Covid : la liberté comme stratégie sanitaire

Il existe d’autres alternatives que le « toujours plus d’État ». Qui aura le courage de porter la question sur la réforme des institutions, et de défendre la Constitution de la liberté pour sortir de la crise ?

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Covid : la liberté comme stratégie sanitaire

Publié le 16 février 2021
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Par Frédéric Mas.

S’il faut vivre avec le Covid-19, c’est dès maintenant qu’il faut penser au retour à l’État de droit. Nous évoquions l’hypothèse jeudi dernier, la directrice de l’agence européenne des maladies l’a confirmé le vendredi suivant.

Le Covid est bien parti « pour rester parmi nous ». Il devient donc impératif de sortir de l’état d’exception permanent instauré au nom de la crise sanitaire afin de revenir à une gouvernance normale, à la fois respectueuse du droit commun, des libertés publiques et adaptée aux enjeux contemporains de santé publique.

Face à une crise sanitaire inédite, l’État a réagi en étendant son emprise sur la société civile comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. S’appuyant sur l’état d’urgence sanitaire, une propagande anxiogène et des élites bureaucratiques paniquées, le gouvernement a imposé des restrictions aux libertés publiques, de la liberté de circuler, de se réunir, jusqu’à celle d’entreprendre et de commercer, et cela avec l’assentiment de la majorité.

Emmanuel Macron s’est ensuite appuyé sur l’autorité d’un comité scientifique qu’il a lui-même désigné et a décidé en comité restreint au sein du conseil de défense des différentes mesures sanitaires qui se sont succédé depuis pratiquement un an.

La confiscation technocratique du pouvoir a été un échec autoritaire, qui s’est traduit par l’appauvrissement du pays, la précarisation économique et psychologique d’une partie de sa population, une explosion de la dette et la pantalonnade de la campagne vaccinale. Tout cela pour que le virus continue à circuler, à quelques variants près.

L’enchaînement de politiques publiques court-termistes et des coups de comm’ hebdomadaires indiquent clairement que ce sont les institutions qu’il faut repenser dans une perspective clairement libérale. Il s’agit d’une exigence à la fois éthique et politique.

L’État de droit est indispensable pour limiter l’arbitraire d’un État bureaucratique en pleine expansion, pour libérer l’innovation et la compétitivité qui nous ont manqué tout le long de la crise, pour rétablir l’égalité entre les citoyens et dynamiser la société.

L’État de droit contre l’arbitraire

Historiquement, c’est la classe bourgeoise qui a invoqué la souveraineté du droit face au pouvoir royal, aux féodalités et à l’emprise de l’Église. Elle défendait un but politique, celui d’instituer un gouvernement libre. Elle acceptait d’être gouvernée par des lois qui soient le produit de raison, et non de la volonté arbitraire du souverain ou de n’importe quel potentat aux titres plus ou moins prestigieux.

C’est en protégeant ses mœurs et ses vertus, dont l’exigence de neutralité dans la justice, que l’Occident a connu son apogée1.

Aujourd’hui comme hier, la protection des libertés individuelles est nécessaire contre un pouvoir qui a intérêt à en éroder les principes pour poursuivre son propre déploiement2. Hier, c’était au nom de l’urgence politique, de l’économie de guerre ou de la redistribution des richesses qu’il fallait faire plier le droit devant les exigences du politique, aujourd’hui c’est l’idéologie sanitaire qui justifie son extension sur nos vies.

Des institutions nécessaires à la prospérité

La crise sanitaire nous enseigne que l’amélioration de la situation n’a pas pour origine principale l’économie administrée, mais des entreprises qui créent et qui innovent rapidement pour répondre aux besoins de la population. Quand l’État a été incapable de fournir des tests, du gel, des masques et du matériel de réanimation, ce sont les entreprises qui se sont mobilisées pour en fournir efficacement.

Les institutions politiques les plus respectueuses de l’innovation de marché ont permis de produire des vaccins en un temps record, et cela malgré le cafouillage politique de l’UE. En d’autres termes, c’est le capitalisme libéral qui a permis la mobilisation rapide et efficace des ressources nécessaires pour faire reculer la pandémie.

Faire du pays un écosystème favorable à la croissance et à l’innovation permettra aussi d’élargir l’offre en matière hospitalière, qui doit mieux intégrer les initiatives privées pour préparer les crises de demain.

Enfin, la recherche et le développement qui constituent la locomotive en matière médicale ne pourra redémarrer en France qu’en levant le tabou qui pèse sur la recherche privée. Des partenariats qu’elle demande avec les centres de recherches publics dépend sa compétitivité sur le plan international. Tous nos voisins en particulier la Grande-Bretagne et l’Allemagne fonctionnent sur ces modèles : pourquoi pas nous ?

Pour James Buchanan, la coopération par le marché suppose une « structure de la liberté », c’est-à-dire des institutions politiques et juridiques particulières dédiées à la protection de la liberté individuelle et régulant le bon fonctionnement de l’ordre social sous l’autorité d’une constitution économique3.

Des gouvernants responsables

Le consentement aux institutions professé par la tradition intellectuelle et politique libérale, qui est le seul mode de gouvernance compatible avec l’autonomie individuelle, suppose la transparence des décisions publiques et son contrôle par les citoyens. Il s’agit sans doute d’une des leçons les plus anciennes du libéralisme politique, et vient directement du Second Traité du gouvernement civil de John Locke. La confiscation technocratique du pouvoir en est l’antithèse.

L’État de droit ne demande non pas l’assentiment d’un peuple passif et apeuré par la propagande apocalyptique de l’État bureaucratico-sanitaire, mais un peuple actif prêt à demander des comptes à un appareil dirigeant suffisamment coûteux et intrusif pour avoir à s’expliquer. C’est aussi pourquoi la décentralisation, c’est-à-dire le rapprochement des centres de décision politique du citoyen, est indispensable, et le démantèlement de l’État jacobin un projet d’avenir.

Le gouvernement libre passe par l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité des citoyens devant le droit, qu’ils soient dirigeants ou dirigés, ce que l’état d’urgence sanitaire a profondément érodé.

Aujourd’hui, des services publics que les citoyens paient très chers fonctionnent au ralenti au point parfois de ne plus assurer sérieusement leur mission. L’éducation nationale est-elle capable de fournir correctement ses services sous les contraintes sanitaires actuelles ? Quel dommage cela va-t-il entraîner pour l’éducation des plus jeunes qui se retrouveront dans quelques années sur le marché du travail ? Il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ces dommages-là, nous ne les verrons sans doute jamais.

Abolir le principe de précaution

Il est temps de reprendre au sérieux l’idéal du constitutionnalisme libéral : la Constitution qui se situe au sommet de la pyramide des normes juridiques ne doit pas seulement répondre à des conditions de formes, mais aussi de principes.

Une Constitution n’est une Constitution que si elle protège les libertés individuelles et la justice. Elle doit cesser d’être un catalogue de propositions politiques opportunistes destinées à teinter d’idéologie la norme fondamentale.

La Constitution de la liberté demande l’abolition du principe de précaution. Celui-ci étouffe l’innovation et la croissance, et immobilise le pays devant le risque et la compétition.

Dès 2004, le sénateur Jean Bizet avait déjà « fait part de sa réserve initiale sur l’intérêt d’une telle réforme qui pouvait conduire à entraver la recherche scientifique, l’innovation technologique et le développement économique, voir à l’inaction au nom de l’impossible quête du risque zéro. »

Malheureusement, comme l’a rappelé Michel Gay dans Contrepoints, l’homme politique a rapidement oublié ses réserves sur ce qui n’était alors qu’un projet.

Plus fondamentalement encore, le constitutionnalisme libéral demande la sanctuarisation de la propriété privée, qui est à la fois au cœur de l’autonomie individuelle, du fonctionnement de la justice et des institutions de la prospérité.

Sanctuariser la propriété

Pour le politologue James C. Scott, propriété privée et autonomie individuelle marchent ensemble. La première donne les moyens à la seconde de vivre indépendamment de l’État, et de servir de socle d’indépendance économique en cas de dérive tyrannique de la puissance publique.

Une fois l’intégralité de la société sous la coupe directe ou indirecte de l’État, c’est la servitude qui règne. Pire encore, en cas de banqueroute ou d’effondrement du Léviathan, c’est l’ensemble des individus qui se trouve fragilisé.

La justice en sa définition essentielle porte sur l’attribution de la propriété, son transfert régulier, les peines et les réparations afférentes en cas de violation de son principe4. Loin d’être une définition récente ou limitée à la théorie libérale, la justice comme règles de distribution de la propriété privée correspond à l’acception la plus courante du droit en Occident depuis au moins l’Antiquité, celle qui veut qu’on rende à chacun ce qui lui est dû –Jus suum cuique tribuere5. Les théories contemporaines de la justice brouillent les cartes, et cherchent à remplacer cette définition première de la justice afin de légitimer l’interventionnisme de l’État dans nos vies.

Enfin, la propriété n’est pas seulement une exigence éthique de justice, c’est une règle essentielle pour que fonctionne l’économie de marché. Dans un article de The Concise Encyclopedia of Economics, l’économiste Armen Alchian a rappelé que les droits de propriété occupaient également une fonction économique indispensable. Pour Alchian, des droits de propriété clairement définis et correctement protégés remplacent la compétition violente par la compétition via des moyens pacifiques.

Les droits de propriété sont les droits de l’Homme d’utiliser et d’échanger des biens. Ainsi, la question des droits de propriété ne peut être abolie, et la question clé est de savoir si la propriété doit être contrôlée par les gouvernements ou par des particuliers.

L’élection présidentielle approche, et il est temps de sortir la tête du socialisme ambiant. Il existe d’autres alternatives que le plus d’État, que la fonctionnarisation de la société civile et l’immobilisme généré par la panique covidaire. Qui aura le courage de porter la question sur la réforme des institutions, et de défendre la Constitution de la liberté pour sortir de la crise ?

  1. Deirdre McCloskey, The Bourgeois Virtues : Ethics for an Age of Commerce, Univ. Chicago Press, 2006.
  2. Anthony de Jasay, The State, Blackwell, 1985.
  3. James M. Buchanan, The limits of liberty, Univ. Chicago Press, 1975.
  4. Voir par exemple Robert Nozick, Anarchie, État et Utopie, 1974.
  5. Anthony de Jasay, Justice and its surroundings, Liberty Fund, 2002.
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  • On est entré dans l’etat d’urgence car ,  » il pourrait y avoir plein de morts « , on va en sortir donc quand il ne pourra pas y avoir plein de morts, c’est pourtant simple..

    On a bel et bien constaté en fait que nos libertés sont discrétionnaires..
    Mais bon c’ets un peu comme l' »ordre public »… je croyais bêtement que l’exercice de mes libertés était juste conditionné au respect des lois..

    le risque de trouble à l’ordre public relève de la précaution me semble t il…

  • la propagande anxiogène et les mauvaises décisions prises par l’exécutif feront plus de dégâts que le virus lui même ;

    • dire propagande signifie tromperie délibérée sur l’appréciation de a gravité de la maladie par le gouvernement..
      à mon opinion, procès d’intention… ce n’est pas interdit, mais il ne faut pas le présenter ici comme factuel..

      • Les chiffres sur la létalité de la maladie sont désormais parfaitement connus et seule une présentation malhonnête peut faire croire qu’il s’agit d’un fléau gravissime. Le Covid est une maladie problématique pour les personnes très âgées et celles gravement malades par ailleurs. Pour les autres, il est très exceptionnel qu’il évolue vers une forme grave.

        • je suis navré… ça ne prouve pas l’intention de mentir.. des tas des gens honnêtes avec les mêmes chiffres disent graves , quand bien même si vous pensez qu’il existe un seuil de gravité correspondant à par exemple un nombre de morts ( par année) eh bien je vous en prie, grave ça aurait été combien?

          ou bien quel est le critère qui définit la gravité exceptionnelle? , si on ne sait répondre à cela, c’est ton avis contre le mien.. ça ne m’interesse pas..

          vous savez quand vous n’ecartiez pas un bilan de 100 000 morts en juillet , on vous riait au nez….

          • Pourriez-vous commenter moins vite, plus réfléchi et plus concis? C’est pénible trop de commentaires bâclés qui sème la confusion alors que l’intérêt de ce que vous écrivez parfois peut inciter à vous lire. Merci d’avance.

            • merci , mais non tout a été dit..on est trop dans la répétition..;et l’écrit n’est pas mon domaine.

            • pourquoi ne vous ne demandez pas à ceux qui accusent ou qui usent de langage connoté d’etre plus clair???

              pourquoi  » propagande »…merde alors… pourquoi me glissement aussi de pas grave ou grimpette vers gravissime? pourquoi si la logique et l’expression vous tiennent à coeur ne pas faire CES remarques!!!

  • Cet État obèse et incompétent s’accommode fort bien du capitalisme de connivence et de la corruption. On rappellera qu’il fait tout ce qu’il peut pour bloquer ou retarder les traitements du Covid en phase précoce: il y a eu l’HCQ, il y a aujourd’hui l’ivermectine (entre autres). Il préserve ainsi les intérêts de l’industrie pharmaceutique et prolonge « l’urgence sanitaire » qui lui permet de justifier son emprise sur la société.

    • notez que l’ivermectine et HCQ c’est toujours les interets de l’industrie pharmaceutique…

      donc il ne s’agit pas de preserver l’interet mais de les maximaliser au prix de mensonges criminels..

      il ya du nouveau sur l’efficacité de du traitement raoult (arrêtez de dire HCQ svp..)

      si vous dite incompetents pa s besoin de dire corruption….. dans un cas un crime dans l’autre ..un simple drame..

      je vous en prie..

      caractérisez et précisez les éléments qui définissent un crime qui mériterait le billot.. je ne vous conseille pas de commencer par dire que ce sont des idiots..

      vous accusez… c’est à vous d’pporter les preuves..moinser ou insulter ne suffit pas

  • Tant que les français ne diront pas merci à macron pour son action émérite, pas eu 400 000 morts , cette situation durera, autrement le gvt est passible des assises pour génocide, mais la justice attendra la fin de l’urgence sanitaire.

    • aux pays bas un tribunal s’est prononcé non pas sur les mesures mais la légitimité des restrictions de libertés.. et sur le fait que la situation relevait ou pas de l’exception..

      on ne condamnera jamais un politique pour incompetence..

      • génocide et grippette.. génocide par grippette? vous vous rendez compte qu’à chaque fois qu’on accuse l’etat de ne pas avoir agi, il en résulte PLUS d’etat…de normes, de règles..souvent inutiles car adaptées à la crise passée et non la crise à venir..

        On va le répéter ça signifierait quoi qu’un état a bien agi dans le cas du covid?

        Si vous ne savez pas donner les clefs pour juger de l’action de l’état, accepter le principe de son action est dangereux.

        vous pensez interet général ? .pensez déjà aux croque-mort..la mort est une activité économique aussi..

  • Je me demande combien de virologues, médecins, autres personnes actives dans les soins de santé et qui ont compétences sur la question recommanderaient des mesurettes ou des absences de mesures au lieu des mesures gouvernementales. Pas uniquement les quelques uns qui passent bien sur Youtube et sur certains groupes. Certes je n’ai pas la réponse, mais ceux qui parlent avec des médecins à droite à gauche doivent bien savoir le sentiment général : une tripotée seraient ravis d’imposer la vaccination et auraient confinés à l’aide de l’armée.

  • Donc pas de responsabilité sans assurances libres et privées ou suppression du nombre ubuesque d’agences de santé

  • Les commentaires sont fermés.

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