans le long terme, la levée d’un euro d’impôt sur les sociétés conduisait à une perte de pouvoir d’achat des salariés allant de 30 centimes à 22 euros selon les pays, leurs taux et les époques (cf. ici).

Effet Laffer ?

Si l’on accepte de tels chiffres, il est évident que l’effet Laffer – une baisse des recettes lorsque les taux d’imposition augmentent – est massif. En effet, dans les pays développés, l’impôt sur les sociétés représente environ dix fois moins de recettes fiscales que les différents prélèvements sur le travail. Augmenter un impôt dont les recettes sont faibles au risque de réduire considérablement l’assiette de prélèvements élevés est absurde.

Une étude américaine a montré que le taux qui maximise les recettes de l’impôt sur les sociétés se situerait aux alentours de 16 %. Au-delà, les assiettes fiscales se réduisent tellement que les taux élevés rapportent moins que les taux plus bas. Si ceci est vrai, la proposition d’un taux minimal mondial n’a pas de sens.

Lutter contre les inégalités ?

De plus, en poussant le raisonnement au-delà des études universitaires, il est bien évident que ces salariés sont aussi les clients et, pour partie, les actionnaires. Les classes moyennes paient donc la très large majorité de l’impôt sur les sociétés en tant que salariés, clients et actionnaires.

Plus on augmente l’impôt sur les sociétés et plus ce sera le cas.

Selon une étude récente, la baisse de l’impôt sur les sociétés de 35 à 21 % en 2017, aux États-Unis, aurait ainsi eu pour conséquence une baisse plutôt qu’une hausse des inégalités de revenus.

Même si on doutait d’une telle causalité, il est certain que durant la présidence Trump, les revenus des plus pauvres ont progressé plus rapidement que ceux des plus riches (ici), en partie grâce à la baisse drastique du chômage. Quelles furent les raisons de l’embellie de la situation de l’emploi ? La baisse de l’impôt sur les sociétés de 35 à 21 % en 2017 en fit-elle partie ?

Conclusion sur l’impôt sur les sociétés

Joseph Stiglitz propose un taux de 25 % pour « mettre fin au nivellement vers le bas des politiques fiscales », mais il n’est donc pas du tout certain qu’un tel taux engendre les recettes fiscales attendues.

De plus, cette hausse sera surtout payée par les classes moyennes. À supposer qu’il y ait une « urgence de la crise des inégalités qui traverse l’économie mondiale » comme il le prétend, faire payer une augmentation d’impôts par l’individu moyen n’est-il pas une solution irrationnelle à des problèmes imaginaires ?

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  • je m’y perd un peu…

    l’installation des multinationales dans des pays à faible imposition devrait prouver que la fiscalité nuit à l’activité économique… les pays qui taxent moins l’entreprises sont plus prospères..

    chiche on égalise les salaires horaires aussi?

    l’idée derrière cela est taxons d’abord, au maximum..donc plus la dépense publique est élevée plus elle est bonne….

    si vous voulez de la croissance économique yaka mettre de l’argent dans « la recherche »..

  • Millesabords :

    oui il est plus que temps d’établir un impôt sur les multinationales : c’es juste car elles profitent ds équipements financés par la collectivités
    C’est équitable: car il pourrait participer à une réduction ds inégailtés génératrices de conflits, et surtout, il réduirait l’équité de compétitivité entre ces multinationales et les entreprises locales…
    Il est nécessaire de sortir le système internatinal des errances de l’ultralibéralisme qui amène par exemple à l’abandon de navires et de leur équipage par des armateurs indélicats. Et cela se traduit par des drames tels que celui de l’Amon en Egypte !
    un peu de justice que diable !

    • Avez vous lu l’article ? C’est triste de voir tant de portes ouvertes enfoncées .
      L’impôt sur les sociétés, dont il est question, est en France sur les bénéfices. Cet impôt a la particularité que plus vous taxez, moins, bizarrement, les entreprises font de benefs… ce qu’on appelle effet laffer.
      L’article n’est pas super clair sur le fait que l’impôt mondial à 15% serait aussi sur les benefs ou autre assiette.
      À part ça les entreprises paient déjà très cher d’impôts, taxes et contributions irréductibles car basées sur l’activité, la production, le travail etc…
      Ça paie largement les infrastructures et de plus, cessons les balivernes des autoroutes et autres infras payées avec de l’argent public de la gentille collectivité désintéressée, c’est ridicule renseignez vous un peu.
      Enfin, parler des turpitudes des armateurs pour dénoncer le libéralisme (car je ne pense pas que vous fassiez une différence entre avec ou sans l’ultra devant), c’est un peu comme dénoncer le principe du transport d’après l’exemple des passeurs ou des go-fast, c’est un peu comment dirais je ?…

      • Plus vous taxer moins l’entreprise fait de bénefs…. Non plus l’entreprise fait de l’optimisation fiscale, effet Laffer, créer de la delinquence, du travail au noir… Resultat , l’état est cocu mais content.

    • Stiglitz est un socialiste qui se moque de nous puisque les entreprises répercutent les hausses sur leur prix de vente. Ce sont nous les consommateurs qui serons ponctionnés! Faut réfléchir un peu de temps à autre.

    • elles paient des impots..

      ce qui est à l’ouvre ici est justement unabandon de souveraineté sur la fiscalité…

      quant à l’ultraliberalisme qui provoque l’abandonde navire..le même qui fait arriver les trains de la sncf en retard..

      la justice…. la libéralisation des échanges et non l’utralibéralisme.. et la mondialisation du commerce ont sorti des millions de gens de la pauvreté la plus absolue..

      au point de vue global, il n’y a pas photo..plus de liberté économiqiue est plus d’opportunité pour les pauvres..

  • Stiglitz, néokeynésien auréolé d’un tiers de prix non-Nobel d’économie sans n’avoir jamais rien compris à icelle n’a cessé d’inspirer les grands dévastateurs (y compris Chavez) de ce monde en déroute qu’il s’imagine sauver en entravant la concurrence.

  • Le consommateur qui achète un produit paye un certaine valeur ce produit. Dans cette valeur, on trouve sa valeur brute de production + les bénéfices + les taxes. Si les taxes augmentent, alors les bénéfices diminuent (pour autant que les taxes ne soient pas supérieures aux bénéfices). Sans taxes, une partie des bénéfices créent une augmentation de la valeur des actions et des dividendes. Donc sur un marché compétitif, l’augmentation mesurée des taxes se fait à coût constant pour le consommateur.
    Le dumping des taxes entre pays ne sert pas le conditions voit ainsi l’état rechercher d’autres sources de revenus et toujours payés par le consommateur. Ainsi le consommateur perd en pouvoir d’achat car ces taxes liées aux autres sources de revenus de l’État ne sont alors pas prélevées sur des bénéfices.
    Naturellement, ce raisonnement ne s’applique pas en France où les bénéfices et le travail sont taxés. Dans ce cas, il s’agit plus d’une spoliation (de type mafieux) que d’une taxation.

    • Toute augmentation des taxes se retrouve dans le prix final. Qui paye dans la chaîne de valeur? Cela dépend des produits, de la position de force des intervenants, mais au final, c’est bien le consommateur qui paye.

    • est oublié ici à quoi servent les taxes..

  • Il est bien connu que les gouvernements taxeurs sont les seuls à connaître les recettes de la croissance pour tous. Alors que des élections approchent en France, qui va expliquer que le haut niveau de prélèvements obligatoires de 1.094 milliards unique au monde, que l’insolent degré de la dette publique 2.740 milliards (115% du PIB) a freiné la croissance puisque celle-ci n’a pas atteint 2% en moyenne ces dernières décennies? Et sans inflation !
    Quand comprendra t’on que tout argent prélevé sur la richesse n’enrichit pas celui qui est sensé la recevoir ?
    Sinon avec tous ces chiffres ci-dessus la France devrait la championne du monde du niveau de richesse. Y aurait-il encore des naïfs pour croire à ces chimères ?

  • Deux derniers chiffres qui portent à réflexion : la France en 2020 était au 5e rang mondial par le PIB avec 2.918 milliards $ et par habitant elle est au 20e rang. Source FMI

  • Je suis obtu mais je n’ai jamais compris pourquoi on imposait une entreprise alors qu’on impose son personnel et ses ou son propriétaire. Sans compter les taxes et la tva, hum, douteuse . Elle ressemble à du vol… du racket Bref tout est à revoir.

    • on peut penser que ça servirait à garantir la sécurité de l’entreprise…que des flics la protège par exemple..je ne sais pas n peut sans doute trouver une justification..du principe;.pas du niveau..

      ce qui est frappant est qu’on dit taxons ..mais pas pourquoi comme si le fait que l’etat disposait du maximum de pognon etait « bien »..

      le différentiel de taxation et la réussite économique des pays peu taxeur fait tache…

    • @baby-foot- les entreprises françaises paient pour produire environ 75 milliards d’impôts de production et sur les bénéfices environ 25 milliards après tous les salaires et les charges sociales qui vont bien avec. Ce qui n’est jamais dit c’est qu’une entreprise n’existe pas par elle-même, il lui faut des créateurs/fondateurs qui amènent des sous et des actionnaires qui apportent aussi des sous, ces derniers sont imposés deux fois à travers leur bien et ensuite sur les dividendes quant il y en a et par des impôts de plus-values et enfin des droits de succession. Comment les entreprises plutôt les actionnaires peuvent survivre à un tel régime ? Ensuite les mêmes taxeurs viennent de créer un impôt mondial de 15% pour commencer on verra par la suite.
      Jamais quelqu’un viendra dire que tout prélèvement sur l’outil de production freine celle-ci. Nuit à la croissance des salaires et à l’investissement.
      En résumé l’actionnaire est taxé 5 fois voire…

  • D’autant que ces hypothétiques 25% de taxation, tout comme les 15% déjà « décidés » (lol) au G20, seront soumis aux accommodements de chaque pays qui laisseront une large part aux négociations avec les entreprises pour les encourager à s’installer chez eux.

    Par ex, pour s’installer en Irlande qui est une île un peu excentrée avec des problèmes spécifiques de liaisons tant en matière de transports matériels que de disponibilité de certaines qualifications nécessitant de compenser les incitations aux recrutements (…etc), il faut qu’il y ait d’autres compensations. Compensations fiscales entre autres.

    On peut être sûr que certains pays compenseront via des crédits d’impôts, des subventionnements, des financements d’aménagements du territoire, des exonérations diverses et variée (saucissonnage des différentes champs d’activité surtaxant certaines qui auront automatiquement un faible bénéfice et exonérant d’autres champs… 🙂 ). Les fiscalistes et autres conseils en installations des entreprises y trouveront leur compte.

    Bref, un fumeux coup d’épée dans l’eau qui permettra toutefois aux politiques de plastronner et d’éviter de réformer leur propre fiscalité.
    Ceci pour se rendre compte que c’est complétement inefficace mais seulement deux ou trois élections plus tard. Ceci aura permis la réélection des plastronnants jusqu’au prochain « scandale » fiscal et les prochaines mesures inefficaces.

    Sans parler de tous les pays ne faisant pas partie du « G20 » et qui ne reconnaissent en rien leur décisions et qui continueront à fonctionner comme ils le souhaitent. Et ce d’autant que certaines entreprises seront tentées de s’installer dans ces pays « hors G20 », le gain fiscal compensant certaines possibles insuffisances structurelles de ces pays…

  • Oui, totalement contreproductif, cet impôt ! C’est juste un excellent moyen pour accroître la pauvreté. Quelle indigence de la pensée !

  • Je n’arrive pas à comprendre pourquoi aucune voix ne s’élève (suffisamment pour que je l’entende) parmi les personnalités qui ont accès aux médias, pour dénoncer ce raisonnement absurde : toujours plus de taxation totalement déconnectée des besoins réels.
    La logique n’est pas de taxer toujours plus mais juste ce qu’il faut pour couvrir les besoins. La, le message c’est qu’il y a toujours plus de besoins. (C’est clair pour nous mais pas assez répété à tous les salariés du privé, pressés collé des citrons).

  • M. Stiglitz comme ses homologues français protège sa rente s’il vivait de son travail rémunéré à la hauteur de l’attente de ses clients il changerait de discours. Le socialisme leur est chevillé au corps qu’il les aveugle

  • Les commentaires sont fermés.

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