Logement : Castex propose des solutions qui n’ont jamais marché

Une libéralisation de notre droit foncier réduirait considérablement les besoins d’intervention publique dans le domaine, la limitant à des situations d’urgence elles mêmes très raréfiées.

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Logement : Castex propose des solutions qui n’ont jamais marché

Publié le 5 octobre 2021
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Par Vincent Bénard.

Lors du congrès national HLM qui s’est tenu la semaine dernière à Bordeaux, le Premier ministre Jean Castex a, comme tous ses prédécesseurs, fait le constat d’une crise du logement liée à l’envolée des prix de l’immobilier dans les grandes métropoles, et sans la moindre originalité, a promis de saupoudrer quelques millions d’argent-dette pour aider les communes à relancer la construction sociale. Il s’est en outre engagé à faire respecter avec fermeté la loi SRU, qui impose désormais 25 % de logements sociaux par aire urbaine.

Comme à chaque annonce de ce type, d’une banalité si affligeante que lui-même ne semble pas y croire, il ne se trouve personne pour se demander si promettre toujours plus d’une politique qui n’a jamais marché pourrait miraculeusement aboutir à un résultat différent. La réponse est évidemment négative.

La France, pays de la pauvreté par le logement

Pour autant, le problème souligné par Jean Castex est réel. Depuis le début des années 2000, le prix moyen du logement en France a augmenté 70 % plus rapidement que le revenu moyen des ménages, et la situation est encore plus grave dans les métropoles, comme à Paris où le différentiel atteint 150 % (cf figure ci-dessous)

Le résultat de cette flambée affecte d’abord les ménages les plus modestes qui ont vu leur charge de logement exploser lors de la première décennie du nouveau millénaire (Cf figure ci-dessous).

Faute de s’interroger sur les causes profondes de cette hausse des prix, le gouvernement prétend tenter de résoudre ce problème en subventionnant le logement par le biais de la construction sociale.

La tentative est vouée à l’échec : il se construit en France entre 60 et 100 000 logements sociaux par an (figure ci-dessous), pour une demande en souffrance de plus de 1,7 million d’unités. Quelques milliers de logements aidés de plus ou de moins sur une année ne feront aucune différence.

Le logement social n’est pas le bon outil

Rappelons pourquoi le logement social n’est pas un bon moyen d’alléger la charge de logement qui pèse sur les ménages modestes.

Tout d’abord, comme tout produit artificiellement proposé en dessous du prix du marché, il va générer sa propre pénurie : la demande pour de tels logements excédera toujours la capacité des offreurs. Par conséquent, la gestion de la file d’attente pour ces habitations, souvent opaque et entachée de clientélisme politique, conduit d’une part à ne pas nécessairement accorder l’occupation de ces logements à ceux qui en ont le plus besoin, et d’autre part à maintenir dans les lieux des ménages ayant vu leurs revenus augmenter, qui pourraient se loger dans le secteur non subventionné, mais que les organismes HLM veulent conserver car ils sont de bons payeurs.

D’où la demande des organismes HLM d’en faire toujours plus, plutôt que de s’attaquer à la mauvaise adéquation entre leurs objectifs sociaux et l’occupation réelle du parc. En termes de répartition de l’occupation des logements par rapport aux revenus des ménages, le secteur locatif social est largement sous-optimal.

Ensuite, le financement des logements sociaux induit par la loi SRU implique que leur subvention est imputée au compte des opérations privées de construction, ce qui agit comme une taxe cachée augmentant d’autant le prix de l’offre non subventionnée. Il s’ensuit que l’offre de logements neufs privés s’adresse à une classe toujours plus aisée et tend donc à se rétrécir, et que de plus en plus de familles de classe moyenne entrent dans la compétition pour obtenir des logements subventionnés, accroissant ainsi l’effet de pénurie.

Subventionner le logement parce qu’il devient trop cher revient à calmer une maladie avec un mauvais antalgique sans s’attaquer à ses causes profondes, qu’il convient de rappeler.

Le malthusianisme foncier, source de tous nos maux

Les travaux de l’économiste Joseph Comby à partir des données de l’INSEE montrent que depuis 1997, la composante foncière du prix des logements augmente beaucoup plus vite que le bâti (cf figure ci-dessous)

Voilà qui anéantit la thèse selon laquelle la hausse stratosphérique des prix du logement ne serait due qu’à la baisse des taux immobiliers : si la cause de cette hausse était uniquement financière, il n’y aurait aucune raison pour que les deux principales composantes du prix du logement évoluent de façon tellement différenciée. Si le foncier augmente bien plus vite que le bâti, c’est que les contraintes qui s’exercent sur le foncier ne sont pas les mêmes.

De fait, malgré la flambée actuelle des prix du logement, on n’observe aucun choc d’offre : il se construit entre 4 et 6,5 logements pour 1000 habitants par an en France, contre plus de 10 au début des années 1970, notre âge d’or de la construction.

Que s’est-il passé depuis ?

L’État a empilé des lois rendant de plus en plus difficile la libération de foncier en vue de construire des logements. Si la loi d’orientation foncière de 1967, mère de l’actuel Code de l’urbanisme, laissait aux développeurs quelques moyens de contourner certaines rigidités, ces possibilités ont été réduites considérablement depuis 2000 par les lois SRU (Gayssot), puis Grenelle de l’environnement (Borloo), puis ALUR (Duflot) qui ont mis le foncier constructible sous éteignoir, au prétexte de lutter contre l’étalement urbain, promu bien à tort comme cause de tous les maux environnementaux touchant nos villes et nos campagnes.

Et alors que Jean Castex se retrouve à promettre de l’argent qu’il n’a pas pour tenter de réduire le prix du logement, son gouvernement fait inscrire dans la loi Climat et Résilience du 24 août de cette année un objectif de réduction de 50 % du rythme de viabilisation (on dit artificialisation quand on veut dénigrer le phénomène) de terrains par les collectivités pour leurs projets de logement ou d’équipements divers d’ici 2030, et un objectif de zéro artificialisation nette en 2050. La crise de la disponibilité foncière n’est pas prête de se résoudre.

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »,  écrivait Bossuet. Malheureusement, contrairement à Dieu, les ménages modestes n’ont pas les moyens d’en rire, et il faut s’attendre à une poursuite de la hausse des prix du logement, subventionné ou pas, dans les trois décennies à venir.

Comment économiser des milliards d’interventions publiques inefficaces ?

De récents travaux publiés par l’IREF montrent que si nous n’avions pas promulgué tant de lois empêchant de libérer facilement du foncier constructible, chaque logement coûterait de 20 à 45% de moins à l’achat, soit plusieurs dizaines de milliers d’euros en moins.

Compte tenu du nombre de transactions annuelles et de leur prix moyen, on peut estimer à plus de 50 milliards d’euros le transfert de richesse ainsi opéré entre ceux qui entrent sur le marché immobilier et ceux qui peuvent profiter de la manne providentielle du foncier qui augmente sans effort. C’est plus que la somme de toutes les politiques publiques soi disant en faveur du logement, de l’ordre de 42 milliards annuels.

Quels que soient les coûts environnementaux imputables à l’étalement urbain (et le rapport de l’IREF montre sans ambiguïté qu’ils sont très exagérés), ils ne valent pas qu’on impose une telle surcharge financière aux ménages, précipitant nombre d’entre eux dans la pauvreté. Nous devons en finir avec notre malthusianisme foncier, et adopter ce que les Anglo-saxons appellent un droit des sols réactif laissant majoritairement aux propriétaires le soin de définir ce qu’ils veulent faire de leur logement ou de leur terrain.

Cela ferait baisser d’un bon tiers le prix de tous les nouveaux logements, et par effet rebond, permettrait au logement ancien de tenir le rôle actuellement dévolu au logement social, sans que la collectivité n’ait à y engloutir autant de fonds. Une telle politique créerait à zéro frais un parc social de fait par rotation de l’occupation du parc, les familles libérant les logements les moins cotés au fur et à mesure de leur parcours ascensionnel dans le logement.

Les bienfaits économiques d’une telle libéralisation ne s’arrêteraient pas là. En effet, le logement cher est aussi une barrière au recrutement dans les métropoles tendues, de nombreux emplois de qualification moyenne ne pouvant trouver preneur car les profils adéquats ne sont pas disposés à payer les coûts du logement afférents à leur emplacement. Les ménages pourraient donc, grâce à une mobilité résidentielle améliorée, augmenter leurs revenus.

Logements moins chers, revenus en hausse, économie plus florissante : une libéralisation de notre droit foncier réduirait considérablement les besoins d’intervention publique dans le domaine du logement, la limitant à des situations d’urgence elles mêmes très raréfiées. Et nos Premiers ministres pourraient faire l’économie d’annonces-spectacle mettant en scène un État providence dispensant toujours les mêmes vieilles recettes, toujours sans succès, et sans plus y croire.

Sources :

L’ensemble des chiffres et figures de l’article sont issus du rapport (résumé, rapport pdf) rédigé par l’auteur et publié par l’IREF (Institut de Recherche Économique et Fiscale), intitulé « La lutte contre l’étalement urbain, une obsession politique irrationnelle, économiquement ruineuse, socialement préjudiciable, et environnementalement inutile ». 

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  • Une question: si le foncier augmente, cela pousse les constructeurs à faire des immeubles plus hauts, car on peut alors loger plus de personnes sur une même surface de terrain. Sachant que le surcout de construction au m2 d’un immeuble de plusieurs étages est faible, pourquoi cela n’est il pas fait?
    Est ce que cela à voir avec le COS, qui limite la surface construite en fonction de la surface du terrain, et qui donc empêche de densifier le logement? Car si l’on empêche à la fois l’étalement et la densification, tout est bloqué…

    • A Paris, la hauteur est limitée. Dans bcp d’autres villes aussi.
      Un bon système devrait être la liberté absolue par défaut.
      En Allemagne un terrain mitoyen d’un terrain construit est constructible par défaut.

    • Je peux me tromper, mais il me semble que la notion de COS n’est plus d’actualité aujourd’hui. Cependant, le PLU définit très précisément :
      – les zones constructibles,
      – ce quon peut y mettre (logement, commercial, industriel ou hybride, un peu comme dans Sim City),
      – la proportion d’espaces bâtis / verts par terrain
      – quelle est la hauteur maximale du bâti
      Pas besoin de COS avec tout ça.

      • L’état a tout fait pour décourager les investisseurs dans l’immobilier en rendant cela non rentable! Qu’il ne vienne pas se plaindre maintenant. Il manque 2 millions de logement en France ce qui augmente les prix!

    • Titi vous êtes un irresponsable, un grand malade… Au soixantième étage vous subiriez une pression telle que votre crâne imploserait. Monter en hauteur pour faire des appartements beaucoup plus grands et cesser de bétonner chaque m2 au sol pour reverdir les villes, faudrait être débile pour imposer un tel concept…

  • « la disponibilité foncière n’est pas prête de se résoudre. » Non, elle n’est pas « PRÈS de » se résoudre…

  • Il ne faut pas exclure, au titre des explications :
    – l’injection des liquidités dans l’économie à la suite des différentes crises (on voit le coût du bati résidentiel grimper à partir des années 2000)
    – la rareté grandissante des terrains disponibles

  • Vous avez fait la différence entre un ingénieur que vous êtes et un énarque.
    Or nous sommes dirigés (on ne sait pas trop où) que par des énarques qui continuent à penser qu’ils savent mieux que nous ce dont nous avons besoin et comment le faire. Sauf qu’ils ne l’on jamais fait/démontré. Les déficits chroniques depuis 1974 et la dette actuelle de 2.740 milliards avec une croissance faible qui n’est que la cause de ceux qui tentent de survivre, démontre le gaspillage. Le français a oublié de se servir de ce qu’il a entre les deux oreilles

    • Mais pourquoi donc, vous autres Français, désignez-vous presque toujours vos concitoyens comme des « français » sans majuscule ?

      De même, je lis très souvent « le Français » s’agissant de la langue, alors que cette fois la majuscule n’est pas correcte.

      Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre, ni à retenir.

  • 1) Le gouvernement et particulièrement les collectivités locales, n’ont aucun intérêt à ce que le foncier diminue. Ils s’engraissent royalement avec les taxes de mutation qui ne cessent d’augmenter. Donc il faut la pénurie de logements.
    2) les logements dits sociaux ne sont pas attribués à ceux qui en ont besoin. Particulièrement à Paris où ils sont très bien placés et où y sont logés entre autre des avocats de renom. S. Veil logeait dans un HLM à Paris lorsqu’elle était ministre…
    Pourtant ce serait très simple d’indexer le montant du loyer sur les revenus du locataire, pour finir au dessus des loyers privés. Cela pousserait les locataires à quitter les lieux quand leurs revenus ne justifie plus leur présence.
    Mais on ne va pas faire déménager ses copains avec une telle loi ; laissons plutôt les sans-dents dehors.

  • « Cela ferait baisser d’un bon tiers le prix de tous les nouveaux logements, et par effet rebond, permettrait au logement ancien de tenir le rôle actuellement dévolu au logement social, sans que la collectivité n’ait à y engloutir autant de fonds. »

    Je pense que certains facteurs annexes ne font pas partie de l’analyse:
    – En baissant d’un tiers d’un seul coup la valeur d’un bien immobilier, cela n’impacte pas trop une personne déjà propriétaire de son bien. En revanche, pour les ménages venant tout juste d’emprunter, au mieux ça les verrouille pendant quelques années dans leur logement le temps d’éponger la dette, au pire ça les met sur la paille si ils sont forcés de quitter le logement (séparation, mutation, etc…)
    – Un prix élevé pour l’immobilier agit comme une « pompe à taxe » pour l’état lorsqu’il s’agit de payer les droits de mutations et autres taxes assises en % du bien acheté. Si vous baissez le prix, les taxes elles-aussi s’envolent. Sans parler des banques qui ont également intérêt à fourguer des emprunts les plus gros possibles dans un contexte de taux si bas.

    • Dans toute décision politique, il y a ce que l’on voit, et ce que l’on ne voit pas. N’est-ce pas, Monsieur Bastiat?

    • Les banques n’ont pas forcément intérêt à une augmentation des prix car elles doivent couvrir le risque de crédit et ça leur coûte.
      Mais il est clair que c’est tout à l’avantage de certaines communes des prix élevés puisqu elles ne vivent que grâce à ça, comme Paris qui vit au dessus de ses moyens.

      Par contre, à la campagne ça n’en est pas puisque dans le neuf ça signifie faire des nouvelles voies, raccordements, plans à mettre à jour, peut être une nouvelle classe ou école à ouvrir, etc.

  • L’ENA ne les fabrique pas, elle se contente de leur offrir une carrière inespérée.

  • Que disait Einstein à propos des gens qui s’obstinent à toujours faire ce qui n’a pas marché auparavant?
    La définition de la folie est de faire la même chose encore et encore, mais en s’attendant à des résultats différents.

  • Les. Solutions qui ne marchent pas, on les connaît, les solutions qui marchent….. Y en a pas, faut se faire a cette idée en ville cela sera toujours plus cher qu’à la campagne, offre limitée, demande illimitée.

  • Le foncier rare et cher, c’est pain béni pour les élus. Ils peuvent ainsi de leur bureau décider qui est riche, qui est pauvre. Et lorsqu’ils qualifient une terre de constructible, soyons sûrs qu’ils se réservent une partie des logements construits pour les allouer aux copains et coquins à des prix locatifs « amis ». Ils ont par ailleurs le soutien de tous ceux qui possèdent leur bien en pleine zone inconstructible et sont ravis de profiter de cet environnement champêtre sans gène de voisins. Le système est vicié en profondeur, la corruption implicite ou explicite y prospère tranquillement.

  • pauvre Castex le nul . . . .

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