Terres rares indispensables aux nouvelles technologies… et pas très écologiques

Les écolos férus de moteurs électriques ou hybrides devraient s’intéresser au bilan écologique total de ces merveilles prétendument propres avant de condamner les moteurs à combustion. Les plus pollueurs ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

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Terres rares indispensables aux nouvelles technologies… et pas très écologiques

Publié le 27 mars 2021
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Par Pierre Brisson.

Dans la compétition mondiale pour la suprématie technologique, les semi- conducteurs sont essentiels. L’Asie est leader sur le marché, ce qui promet de faire basculer le monde du côté de la Chine plus rapidement.

Pour faire face à cette menace géopolitique, la relance de la conquête spatiale ne prendrait-elle pas tout son sens avec la présence de terres rares sur certains astéroïdes pour rattraper notre retard en Occident ?

Les terres rares (15 métaux de la famille des lanthanides auxquels ajoutés le scandium et l’yttrium) sont devenues un problème en même temps qu’elles sont devenues cruciales pour la vie moderne. Il y en a un peu partout à la surface de la Terre, en Chine surtout mais aussi au Brésil, au Vietnam, en Russie, en Inde, en Australie, en Malaisie, aux États-Unis ou même en Bretagne ou en Guyane.

Mais partout elles sont en quantités très faibles et toujours combinées à d’autres éléments aussi bien qu’entre elles. Il est très difficile de les purifier et de les séparer.

Leur raffinage est extrêmement polluant et il n’y a guère que la Chine qui se permet de les exploiter (en Mongolie intérieure) parce qu’elle se soucie assez peu (euphémisme) des dégâts collatéraux, fussent-ils humains et aussi parce qu’elle a « cassé les prix » pour conquérir les marchés (technique employée dans d’autres industries !).

Malheureusement dans notre environnement moderne, nous avons absolument besoin de ces terres rares pour leurs propriétés magnétiques, catalytiques et électrochimiques. Il nous en faut pour les véhicules électriques ou hybrides, les batteries, les panneaux solaires, les éoliennes, les téléphones portables, les téléviseurs…

Depuis quelques temps, certains esprits audacieux ont l’idée d’aller les chercher en dehors de la Terre. Pour le réalisateur David Cameron, c’était sur Pandora, cette grosse lune supposée très riche en unobtanium, orbitant l’hypothétique planète géante gazeuse Polyphème dans le système d’Alpha Centauri ; que nos télescopes n’ont pu encore percevoir bien qu’Alpha Centauri appartienne au système stellaire le plus proche !

Pour d’autres, ce serait sur les astéroïdes. Le raisonnement doit venir de ce que ces derniers contiennent tous les éléments chimiques dont nous sommes faits. En pensant cela, ces esprits fertiles se voient déjà engagés dans une nouvelle ruée vers l’or, chevauchant leur monture volante. Ce n’est pas si simple.

Il faudrait d’abord trouver le bon astéroïde. Le moins que l’on puisse dire c’est que dans notre voisinage, les astéroïdes ne courent pas les rues. Il y a bien ce qu’on appelle les géocroiseurs ou NEA (Near Earth Asteroids) mais ils sont peu nombreux et il n’est pas du tout sûr que l’on ait la chance d’en croiser un qui soit suffisamment riche en terres rares.

Parmi eux, il faudrait accéder à l’un des astéroïdes M supposés être métalliques (en fait des noyaux de planétoïdes, débarrassés de leurs manteaux et non fusionnés avec leurs congénères au cours des vicissitudes de l’histoire) qui sont encore plus rares que rares.

Il y a une région de l’espace pas trop lointain à l’échelle du système solaire où il y a beaucoup plus d’astéroïdes et sans doute davantage d’astéroïdes-M, la Ceinture du même nom mais cette Ceinture est quand même lointaine selon nos critères (surtout en raison de nos capacités limitées de propulsion), entre Mars et Jupiter, au moins une année de voyage avec nos vaisseaux actuels.

À une époque où nous n’avons pas encore de vaisseaux aptes à transporter de lourds équipements dans l’espace profond (le Starship d’Elon Musk n’a pas encore franchi ses premiers 100 km en altitude pour accéder à ce qu’on appelle officiellement l’espace) c’est un peu tôt pour penser y aller pour chercher des terres rares.

Surtout que celles-ci ne se ramassent pas à la pelle comme les feuilles mortes en automne. Il faut se saisir des minéraux intéressants (bastnäsite, monazite, xénotime), les broyer et en extraire la substantifique moëlle (enrichissement), quelques tout petits pourcentages des minéraux d’origine, les traiter par flottation avec produits chimiques déprimants et produits chimiques collecteurs tous très toxiques.

Ensuite on déshydrate les boues et on obtient un mélange comprenant 90 % de terres rares… dans le désordre, c’est-à-dire qu’on est au milieu du processus et que le traitement donc la pollution ne sont pas terminés. Il faut encore traiter les poussières avec d’autres produits chimiques très toxiques (comme les acides sulfurique,  chlorhydrique, nitrique, la soude caustique) pour obtenir ces fameuses terres rares… et en cadeau pas mal de déchets radioactifs, très radioactifs, notamment des composés de thorium et d’uranium.

Cerise sur le gâteau, le traitement de la bastnäsite par l’acide sulfurique donne des composés fluorés comme l’acide fluorhydrique extrêmement agressif pour tout ce qui contient du calcium…

Bon, j’imagine que les petits futés qui veulent se procurer les terres rares dans les astéroïdes, rapporteraient sur Terre les minéraux après broyage et tri et avant traitement chimique. Mais rien qu’effectuer cette manipulation suppose une installation industrielle lourde et de la gravité (artificielle ?).

Ce serait très difficile à faire dans un vaisseau spatial et qui plus est dans un vaisseau spatial robotisé sans aucune présence humaine ; car n’oublions pas que la distance qui nous sépare de la Ceinture d’astéroïdes induit un décalage de temps qui empêcherait toute commande en direct de nos robots.

L’alternative serait de rapporter des minéraux très mal dégrossis et un autre facteur entrerait en compte, le coût du transport. Il faudrait que le coût des terres rares vendues par la Chine devienne totalement prohibitif pour que ces terres rares  célestes soient compétitives. Cela ne serait pas du tout dans l’intérêt de la Chine car les ventes de produits les incorporant deviendraient totalement prohibitifs pour les clients espérés.

À noter en passant que le traitement de ces terres rares, qui devrait toujours se faire sur Terre, serait toujours aussi polluant pour les sols et pour les personnes où et avec lesquelles ce traitement se pratiquerait.

Nous n’avons ni les vaisseaux spatiaux, ni les lanceurs de ces vaisseaux, ni les robots pour grignoter les astéroïdes et nous ne savons même pas précisément où aller les chercher car nous ne pouvons pas nous permettre de partir à l’aventure sans destination précise, dans un espace aussi vaste.

Il vaut mieux oublier pour le moment ces idées totalement du domaine de la science-fiction et rechercher d’abord à limiter autant que possible la pollution inhérente à l’obtention de ces terres et ensuite plutôt à recycler les produits industriels les incorporant. Ce n’est pas du tout évident non plus mais plus réaliste que d’aller à la chasse aux astéroïdes qui est purement et simplement une fuite en avant, quand elle sera possible et si elle l’est un jour.

En tout cas les écolos qui nous bassinent avec les moteurs électriques et/ou hybrides, devraient s’intéresser au bilan écologique total de ces merveilles soi-disant propres avant de condamner les moteurs fonctionnant avec la combustion de matière organique. Les plus pollueurs ne sont pas toujours ceux que l’on croit. La solution est comme toujours la recherche, le contrôle de ce que l’on fait et la durabilité des produits finis, couplée avec leur recyclage.

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  • On ne peut qu’être d’accord avec votre analyse..

  • ah les scientifiques du secteur de l’espaces se rendent compte que vouloir lutter contre les fossiles c’est se tirer une balle dans le pied.. vite une diversion ,faire rêver …

    il faut avoir vu le basculement de je ne sais quel spationaute français adepte de la lutte contre le rca quand on lui a fait la remarque qu’ller dans l’espace…demandait beaucoup de fossiles..

    un bilan écologique c’est une liste en général incomplète..
    On peut comparer deux bilans pour choisir par exemple en mais pour conclure ça mieux que ça , il faut CHOISIR arbitrairement des choses plus ou moins importantes dans ces listes et les pondérer..

    quand on peut comparer deux bilans écologiques , l’economie tranche en faveur du plus sobre.. moins de ressources pour le même résultat.

    quand on ne peut pas, ce qui est la majorité des cas… ben demandez à un écolo..il « sait. ».

  • Qui dit terres rares dit également rareté dans tout l’univers. Si malgré tout ils veulent exploiter, qu’ils dévient les astéroïdes sur notre bonne vieille planète… Comment imaginer des mineurs astronautes, y a que dans les films que ça marche

    • Premièrement les terres rares ne sont pas si rares. Ce sont les procédés de purifications qui sont difficiles.
      Deuxièmement, non les abondances dans la croute terrestre sont très très différentes des astéroïdes (dont les teneurs en métaux sont très variées). Les pallasites par exemples sont riches en métaux sidérophiles, alors que la croute terrestre en est pauvre car ils ont migré vers le noyau.
      Mais soyons honnêtes, même s’il existait un astéroïde proche en poudre d’or pur, ça ne vaudrait pas le coup financièrement d’aller le chercher avec les technologies actuelles.

  • Ne vous inquiétez pas, l’UE dans sa grande intelligence bannit les véhicules thermiques avec la norme euro 7. Fuyons ce continent d’incontinents débiles.

    • Avec mes 85gr de co2 et mes 3 pleins par an je dois transformer mon carrosse en poulailler ou en œuvre d’art compressée ?

  • Merci pour votre analyse parfaitement juste.

  • Les ecolos s’en fichent de l’écologie, ils veulent juste vivre du pognon des autres.

  • Avant d’aller dans l’espace, il sera bien plus facile d’aller au fond de l’océan.

    • oui et non..car y aller est secondaire..
      on est déjà allé très profond d’ailleurs.. pour y faire quoi..
      exploiter ,es nodules polymétalliques..

  • stoppons toute subvention aux énergies dites « renouvelables » et on arrêtera les idées idiotes.

  • Dans le cadre du raffinage des terres rares, un des ‘déchet’ s’appelle Thorium. On ‘produit’ en France plus de Thorium qu’il n’en faut pour alimenter les réacteurs nucléaires nécessaire à notre électricité.
    Sauf que nos réacteurs sont à l’Uranium… Pas de bol !
    Le stock de déchet actuel est équivalent à 500 ans de production électrique.
    Quand se mettra t on aux réacteurs à sels fondus fluorés ?

    • c’est une vraie question , quand les foules se réveilleront du rêve vert je pense.. et ensuite quand on aura résolu la question : qui donc désigne ce « on ».

  • Inutile de ranimer cette bataille entre partisans et adversaires de la voiture électrique.
    En effet, dans les batteries Li-ion des voitures électriques, il N’y a PAS de terres rares, telles qu’elles ont définies au début de cet article : Les terres rares (15 métaux de la famille des lanthanides ….

  • Les terres rares ne sont pas plus indispensables aux renouvelables et aux batteries que Pierre Brisson l’est à la planete

  • @Breizh,
    Un budget de 3,5 milliards d’euros qui arrive à 19,1 au bout du compte avec 13 ans de retard, c’est normal car c’est pour le nucleaire alors il faut être un peu compréhensif, vous comprenez mon bon monsieur ? ???????

  • La matière la plus rare de la planète, l’uranium, est gaspillée chaque seconde car transformée en chaleur avec le rendement de conversion le plus bas qui soit. Le nucléaires est le dernier pillard des ressources de la planète depuis les décisions d’arrêt de recourir aux fossiles.
    Serge Rochain

  • En matière de métaux rare, finalement les plus gourmands sont les pots d’échappement des diesels qui ont besoin de platine. En revanche les VE n’ont aucun besoin absolu de métaux rares. Et les renouvelables PPV et mêmes éoliennes n’en n’ont pas plus besoin. Allez vous rhabiller Monsieur Brisson, les pollueurs sont bien là où on les désigne, cessez vos fakes news.
    Serge Rochain

    • Il y en a au moins un métal rare, le néodyme, qui est bien utile pour faire des aimants permanents plus performants, donc, des moteurs plus puissants ou plus légers, ou un compromis des deux. Je pense qu’il sera difficile de s’en passer.
      https://www.futura-sciences.com/sciences/definitions/chimie-neodyme-15194/
      On s’en servirait pour des applications ludiques, mais pas pour ce qui serait vraiment utile ?
      https://www.amazon.fr/s?k=n%C3%A9odyme&__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=3NB7VHQH34NQT&sprefix=n%C3%A9od%2Caps%2C194&ref=nb_sb_ss_ts-doa-p_1_4

    • D’accord pour dire que les nouvelles voitures électriques (Zoe ou Tesla S) ne consomment plus de terres-rares mais ce n’était pas le cas de la Toyota Prius (quand même pas très ancienne et qui a été très vendue) et les véhicules hybrides (deux moteurs donc très encombrants) en consomment toujours autant alors qu’on les promeut comme voitures propres. Quand toutes les voitures auront renoncé aux batteries NiMH, on en reparlera. Mais on pourra alors s’interroger sur la consommation de Lithium ou de Cobalt (même si ce ne sont pas des « terres-rares ») nécessaires pour les batteries lithium-ion…pas vraiment plus « propres » (extraction, raffinage et recyclage des batteries!).
      Quant aux éoliennes, il est vrai que les éoliennes terrestres utillisent de moins en moins les métaux rares mais ce n’est pas du tout le cas des éoliennes offshore qui sont équippées de générateurs synchrones à aimants permanents. Or les éoliennes offshore sont vantées comme étant le « nec plus ultra » de cette source d’énergie.
      Donc Monsieur Rochain, ce n’est pas la peine d’être désagréable.
      Le but de mon article est de montrer que ce n’est parce qu’on dit qu’une technologie est propre qu’elle l’est en réalité. D’ailleurs aussi bien les producteurs de voitures « propres » que d’éoliennes le savent (même s’ils ne le crient pas sur les toits) puisqu’ils s’efforcent de réduire la consommation de ces terres-rares.
      Par ailleurs le pôt catalytique des véhicules diesel a lui aussi été présenté comme une technologie propre (puisque son but était de réduire la pollution, nottament en CO) or il ne l’est pas puisqu’ils utilisent du platine et des platinoïdes qui sont extraits et raffinés dans des conditions lamentables.
      Donc, s’il vous plait, un peu de modestie. Votre démonstration est partiale car partielle.

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