Afghanistan : Joe Biden a misé sur la défaite américaine depuis le début

La résignation des démocrates, qui répondait au bellicisme aveugle des néoconservateurs, risque fort aujourd’hui d’affaiblir les États-Unis sur la scène internationale.

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Joe Biden by Gage Skidmore (CC BY-SA 2.0)

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Afghanistan : Joe Biden a misé sur la défaite américaine depuis le début

Publié le 24 août 2021
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Par Frédéric Mas.

Fini l’état de grâce ! Joe Biden n’a plus Donald Trump pour le mettre en valeur, et les médias qui étaient partis en guerre contre l’ancien président républicain n’ont plus à le présenter comme le sauveur de la République américaine. Pire, sa cote de popularité s’effondre après le piteux départ des troupes américaines d’Afghanistan.

L’humiliant point final d’une guerre de 20 ans a été relayé sur les réseaux sociaux du monde entier avec le décollage de l’hélicoptère chinook de l’ambassade américaine. Certains commentateurs ont rapproché l’événement de la défaite américaine au Vietnam : dans les deux cas, le prestige de la puissance militaire américaine en a pris un sacré coup.

L’image est forte, mais résume à elle seule la retraite précipitée du pays leader de la coalition atlantique devant l’avancée des talibans. L’armée américaine a laissé derrière elle du matériel dernier cri, des données biométriques et personnelles de milliers d’Afghans, des exploitations minières capables d’assurer l’avenir du nouveau régime, et bien sûr l’armée régulière afghane, qui n’a même pas fait l’effort de défendre Kaboul après l’effondrement du gouvernement fantoche soutenu par Washington.

 

Mettre un terme à une guerre sans fin

Le départ américain d’Afghanistan n’a pas été programmé par Joe Biden, mais bien par son prédécesseur, Donald Trump, qui avait promis de mettre un terme à « une guerre sans fin ». L’initiative était louable, puisque aucun but de guerre ne justifiait cette guerre tragique à plus de 2000 milliards de dollars. Seulement la deadline négociée avec les talibans était impossible à tenir, et malgré le délai posé par Biden, elle s’est traduite par une exécution désordonnée, en catimini et sans gloire.

Mais la responsabilité de Joe Biden ne s’arrête pas là : avant d’être président, il a été vice-président de Barack Obama. C’est sous la présidence de ce dernier qu’en 2009 un plan est lancé pour que l’Amérique reprenne le leadership dans la coalition alliée contre les talibans.

Concrètement, comme le rappelle lucidement Michel Goya dans un article de 2014 qui n’a hélas pas perdu de son actualité, cela se traduit par l’ouverture des vannes de dollars :

Le plan signifie par ailleurs un emballement des dépenses militaires américaines à hauteur d’un milliard de dollars tous les quatre jours. La guerre en Afghanistan devient à son tour après l’Irak une « guerre à 1000 milliards de dollars », ce qui n’est pas sans effet sur la santé économique des Etats-Unis et donc du monde.

 

Afghanistan : une tragédie et un gouffre financier

Mais l’administration Obama/Biden ne fait pas que transformer le conflit Afghan en gouffre financier, elle prépare la retraite et la négociation avec les talibans, c’est-à-dire la crise humanitaire d’aujourd’hui : pour Andrew McCarthy, qui se livre à une analyse détaillée dans la National Review, Joe Biden s’est résigné à cette solution depuis des années, qu’il considère comme un moindre mal, car il sait la guerre ingagnable et inévitable la nécessité de négocier avec les terroristes pour limiter la casse :

Le président a été résolu pendant des années à permettre la prise de contrôle de l’Afghanistan par les Taliban. Il espérait que, lorsque l’inévitable se produirait, les Taliban auraient soif de légitimité internationale – l’étalon-or transnational-progressiste – et donc qu’ils se comporteraient (relativement parlant) bien en prenant le contrôle. Dans l’intervalle, lorsqu’il était en son pouvoir de le faire, Biden a entrepris de gagner les Taliban à sa cause par des concessions et des accommodements choquants, y compris en sabotant le gouvernement et les forces de sécurité afghanes, ce qui a facilité le chemin des Taliban vers Kaboul. Au final, ils ont à peine eu à tirer un coup de feu pour prendre le pouvoir.

Pour le journaliste américain, l’aide à la reconnaissance diplomatique des talibans par l’administration Obama, en particulier à Doha en 2013, a délégitimé le régime afghan installé après la victoire américaine et accrédité le fait que celui des talibans allait lui succéder inévitablement.

Et ce n’est qu’un épisode dans le manque total de soutien proposé par la suite par Biden aux forces afghanes alliées à la coalition occidentale.

La résignation des démocrates, qui répondait au bellicisme aveugle des néoconservateurs, risque fort aujourd’hui d’affaiblir les États-Unis sur la scène internationale.

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Créer un compte Tous les commentaires (18)
  • Je ne sais pas s’il y a beaucoup de guerres, en dehors de celles contre les indiens, que les USA ont gagné ou gagné seuls. Ceci justifie d’autant moins les moqueries à l’égard de l’armée française, pourtant autrement plus prestigieuse que l’armée américaine.
    Le gigantisme militaire américain n’est d’aucune utilité dans ce genre de conflit puisqu’il s’accompagne d’arrogance et donc d’aveuglement et d’ignorance (et leurs interventions naissent toujours de leur arrogance, de leur aveuglement et de leur ignorance).
    Ce qui est inquiétant pour nous Français, c’est qu’en plus d’avoir un outil militaire en mauvais état du fait de la sous-budgétisation des armées, nous « américanisons » nos interventions. Par exemple au Mali ou, en ne maîtrisant pas le contexte et les mécanismes politiques locaux, nous condamnons toute chance de réussite militaire future et nous réussissons à nous rendre impopulaire alors même que nos gars se font descendre pour eux. Tout cela résulte d’un manque évident ou de culture ou de courage de nos politiques.

    • Ils ont gagné la seconde guerre mondiale, contre les allemands et contre les japonais, juste cela…

      • Pas vraiment, et la victoire contre le Japon n’est pas glorieuse.

        • Parce qu’ils ont triché en employant la bombe atomique alors que leurs adversaires ne la possédaient pas ? Regardez le taux de pertes lors de la conquête de Tarawa, Okinawa etc… Combien de vies de dizaines de milliers de soldats américains auraient été sacrifiées lors d’un débarquement au Japon, sans parler des vies japonaises ? A ce prix, elle aurait été glorieuse alors, la victoire ?
          Et puis, c’était une excellente occasion de faire une démo et de mettre un bon coup sur la gueule de Staline qui avait choisi ce bon moment pour attaquer les Japonais et essayer détendre sa zone d’influence.

      • C’est plus compliqué que cela. C’est plutôt Hitler qui s’est perdu, comme Napoléon dans l’immensité de la Russie. Et la résistance de l’armée russe, qui a payé un très lourd tribut en hommes. Mais Staline s’en foutait.
        Le seul qui n’a pas baissé la garde, c’est Churchill.

      • Avant le débarquement allié, les allemands affrontaient l’URSS chez elle et la GB en Afrique. Les japonais affrontaient la Chine chez elle et la GB en Inde et Birmanie. Donc à aucun moment les US peuvent se prévaloir d’être les vainqueurs (au sens militaire) de la 2nde guerre mondiale. Ils font partie des vainqueurs.

    • @mousquetaire
      principaux contributeur a la victoire : 2 guerre mondiale, coree

      Au niveau purement militaire, l afghanistan etait une victoire car l ennemi a ete ecrasé en moins d un mois. le probleme c est apres. en se donnant un but completement delirant (faire de l afghanistan une democratie de type occidentale) l echec etait assuré ou alors il fallait faire comme les romains : y rester des sciecles

      • La guerre ne s’arrête pas à l’aspect militaire. C’est d’abord de la politique. Sans quoi l’Algérie serait toujours française par exemple.

        « Contributeurs » en effet. Ils n’ont quasiment jamais affronté une nation majeure seuls. Après je ne nie pas le rôle prépondérant des USA dans la 2nde GM ou la Corée. Je dis qu’ils faisaient partie des vainqueurs. On parle souvent de l’URSS qui a perdu des millions et des millions d’hommes, mais on ne parle pas assez du rôle de la Grande-Bretagne sans qui les américains n’auraient jamais rien pu faire. D’abord par la situation géographique de l’île, et ensuite par le savoir-faire des anglais, ce que les américains n’avaient pas (excepté l’USMC). Les anglais ont évité aux américains de faire bien des sottises tactiques.

      • Les américains auraient dû se cantonner à l’élimination systématique des têtes du terrorisme (Ben Laden et consorts) et la destruction des camps d’entraînement en agissant en partenariat avec les pays concernés (Irak, Syrie, Pakistan) moyennant une aide humanitaire si nécessaire mais sans intervenir dans la politique intérieure et en privilégiant les opérations grises ou noires. Balancer du défoliant sur les champs de pavots afghan aurait été une bonne action.

  • je pense à cette population , ces femmes , ces gosses , qui vont rester sous le joug des talibans et cœur ; décidément ce biden ne vaut pas chipette ;

  • Retraite précipitée, programmée ou pas, cette guerre est un désastre et illustre une fois de plus la malfaisance du gouvernement pour le peuple qu’il est sensé protéger. Comme toujours, aucun des objectifs affichés n’a été atteint. Le peuple américain en sort appauvri, affaibli, pas plus en sécurité qu’avant, pendant que sa liberté a été réduite. La guerre, qu’elle soit contre d’autres états, les terroristes, un virus, ou le climat, sert avant tout à asservir ceux qui y sont assujettis, via la conscription, la censure, les réglementations, les impôt et la création monétaire qu’elle justifie.

  • etant donné que le but etait inatteignable, a quoi bon faire durer la guerre. Biden/trump ont eut raison d arreter les frais. le regime afghan n avait aucun support populaire, c est pourquoi il s est effondre en moins d un mois

    Pour le reste, l artcile exagere: les USA n ont pas perdu de materiel sensible. par ex les helicos sité ici sont des helecos de transport, pas d attaque. et en plus les taliban sont surement incapable de s en servir ni meme de les entretenir

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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