L’ENA, les grandes écoles et la formation des élites françaises

Comment sont donc formées les élites françaises à l’ENA ?

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L’ENA, les grandes écoles et la formation des élites françaises

Publié le 17 avril 2021
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Par Yves Montenay.

Le président Emmanuel Macron a annoncé le 8 avril 2021 la suppression de l’ENA, ou plus vraisemblablement sa transformation.

Les grandes écoles françaises sont internationalement réputées, mais pas l’ENA. Pourquoi ? À mon avis parce que les défauts secondaires des grandes écoles françaises sont amplifiés à l’ENA, et dans quelques écoles sœurs, par le cocon de la fonction publique française.

Or à mon avis, l’essentiel est de s’assurer de la bonne formation des élites françaises.

La réputation mondiale des grandes écoles françaises

À 18 ans, la sélection française par les mathématiques m’a orienté dans les classes préparatoires scientifiques d’un bon lycée de province, lesquelles m’ont mené à l’École Centrale de Paris, puis à Sciences-po, qui ne voulait pas être nommée grande école mais qui l’était néanmoins.

À cette époque, ce système franco-français était totalement ignoré à l’étranger. Mais la mondialisation et un effort de communication ont renversé la situation en quelques décennies et on a vu apparaître d’anciens diplômés de nos grandes écoles dans les états-majors d’entreprises mondiales prestigieuses. Leur réputation a rejoint celle des meilleures universités américaines, japonaises, elles aussi particulièrement élitistes.

En revenant à notre sujet de la meilleure formation possible des élites françaises, une question se pose à ce stade : est-ce la qualité des élèves sévèrement sélectionnés qui leurs assurent ces débouchés, ou est-ce la formation reçue ?

Pour éviter ce délicat problème, dont je suis bien conscient qu’il est une critique indirecte de certains enseignants, la réponse classique est que ce sont les deux. Mais ayant fréquenté, comme élève puis comme enseignant, une demi-douzaine de grandes écoles, dont Sciences-Po et l’ESCP, tout en côtoyant de nombreux universitaires traditionnels, j’ai tendance à opter pour la première formule.

En effet les enseignants de grandes écoles rencontrés étaient de niveau analogue, et donc inégal, à ceux de l’université… ou alors ils n’étaient pas comparables, s’agissant de cadres supérieurs consacrant quelques heures à l’enseignement basées sur leur expérience professionnelle.

D’ailleurs la pression des classements internationaux sur les grandes écoles les pousse à recruter des enseignants ayant des titres internationalement reconnus (doctorat…), ce qui est peut-être dommage, ces titres n’étant pas forcément un bon indicateur de la connaissance du terrain professionnel qui attend les élèves.

Pour éviter tout soupçon de partialité, je précise avoir été recruté pour les deux raisons, doctorat et expérience opérationnelle en entreprise, dans les écoles ci-dessus.

On peut considérer que cet enseignement en grandes écoles est dans l’ensemble efficace du fait de sa sélection tant pour les débouchés professionnels que pour l’avancement de la recherche, et qu’il remplit donc certains critères d’une bonne formation des élites françaises. Il est donc en première approximation méritocratique, par opposition au favoritisme.

On pourrait préciser qu’il faut néanmoins l’insérer dans un écosystème, comme vient de l’illustrer la mise au point rapide des vaccins coordonnant étroitement la puissance industrielle, financière et en recherche et développement des grandes entreprises pharmaceutiques, la recherche universitaire et des jeunes startups permettant de trouver des raccourcis innovants.

Et il convient par ailleurs d’ajouter qu’il faut sans cesse veiller à ce que le vieillissement du système ne finisse pas par barrer la route à d’autres méritants. Nous y reviendrons plus bas.

En attendant, l’actualité nous mène vers le cas de l’ENA.

Le cas particulier de l’ENA

Notre président est un ancien élève de l’ENA et veut néanmoins supprimer cette école, ou du moins la transformer profondément. Comme par ailleurs il est profondément imprégné de la tradition jacobine française du gouvernement par le sommet, donc par la haute administration largement issue de l’ENA, il a tendance à attribuer les ratés de sa gouvernance à des défauts de leur formation.

Il ne lui vient pas à l’esprit qu’il existe une autre façon de gouverner, qui est pourtant en place dans un pays voisin, la Suisse.

La Suisse est peut-être le pays le mieux géré du monde et les décisions s’y prennent au niveau le plus bas possible, souvent municipal. Vous pouvez le vérifier en Suisse en demandant autour de vous qui dirige la Suisse. Personne ne le sait. Insistez : « qui est président ? Qui est Premier ministre ? ». On ne le sait pas, on ne parle jamais du sommet de la Confédération helvétique, puisque ses dirigeants n’ont aucun pouvoir.

Cette primauté de l’État n’est pas reprochée à Emmanuel Macron par la majorité des Français qui trouvent cela naturel. C’est donc dans ce cadre qu’il faut analyser notre système d’utilisation des élites.

Une formation inadéquate

Comment sont donc formés les énarques ?

Ils apprennent le droit administratif, ce qui paraît naturel pour exercer dans la fonction publique, mais c’est une compétence limitée par rapport au rôle plus général que beaucoup assument par la suite. Il y a certes eu quelques ajustements, comme le stage en entreprise privée ou en préfecture.

Mais, comparé à Sciences-po, Centrale, l’ESCP, ou d’autres écoles moins prestigieuses, pour parler de ce que je connais directement, cela reste très spécialisé.

Par ailleurs les études sur l’ENA, qui se sont accumulées depuis des décennies, insistent sur l’aspect pervers du classement de sortie : si l’on est classé parmi les 15 premiers environ, on aura accès directement aux grands corps que j’évoquerai après, et donc une carrière bien meilleure que celle des suivants. Il en résultait un bachotage effréné, peu propice à la réflexion, si on en croit ces études rédigées le plus souvent par d’anciens élèves.

L’ENA a des caractéristiques proches d’autres écoles prestigieuses.

Je pense à Polytechnique et à l’École normale supérieure, qui ont en commun avec l’ENA de transformer les étudiants en fonctionnaires payés dès leur entrée dans leur école et de donner une grande importance au classement de sortie, notamment à Polytechnique où l’on a accès à d’autres grands corps à condition d’être classé parmi dans les tout premiers.

N’oublions pas non plus les autres écoles de fonctionnaires : ENAC, école nationale de la Météorologie, école de l’Équipement, école nationale de la Magistrature… Cette dernière pose d’ailleurs à mon avis un problème particulièrement important.

Rajoutons que Polytechnique, comme l’ENA, a longtemps donné une formation principalement scientifique qui ne correspond souvent pas aux fonctions où l’on trouve plus tard des anciens élèves. Heureusement, comme dans la plupart des écoles d’ingénieurs, ces programmes se sont légèrement diversifiés.

Par ailleurs, après les trois années de scolarité, est prévue une année d’application dans d’autres grandes écoles correspondant au corps de sortie (Les mines, Les ponts, l’ENSAE…).

Ayant eu à enseigner l’économie à des Polytechniciens de l’ENSAE, je peux témoigner de la grande difficulté à les faire sortir des modèles mathématiques de l’économie.

Certes, toute personne intelligente et ouverte peut utiliser l’expérience concrète pour dépasser les limites de la formation. Mais intervient alors un deuxième défaut, la diplômite et ses conséquences.

La diplômite, l’entre-soi et l’esprit de corps

La diplômite est une sorte de déformation mentale qui classe les individus ont fonction de leur diplôme.

L’importance que l’on donne en France (et dans d’autres pays, notamment au Japon) à tel ou tel diplôme, confère des droits professionnels du fait du rôle des anciens mais aussi de règlements administratifs dans le cas des fonctionnaires. Et cela même si le poste en question ne correspond pas à la formation reçue.

J’y ai été confronté dans ma carrière professionnelle, sous une forme anodine d’abord. Un polytechnicien me disait : « Nous recrutons d’autres polytechniciens car nous nous comprenons à demi-mot, ayant la même formation et les mêmes habitudes ».

Plus tard, les folies fiscales de Mitterrand ayant obligé les propriétaires de notre entreprise à vendre leurs parts pour payer leurs impôts, nous avons été rachetés par un grand groupe. J’ai alors découvert que la direction du groupe appartenait au Corps des Ponts, ensemble des polytechniciens ayant, du fait de leur classement à la sortie de leur école, choisi de faire leur année d’application dans l’école des Ponts et chaussées.

Cela a été l’occasion de découvrir que « le corps constitue l’unité de base de la gestion de carrière des fonctionnaires, bénéficie d’un statut particulier et attribue à chacun un grade à l’intérieur de ce corps » (Viepublique.fr).

Le corps est administré par une sorte de direction des ressources humaines et je fus témoin de bizarreries du genre : « On va vous donner Dupont comme adjoint, car il faut le garder en réserve pour sa nomination dans tel poste de la haute fonction publique quand  ce sera le tour du corps de l’occuper ».

Plus tard, j’ai été chapeauté par une autre personne du corps des actionnaires, totalement ignorante de notre métier : « Ne le prenez pas mal, ce camarade a eu des malheurs professionnels et nous ne voulons pas qu’il termine sa carrière sur cette mauvaise passe. Il lui faut un poste prestigieux, mais rassurez-vous il ne vous dérangera pas ».

Bien entendu, pris par le vertige du pouvoir, ce vieux camarade de nos actionnaires a ensuite expliqué aux journalistes que tous les succès de l’entreprise provenaient de son action personnelle, alors qu’il ne la connaissait même pas la veille. Pour ne pas trop m’éloigner de notre sujet, je passe sur les décisions catastrophiques qu’il a ensuite prises…

De la même façon, on peut évoquer les dégâts apportés par le débarquement des énarques dans certains grands groupes français. On y retrouve les mêmes mécanismes de nomination entre soi, sans considération de la compétence des responsables de terrain non diplômés ou autrement diplômés.

Avec souvent, la catastrophe finale : le grand public se souvient de Jean-Marie Messier qui avait comme seule expérience son passage au ministère des Finances où il a participé au mécano financier, c’est-à-dire qu’il participait aux négociations de regroupements entre grandes entreprises, et parfois les suscitait. Bref, il n’avait qu’une vue financière, et non industrielle, et des grands dirigeants d’entreprise lui faisaient la cour.

Une fois parachuté à la tête de la très ancienne et très puissante compagnie Générale des Eaux, il a été surnommé « J6M » (Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du Monde). Il débarqua en conquérant en Amérique du Nord, où les Américains n’avaient aucune raison de lui faire la révérence. Ce grand groupe français a failli disparaître.

Mon expérience a maintenant plus de 30 ans, et j’espère que dans le secteur privé la pression de la mondialisation a obligé à diversifier le profil les dirigeants. La lecture des journaux économiques semble confirmer cette impression.

C’est évidemment dans ce contexte que l’on peut évoquer les projets du président Macron, sensibilisé aux inconvénients du système : « on ne pourra plus intégrer le conseil d’État, la Cour des Comptes des inspections à 25 ans (c’est-à-dire à la sortie de l’ENA dans le système actuel), mais après s’être distingué par des résultats concrets ». Donc à l’opposé des postes prestigieuses à vie automatiquement attribués au vu des résultats scolaires de la jeunesse.

Naturellement ce projet de réforme a déclenché un contre-feu des intéressés que je résume par : « si ce n’est plus le classement de sortie qui permet de choisir son  corps, les nominations seront donc politiques et la neutralité de la haute fonction publique sera menacée ».

Dépassons maintenant ces querelles qui agitent ces quelques milliers d’anciens élèves pour revenir à notre question initiale : la constitution des élites françaises.

Nos élites sont-elles bien choisies ?

Traditionnellement, nos élites ont été formées par les grandes écoles ci-dessus, censées former des fonctionnaires, militaires dans le cas de Polytechnique, enseignants dans le cas des Écoles normales supérieures.

Mais le prestige dont bénéficie l’État en France les a fait déborder de cette fonction et de nombreux cadres supérieurs et dirigeants d’entreprise en sont maintenant issus, pour le meilleur comme pour le pire.

De nombreuses études ont insisté sur l’étroitesse du recrutement social de cette élite.

Il est effectivement humainement normal que ceux qui connaissent bien le système, c’est-à-dire principalement les enseignants et les anciens élèves, guident leurs enfants et leurs donnent les meilleures chances d’accéder au sommet de la pyramide sociale.

Venant d’une famille d’autodidactes j’ai été particulièrement sensible au fait de ne pas être informé, ce qui contrastait avec la plupart de mes camarades. J’ai profondément ressenti ce handicap.

Un exemple concret récent me renforce dans cette analyse : l’ENA a imposé une épreuve d’anglais obligatoire pour le concours d’entrée, mondialisation oblige, dit-on.

Mais en pratique cela signifie que ceux qui en ont la connaissance et les moyens vont envoyer leurs enfants en vacances dans les pays anglophones. Tant pis pour ceux qui ne sont pas informés, ou dont les parents n’ont pas les moyens, ou encore ceux qui se sont passionnés pour une autre langue étrangère.

S’intéresser à d’autres langues que l’anglais est pourtant également une illustration de leur aptitude intellectuelle et peut être utile dans leurs futures fonctions. L’administration et les entreprises françaises manquent ainsi cruellement de bons locuteurs d’arabe et de mandarin.

Pourquoi ne pas faire de cours de rattrapage d’anglais APRES le concours ?

Heureusement, il n’y a pas que l’ENA et ses sœurs. Il y a aussi les autres écoles. Je peux témoigner du succès des anciens de Centrale, de Sciences-po et des grandes écoles de management dans le monde entier.

On peut faire hardiment carrière n’importe où dans le monde sans avoir le  parachute de retour dans le corps d’origine, comme Pascal Sorriot le patron français de l’entreprise AstraZeneca, vétérinaire de la prestigieuse école de Maisons-Alfort et titulaire d’un MBA d’HEC.

Outre les grandes écoles, il y a également certaines branches de l’université, la médecine, le droit…

Il y a aussi, me direz-vous, des autodidactes. C’est de moins en moins vrai avec la massification de l’enseignement secondaire et supérieur en France.

Cette massification n’est par ailleurs pas une réussite et pèse sur le niveau d’une grande partie de l’université. Mais c’est un autre problème dont je vous parlerai dans un prochain article.

En conclusion

Finalement, les grandes écoles sont un actif pour la France et sélectionnent chacune à leur manière une tranche de notre élite.

Ce qui est regrettable, c’est l’interférence entre certaines, et surtout l’ENA, et le système français sur-administré qui a généré le phénomène des corps. Pourquoi l’administration ne ferait-elle pas comme les entreprises, c’est-à-dire recruter des individus pour lesquels le diplôme ne serait qu’un élément parmi d’autres ?

La concurrence entre les écoles, le meilleur de l’université, voire de l’étranger, les ferait évoluer.

Bien sûr le système des élèves devenant automatiquement fonctionnaires et abrités pour la vie devrait cesser. De nouvelles écoles et universités apparaîtraient spontanément.

Souvenons-nous que Centrale et Sciences-po étaient privées avant d’être nationalisées !

Sur le web

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  • J’ai travaillé dans une administration centrale où nous gérions des risques. Nous étions (seulement) deux rebelles dans cette institution, qui posions régulièrement la question : pourquoi ? Pourquoi nous étions les derniers de la classe européenne, pourquoi nous ne bougions pas ? Nous avons fini chacun dans un placard. Notre point commun ? Lui a passé toute sa jeunesse en Afrique, et de mon côté j’ai quitté les bancs de l’école à 15 ans. Nous n’étions pas formatés, ou si nous l’étions c’était par les valeurs inculquées par nos parents. J’ai travaillé avec des grosses têtes, des X… Ils étaient très forts, mais à quoi servent ces talents quand ils ne sont que des bons petits soldats, toujours le petit doigt sur la couture du pantalon, incapables de remettre en cause le moindre dysfonctionnement ?

    • il n’y a quasiment personne dans l’Administration qui se pose la question du pourquoi il fait telle ou telle chose… Cela montre le bas niveau d’intelligence de notre Administration.
      Une seule solution : la réduire au minimum

      • Le rôle de l’Administration, même avec son A majuscule, n’est pas de réfléchir mais d’exécuter les décisions de l’étage au dessus. Pas de commander mais d’obéir. S’astreindre à choisir les dirigeants parmi les secrétaires n’est pas une stratégie optimale.
        C’est curieux comme les noms de certaines Grandes Écoles débordent de modestie: Normale sup, Centrale, ÉNA.

        • Je ne suis pas d’accord. La théorie voudrait que les fonctionnaires appliquent les décisions des élus. La réalité est tout autre. Comme les ministres et élus passent et que les hauts fonctionnaires demeurent, ce sont eux qui font la politique, le plus souvent. Si une décision leur déplait, ils font traîner les décrets d’application quand ils ne les rédigent pas dans un sens opposé à la volonté de l’assemblée nationale (qu’elle ne soit pas représentative est un autre débat).
          Au fond, nous sommes gouvernés par des gens non-élus et ne faisant partie d’aucun gouvernement.

    • Ce sont de bons petits soldats en ce que les règles de l’avancement pour un soldat sont de satisfaire la hiérarchie et de préférer l’absence de défaite à la présence de victoires. Le remède serait de récompenser les succès, et de regarder surtout la dimension économique et financière pour définir le succès en question. Les Grands Corps sont simplement des voies normalisées d’avancement hiérarchique, il est primordial de les faire disparaître.

    • Et pan pour moi ! Les considérations d’Yves de Montenay, un des auteurs de Contrepoint que je préfère, viennent contredire mon point-de-vue dans l’avant-dernier article sur le sujet.
      J’avais estimé, que l’Énarchie contribuant à remplir les rangs des administrations préfectorales et de la justice administrative, ne pouvait être par conséquent, ni nulle, ni même quelconque, et que son remplacement n’étant que bonnet blanc contre blanc bonnet ne saurait être qu’une diversion politique de plus.
      Et bien j’y vais de mon nouveau petit avis génial : recentrer toute l’ENA à PARIS dans un pôle sciences administratives ET GESTION pour marquer le coup face à une Europe qui ressemble fort à une immonde bureaucratie sous influence… germanique.

  • En fait on n’a pas besoin d’élites, on a besoin d’entrepreneurs. Etre entrepreneur ce n’est pas une formation, mais c’est un état d’esprit.

  • Pour être passé par l’une de ces grandes écoles, je peux témoigner que leur principale fonction est la sélection sociale – qui laisse une large place à la REPRODUCTION sociale. Ce qu’on y apprend est anecdotique et ne sert pas à grand chose dès qu’on est lancé dans le monde professionnel.
    L’un des grands défauts du système est qu’il s’adresse uniquement à des jeunes sans expérience, sortis tout droit du lycée. Le modèle américain des MBA, qui donne une formation à des personnes qui ont déjà un vécu (quel qu’il soit) me semble plus pertinent.

    • Les tâches administratives, gestionnaires ou de commandement nécessitent en effet une expérience approfondie qui contredit la logique des Grands Corps, mais la résolution de problèmes techniques ou scientifiques ardus nécessite plutôt une imagination et une audace plus fréquentes chez des très jeunes qu’il serait dommage de faire traîner longtemps dans l’escalade hiérarchique avant d’exploiter leur talent désormais amorti, donc l’existence de Grands Corps techniques confiant des tâches essentielles à des gamins rigoureusement sélectionnés n’est pas absurde comme l’avait fort bien compris Napoléon.
      Ceux-ci ne sont certes pas parfaits mais il faudrait cesser de les affaiblir et bien réfléchir avant de les remplacer par n’importe quoi.

      • sauf que la règle principale de ces grands corps, c’est le conformisme. Face à un monde qui évolue vite, aucune chance de succès.

  • L’ENA forme nos hauts fonctionnaires qui ont le vilain défaut de constituer une caste qui vit dans l’administration pure et dure au-dessus des contingences du business et du pragmatisme des classes moyennes . La France qui critique si facilement l’UE est bien plus engoncée dans le fatras de règlements et papiers inutiles et improductifs (le code du travail p.ex.). Il n’est pas un règlement de l’UE ou une directive de l’UE auxquels nos chers énarques politiques n’ajoutent pas une couche supplémentaire pour ensuite se plaindre de ces bureaucrates de Bruxelles.

    • au moins à Polytechnique, on peut espérer que les élèves ont un esprit scientifique (doute).
      Rien de cela à l’ENA : c’est juste un fournisseur de rente à vie. Elle est donc à supprimer et vite.

      Avec la pauvreté de notre pays, il ne peut y avoir de système de formation alternatif qui émerge (à l’image des écoles hors contrat). Et c’est pourtant ce qui nous manque.

      L’Administration fait bien attention à préserver son monopole.

  • Mieux vaut les grands corps que la sélection au hasard comme à l’entrée à l’université. Je pense que le problème principal pointé par l’auteur est la corrélation nulle entre certains postes occupés et le profil des personnes issues de ces corps qui vont les occuper: problème de rh donc! Par ailleurs ce n’est pas un problème, selon moi, la formation « mathématisée » de l’X et de quelques écoles similaires (ENSTA, ENS, Supaero) ou des parcours orientés maths de certaines autres écoles comme Centrale, ENSAE, TELECOM Paris etc. Cela amène de la logique quand il en manque encore cruellement, surtout dans l’administration. Le problème est le choix de corps, privilégié sur les compétences et résultats (autre que d’avoir réussi à rentrer dans le corps en question).

    • « Cela amène de la logique quand il en manque encore cruellement, surtout dans l’administration. »
      Plus de d’accord. La formation littéraire pure faire des ravages.
      L’idéal étant une formation scientifique avec des qualités en « sciences humaines » (qui ne sont pas de la science).

  • De nos jours, la majorité des élèves qui sortent de Polytechnique vont dans des entreprises et pas dans les ministères. Il y en a même qui créent des startups dès la sortie de l’Ecole. Sous l’impulsion de la Direction de l’Ecole, qui est à la fois militaire et intelligente (!) l’enseignement s’est adapté à ces débouchés. Je le sais pour y avoir étroitement collaboré au titre de la Fondation de l’X, qui a pour mission de rapprocher l’X du monde des entreprises.

  • « Les grandes écoles françaises sont internationalement réputées,  »
    Ah bon?
    Voilà une affirmation qui sent bon la franchouillardise, excusez-moi.

    Elles sont où dans les classements mondiaux nos « grandes écoles françaises ».
    Que vaut à l’international un diplômé de Central, l’X, Supelec…etc? Dans un pays étranger, qui sera choisi en premier face à une formation identique issue de Cambridge, Oxford, Berkeley, Harvard, Stanford ou Singapour (et j’en passe)?

    Il y a 4 ans, des émissaires de Polytechnique (France) sont venus faire de la retape au lycée français de Singapour pour inciter les jeunes français y travaillant à venir faire des classes prépas en France et à tenter les grandes écoles française et l’X en particulier.
    Les pauvres! Avec un discours centré sur le prestige de l’X, son excellence (au niveau français)..etc Discours tenu à des jeunes qui avaient déjà à leur âge (et via leur parcours perso et celui de leurs parents) une vision internationale bcp plus développée que les « sachants » venus leur faire un beau discours au nombrilisme français exacerbé.
    Tous ces jeunes avaient déjà les yeux tournés vers les grandes facs étrangères. Le discours des envoyés de l’X est tombé complètement à plat et les a bien fait rire. Si au moins ils avaient axé leur discours sur cette fameuse « renommée à l’internationale » de l’X. Mais justement, ils ne le pouvaient pas.

    Pour info, le salaire brut moyen (en France) d’un jeune qui sort de Polytechnique, c’est 3900E/mois (soit 46900 brut/an). Celui d’un jeune qui sort d’une école d’ingénieur privée de bon niveau qui recrute après le bac, c’est 3300-3400E/mois. La différence n’est pas lourde.
    Un jeune sortant de l’Imperial College (qui n’est que la 4e ou 5e fac anglaise) avec une licence de math (3 ans donc contre 5 ans pour l’X) touche en moyenne 64000E/an 5 ans après avoir obtenu son diplôme. Alors certes, c’est 5 ans après (je n’ai pas le chiffre en sortie d’étude) mais je ne pense pas que bcp de polytechniciens voient leur salaire augmenter de 50% 5 ans après avoir été embauchés…

    Tant que la France (les français) se croira tjrs meilleure que les autres, rien ne pourra changer.

  • « S’intéresser à d’autres langues que l’anglais est pourtant également une illustration de leur aptitude intellectuelle et peut être utile dans leurs futures fonctions. »

    Je ne sais pas quelles « aptitudes » sont nécessaire à l’apprentissage des langues.

    D’une manière générale la connaissance de la culture d’un autre pays est surement plus propice que la grammaire apprise en cours et privilégiée dans l’évaluation. Le polyglottes vous diront qu’il n’y a pas de méthode sauf l’intérêt pour la langue, le pays, la culture qu’on apprend.

    Mais un gouvernant d’un pays tellement replié sur sa propre culture et son droit administratif nationnnal qu’il est incapable de comprendre d’autres langues et encore moins d’en saisir les nuances n’est pas apte à diriger un pays à l’ère de la mondialisation.

  • Ces grandes écoles franco-française forment de futures hauts fonctionnaires créateurs du mille feuilles administratif qui obère l’esprit d’entreprise . Aucun politicien ne gouverne. C’est l’Administration qui gère et peut défaire les esprits récalcitrants. Le problème c’est qu’aucune administration n’est redevable de comptes et que les errements ne sont pas sanctionnés. Suffit d’avoir la carte d’un parti. Dans le privé, c’est le monde réel et la chanson est toute autre en matière de responsabilité individuelle…..

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