« Journée européenne du bio » : une posture idéologique

L’UE vient de proclamer une « journée européenne du bio ». Une posture qui manque de logique mais qui satisfait les dirigeants européens.

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Hearings Janusz Wojciechowski (Poland) Agriculture by European Parliament (Creative Commons CC BY 2.0)

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« Journée européenne du bio » : une posture idéologique

Publié le 2 octobre 2021
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Par André Heitz.

Dies irae ! Jour de colère !

« Les institutions européennes célèbrent le lancement de la Journée européenne du bio », tel est le titre d’un article d’Euractiv du 27 septembre 2021.

Par où commencer ? Relever l’incroyable pouvoir du lobby du bio dans les institutions européennes ? Vitupérer l’incroyable bêtise qui sévit dans ces mêmes institutions ?

La journée européenne du bio (EU Organic Day) est certes essentiellement symbolique, mais on connaît le poids et l’impact des symboles, ou du moins de certains d’entre eux.

Il n’y a pas de journée européenne de l’agriculture ni de l’alimentation… mais nous avons maintenant une journée européenne du bio.

Bientôt, les lobbies du bio et les instances européennes feront du lobbying afin d’instaurer une journée mondiale du bio…

Ce serait un message adressé par ceux dont la bouche déborde (encore) de nourriture – enfin, parmi les nantis, pas ceux qui dépendent de l’aide alimentaire – à ceux dont l’estomac est trop souvent vide – enfin pas chez les nantis de ces pays, sensibles aux mèmes des nantis mentionnés en premier – que leur estomac devra encore gargouiller davantage.

 

Parlement européen, Conseil et Commission…

La journée a été lancée en grande pompe par les trois instances bruxelloises, le Parlement européen, le Conseil (l’assemblée des chefs d’État et de gouvernement) et la Commission.

Lors de la cérémonie de signature et de lancement, le Commissaire à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a déclaré (texte complet en anglais) :

Aujourd’hui, c’est la fête de la production biologique, un type d’agriculture durable qui permet de produire les aliments dans le respect de la nature, de la biodiversité et du bien-être animal. Le 23 septembre correspond également à l’équinoxe d’automne, moment de l’année où le jour et la nuit sont d’égale longueur ; il s’agit d’un symbole d’équilibre rappelant l’harmonie entre l’agriculture et l’environnement, idéalement adapté à la production biologique. Je me réjouis que nous soyons parvenus à lancer cette journée européenne annuelle du bio conjointement avec le Parlement européen, le Conseil et des acteurs clés du secteur : elle sera l’occasion de sensibiliser l’opinion à la production biologique et de promouvoir le rôle essentiel joué par cette dernière dans la transition vers des systèmes alimentaires durables.

La déclaration est lyrique… mais les arguments sont faux. Certes, ils ont été tellement répétés et proclamés qu’ils ont pris l’apparence de vérités, mais les faits sont têtus.

 

Une preuve anecdotique par La France Agricole

La France Agricole du 24 septembre 2021 nous offre un élément de preuve qui, pour être anecdotique, fait néanmoins l’affaire.

« Raisonner la fertilité en grandes cultures bio » présente une simulation « avant-après » pour une ferme de 156 hectares de terres à bon potentiel dans la plaine de Caen, sans élevage (ben oui, ça ne correspond pas vraiment à l’image d’Épinal, ni à Martine à la ferme bio).

Côté ferme, en situation de départ (non bio – après arrêt du débouché betterave sucrière), la marge brute s’établissait en moyenne pondérée à 1173 euros/ha. En bio, elle passerait entre 1335 et 1468 euros/ha, selon les scénarios (vente ou non de la luzerne).

C’est évidemment sur la base de prix qui ne sont pas ceux d’aujourd’hui – ni de ceux qui prévaudront quand (si…) l’objectif de 25 % de la SAU en bio est atteint. Par exemple, l’écart entre le blé non bio et bio restera-t-il le même ? Il est en train de se réduire… mais ce n’est que la tendance actuelle. Et le supplément de travail est-il bien valorisé ? Qu’en est-il des aléas de culture, en particulier de ceux pour lesquels le bio n’a pas de solutions ?

Notons aussi que, pour tourner, l’exploitation a besoin d’engrais organiques extérieurs, provenant sans nul doute d’exploitations conventionnelles pour les fientes et de compostières qui ne font pas la distinction entre bio et conventionnel. Nous avons vu dans un autre article qu’il y a sans doute une limite à la part de l’agriculture biologique dans le paysage d’ensemble liée aux disponibilités d’azote.

 

Nous nourrir, la finalité de l’agriculture

Il y a aussi le côté « ferme France » (et « ferme Europe), dont la finalité est de nous fournir notre alimentation et quelques autres produits comme, justement ici, le lin.

Notons d’abord que le colza disparaît dans cet exemple de la rotation bio – pour des raisons bien connues. Cela a aussi des conséquences sur nos chères abeilles et autres pollinisateurs, ainsi que sur l’approvisionnement en protéines pour l’alimentation animale.

Faisons un calcul simple, que d’aucuns traiteront de simpliste : considérons que les différents produits sont équivalents en termes de calories (notre premier besoin alimentaire après la boisson) par unité de poids. La rotation conventionnelle dégage un rendement moyen de 61,2 quintaux/hectare/an (ramenés aux 156 hectares de la ferme). La rotation bio, sur 9 ans, arrive à… 22,2 quintaux/hectare/an, soit 36 % du conventionnel.

La littérature très militante nous affirme que le bio fait aussi bien, voire mieux, que le conventionnel. La littérature teintée de plus ou moins de militantisme avoue une baisse, disons, de 15 à 25 % selon les auteurs et les situations prises en compte ; mais c’est généralement par rapport à une culture donnée et non une rotation.

Notre exemple anecdotique ne doit pas être surinterprété. Il suggère cependant que les projections doivent être affinées et que bon nombre d’entre elles sont vraisemblablement trop optimistes. (Source)

 

Les débouchés bio seront-ils là ?

En outre, il y a la question des débouchés. Le superbe objectif de l’Union européenne de convertir au bio 25 % de la surface agricole utilisée devrait augmenter les productions marginales comme ici la lentille et le sarrasin. Le marché pourra-t-il les absorber ? Faudra-t-il prévoir un menu lentilles bio obligatoire chaque semaine la cantine ? Etc.

Cette question se pose d’une manière plus générale. Elle est du reste déjà sur le devant de la scène pour des productions comme le lait bio en France, dont une partie part en conventionnel.

Au cours du processus d’établissement de la politique européenne en matière d’agriculture biologique, les représentants de l’agriculture qui nous nourrit, le COPA-COGECA (actuellement présidé par Mme Christiane Lambert) et d’autres ont averti à plusieurs reprises sur les dangers pour les agriculteurs d’une politique n’assurant pas l’équilibre entre l’offre et la demande.

Mais, comme le rapporte Euractiv dans un de ses articles consacrés à la question, les craintes, doutes et objections ont été balayés par le Commissaire à l’Agriculture Janusz Wojciechowski. Y compris avec des arguments spécieux tels que : « Il faut augmenter ce type d’agriculture » parce que c’est meilleur « pour l’environnement et la santé humaine », ou encore que si l’Autriche peut avoir près de 25 % de sa SAU en bio, l’Europe le peut aussi.

 

Les adorateurs du bio à Bruxelles

Le quartier européen de Bruxelles n’est pas vraiment une crèche ; à bien des égards, c’est une pétaudière.

Mais on y trouve certains qui s’extasient devant l’agriculture biologique…

Alors que le Centre Commun de Recherche de la Commission européenne tablait sur une baisse de quelque 10 % de la production ensuite des stratégies en faveur de la biodiversité et « De la ferme à la table » – plutôt en phase avec les calculs de l’USDA – une étude réalisée par l’Université de Kiel arrive à -20 % pour les céréales, les oléagineux et la viande bovine. C’est, rappelons-le, pour l’ensemble des mesures proposées.

Et il se trouve à Bruxelles, le Commissaire à l’Agriculture Janusz Wojciechowski, pour vanter, par exemple :

Le rôle essentiel joué par [l’agriculture biologique] dans la transition vers des systèmes alimentaires durables.

Ou encore :

Les agriculteurs biologiques équilibrent [associent] les méthodes traditionnelles et écologiques avec les nouvelles sciences et technologies qui propulseront l’agriculture dans le futur.

Dans quel monde vit-il ? Un des piliers de l’agriculture biologique est précisément le refus des nouvelles sciences et technologies.

Précédemment, en mars 2021, à l’occasion du lancement du plan d’action pourl’agriculture biologique, il avait qualifié, avec lourdeur et emphase, le bio – « les produits produits sans intervention chimique » – comme étant « plus sain » que le conventionnel. (Source)

Un autre, M. Jože Podgoršek, ministre slovène de l’Agriculture, des Forêts et de l’Alimentation, a déclaré :

En augmentant les revenus dans les zones rurales, l’agriculture biologique peut jouer un rôle central dans la relance de l’Europe fondée sur la transition verte et numérique. L’augmentation de la part de l’agriculture biologique contribuera à renforcer les chaînes d’approvisionnement plus courtes et offrira des opportunités supplémentaires aux petites exploitations.

En France tout au moins, la grande distribution est en train de s’accaparer le marché du bio…

Mais d’autres sont véritablement ravis. Enfin… avec des revendications du style « toujours plus »…

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  • « un type d’agriculture durable qui permet de produire les aliments dans le respect de la nature, de la biodiversité  » ah??

    si je comprends bien durant les premiers siècles où l’expansion de l’agricluture était conforme aux dogmes du bio ( pas de pesticides de synthèse ou d’engrais chimique) la nature originelle et de la biodiversité ne furent pas altérées???

    littéralement on peut dire n’importe quoi…

    la démonstration reste à faire qu’à à production égale le bio fasse mieux que le conventionnel..en terme environnemental, ce qui ne dit d’ailleurs rien..sur le prix que le consommateur est prêt à payer pour ça,

    le bio en tant que choix personnel du consommateur est évidemment respectable. .dire que le bio est conforme à l’interet général est une belle fumisterie..

    • La démonstration a déjà été faite: le bio est avant tout un système de production qui refuse les techniques modernes.

      Il produit moins à surface égale; il nécessite plus d’énergie, plus de main d’œuvre et plus de pesticides (agréés bio, plus anciens et moins efficaces que les pesticides récents). Il n’est ni meilleur pour l’environnement ni meilleur au goût ni meilleur pour la santé des consommateurs ni pour celle des agriculteurs.

      Cela étant dit, le bio plait aux consommateurs. Il est donc parfaitement normal que des producteurs et distributeurs répondent à leurs attentes.

      Il est beaucoup moins normal que certains d’entre eux mentent de manière éhontée en prétendant que le bio est ce qu’il n’est pas et en dénigrant les autres modes de production ou en accusant tout ce qui n’est pas bio d’être du poison (et les producteurs d’être des empoisonneurs).

      Il est encore moins normal que le bio soit promu par les autorités, voire imposé par la loi dans les cantines ou ailleurs aux frais des contribuables.

      • Le bio doit être considéré comme un label de qualité, d’une certaine qualité, comme le label rouge ou le hallal par exemple. Il ne viendrait à personne l’idée d’imposer tel ou tel label. Surtout qu’il existe aussi le sans label, tout le monde ne peut pas s’offrir un label, très peu de gens en fait. Pareil pour les restos, il en faut pour tous les goûts et toutes les bourses.
        Y a pas que dans les cantines qu’on impose le bio également à l’hopital.. Ce sont les contribuables qui paient. Le bio semble exister que pour pomper l’etat, rien ne justifie son existance.

      • « le bio plait au consommateur »
        oui et non ! Malgré tous les mensonges éhontés racontés par les businesser malhonnêtes de cette filière (ne pas confondre avec les producteurs) le bio ne représente que 6% de part de marché de l’alimentation totale en France et cela en 20 ans de matraquage de contres vérités absurdes!!
        Il commence même pour la première fois a baisser en parts de marché avec le développement du « local « .
        Pour travailler depuis 30 ans avec les agriculteurs bio ou pas je commence personnellement à en avoir assez de ces politiques pourris par leurs idéologies écoloreligieuses surtout motivées pour une grande part par leurs démagogie crasse qui leurs font faire et dire n’importe quoi. Je ne parle même pas des écoloreligieux qui finissent par être comme toutes religions sectaire une vraie plaie pour nos sociétés!
        Que cette manipulation mental soit arrivé aux plus hauts des instances directrice de l’Europe grâce à nos triste députés « vert » est une réelle catastrophe pour nous tous et pas seulement dans le domaine de l’agriculture….

  • Le bio, on connaît, cela ne pourra jamais nourrir une planète de 10 milliards d’êtres humains, même pas les 500 millions d’européens… Faut arrêter ces âneries. Qu’ils fassent du bio pour alimenter fauchon et compagnie mais qu’ils nous laissent tranquille avec ca

  • Non signalée par les thuriféraires du « bio », mais la baisse des rendements agricoles indissociable de la production « bio » va obligatoirement nécessiter l’augmentation des surfaces cultivées pour compenser. Cela se fera d’abord par les terres mises en jachères par l’EU pour limiter la surproduction agricole puis par les surfaces boisées.

    Il est amusant de constater que le mouvement d’augmentation des surfaces boisées et forestières initiée dans la première moitié du XIXè siècle grâce à l’arrivée des techniques agricoles modernes, va s’inverser grâce à l’action des défenseurs de la nature et des petits oiseaux. 🙂

  • Les gens sont persuadés que le bio est sans pesticides! Or rien n’est plus faux, ce qui les remplace est pire. Bouillie bordelaise, mélange de sulfate de cuivre et chaux, extraits de poisons violents comme le Neem et le Datura. Fertilisé avec du fumier bourré d’agents pathogènes, etc… Et non aseptisé ce qui a provoqué la mort de 53 personnes en Allemagne. Par peur de l’empoisonnement ils s’empoisonnent volontairement, faut le faire!

  • « En raison de la présence de quelques daturas [plantes toxiques] sur une partie de la parcelle, une firme de conserverie de renommée internationale a refusé l’intégralité de nos dix hectares »
    On remarquera que le procédé reste toujours le même : le méchant capitaliste empêche le pauvre petit agriculteur bio de vivre alors qu’il n’y avait « presque » rien.

  • Encore une clownerie de députés européens inutiles. Est ce que durant cette journée les centrales au charbon et au gaz s’arrêtent (plus gros pollueurs d’Europe) pour limiter la pollution aux particules fines de nos terres agricoles ? Ben non, nos amis allemands ne l’autoriseraient pas. Journée bio oui mais kolossal pollution aussi.

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