PLF 2022 : dépenses et non-sens

Le PLF 2022 continue à acter une folle dérive des dépenses publiques qui dépasse largement le cadre du soutien « quoi qu’il en coûte » déployé pendant la pandémie.

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Screenshot 2021-09-28 at 08-42-22 Présentation du projet de loi de finances 2022 - YouTube

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PLF 2022 : dépenses et non-sens

Publié le 29 septembre 2021
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Par Nathalie MP Meyer.

Alors que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vient de présenter officiellement le cinquième et dernier Projet de loi de finances du quinquennat Macron (PLF 2022), nos différents médias nous rappelaient à juste titre qu’il faut remonter à l’année 2016 pour trouver un rapport du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) aussi ouvertement sévère pour les projections chiffrées du gouvernement en place.

Voilà qui n’est pas peu dire !

Si vous vous souvenez, en 2016, le Haut Conseil présidé à l’époque par Didier Migaud (PS) jugeait « improbables », « trop optimistes » voire même « irréalistes » les hypothèses mirifiques retenues par le duo Sapin Hollande pour le PLF 2017. Probablement avec quelques bonnes raisons, car quelques semaines plus tard les sénateurs refusaient d’examiner le budget 2017 tant ils le trouvaient « insincère », confirmant ainsi les premières impressions peu amènes de Didier Migaud et ses collègues.

Le PLF 2022 suscite la méfiance du Sénat

Les sénateurs pourraient fort bien se montrer tout aussi rétifs cette année car si l’on en croit les remarques formulées par le HCFP présidé depuis l’an dernier par Pierre Moscovici (PS), le PLF soumis à son examen par Bercy se révèle grossièrement « incomplet » :

En effet, il n’intègre pas l’impact de mesures d’ampleur qui ont pourtant déjà été annoncées par le gouvernement (grand plan d’investissement, revenu d’engagement notamment) ce qui ne permet pas au Conseil de rendre un avis pleinement éclairé sur les prévisions de finances publiques pour 2022 à l’intention du Parlement et des citoyens. Notamment, il n’est pas à ce stade en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 (-4,8 points de PIB).

Rappelons que lors de sa sinistre allocution du 12 juillet dernier sur la mise en place du pass sanitaire, Emmanuel Macron a aussi persévéré à fond dans sa politique d’open bar via l’annonce d’un plan d’investissement de 20 à 30 milliards d’euros sur cinq ans dans la santé, les biotechnologies, les batteries et l’hydrogène pour « bâtir la France de 2030 » et celle d’un revenu d’engagement pour les jeunes sans emploi ni formation qui n’est pas encore bouclé mais pourrait coûter de 1 à 3 milliards d’euros par an selon le nombre de bénéficiaires.

Si le style littéraire du Haut Conseil vous semble incroyablement calme et courtois compte tenu de l’extraordinaire foutage de gueule auquel vient de se livrer le gouvernement en oubliant sciemment d’intégrer ces nouvelles dépenses dans son budget (avec l’idée de les faire adopter plus tard par voie d’amendement lors du débat au Parlement), sachez qu’en privé , Pierre Moscovici n’a pas caché son mécontentement, allant jusqu’à qualifier le PLF « d’insincère » comme à la haute époque Sapin Hollande de 2016.

De son côté, Bruno Le Maire se défend naturellement de toute entourloupe : « C’est un budget sincère, nous sommes des gestionnaires sérieux » a-t-il déclaré à la presse. À l’entendre, parler de politique du chéquier pré-électoral à propos des crédits supplémentaires pour la sécurité, pour Marseille, pour le dispositif MaPrimeRénov’, pour le chèque énergie, et que sais-je encore, serait un scandaleux procès d’intention adressé à un gouvernement qui ne jure que par le « sérieux budgétaire » dont Michel Sapin avait le secret en son temps ! (début de la vidéo ci-dessous) :

 

 

Résumé du point de vue du ministre : on avait toujours dit qu’on dépenserait plus et qu’on le ferait en deux temps ! Nous sommes donc rigoureux, sincères et fiables !

Objection, cher Monsieur : vous avez toujours dit, par exemple, que « la nouvelle prospérité française ne doit pas être bâtie sur la dépense et sur la dette, mais sur la croissance et le travail », responsabilité, rigueur, orthodoxie, blablabla. Sans jamais donner suite.

La continuité de la dérive des dépenses publiques

Traduction dans la réalité de notre situation de contribuables actuels ou futurs : le PLF 2022 continue à acter une folle dérive des dépenses publiques qui dépasse largement le cadre du soutien « quoi qu’il en coûte » déployé pendant la pandémie (chômage partiel, fonds de solidarité, exonération de cotisations) ainsi que celui du plan de relance, comme le montre très clairement le graphique ci-dessous réalisé par le HCFP dans son rapport :

La partie en bleu foncé intitulée « autres dépenses » ne cesse de croître depuis 2019 indépendamment de la situation pandémique, sachant donc qu’il manque à la facture totale de 2022 deux postes importants qui pourraient atteindre ensemble 5 à 8 milliards d’euros par an suivant les périmètres et les bénéficiaires retenus.

De ce fait, le déficit public annoncé de façon « incomplète » à 4,8 % en 2022 après 8,4 % cette année comporte une part structurelle de 3,7 % (presque 80 % du déficit) qui ne signifie qu’une seule chose : la tendance à générer du déficit public indépendamment des éléments économiques conjoncturels est installée et durable.

Bruno Le Maire peut se vanter d’avoir baissé les impôts des particuliers et des entreprises de 50 milliards d’euros sur le quinquennat, ne pas oublier que parallèlement, il a fortement augmenté la CSG en début de mandat et ne pas oublier non plus que dans le contexte de déficit public que nous connaissons depuis 45 ans, une baisse de prélèvements sans baisse de dépenses n’est jamais qu’une promesse d’impôts différés.

Pas de quoi effrayer le ministre de l’Économie qui continue à se féliciter de la bonne tenue de l’économie en oubliant complètement de dire qu’il fait nager la France dans une euphorie obtenue à crédit. En fait, prétend-il :

Nous avons dépensé l’argent des Français à bon escient. La situation économique est meilleure que prévue au niveau national : nous prévoyons 6 % de croissance en 2021, 4 % en 2022. L’efficacité de la relance nous a permis d’avoir un taux de chômage inférieur à celui d’avant-crise.

Il n’empêche que les chiffres indiqués dans le PLF sont « incomplets » du côté des dépenses et qu’à ce titre ils ne signifient rien, si ce n’est une tromperie du gouvernement qui nous confirme que l’élection présidentielle approche : d’un côté le duo exécutif Macron Castex annonce partout de nouvelles distributions d’argent frais et de l’autre Bruno Le Maire se drape dans une parodie de rigueur budgétaire censée nous faire comprendre que vraiment, Macron à l’Élysée, c’est du sérieux !

Les voici quand même, récapitulés dans le tableau ci-dessous, en attendant de pouvoir comparer avec l’exécution effective qui sera faite ultérieurement :

Principales données de nos finances publiques1 2 et PLF 2022

Sources : Dépenses publiques – Prélèvements obligatoires – Déficits publics – Dette publique – Croissance – InflationPLF 2022.
Mise à jour : 25 septembre 2021.
Unités : Habitants en millions – PIB en milliards d’euros courants – Dépenses publiques, prélèvements obligatoires, déficit public et dette publique en milliards d’euros courants et en % par rapport au PIB.
Note* : 2021 est une estimation de fin d’année et 2022 une prévision. Les dépenses y sont indiquées hors crédit d’impôt, à rapprocher des montants 1311 pour 2019 et 1401 pour 2020 indiqués dans le schéma du HCFP reproduit ci-dessus.

Quand j’écris « comparer », je parle uniquement des quelques mauvais coucheurs qui ont le goût déplorable de s’alarmer du poids de plus en plus insoutenable de l’État et de la dette qui l’accompagne pour notre prospérité à tous.

Mais d’ici là, 2023, 2024, de l’eau aura coulé sous les ponts, l’élection aura eu lieu et je crains hélas que la double réforme de l’État et de l’État providence que certains candidats (pas les plus en vue, hélas) jugent aujourd’hui indispensable ne soit alors de l’histoire ancienne… Ça promet.

Sur le web

  1. Pour les définitions des principales grandeurs de nos comptes publics, on pourra se reporter à l’article : Budget 2016 : opérations de contes à comptes (17 sept. 2015).
  2. L’INSEE révisant ses données en continu, j’ai également procédé à des révisions par rapport à mes tableaux antérieurs.
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  • 2020 aura démontré qu’on peut faire absolument tout et n’importe quoi avec les lois et la monnaie, et personne n’y trouve à redire. Ils auraient tort de s’en priver. Quand on peut imprimer l’argent en toute irresponsabilité pénale, pourquoi se priver ?

  • Pierre Moscovici, lorsqu’il était au gouvernement socialiste ne jurait que par un budget en déficit. Lorsqu’il s’est fait élire à Bruxelles, il tapait sur le déficit de la France. Quelle crédibilité peut avoir cet opportuniste ?
    Quant au budget actuellement, il est dans la ligne des budgets des 40 dernières années. Toujours plus pour nos fainéants de fonctionnaires et les fainéants qui sont au RSA alors qu’il y a plein d’emplois dans la restauration non pourvus (il ne faut pas les fatiguer en les faisant se lever le matin les pauvres victimes). Hidalgo a même promis de doubler le salaire des profs ; c’est vrai qu’avec les exploits de l’éducation nationale, ils le méritent amplement.

  • « Les sénateurs pourraient fort bien se montrer tout aussi rétifs cette année »
    Sous le mandat de Macron, les sénateurs n’ont jamais fait preuve d’un grand courage.
    Ils ont validé sans broncher toutes les mesures Covid, même les plus scandaleuses comme l’interdiction des visites aux mourants, l’interdiction d’accès aux soins pour les non vaccinés…
    Sachant que le Sénat est majoritairement à droite et qu’une bonne partie de cette droite s’apprête à rejoindre Macron ou l’a déjà fait comme le Modem, on voit mal le Sénat s’opposer à Macron alors que la panique s’empare de toute la classe politique devant le phénomène Zemmour.
    Une seule solution pour les LR, virer Christian Jacob et désigner rapidement un candidat qui puisse mener campagne.
    En décembre, il sera trop tard et le LR n’existera plus !

    • « Sous le mandat de Macron, les sénateurs n’ont jamais fait preuve d’un grand courage. »

      Et il n’y a pas que les sénateurs, ni sous le mandat de Macron, mais tous les politiques depuis 40 ans ( voire un peu plus) manquent singulièrement du moindre courage, tellement ils ont peur de ne pas être réélus!
      Aujourd’hui, leur courage est quasi nul alors qu’il en faudra un bon paquet pour redresser la barre, mais dans le paysage politique, on ne voit personne qui remplisse cette condition donc CPEF jusqu’à ce que nous soyons sous la tutelle des…..? Chinois? ou pire?

  • « une baisse de prélèvements sans baisse de dépenses n’est jamais qu’une promesse d’impôts différés »

    Nous sommes bien d’accord qu’il faut diminuer les dépenses, les prélèvements et la dette.
    Mais il serait maladroit de commencer exclusivement par une réduction des dépenses.
    En effet il y a une rétroaction vertueuse entre ces trois variables.
    Même si on se contentait de ne réduire que les taux de prélèvements, cela entraînerait mécaniquement une baisse des dépenses à court ou moyen terme:
    – d’abord à cause de l’effet Laffer (la baisse de nos taux confiscatoires entraînera une hausse des recettes fiscales),
    – ensuite parce que la baisse de la fiscalité des entreprises améliore leur compétitivité, favorise l’emploi et diminue donc les dépenses sociales (le pognon de dingue) sans créer de trouble à l’ordre public.

    Mais il est clair que quand on s’obstine à augmenter à la fois les prélèvements et les dépenses on fonce dans le mur.
    Il est dommage qu’il n’y ait plus d’ingénieur sachant compter et raisonner dans la boucle de décision budgétaire.

    • Si les impôts baissent mais pas les dépenses publiques, alors c’est l’emprunt qui compense. Et l’emprunt d’état est quasi exclusivement alimenté par la BCE qui imprime des billets. Officiellement impression temporaire, appelé emprunt à 0%.
      Mais l’effet, temporaire ou pas, est de diminuer la valeur de la monnaie. Cette monnaie se retrouve dans les mains de l’état, qui bénéficie de l’effet d’inflation (les prix montent, mais pas avant qu’il ait dépensé l’argent).
      Cette inflation se répercute sur les entreprises puis les personnes. Cela forme une perte supplémentaire qui compense exactement la baisse d’impôt. Ah mince, l’imprimante ne paie pas!
      Pour que ça marche, il faudrait que la France emprunte, achète en Allemagne, et que les allemands remboursent le prêt. Macron s’y emploie, mais il n’arrive pas trop.

  • Et le dernier budget un peu plus foireux que la moyenne était en 2016… quelle surprise !
    En fait l’équipe en place a toujours fait comme dans les plus belles républiques bananière à l’argüer de l’argent aux personnes au pouvoir de nuisance les plus élevés. Donc jusqu’ici rien de neuf.

    La grande nouveauté ( depuis 2009-2010) mais qui a considérablement progressé, c’est que l’argent se crever autant que besoin, sans que la création de richesses en face soit réelle. Sur les 2 dernières années, on a atteint le somment « du pognon qui sort du cul de la licorne » comme le dirait H16.

    L’économie est inondée d’argent et tout ce qui peut être considéré comme un actif à un prix qui grimpe au flèche.

    Gare au crash qui finira par arriver tôt ou tard

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