Kurdes syriens : les États-Unis en soutien de leurs alliés

Même en tenant compte de tous les résultats négatifs possibles, le renforcement de la coopération avec les Kurdes l’emporte sur les inconvénients et reste la voie optimale pour les États-Unis.

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Kurdes syriens : les États-Unis en soutien de leurs alliés

Publié le 25 septembre 2021
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Par Ahmad Salah.

Le retrait précipité des troupes américaines d’Afghanistan a laissé une entaille importante à la réputation de la Maison-Blanche auprès du public américain, au Proche-Orient et dans le monde en général. Washington a été fortement critiqué pour la trahison du gouvernement afghan, qui a ouvert la voie aux talibans pour prendre le pouvoir.

Il est tout à fait naturel que de tels événements aient créé un terrain fertile pour l’incertitude parmi les alliés des États-Unis dans la région. Certains d’entre eux ont commencé à réévaluer leurs relations avec la Maison-Blanche après le fiasco afghan ; d’autres avaient au préalable des doutes sur l’engagement des États-Unis. La situation actuelle oblige Washington à prendre des mesures fermes pour valider son statut de puissance dans la région. Certains indices montrent que les dirigeants américains ont trouvé un moyen de regagner la confiance de leurs alliés, à commencer par les unités armées kurdes en Syrie.

Les Kurdes, alliés des Américains, sous pression turque

Les Kurdes sont devenus un allié clé des États-Unis dans leur quête pour vaincre EIIL en Syrie. Washington a aidé à créer les Forces démocratiques syriennes FDS à prédominance kurde, qui ont par conséquent pris le contrôle des régions riches en pétrole du nord-est de la Syrie. Cependant, la montée rapide de l’influence kurde a déclenché le mécontentement des autres parties au conflit syrien : le gouvernement d’Assad et la Turquie, qui considère les FDS comme une émanation du PKK, désigné comme groupe terroriste par les autorités turques. Sous ce prétexte, Ankara a mené trois opérations militaires à grande échelle contre les Kurdes malgré son appartenance à la coalition dirigée par les États-Unis.

La Turquie reste un casse-tête majeur pour les États-Unis dans le nord de la Syrie, car elle entrave le développement d’une autonomie kurde. L’échec des États-Unis à agir pendant l’offensive turque sur Al-Bab puis sur Afrin est toujours considéré comme l’une des expériences les plus angoissantes de l’histoire récente du partenariat américano-kurde. D’un autre côté, cette relation a eu ses moments brillants. Les forces américaines ont persisté dans leur coopération avec les Kurdes malgré les efforts de Donald Trump pour retirer la présence militaire américaine de Syrie. En outre, l’ancien chef du Pentagone, James Mattis, a augmenté le financement du FDS en 2019 pour atteindre un niveau record de 300 millions de dollars.

Bien que les États-Unis aient réduit leur soutien aux Kurdes après avoir proclamé leur victoire sur l’État islamique, il suffit toujours que les FDS restent parmi les forces les plus aptes au combat en Syrie. Les États-Unis fournissent des machines, des équipements et des munitions, mais surtout enseignent aux Kurdes les compétences nécessaires pour tirer profit de leurs ressources.

Outre la formation de soldats de rang FDS, les troupes américaines préparent leurs forces spéciales HAT principalement chargées d’établir la sécurité sur les installations pétrolières ainsi que la détection et l’élimination des terroristes. En termes d’équipement, elles sont presque égales  aux Américaines. Au cours de leurs opérations, ces combattants d’élite utilisent des armes standardisées, des lunettes de nuit et d’autres ressources modernes.

Indépendamment de toute l’aide américaine, les capacités militaires des FDS ont une vulnérabilité critique, à savoir le manque de défense aérienne. Cette faiblesse est exploitée avec succès par la Turquie qui utilise ses drones pour bombarder les positions kurdes. Au cours des deux derniers mois, le nombre de frappes turques a considérablement augmenté, ce qui a amené les FDS à trouver de nouvelles méthodes pour dévier les attaques aériennes.

Un soutien aérien américain renouvelé pour les Kurdes

Il y a de bonnes raisons de croire que Washington a accommodé les problèmes de son partenaire. Ainsi, une source d’une base aérienne américaine au Proche-Orient qui a demandé à garder son nom et sa position anonymes nous a dit que le 18 septembre trois avions d’entraînement T-6 Texan ont été déployés sur la base aérienne de Tell Beydar à Province de Hasakah, Syrie. Selon la source, des instructeurs américains ont commencé un cours accéléré de pilotage aérien avec les candidats choisis dans les rangs des FDS bien avant que les avions n’arrivent à destination. Ceci est implicitement confirmé par l’importante cargaison d’armes, de machines et de munitions américaines à Tell Beydar livrée le 17 septembre qui comprenait des missiles compatibles avec les avions Texan.

La seule présence d’avions, voire d’avions d’entraînement, entraîne une modification du bilan de puissance déjà existant. Le T-6 Texan peut être utilisé non seulement pour la couverture aérienne, mais aussi comme un contre-outil aux drones turcs « Bayraktar », en particulier si les États-Unis accordent aux Kurdes l’accès aux informations des radars situés sur les bases aériennes américaines. En fin de compte, du point de vue de la Turquie, cela doit ressembler à une tentative de l’armée américaine de créer la propre force aérienne du PKK.

Cela étant dit, les États-Unis feraient mieux d’utiliser des moyens politiques plutôt que militaires si l’objectif est d’ébranler les intérêts turcs en Syrie. Les bases de cela ont été jetées grâce à un remaniement à la Maison-Blanche sous l’administration Biden. Tout d’abord, la démission de l’ancien représentant spécial des États-Unis pour l’engagement en Syrie, James F. Jeffrey, tristement célèbre pour son sentiment pour la Turquie, qui a ouvertement promu des opinions proturques à la Maison-Blanche pendant son mandat.

Un soutien politique

En plus de la perte de leur homme à Washington, la Turquie a gagné un adversaire puissant représenté par le nouveau coordinateur du Conseil de sécurité nationale pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord Brett McGurk. McGurk est à l’opposé de Jeffrey et s’est rangé du côté des Kurdes à de nombreuses reprises. Il est très respecté parmi les dirigeants du FDS en raison de son travail en tant qu’envoyé spécial du président pour la Coalition internationale contre l’EIIL.

La seule question qui reste sans réponse est la position du président américain Joe Biden. Jusqu’à présent, l’administration de Biden a évité des changements radicaux concernant sa politique en Syrie. Le développement de la coopération avec les Kurdes considérant qu’ils ont déjà prouvé leur fiabilité pourrait être une solution logique qui permettra également à la Maison-Blanche de montrer les dents.

Washington ne peut pas supporter un autre fiasco semblable à celui de l’Afghanistan qui détruira sa réputation au sens figuré et ses alliés au sens propre. Même en tenant compte de tous les résultats négatifs possibles, le renforcement de la coopération avec les Kurdes l’emporte sur les inconvénients et reste la voie optimale pour les États-Unis.

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  • Et l’UE totalement absente, juste bonne à engraisser Erdogan pour retenir les immigrés. Qu’en pensent nos souverainistes de pacotille ???

  • Bon, est ce qu’on a pris une seconde pour regarder ce qu’est un T-6 texan ? C’est un vieux coucou utilisé pour la formation des pilotes américains …. pendant la Seconde Guerre Mondiale !
    C’est un avion simple, robuste avec son gros moteur en étoile qui entraîne une hélice.
    Un truc qui n’a jamais bien volé (pour comparaison, afin d’égayer les meetings aériens, les américains ont maquillé des T-6 en Zéros japonais, et ils se sont rendu compte que les T-6 maquillés en Zéro, volent nettement mieux que les T-6 originaux).

    Bref, un machine qu’on prend plaisir à voir à la Ferté Alais mais qu’on ne s’attend pas à voir en opération face à des technologies modernes…

  • Et j’oubliais : le drapeau utilisé pour illustrer l’article est celui des kurdes irakiens (PDK et UPK) pas celui des kurdes syriens ou turcs (et ils ne peuvent pas se sentir, car à l’opposé politiquement)

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