Comment l’Occident a-t-il triomphé ?

« How the West won » constitue un intéressant outil de survie pour les téméraires qui souhaitent défendre les deux pestiférés de notre époque, le libéral et l’Occidental.

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Comment l’Occident a-t-il triomphé ?

Publié le 2 avril 2021
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Par Rodolphe van Cauwenberghe.

La domination romaine a nui au développement de l’Occident. Le Moyen-Âge n’a pas été une ère obscure mais une formidable période d’innovation technique. Le catholicisme a promu le capitalisme bien avant que la Réforme ne pointe son nez.

Voilà quelques-unes des thèses iconoclastes développées par Rodney Stark, professeur de sciences sociales au Texas, dans son livre How the West won paru en 2014. L’ouvrage constitue une véritable histoire libérale et chrétienne de notre civilisation.

Désunion, compétition, progrès

Rodney Stark ne voit pas d’un bon œil l’hégémonie de Rome. Selon lui, les Romains n’ont fait que reprendre certaines technologies grecques, sans vraiment les améliorer. Quand l’empire s’écroule, ce n’est que la structure politique qui disparaît, pas la civilisation. L’Europe se retrouve bientôt morcelée en une multitude de petites entités politiques indépendantes.

C’est la compétition entre ces entités qui stimulera le perfectionnement technologique, notamment dans l’agriculture.

Jusqu’alors, dans les domaines monastiques, les moines devaient produire tout le nécessaire à leur subsistance : nourriture, outils, habits etc. Avec la forte augmentation des rendements, ils purent commencer à se spécialiser dans l’une ou l’autre production et à s’en remettre au commerce pour leurs autres besoins. Après un temps, certains monastères ne produisaient que du vin, d’autres seulement des souliers…

Les profits s’accumulèrent sans que la conscience ecclésiastique n’en pâtît. En effet, peu après la conversion de l’empereur Constantin, les ascétiques avaient perdu leur emprise sur le clergé. Preuve en est donnée avec cet apophtegme de Saint Augustin : le prix d’un bien ne dépend pas uniquement de l’avis du vendeur mais aussi de l’importance que l’acheteur donne à ce bien.

Avec leurs bénéfices, les moines purent engager des travailleurs et se cantonner aux tâches de gestion. Les monastères devinrent ainsi des précurseurs des entreprises modernes, bien gérés et à l’affût des plus récentes innovations.

Christianisme et science

Les moines allaient aussi découvrir le temps libre, qu’ils pourraient consacrer aux tâches liturgiques, à l’enseignement des foules et à la recherche scientifique. Les écoles attenant aux monastères furent les embryons de plusieurs universités.

À la différence des anciens Grecs, les Juifs (et les Chrétiens ensuite) croyaient en un Dieu parfait, donc forcément logique, qui devait avoir organisé le monde selon des règles compréhensibles. Cette vision des choses encourageait les croyants à l’observation et à l’étude de tous les phénomènes naturels pour leur trouver des explications rationnelles.

Cette mentalité a perduré. L’auteur liste les 52 scientifiques les plus éminents des XVIe et XVIIe siècles. Parmi eux, une trentaine pouvaient être qualifiés de dévots. L’auteur ne relève qu’un seul sceptique avéré.

Quand on regarde leurs origines, on constate que l’Angleterre en a fourni le plus grand nombre. Mais pourquoi ?

Occident : la liberté comme clef de la puissance

Pour Stark, être le premier pays à découvrir une technologie n’est pas le plus important. Après tout, les Chinois connaissaient la formule de la poudre à canon bien avant les Occidentaux… mais ce sont ces derniers qui ont dominé le monde avec leurs armes à feu.

Ce qui importe, c’est d’être le pays le plus à même d’utiliser une invention largement, à grande échelle. L’Angleterre répondait très bien à ce critère grâce aux principes de la Grande Charte (1215), promulguant le respect des droits et des libertés sur l’ensemble du territoire.

Prenons comme exemple l’industrie du textile. Le foulage consiste à dégraisser les tissus et à resserrer leurs fibres en les battant avec des maillets. Au XIIe siècle furent inventés les moulins à foulons : un moulin hydraulique engrène sur une machine activant deux maillets, qui battent ainsi les tissus à grande cadence. Pour tirer parti de cette invention, les entrepreneurs du secteur ne craignirent pas d’aller établir des ateliers à la campagne, le long des cours d’eau.

En vertu de la Grande Charte, ils n’avaient pas à craindre d’être grugés par l’un ou l’autre seigneur local, comme cela aurait été le cas en France. C’est parce que les industriels du textile ont pu se disperser sur l’ensemble du territoire que l’invention s’est répandue dans le pays et a permis une première révolution industrielle en Angleterre.

Dans cette même conjoncture, les innovations dans l’industrie du charbon, en particulier les hauts fourneaux, ont rendu possible la maîtrise du fer, donc la création de canons et de boulets en grands nombres, qui allaient permettre de sécuriser les routes maritimes vers l’Asie et plus tard vers le Nouveau Monde.

Le commerce transatlantique enrichira les marchands au point de pérenniser l’établissement de la bourgeoisie. C’est de cette classe moyenne aisée que seront issus les grands inventeurs des siècles suivants, notamment ceux de la révolution industrielle du XIXe siècle.

Un outil contre la culture woke anti-Occident

De nos jours, dans les films et dans les discours d’une certaine gauche, il est de bon goût de présenter l’Occidental comme un être cruel et rapace, qui aurait malmené, asservi et corrompu des indigènes naïfs et pacifiques. Le professeur Stark profite de son voyage à travers l’histoire pour régler quelques malentendus en chemin.

Il rappelle notamment que, bien souvent, les « nobles sauvages » n’étaient absolument pas des clients, pratiquant eux-mêmes la colonisation, l’esclavage, le scalpage, le cannibalisme ou le sacrifice humain. Lors de l’inauguration de leur Grand Temple, les Aztèques sacrifièrent environ 20 000 personnes issues de peuplades vaincues. L’américaniste Michel Graulich avance même le nombre de 80 400 en trois jours.

Études à l’appui, Stark évoque les répercussions positives des actions de l’Occident dans leurs colonies, dans le domaine de la médecine, de l’instruction, de l’opinion (avec le développement des journaux locaux) et de la politique.

Renforcé par une épaisse bibliographie, How the West won constitue un intéressant outil de survie pour les téméraires qui souhaitent défendre les deux pestiférés de notre époque, le libéral et l’Occidental. Riche en propos insolites, c’est par ailleurs un livre agréable pour ceux qui aiment consolider leurs connaissances historiques en les revoyant sous un angle original. Apparemment, le livre n’existe qu’en anglais. Néanmoins, son contenu mérite bien les quelques recours au dictionnaire que sa lecture pourrait nécessiter.

Rodney Stark, How The West Won. The Neglected Story of the Triumph of Modernity, ISI, 2014, 561 pages.

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  • « gagner » je ne sais pas.. car après tout pour jouer il faut être deux..et que le jeu ait une fin..

    le fait est que le concept même d’individu avec des droits dont celui au bonheur prévaut presque partout maintenant.

    le problème est que nous avons toujours des gens qui essaient de JUSTIFIER la liberté individuelle en la présentant comme un moyen..

    dominer le monde n’etait pas le but..pas plus que la richesse..

    la chine va être en position de dominer le monde..

    il est aussi fort possible que certaines « dictatures » présentent des avantages en terme de développement économique ou tiens..sanitaire..

    un crétin libre reste un crétin..

    l’idée d’evaluer si ce qu’on pense est vrai..a permis pas mal de trus dans le domaine de la prospérité matérielle..

    SI l’on « explique les « avantages « de la liberté individuelle , on donne aussitôt aux adorateurs de la science éclairant le monde, de la richesses, de la croissance ou de la décroissance, de l’egalité des sexes, de la santé publique etc …des RAISONS de les limiter…

    si on ne pose pas les libertés individuelles comme infrangibles et unquestionable, on aura inéluctablement leur erosion progressive.

    ah que ne fait on pas comme les chinois.. ah que n’impose t on pas la vaccination obligatoire…ah que ne fait on pas taire les racistes…etc etc….ah que ne vire on pas ces ploucs pour bâtir un barrage, une centrale nuc , une déchetterie, une route.. car le progrès et donc l’interet collectif s valent bien cela…non.

    respecter la liberté des autres ce n’est pas facile mais c’est moral. ce n’est spas le chemin le plus facile.. c’est le plus digne et le plus responsable..

    tu ne voleras point tu ne tueras point.. ce genre de choses..

  • Oui. Il est regrettable qu’une frange se soit spécialisée dans la peinture de la religion chrétienne comme l’apogée de l’obscurantisme. Il y a qq année , invitée à une conférence de chambre de commerce en belgique, un des conférenciers dont il était facile de décoder sa farouche franc maçonnerie nous a ainsi expliqué pendant une 1/2 heure que le christianisme a partout tout le temps lutté contre le progrès …. c’est un peu accuser la pluie de la sécheresse mais je pense qu’ils ne s’en rendent pas compte.

  • En tout cas actuellement l’occident est en train de perdre. De perdre car on a peur de tout.
    CPEF

    • Il est particulièrement déplorable de voir à quelle vitesse les occidentaux ont copié les Chinois dans la gestion de la crise.

      Il faut espérer que cette dernière serve d’électrochoc à nos sociétés.

    • @gillib cet épisode est un révélateur d’une réalité bien connue de tous les visiteurs de CP. Il est heureux que ce Covid ouvre les yeux à beaucoup d’autres . De mon côté , je choisis de regarder cet effet de vérité comme une excellente nouvelle. Nous entendons beaucoup moins à nos critiques de l’administrations et de l’état le discours lénifiant de « tout va bien » « nous avons le meilleur système : de soin/d’éducation/ de transport/etc . du monde » . Discutant avec une amie fonctionnaire qui vote socialiste et ayant voté Macron , elle s’accorde a dire que le moins que l’on puisse dire est que nous n’en avons pas pour notre argent. Une autre qui se désintéressait jusqu’à présent de la politique, s y plonge atterrée constatant les entorses aux libertés.

      • Reste à voir si cette fièvre libérale résistera aux premières propositions de vraies mesures pour dépecer le monstre : sabrer dans les réglementations, dans la fonction publique et dans les dépenses. Quelque chose me dit que les instincts socialistes vont vite ressortir.

        • @brique possible mais la crise va mettre face à face ceux qui seront sur le carreau -nombreuses seront les faillites-et ceux qui sont à l abris. A un moment donné le truc va partir en live , le phénomène Gilet pourrait repartir assez vite.

  • L’éducation fait la puissance des nations !

  • Le jugement de ce monsieur Stark est pour le moins expéditif sur les Romains. Il me semble que c’est eux qui nous ont transmis les règles établisssant nettement le principe de propriété.

    • Certes il exagère, mais c’est l’unité de l’empire qu’il condamne, car la multiplication des royaumes créa une concurrence et donc l’émulation indispensable au progrès. mais il est difficile de prévoir ce que les romains auraient fait. En architecture ils ont fait d’énormes progrès comparé aux grecs. Le Panthéon de Rome n’a rien à voir avec le Parthénon qui n’est qu’un assemblage de blocs de marbre. La coupole de 43m en béton est toujours debout et reste à nos jours la plus grande en béton non armé!
      C’est l’homme blanc qui a inventé et façonné le monde moderne. De Copernic, Gallilée et Kepler en passant par, Newton, Jenner, Lavoisier et Watt, Pasteur, Fleming et Einstein, pour aboutir aux inventions de l’ordinateur et du Web. Tout est l’oeuvre de l’homme blanc, ainsi que la suppression de l’esclavage et l’invention des droits de l’homme, si peu chers à cette gauche liberticide. Alors les wokes ne sont qu’un troupeau bêlant de crétins ignorants masochistes. Quand ce sont ceux qui protestent contre l’amalgame qui le pratiquent, ils perdent toute légitimité.

      • @virgile disons plutôt le christianisme , on a coutume de dire qu avec lui le monde a cessé d’être circulaire, il est devenu une spirale. La nouveauté y étant centrale, ce que les athées oublient. Je n’aime pas -c’est un euphémisme, abstenons nous de devenir aussi limités que les woke- cette réduction aux couleurs , le christianisme se déploie désormais en Afrique , en Asie , la chute de notre vieille Europe qui ne croit ni ne pratique est pour moi un signe

        • Certes mais il y a des chrétiens un peu partout dans le monde et pourtant c’est bien à l’homme blanc judéo-chrétien de culture greco-romaine que l’on doit « à peu près tout »… Il est surprenant que les (très nombreux) chrétiens d’autres races et d’autres cultures n’aient pas autant (ou du tout) contribué à l’avancement de l’humanité. De même que pour le judaïsme il est surprenant de voir que les apports viennent massivement des Ashkénazes et fort peu des Séfarades…
          La « couleur » est sans doute un élément, la religion aussi, la culture (au sens plus large) également, le climat sans doute aussi et même la géographie (l’Europe avec ses montagnes et ses fleuves est plus morcelée et donc propice à ces petites principautés en concurrence, comme le Japon et ses îles en d’autres lieux). Il est fort probable qu’un de ses éléments seuls ne puisse rien expliquer mais que la conjonction de 2, 3 ou 4 soit la vraie clé…

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