Le TGV : un succès qui dépasse les questions d’argent

OPINION : le TGV est un succès pour le développement de la France et profite à ses usagers.

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Le TGV : un succès qui dépasse les questions d’argent

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 octobre 2021
- A +

Par Loik Le Floch Prigent.

Dès qu’il s’agit d’infrastructures, se posent les questions des coûts et de la rentabilité et on arrive à justifier ou à condamner n’importe quel projet. Car s’agissant d’un bien commun, tout dépend de ce que l’on met dans les deux colonnes des coûts et des gains.

On peut effectivement rester au niveau des entreprises constituées à cet effet et prendre des taux d’amortissements artificiels, et ainsi montrer qu’il ne faut pas produire de métros, de trains, de centrales électriques, de routes…

En ce qui concerne le TGV que n’a-t-on écrit, la valse des milliards, l’endettement colossal, le coût de la maintenance, les salaires et avantages des cheminots… les coûts et les prix des billets… pour arriver néanmoins à véhiculer 130 millions de voyageurs par an : pas mal pour un échec dans un pays de 65 millions d’habitants ! Soyons donc mesurés dans nos raisonnements et nos calculs.

Le TGV comme outil de développement du territoire

Avant la voiture, le train a été un instrument d’aménagement du territoire et de rapprochement physique des individus et des marchandises. Pour les voyageurs sa vitesse est devenue un objectif à mesure que l’automobile et la route sont venues le concurrencer. Il semblait y avoir des limites physiques à la vitesse malgré les records battus par les techniciens français. Les innovateurs sont partis aiguillonner le rail avec la sustentation par coussins d’air ou magnétique, ce qui a conduit la SNCF et son complice Alsthom (avant de devenir Alstom) à faire des progrès sur la capacité du rail et de la traction pour soutenir des vitesses de 300 km/h inenvisageables pour la voiture individuelle pour des raisons de sécurité et de coût.

En 1973, en pleine crise pétrolière et de lancement du programme nucléaire civil de production électrique, le gouvernement décide que les lignes seront électriques pour échapper à la pression du prix du pétrole puisque nous disposerons d’une énergie abondante et bon marché avec l’hydraulique (à l’époque la SNCF possède des barrages) et le nucléaire.

C’est donc une décision d’État rendue possible par des techniciens de haute volée : on veut réduire le temps du voyage, rapprocher les Français physiquement et donner un coup de pouce décisif aux économies des territoires. La mesure des gains dans l’agglomération lyonnaise, dans celles de Lille, Marseille, puis de Nantes, de Tours, de Rennes puis de Strasbourg ou de Bordeaux est non mesurable, mais incontestable. Et le choix de l’électrique basé sur des considérations politiques à l’époque s’avère « écologique » et applaudi cinquante ans plus tard. Le TGV a modelé la France actuelle et les laissés pour compte, Toulouse, Perpignan, Nice… s’en plaignent tous les jours.

Il est donc malhonnête de parler de coûts excessifs et de dette abyssale, car ce n’est pas le sujet.

Maintenant il faut savoir quels sont les coûts d’exploitation et si les recettes équilibrent ou non le compte.

Mais la puissance publique a accepté l’idée d’une location des infrastructures par la société qui fait rouler les trains. Tout dépend alors du coût de la location et nous sommes dans l’économie artificielle, comme dans le tunnel sous la Manche ou les infrastructures électriques. Nous disposons d’un monopole constitué à partir d’une décision de l’État et ensuite on essaie à le faire entrer dans le moule d’une idéologie de la concurrence inadaptée au sujet traité.

On se trompe donc d’objectif et d’instrument de mesure, ce qui permet l’envolée des coûts d’exploitation et les mauvaises décisions : quand un industriel a une comptabilité erronée, il ne peut pas fonctionner, il en est de même du train. Si on ne sort pas du calcul les décisions régaliennes d’aménagement du territoire ayant conduit à des investissements de prestige et que l’on cherche une rentabilité, on permet, soit de considérer que « nous ne sommes pas à un milliard près « ou alors on condamne toute la maintenance à la portion congrue. Depuis des années, on vogue alternativement entre ces deux écueils en essayant de ne pas froisser les électeurs… et les journalistes.

Limiter les coûts du train

Il faut dire les choses clairement, le train n’est pas rentable, mais il doit faire des progrès dans l’exploitation pour limiter les coûts, augmenter la productivité en ne sacrifiant jamais ni l’innovation ni la maintenance : force est de constater que la SNCF n’innove plus et que son réseau est en décrépitude. Le « en même temps » a donc ses limites et la réforme de la SNCF a conduit à des difficultés pour tous les Français et n’a servi à rien. D’où les commentaires effrayés sur le coût du TGV actuel et futur. Il faut redéfinir ce que l’on veut et ne pas considérer que la concurrence artificielle va tout résoudre.

En ce qui concerne les voyageurs, la concurrence vient essentiellement de la voiture individuelle. Pour une famille partant en vacances, le trajet en automobile parait moins cher même en payant l’autoroute, il suffit d’être deux pour écarter le train sur une base économique, ce qui fait dire que le train est trop cher, et qu’il faudrait donc diminuer le prix du billet et réduire les dépenses.

De l’autre côté, les frais fixes du train sont élevés ainsi que les frais proportionnels. Et une série de facteurs sont inclus, dont le paiement des retraites d’une compagnie d’où l’on part jeune alors que l’on vit de plus en plus vieux : les retraités SNCF sont aussi nombreux que les actifs puisque les progrès de productivité abaissent les effectifs mécaniquement. Dès que l’on s’attaque aux charges salariales, ce sont la qualité de service et la sécurité qui se dégradent.

Les amoureux du rail et les cheminots en particulier estiment que leur travail n’est pas reconnu, alors qu’il est exemplaire au service de la nation et du voyageur, car celui-ci, comme l’observateur, ont tendance à estimer les coûts excessifs. Il faut donc trouver les indicateurs qui vont prouver les progrès effectués, indicateurs à la fois internes et externes pour pouvoir prendre à témoin les citoyens. Mais vouloir faire des économies sur les équipes de production est un leurre.

En dégraissant les hommes de terrain, on arrive rapidement à l’os, tandis que dans les bureaux, sièges divers, on peut faire des progrès considérables que l’introduction du numérique permet. Ce sont les structures, les superstructures, les échelons élevés, qui deviennent lentement inutiles, mais pas les chefs d’équipe ou chefs d’ateliers qui réagissent au niveau adéquat lors d’une crise ou d’une absence. Il faut donc arriver à raisonner sur un compte d’exploitation artificiel puisque ne prenant pas en compte le régalien, mais conduisant à exiger des progrès, car la productivité d’ensemble n’est pas encore bonne, et ceci sans sacrifier la recherche et l’innovation.

Le TGV est donc cher si l’on veut que le voyageur le paie, mais si l’on considère que le citoyen a déjà payé l’infrastructure et qu’il n’a pas à la payer une nouvelle fois avec son billet, les chiffres changent. Il suffit alors de se mettre d’accord sur un compte d’exploitation et des objectifs à réaliser sans définir a priori les moyens d’y arriver : chacun serait alors vraiment devant ses responsabilités.

Par ailleurs, on aurait pu penser que la France aurait pu vendre le TGV à travers le monde et l’installer dans tous les pays voulant faire de l’aménagement du territoire un objectif. On le sait, à part le Japon et la Chine qui ont réalisé eux-mêmes leurs programmes, il n’y a pas eu un enthousiasme de nos voisins. Les Allemands ont développé leur propre motrice concurrençant avec Alstom avec Siemens. Nous n’avons donc eu que peu de retombées de notre avancée technologique, ce qui n’étonne guère, car c’est une grande habitude de notre pays qui réalise le même exploit avec la production d’énergie avec son nucléaire. Nous avons du mal à faire la promotion de nos pépites, mais nous les laissons partir avec une constance incroyable.

Après avoir cédé notre fleuron Alstom énergie à General Electric, turbo-alternateurs Arabelle pour le nucléaire, turbines hydrauliques et Réseaux, cette année cela a été le département signalisation ferroviaire de Thalès vendu à Hitachi -Japon- alors que cette technologie était un des piliers de notre compétence. Le rail est un de nos points forts, l’avenir de la SNCF, d’Alstom et de toute la filière devrait nous mobiliser, c’est loin d’être le cas comme cette dernière affaire nous le prouve, il faut arrêter de pleurer et agir.

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  • le TGV ne profite pas à ceux qui ne prennent jamais le train

    -1
  • Le TGV est un gouffre financier qui profite aux grandes métropoles et aux salariés de la SNCF, pas au développement des territoires qui ont vu assécher leurs lignes locales.

    -1
  • Surtout un gouffre financier que nos impôts épongent. Du Mitterand tout cru.

  • « le train n’est pas rentable, , »
    Tout est dit. Supprimons les trains, et laissons les compagnies privées transporter les voyageurs en avion, bus. Pour le profit de tout le monde.
    PS le TGV, à part Paris Lyon, est une erreur. D’ailleurs, la SNCF remet des trains low costs.
    Les gens pressés prennent l’avion.

    -1
    • C’est relier de grosses métropoles qui est économiquement viable avec le TGV : l’axe Paris Lyon Marseille est effectivement le plus viable sur le territoire national.
      La ligne Paris Bordeaux est ultra rentable (pour une fois plus que les estimations qui ont servi de bases à sa pose) et le sera encore davantage une fois prolongée en Paris Bordeaux Toulouse.
      Enfin le tronçon Paris Lille Bénélux (avec desserte de Bruxelles et Amsterdam) est pas mal aussi.

      Bien sur reste à imaginer le niveau de rentabilité atteignable avec des opérateurs privés.

      • Oui je suis d’accord. Laissons faire le marché et la vérité des prix. Si une ligne rapporte, ok. Le pire est le prétexte d’aménagement du territoire pour au final maintenir une petite ligne qui coûte un bras, alors qu’un bon car ferait le job.

  • Le train est cher simplement parce qu’à sa création, il était déconnecté du marché.

    Si le prix du billet de train reflétait la réalité économique de la SNCF (sans les aides de l’État), il serait au moins trois à cinq fois plus cher et inaccessible au plus grand nombre.

    Les français ont certes payé la note des infrastructures (SNCF, EDF), cependant le solde de tout compte n’est pas pour demain.

    Je ne partage pas l’optimisme de l’article.

  • Quelques éléments de réflexion : le monde TGV est le moins déficitaire de l’ensemble ferroviaire (exploitation), même s’il exige une infra qui coûtera encore longtemps (investissement) mais restera plus longtemps encore : les lignes classiques sont souvent là depuis 150 à 170 ans et le remplacement des rails n’est « rien » dans le coût d’une ligne.
    Ensuite la question de la pertinence du low cost sur le TGV : on me dit ça ramène du voyageur qui prendrait la voiture sinon. OK en mutualisant à deux on est moins cher en une voiture que deux billets de train, mais pardon on n’est pas sur la même presta. Le TGV (sur les LGV du moins) n’est pas si concurrencé sur les liaisons centre à centre des métropoles : le trajet en VP est nettement plus long et fatigant (l’AR dans la journée n’est souvent pas jouable), de plus on peut abattre du boulot à bord du TGV.
    Quant à l’avion, qui le permet aussi, il part et arrive en périphérie et exige encore du temps additionnel de transport en commun ou lié à la sécurité.
    Enfin le train dans son ensemble et le gros des pertes, c’est beaucoup des TER payés en grande partie par les Régions, sous prétexte de soulager (un peu) les rocades bondés aux heures de pointe et de se donner bonne conscience écologique. C’est surtout là que le trou se forme, a fortiori quand on met en oeuvre des matériels hi tech bimode (diesel et élec) etc. impossibles à amortir et rapidement vandalisés.
    En revanche, le TGV ça rapporte aussi, mais pas dans la sphère ferroviaire : l’arrivée du TGV à Rennes par exemple n’est pas pour rien dans l’augmentation du mètre carré de 27% sur les 5 dernières années, avec un bond de la demande de bureaux (les plus chers de l’agglo) autour de la gare, et aussi sur le logement avec des franciliens qui se disent parfois qu’1h20 c’est le temps qu’ils mettent en bagnole depuis la proche banlieue et que la vie en Bretagne est moins chère et près de la mer.
    C’est aussi ce genre de phénomènes l’aménagement du territoire …

    • « Le TGV ça rapporte aussi, mais pas dans la sphère ferroviaire »
      Celà ne rapporte pas. Cela coûte, pour le rennais qui voit l’immobilier exploser, et pour le parisien qui se tape des heures de transport. Cela rapporte pour les insider, il est vrai, les boomers qui ont acheté leur bien il y a 40 ans.
      La vraie solution libérale, c’est d’arrêter le centralisme parisien.

  • Le TGV français a été conçu en étoile pour parfaire le rayonnement de la capitale.
    Si la France – ultra jacobine et Bonapartiste – avait emprunté une orientation libérale, la Fédération des Régions Françaises – alors investie d’une véritable décentralisation au niveau de chacune des capitales régionales – n’aurait pas eu besoin d’un tel moyen de transport qui ne peut subsister qu’à coups de milliards d’euros de subventions!…

  • Le problème du train vient des cheminots : quand ils se mettront au travail, le train deviendra nettement plus rentable.
    Les conducteurs de train partent au maximum à 55ans pour une retraite bien méritée. Leur boulot les a tellement épuisé qu’il se font embauchés dans la foulée pour conduire des trains dans le privé.
    Conclusion : le train fonctionnera lorsque les employés de la SNCF seront dans le privé et avec une activité concurrentielle.

  • C’est toute l’organisation de la mobilité qui est à revoir avec notamment, l’organisation des ruptures de charges (multimodalités), le choix des modes et le fonctionnement (transports à la demande?). Le « donneur d’ordres » dans le ferroviaire, c’est l’état, les régions. Mais ils n’ont pas de structures techniques. C’est la SNCF (l’opérateur unique avant la concurrence) qui fait les études et oriente les solutions. En fait, c’est elle qui , à la fois, fait le cahier des charges du marché et qui répond au marché.
    Ce que je retiens de l’article, c’est que le TGV est une solution technique très intéressante mais utilisée dans un modèle économique non pertinent.

  • « force est de constater que la SNCF n’innove plus et que son réseau est en décrépitude.  »
    Vous me decevez monsieur Le Floch-Prigent.
    Quelques exemples pour montrer que la SNCF ne se tourne pas les pouces :
    – le développement du TGV M avec Alstom. A la fois plus économe en énergie et plus capacitaire. Premières rames livrées en 2024.
    – le déploiement de la commande centralisée du réseau qui consiste à remplacer les vieux postes d’aiguillage mécaniques par des postes d’aiguillage informatisés et commandés par des centres hautement sécurisés. Travail de longue haleine engagé dans les années 2000 et qui durera au-delà de 2030.
    Toute l’entreprise est engagée dans une transformation digitale pour qu’elle soit en phase avec les technologies du 21eme siècle.
    Reste le problème de ses effectifs plutôt pléthoriques et bénéficiant encore majoritairement d’un statut social aujourd’hui obsolète, mais ça c’est le plus long et le plus difficile à changer.

  • Les commentaires sont fermés.

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