Climat dans la Constitution : le référendum est enterré et c’est très bien comme ça

Les meilleures Constitutions sont celles qu’il n’est pas nécessaire de changer tous les quatre matins au gré des opportunismes politiques.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 1
climate change source https://unsplash.com/photos/zBG29d6Z98I

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Climat dans la Constitution : le référendum est enterré et c’est très bien comme ça

Publié le 10 juillet 2021
- A +

Par Nathalie MP Meyer.

Le Premier ministre a annoncé mardi 6 juillet dernier que le gouvernement renonçait à organiser un référendum visant à inscrire la protection du climat et de l’environnement dans l’article Ier de la Constitution. Comme on pouvait s’y attendre, et comme Emmanuel Macron s’y attendait certainement, l’Assemblée nationale à majorité LREM et le Sénat à majorité de droite ont échoué à s’entendre sur une formulation commune, ce qui met un terme au projet de référendum constitutionnel promis par le Président de la République aux membres de la Convention citoyenne pour le Climat.

Il faut se rappeler d’abord que cette dernière ne fut instituée par Emmanuel Macron que comme l’instrument passablement opportuniste qui pourrait l’aider à se sortir de la crise des Gilets jaunes sans trop de casse politique pour lui. Sans doute pensait-il se donner un peu de répit aussi bien du côté des revendications d’inspiration « citoyenne » comme le RIC que du côté des revendications climatiques, et ce d’autant plus qu’une sorte de convergence des luttes avait fini par s’opérer entre ceux qui pensaient à leurs fins de mois et ceux qui pensaient à la fin du monde.

Mais la machine s’est emballée. Cornaqués de près par un comité de gouvernance très écolo-militant, les 150 citoyens tirés au sort n’ont eu de cesse d’obtenir que la lutte climatique devienne l’alpha et l’omega de l’action publique au point de vouloir y assujettir nos droits et nos libertés par une modification du Préambule de la Constitution absolument terrifiante d’autoritarisme.

Quoique ayant clamé partout avec une belle démagogie que les propositions des Conventionnels seraient reprises « sans filtre », Emmanuel Macron a dû retenir ses chevaux. Exit, donc, la modification du Préambule, et heureusement.

Mais concernant l’article Ier, qui a pour objet de définir les contours fondamentaux de notre République, difficile d’écarter les conclusions de la Convention puisque le Président lui-même proposait quelque chose de très similaire à l’époque où il envisageait une réforme globale de nos institutions. Donc c’était parti pour un référendum sur l’introduction du climat dans la constitution.

À l’issue de ses travaux, la Convention citoyenne pour le climat a proposé d’élargir le contenu de l’article en question aux considérations écologiques via l’introduction d’un troisième alinéa qui serait rédigé de la façon suivante :

La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique.

Climat dans la Constitution : le Sénat ne veut pas « garantir »

C’est le terme « garantir », jugé par les sénateurs trop risqué juridiquement et trop susceptible de bloquer l’avenir, qui a enlisé les débats. Pour obtenir l’accord du Sénat, les députés ont proposé de remplacer « lutte contre » par l’expression moins militante « agit contre » mais les sénateurs sont revenus avec « agir » au lieu de « garantir » et la suppression pure et simple de « lutte contre ». Bref, blocage. Comme il faut identité de texte entre les deux chambres du Parlement pour poursuivre, le gouvernement s’est finalement résolu à acter la fin du processus.

Cette reculade en rase campagne de la part d’un gouvernement largement accusé sur sa gauche et chez les ONG environnementales de manquer d’enthousiasme écologique ne manque pas de susciter son lot d’interrogations politico-politiciennes. Alors qu’on abordera la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle de 2022 dès la rentrée de septembre, Emmanuel Macron n’aurait-il pas lancé ce projet de référendum à seule fin de montrer que la droite en était la principale cause d’obstruction ? Quant aux sénateurs de droite, n’auraient-ils pas voluptueusement pinaillé sur les mots à seule fin de priver le Président d’une possible victoire référendaire avant les élections ?

Il serait étonnant que de telles manœuvres n’aient pas influencé les positions relatives des uns et des autres sur l’échiquier politique hexagonal, mais là n’est pas le plus important. Ce qui compte, en revanche, c’est de réaliser que la réécriture de l’article Ier en des termes favorables à la préservation de l’environnement n’aurait rien apporté de plus aux garanties écologiques déjà définies dans notre Constitution mais qu’elle aurait dangereusement ouvert la voie à une dénaturation de la raison d’être de ce texte aussi fondamental qu’indispensable.

Il se trouve que la Constitution de 1958 n’est pas l’unique texte qui fonde notre République. Il est rattaché à ce qu’on appelle le bloc de constitutionnalité qui comprend également la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004 (et son désastreux principe de précaution qui agit en fait comme un principe hostile à l’innovation).

Or la Charte de l’environnement prévoit déjà en son article 6 que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable » tandis que l’article 34 de la Constitution mentionne déjà que « la loi détermine les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement. »

Ces formulations englobent les dispositions détaillées dans l’ajout proposé, lequel n’apporte pas grand-chose hormis le plaisir de faire de la politique de pur affichage. Un aspect superficiel des choses qui n’avait certainement pas échappé à M. Macron, lui qui est perpétuellement mis en demeure de mettre fin à sa prétendue « inaction climatique » comme ce fut encore le cas la semaine dernière de la part du Conseil d’État.

Au-delà du doublon, une telle inscription imposerait encore plus un modèle de société basé sur la peur de l’avenir, la décroissance et l’abandon progressif de tout ce qui a permis au monde de sortir progressivement puis radicalement de la pauvreté, à savoir les progrès scientifiques, la libre entreprise, le capitalisme et les échanges internationaux. En cela, elle n’a aucune place dans une Constitution, sauf à transformer cette dernière en simple tract électoral qui aurait force de loi.

Force est de constater que la Constitution est de plus en plus souvent instrumentalisée en vecteur démagogique des idéologies à la mode au gré des pouvoirs en place. Chaque parti, chaque faction, chaque groupe d’opinion tente de faire prévaloir son point de vue en essayant de le graver dans le marbre de la Constitution.

Ici, il est question d’impératif climatique, mais on a vu par exemple des parlementaires proposer des amendements pour que le droit à l’avortement et à la contraception soit inscrit dans le préambule de la Constitution ; une député voulait même y ajouter « le droit à une vie sans violence sexiste et sexuelle. » À droite, lors des élections européennes de 2019, il était à nouveau question d’inscrire les racines chrétiennes de l’Europe dans le Traité constitutionnel européen (TCE, 2005).

Tout ceci participe malheureusement du détournement d’un texte fondateur en programme politique mêlant communication, effet d’affichage et volonté constructiviste. Or une Constitution, texte fondamental trônant au sommet de la hiérarchie des normes, n’a pas d’autre objet que de limiter les pouvoirs des gouvernants et définir les rapports entre les gouvernants et les gouvernés afin de garantir à chaque citoyen que ses droits naturels seront protégés.

À ce titre, les meilleures Constitutions sont celles qui ne tombent pas dans les particularismes de circonstance. Ce sont celles qu’il n’est pas nécessaire de changer tous les quatre matins au gré des opportunismes politiques. Ce sont celles qui s’occupent de faire régner l’État de droit, pas de définir l’état de la science, de la culture, de l’histoire ou de l’opinion.

Quelles qu’en soient les plus ou moins bonnes raisons, l’abandon du référendum pour inscrire l’impératif écologique dans l’article Ier de la Constitution est donc une excellente nouvelle. Un coup de canif de moins dans notre texte fondamental, un peu de liberté préservée. L’avenir n’est pas écrit et la créativité humaine est immense.

Sur le web

Voir les commentaires (19)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (19)
  • La nouvelle religion verte reviendra par la fenêtre, ce n’est qu’une question de temps et d’opportunisme politique.
    La machine à détruire l’occident est en marche et rien ne l’arrêtera .

    • possible j’ai quand meme tendance à penser que le petit peuple va grincer ..passe encore que les usines aillent à l’etragner du fait que les autre sont moins chers..

      mais pour fondamentalement aller rejeter du CO2 ailleurs..

      la « redistribution » de richesse c’est moins sexy quand « c’est nous qu’on paye »

    • La fenêtre je la vois bien. Bruxelles et ses institutions supranationales qui n’en ont rien à faire de notre Constitution.

    • La machine à détruire l’Occident est l’Occident lui-même. On n’a jamais vu dans l’Histoire le suicide aussi organisé et obstiné d’une civilisation par ses propres « élites ».

    • Ah ! Si l’on pouvait enterrer EELV ce serait super !!!

  • Oui ouf!!!!!
    Reste le principe de précaution !!!! Quelle erreur, paresse et démagogie de Chirac!!!!!! Comment s’en sortir ?
    Pour l’instant en reculant…. Et en refusant de préparer l’avenir et en cédant à tous ceux qui ont la trouille de tout…..
    Cela mériterait bien une mise en cause de la présidence pour inaction et mise en danger du pays.

  • voyons…lutte contre le dérèglement climatique.

    pas lutte contre le dérèglement climatique anthropique?
    pas celui causé par la France?

    donc lutter contre…la chine par exemple..

  • La Constitution a pour raison d’être de fonder le fonctionnement des institutions de l’État, ce sont les statuts de notre société, il faut cesser d’y inscrire tout et n’importe quoi, et surtout pas des déclarations potestatives qui donneraient lieu à des interprétations aléatoires du Conseil constitutionnel.
    En l’espèce, Macron savait parfaitement que sa démarche référendaire n’aboutirait pas, elle avait pour seul but de faire croire aux participants à sa convention climatique gadget qu’il aurait tout essayé, que sa bonne volonté est entière puisqu’il voulait constitutionnaliser l’écologie, quel bluff ! Décidément, ce quinquennat (ne) restera (pas) dans l’histoire comme une campagne électorale démagogique permanente

  • On joue sur des mots mais cela ne change en rien la politique du gvt. Que cela fut dans la constitution ou pas, on aura encore des milliers d’éoliennes les gens n’auront plus le droit de se déplacer ils ne mangeront que ce que le parti decidera, pour le boulot…. Je ne sais pas ce que peuvent faire des illettrés affamés, du jardinage peut être.

  • Exactement, l’IPCC est un organisme politique et non scientifique. Le sujet sur le quel il « travaille » est biaisé à la base, puisqu’il postule : 1) un réchauffement du climat, 2) que ce réchauffement est causé par les activités humaines. Un organisme scientifique aurait posé les questions : 1) y a t-il un réchauffement climatique ? 2) si oui, est-il causé par les activités humaines ? Cet organisme est effectivement la plus grande arnaque de tous les temps (bientôt rattrapée par celle du Covid)

  • Bonne nouvelle, oui, vraiment

  • Analyse parfaite.
    Je me permets juste d’ajouter que je trouve ahurissant que la CCC présentée comme moyen de clore la crise des GJ n’a en réalité fait que remettre de l’huile sur le feu. La plupart des propositions sont de même nature que ce qui a fait occuper les ronds-points, à savoir les 80 km/h, la taxe carbone et le durcissement du contrôle technique.

  • Le fanatisme se nourrit dans l’assiette de la subordination.

  • La décroissance n’est pas une option, c’est une obligation pour éviter le chaos. La transition énergétique est une impossibilité physique donc une grande arnaque (loi de la conservation d’énergie). la technologie aura toujours besoin de ressources minérales et d’énergie. Toutes nos activités nécessitent de pétrole même les transformations énergétiques, le vent est renouvelable, mais pas l’éolienne. (minéraux, fabrication, transport, installation et maintenance et je ne parle pas des lubrifiants et isolants des câbles). Cela fait 34 ans que nous trouvons moins de pétrole que nous en consommons, en 2016, 2,8 milliards de barils pour 35 milliards de conso. 2017 à été encore pire. La transition énergétique se fera naturellement en retournant vers 1800, mais bien sûr avec certainement moins de 1 milliard d’individus sur la planète ! Moi aussi j’aime tordre le cou aux politiques, aux journalistes et aux économistes que ne comprennent rien à l’énergie, grandeur physique qui répond à des lois qui ne peuvent pas être contournées !
    http://www.aspo.be/lunion-europeenne-risque-de-subir-des-contraintes-fortes-sur-les-approvisionnements-petroliers-dici-a-2030-une-analyse-de-the-shift-project-juin-2020/

  • Vous devriez vous demander pourquoi cette assemblée, vote de cette manière ! En quelques jours des spécialistes des sciences du climat, de l’énergie, des ressources renouvelables ou non, de l’économie circulaire, etc.… ont décrit une grande fresque de notre civilisation et de ses limites. Que savez-vous des limites de notre planète, pour avoir une opinion de cette assemblée ? Critiquer sans savoir est facile, renseignez-vous !!!!

  • Les économistes se posent des questions dont les énergéticiens ont les réponses depuis longtemps, mais comme les matières premières et l’énergie en quantité n’ont jamais été intégrées aux théories économiques, alors que notre système productif n’est rien d’autre que la transformation de matières premières grâce à l’énergie, l’ingénieur voit des quantités, les économistes des prix qui ne donnent pas d’indication sur les stocks restants, ni les rendements décroissants qui affectent toutes ces matières. Puisque aujourd’hui se sont les machines qui consomme de l’énergie, plus de 500 fois l’énergie humaine en France, la variation du PIB peut très bien se mesurer grâce à la consommation d’énergie et dons de CO2, même avec une efficacité qui s’améliore de 1 % par an, la constatation est que l’Europe à perdue 1,6 Million de baril de pétrole consommé par jour entre 2006 et 2017. 2018 a amorcée une petite récupération. Cela fait 34 ans que nous trouvons moins de pétrole que nous en consommons, en 2016, 2,8 milliards de barils pour 35 milliards de conso. Les années de 2017 à 2020 sont encore pire. Toutes nos activités dépendent du pétrole. Il serait bon de revoir toutes les théories économiques pour se préparer non plus à la croissance mais à la décroissance.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

« Depuis des semaines, la loi immigration a été tricotée, détricotée et à l’arrivée, tout le monde la trouve moche. Finalement, cette loi, c’est un peu un pull de Noël. »

Ce bon mot de l’humoriste Philippe Caverivière sur France 2 samedi soir résume parfaitement le sac de nœuds – ou de laine – qu’est devenu ce qui devait être un des piliers du second quinquennat Macron.

Lors de mon dernier billet sur le sujet il y a maintenant plus d’un mois, nous nous étions quittés sur le texte voté par la majorité Les Républicains au Sénat, c... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles