« France, démocratie défaillante » de François Garçon

Pour changer durablement, la démocratie française doit s’inspirer de ce qui se fait à ses portes : la Suisse n’est sans doute pas la pire des muses.

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« France, démocratie défaillante » de François Garçon

Publié le 21 avril 2021
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Les Gilets jaunes ont été le révélateur de la coupure entre les citoyens et l’élite administrative, à laquelle est reprochée le déluge de mesures vexatoires prises en méconnaissance complète du terrain.

Cette élite, que François Garçon qualifie de scolaire se recrute essentiellement en France dans trois grandes écoles : ENA, Polytechnique et HEC. Hors des diplômes délivrés par ces établissements, il n’y a effectivement point de salut.

Pour y être admis, il faut devenir une bête à concours et en réussir un, ce qui signifie qu’il faut bachoter dans une classe préparatoire et connaître les codes sans lesquels il est quasiment impossible d’être en conformité avec ce que la caste attend.

Dans ces écoles que le reste du monde n’envie pas à la France et qu’il ne copie d’ailleurs curieusement pas, « on n’étudie pas pour apprendre mais pour décrocher une décoration », qui permet au titulaire de faire partie des meilleurs, et à vie :

En France, l’éprouvante épreuve initiatique à vingt ans, non seulement forme mal mais, parce qu’elle accorde une rente, incline à la paresse.

L’arrogance consubstantielle de ces meilleurs va de pair avec les résultats médiocres qu’ils obtiennent quand des moyens illimités sont mis à leur disposition à la tête de grandes entreprises ou de l’État. L’auteur en donne moult exemples.

C’est pourquoi il les tient en piètre estime :

La caste française parle beaucoup, et jamais ne paraît douter. Elle sait tout, car on lui a appris à mémoriser. À mémoriser et à classer, mais pas forcément à beaucoup réfléchir par elle-même.

Cette caste se croit supérieure : « l’élite scolaire française ne saurait puiser ailleurs que dans ses propres cerveaux. » Pas question pour elle de s’inspirer de ce qui se passe dans les pays voisins. Ce serait à eux de suivre leur « originalité baroque ».

S’inspirer de la Suisse

Pour ne pas être coupée des citoyens, cette élite – elle ne le fera cependant pas – devrait s’inspirer de la Suisse, où la démocratie n’est pas défaillante mais est, au contraire, un facteur aussi bien de cohésion sociale que de stabilité politique.

En Suisse, « démocratie représentative et démocratie directe ne s’excluent pas mais s’épaulent, la seconde confortant la première. » Sans doute est-ce parce que les citoyens suisses ont une longue et régulière pratique des droits référendaires.

L’auteur détaille les trois modalités de ces droits que les citoyens suisses exercent aux niveaux communal, cantonal et fédéral et qui correspondent à une subsidiarité ascendante, bottom up, tandis que la gouvernance française est top down :

Les majorités de droits référendaires ne sont pas tyranniques car elles sont diverses, imprévisibles et se décomposent dans la minute qui suit le résultat du vote.

La décentralisation suisse ne nuit pas à l’unité du pays et se traduit par une bénéfique concurrence intercantonale :

Que vaut l’unité d’un pays si celle-ci ne tient qu’à ses gendarmes et à l’usage massif d’une manne publique non financée ?

La démocratie représentative l’est vraiment en Suisse parce que les élections se font à la proportionnelle et que tous les citoyens sont effectivement représentés. Mais du fait des droits référendaires, les élus se gardent de légiférer à tout-va.

De toute façon il faut des années pour élaborer une loi qui doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, le Conseil national, qui représente la population, et le Conseil des États, qui représente les cantons et demi-cantons.

Le dernier mot revient toujours aux citoyens qui disposent des droits référendaires. Pour autant :

La démocratie directe ne fragilise pas les élus : elle les remet simplement dans les clous, quand une majorité d’électeurs l’estime nécessaire.

Une autre caractéristique de la démocratie en Suisse est que les sept membres du Conseil fédéral sont élus par le Parlement mais ne sont pas révocables par lui. Et, inversement, les assemblées ne sont pas révocables par le Conseil fédéral.

D’un côté, la France dysfonctionne avec son économie administrée, sa gestion centralisée, les rentes qu’elle verse à ses hauts fonctionnaires, son élite scolaire hors sol, confortée par les médias. De l’autre, la Suisse performe.

Conclusion

Pour changer durablement et dans la bonne direction, la démocratie française doit […] s’inspirer de ce qui se fait à ses portes : la Suisse, avec ses droits référendaires, sa subsidiarité en acte, ses citoyens vigilants et son obsession du compromis, n’est sans doute pas la pire des muses.

 

France, démocratie défaillante François Garçon – 416 pages

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  • On est souvent confronté à cet argument qui prétend que ce qui est possible en Suisse ne l’est pas en France, à cause de la taille relative de ces 2 pays.
    Il me semble que plus que sa géographie, c’est l’égalitarisme forcené de son peuple qui rend cette idée non envisageable en France.

    • et si Marx et ses avatars étaient supprimés de l’ENA ?

    • Exact. En fait ce n’est pas la taille relative des 2 pays qui est en cause mais la mentalité du français vs celle du suisse.
      La plupart des français ne se sentent concernés par rien si ce n’est leur bien-être personnel et l’état entretient cela par son assistanat permanent qui n’incite pas les gens à se responsabiliser et entreprendre mais plutôt à se laisser vivre et profiter de tout ce qu’ils peuvent toucher de subsides.
      Bien sûr tout le monde n’est pas ainsi mais il est tellement plus facile de se laisser tirer vers le bas que par le haut.
      Cependant notre pays en est arrivé à un tel niveau de déliquescence qu’il me semble quasiment impossible de de le redresser, si tant est qu’il y ait une volonté suprême de le faire.

    • La mentalité d’un peuple est elle même déterminée par sa géographie….

  • J’ai hâte d’avoir en France les résultats aux référendum suivants:
    – SMIC à 2000€
    – super-taxe pour les riches
    – congés payés de 6 semaines
    – RSA à 1000€
    – règle d’or budgétaire
    – fermeture des centrales nucléaires

    À mon avis, ça donnera « oui » à tout sauf pour la règle d’or budgétaire.
    En vrai, on a le gouvernement qu’on mérite…CPEF

  • Analyse indigente de mon point de vue.
    D’abord parce qu’elle ne tient aucun compte des différences de mentalité entre les peuples suisse et français qui ne sont pas près de se ressembler.
    Ensuite parce que mettre dans le même sac les ENA,X,HEC c’est mélanger les torchons et les serviettes, confondre le bavardage et la raison.
    Nos (vraies) grandes écoles ne sont que la contrepartie d’une université publique interdite de sélection accueillant jusqu’aux illettrés du BAC moderne et sont juste le nécessaire équivalent des universités prestigieuses de nos voisins.
    Les referenda, ça peut fonctionner harmonieusement dans la fédération helvétique, en France c’est du nivellement par le bas et, élite ou pas, il serait opportun de réinjecter un peu des compétences perdues dans les allées du pouvoir.

    • La Suisse ? Quelle Suisse ?

      Les cantons alémaniques sont excédentaires, les Romands déficitaires;

      c’est pas la politique qu’il faut changer, c’est la langue…

      Je dis ça, je dis rien; enfin si, depuis que nous parlons français en Alsace, nous sommes largués à des lieues de nos cousins Badois et Bâlois !

      Elsàss frei !

      • il n’y a plus qu’à être frontalier !

      • @ Leipreachan
        Il faut beaucoup d’expérience et d’objectivité à un francophone pour comprendre à quel point ce que vous dites est juste. C’est difficilement à la portée d’un Français de moins de 50 ans car il est encore trop conditionné par sa langue maternelle.

        La réalité que vous soulignez est que la langue française s’avère être un handicap pour le développement de l’intelligence de ses locuteurs. Construite à partir d’un latin dégradé, elle n’en a pas les qualités.

        Au vu des résultats, il ressort clairement que les langues germaniques construisent des intelligences augmentées et que la langue française construit des intelligences diminuées.

        D’autres langues construisent des intelligences augmentées et d’autres langues construisent des intelligences diminuées. Les résultats sont suffisamment parlants pour que chacun d’entre nous puisse nommer celles qui exercent une bonne ou une mauvaise influence dans la réussite des sociétés qu’elles façonnent.

        Conclusion : je suis parfaitement d’accord avec vous pour dire que la révolution que nous avons à faire n’est pas politique, elle est linguistique. Cela permettra de structurer des cerveaux plus aptes à l’intelligence des situations et le reste suivra.

        C’est d’ailleurs une révolution qu’ont su faire les Chinois en faisant bénéficier leurs populations de l’apprentissage d’une langue germanique (l’Anglais) dès la maternelle. Comme ils ont pris cette décision depuis maintenant plusieurs générations, leur intelligence en a d’ores et déjà été augmentée, ils sont devenus moins copistes et plus créatifs, et les résultats commencent à se voir dans l’accroissement de leur prospérité.

        • S’il paraît possible en effet que la pratique de langues à déclinaisons (allemand, latin, grec …) développe certaines facultés mentales subtiles, vos croyances me paraissent quelque peu shématiques …

          • Forcément dans le format d’un commentaire tout propos ne peut avoir qu’un caractère schématique et ne parler qu’à ceux qui ont déjà une idée du problème.

            • Au surplus, la profondeur des observations que Leapreachan prend la peine de faire régulièrement devraient inciter à une prise de conscience et à un débat plus sérieux. Si ce site ne peut pas en être le lieu, ce travail nécessaire peut se faire ailleurs.

        • Merci Virgin,

          mon propos est déduit de mon expérience professionnelle.

          Totalement autodidacte, j’ai fini, aujourd’hui à la retraite, par parler, lire, écrire avec plus ou moins de ‘skills’ le Français, l’Allemand, l’Italien, l’Anglais (US ou British), le Portugais, le Néerlandais et l’Espagnol.

          A cela je dois ajouter le dialecte alsacien (alémanique ou francique), véronais, suisse allemand, le badois, le platt du nord de l’Allemagne (niederdeutsch), ou même le galicien.

          Tout cela appris en 40 ans de séjours professionnels et privés dans les pays concernés, avec juste un certificat d’études.

          Je crois sincèrement que la sémantique des différentes langues a une influence directe sur le comportement.

          Un exemple ?

          J’ai testé il y a de nombreuses années un truc tout simple avec mes enfants.

          Je leur ai appris à passer avec un caddie dans une allée surchargée d’un hypermarché.

          Quand vous dites ‘excusez-moi’, les gens prennent l’air surpris et s’écartent en disant ‘pardon’ avec un timide sourire.

          Quand vous dites simplement ‘pardon’, non seulement vous êtes la plupart du temps obligé de répéter, mais les gens s’écartent de mauvaise grâce, vous toisant d’un oeil noir…

          Pourtant on pense dans les deux cas avoir été poli, mais le ressenti par les autres n’est pas le même.

          Alors vous imaginez dans des langues différentes !

          J’ai moi même mis un temps (malgré mon enfance alsacienne) pour comprendre que le ton direct des germanophones n’était pas un manque de respect…

  • C’est un coup d’Etat qu’il nous faut dans un premier temps

  • Très bon article, malheureusement en france cela ne sera jamis une copie de la démocratie suisse. malgré le fait que c’est un pays avec des certains pouvoir aux cantons, qu’ils ont trois langues, quatre avec le romanche, et des affinités entre canton très éloignés, mais cela marche. chez nous il faudra, tâche ardue s’il en ait , lutté contre cette dérive cancéreuse, le pouvoir pris par la nomenclatural des hauts fonctionnaires. pouvoir que les différents gouvernements décrient mais en douce choient . à l’auteur vous avez oubliez l’école normale supérieure que notre bien aimé monarque a raté .

    • La crise actuelle montre que nos élites ne brillent pas par leur intelligence et que les populations qui cohabitent sur le territoire ne valent pas mieux. Une solution tentée a été de remplacer une population par une autre ou de mélanger des populations différentes supposées complémentaires, mais cela ne marche pas.

      Un immigré lucide aujourd’hui vous dira qu’il n’a aucun avenir en France car l’État ne veut pas que la population évolue. Ce qui vaut pour la population en général vaut pour lui en particulier. Quels que soient ses efforts, ils sait qu’ils seront toujours mis en échec par des pouvoirs publics qui ont besoin d’une population médiocre pour justifier leur mode de fonctionnement. L’iommigré en question pourrait être une chance pour la France, mais la France n’est pas une chance pour lui comme elle ne l’est pas pour les natifs de plus longue date.

      Pourquoi une mentalité dominante aussi désastreuse dans ce pays car elle voue ses habitants à une médiocrité ambiante sans cesse recommencée?

      Mettre en cause la langue française, et sa mauvaise influence dans la construction des cerveaux, est une option à examiner sérieusement pour développer un potentiel d’intelligence humaine clairement étouffé dans l’ensemble des populations qui vivent en France et à tous les niveaux.

      Si l’intelligence sur ce territoire est vouée à n’être que mafieuse, non merci, nous avons mieux à faire. Et s’il faut en passer par l’apprentissage d’une autre langue pour mieux structurer nos cerveaux, il faut le faire.

      Nous n’avons pas besoin de politiques qui ânonnent des discours à dormir debout. Des linguistes nous aideraient à être mieux outillés intellectuellement pour résoudre nos problèmes et mieux évoluer.

      • PS En ce qui concerne les arabophones, beaucoup commencent à comprendre que, pour faire évoluer le cerveau de leur descendance, ils ont intérêt à faire l’impasse sur le français et à passer directement à l’anglais.

  • Bon, au même titre que l’Alsace s’est maquée avec la Sarre pour faire une eurorégion, chère à la Commission européenne, on pourrait joindre la Franche-Comté à la Suisse, le Nord Pas de Calais avec la Wallonie, la Savoie avec le Piémont, laisser les basques se regrouper comme ils le demandent depuis longtemps, la Bretagne autonome, etc… On en finirait peut-être avec le centralisme français poussé à son extrême dont on voit chaque jour les effets pervers et destructeurs. Et peut-être aurait-on des dirigeants un peu moins cons puisque plus proches.

    •  » I have a dream « …

      La Romandie à la Franche-Comté ça aurait de la gueule, puis la Catalogne unifiée, et puis et puis…

      petite rectification, l’Alsace avec le Pays de Bade et la Moselle avec la Sarre, ou même les quatre réunis.

      En temps qu’Alsacien, j’aimerais tellement que la Moselle se joigne à nous, tous unis dans le droit local 🙂 🙂

      Hoppla !

      • @Leipreachan Je suis Mosellan et je suis totalement d’accord avec vous. Je rêve parfois que nous rejoignions l’Alsace afin de créer un Etat indépendant entre la France et l’Allemagne…

        Elsaß-Lothringen ! Frei von Französischer Knechtschaft !

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