Hausse du prix de l’électricité : la faute aux taxes qui augmentent depuis 20 ans

Au total, les taxes représentent environ 37 % de la facture d’électricité, et le prix HT est taxé à environ 48 %.

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Hausse du prix de l’électricité : la faute aux taxes qui augmentent depuis 20 ans

Publié le 15 février 2021
- A +

Par Valentine Rault.

Alors que les prix de l’électricité connaissent une nouvelle hausse, les salariés d’EDF eux sont en grève. Au côté d’une partie de la classe politique, notamment la France Insoumise, les syndicats se mobilisent contre le projet Hercule, qui prévoit une division en trois parties des activités du groupe et une plus grande ouverture aux investissements privés.

Quatorze ans après l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie, les prix de l’électricité ont augmenté de 50 %, et connaissent une hausse plus forte que l’inflation depuis 2009.

On a pu lire dans la presse que cette augmentation était due à l’échec de la mise en concurrence, et que l’entrée des acteurs privés n’avait fait que monter les prix au détriment des consommateurs.

Pourtant, lorsqu’on se penche sur la composition d’une facture d’électricité, on se rend compte que ce sont les taxes et contributions qui ont massivement augmenté, et que le marché reste largement aux mains d’EDF et des décideurs publics.

 

Une facture d’électricité complexe à lire

En France, le prix de l’électricité est fixé chaque année par la Commission de Régulation de l’Énergie, qui décide du montant du tarif réglementé de l’électricité (le tarif Bleu d’EDF).

Actuellement, la méthode de calcul prend en compte :

  • Le coût de production d’électricité : il rassemble le coût de l’accès régulé à l’électricité nucléaire (ARENH), soit le prix facturé par EDF aux autres fournisseurs pour les faire bénéficier de la production du parc nucléaire français et le prix du marché de gros.
  • La TURPE : le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité, c’est-à-dire le coût d’acheminement de l’énergie par les réseaux de transport et de distribution.
  • Le complément à la fourniture d’électricité.
  • La rémunération de la consommation de l’électricité par EDF via une marge dite  normale.

 

Rassemblant tous ces éléments, le tarif fixé par la CRE doit obligatoirement couvrir les coûts supportés par EDF. La totalité des éléments susmentionnés représente la part hors taxe du prix, auquel il faut ensuite ajouter les diverses taxes et contributions.

Depuis 2003, le prix HT du kilowattheure (kWh) a augmenté de 39 %.
Intéressons nous maintenant aux taxes, qui représentent environ un tiers de la facture :

  • Contribution aux charges de Service Public de l’Électricité : la CSPE est la principale taxe sur l’électricité. Elle finance une partie du budget du médiateur de l’Energie, la péréquation tarifaire, ainsi que les surcoûts liés au rachat de l’électricité verte.
  • La Taxe sur la Consommation Finale d’Électricité : la TFCE est une taxe prélevée par les fournisseurs d’électricité pour le compte des collectivités locales des départements et des communes. Le taux de la TCFE peut varier d’une collectivité à l’autre.
  • La Contribution Tarifaire d’Acheminement : la CTA finance le régime des retraites des personnels d’EDF-GDF partis à la retraite avant 2005. Elle est taxée sur la partie acheminement de l’abonnement.
  • La TVA : elle s’applique à la fois sur la partie fixe du prix (abonnement et consommation) et sur les taxes.

 

Des taxes difficiles à justifier et en augmentation constante

La taxe qui a connu la plus forte hausse est la CSPE : + 650 % depuis 2002 ! Cette taxe finance en grande partie la politique gouvernementale de soutien aux énergies renouvelables.

Légalement, EDF est obligé de racheter une partie de l’électricité « verte », par exemple d’acheter de l’électricité produite par les éoliennes et les panneaux photovoltaïques. L’essor des énergies renouvelables explique donc une bonne partie des hausses successives de la CSPE.

En 2013, la Commission de régulation de l’Énergie estimait que la CSPE seule représenterait 30 % de la hausse totale des tarifs réglementés dans les années suivantes.

Actuellement, elle représente en moyenne 100 euros par an et par ménage.
Une autre taxe se cache dans les factures : la CTA. Assise sur la part fixe du tarif d’acheminement, la CTA ne sert qu’à une chose : financer les retraites des anciens salariés d’EDF-GDF.

Mise en place en 2004 par l’État, elle est récoltée au profit de la Caisse nationale des industries électriques et gazières. Son taux a d’abord été fixé à 20,14 %, avant d’être augmenté en 2013 (dans la Loi de financement de la Sécurité sociale) pour s’établir à 27,04 %.

La raison de cette augmentation ? Assurer l’équilibre du régime spécial des retraités de l’ex EDF-GDF. Autrement dit, ce sont les contribuables français qui financent le régime particulièrement généreux des industries gazières. Rappelons que selon la Cour des comptes, ces salariés partent à la retraite à l’âge de 57,7 ans en moyenne, avec une pension moyenne de 3592 euros brut.

La CTA ne finance pour l’instant que les pensions des agents partis à la retraite avant 2005, mais on voit mal EDF se priver d’une telle manne.

Au total, les taxes représentent environ 37 % de la facture d’électricité, et le prix HT est taxé à environ 48 %.

Voici le calcul que nous avons fait à partir d’une facture d’électricité standard. Le montant total est de 79,15 euros pour deux mois. L’abonnement et la consommation représentent 53,26 euros (prix HT), les taxes 25,89 euros.

Divisons le prix total par le prix HT : 79,15 / 53,26 = 1,4861. Pour arriver au prix TTC, il faut donc augmenter le prix HT de 48,62 %.

 

Les fournisseurs privés ont peu de marge pour faire jouer la concurrence

Malgré l’ouverture à la concurrence en 2007, les fournisseurs autres qu’EDF ne disposent que de peu de moyen pour faire baisser les prix. Alors que l’électricité française provient en majorité du nucléaire (ce qui contribue à en faire la moins chère d’Europe), les autres entreprises ne peuvent pas exploiter elles-mêmes le parc, et sont donc contraintes d’acheter leur électricité directement à EDF. La firme continue de gérer 80 % de la puissance de production installée sur le territoire français.

De même, l’accès à l’énergie nucléaire par la concurrence est plafonné à 25 % de l’électricité produite par EDF (c’est-à-dire que 25 % maximum du courant produit est accessible aux autres fournisseurs).

Le PDG de Total préconise ainsi de déplafonner cet accès pour les fournisseurs alternatifs, afin de réellement ouvrir le marché à la concurrence. Une demande justifiée qui est pour l’instant totalement refusée par EDF. Les concurrents sont également soumis aux mêmes taxes qu’EDF : il y a donc plus d’un tiers de la facture sur laquelle les fournisseurs ne peuvent rien faire.

Pour faire baisser les prix de l’électricité, une solution simple s’impose : libéraliser considérablement le marché et permettre une vraie mise en concurrence des différents fournisseurs.

Sources :

https://electricite.net/guides/fact …
https://www.fournisseurs-electricit …
https://prix-elec.com/tarifs/augmen …
https://www.kelwatt.fr/guide/augmen …

Sur le web

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  • Facture passée de 30 euros par mois en 2013 à 85 euros par mois en 2021 pour la même adresse. C’est écrit noir sur blanc sur la facture EDF que tout ce vol est destiné à produire 1.02 (Eoliennes, Solaire) d’électricité : Origine 2016 de l’électricité vendue par EDF : 89,13% nucléaire, 5,53 % renouvelables (dont 4,51% hydraulique), 1,44% charbon, 2,58% gaz, 1,32% fioul. Le mix 2020 a du évoluer mais si peu…
    Indicateurs d’impact environnemental sur http://www.edf.com

    • si vos chiffres sont exacts, on nous taxe, on détruit nos paysages, on fait perdre de la valeur aux propriétés, perdre le sommeil à des milliers de voisins d’éoliennes, enrichissons des margoulins et des chinois donc pour 5.53-4.51 =1% de renouvelables solaire, éolien (et peut-être géothermiques ou bio-gaz s’ils sont dans ce 1%), donc en gros 0.5% d’éolien?
      non seulement c’est absurde, mais crmiminel pour le pays (et nos portefeuilles)

  • … Une vraie mise en concurrence….. Mais, c’est totalement impossible, d’un côté vous avez un producteur ayant un outil de production amorti, de l’autre vous avez des spéculateurs se fournissant à droite et à gauche avec les surplus de production à bas coût et un fond de commerce avec EDF et son tarif d’ami obligatoire.. Même. Pas certain que les concurrents veuillent investir dans la production , un pc suffit, un gros, un centre d’appel au Maroc pour faire des benef sans risques et sans capitaux investis .

  • pas de concurrence réelle , parler de prix n’a aucun sens..

    Pire ; les gens pensent qu’il est NECESSAIRE ou souhaitable que le prix de l’electricité baisse..or ce qui est souhaitable est que le prix reflète la réalité du marche de l’énergie..

    le discours est idéologique donc arbitraire..

    on est pas loin de discuter du prix du beurre en union soviétique..

    on marche sur la tête, on met la charrue avant le boeufs et on veut le beurre et l’argent du beurre..

  • Vous oubliez le coût exorbitant des énergies renouvelables subsidiées.

  • Pour avoir un vrai marché libéralisé, il faudrait d’abord annuler les avantages réglementaires donnés aux éoliennes et panneaux solaires, qui sont complètement anticoncurrentiels.
    Ensuite, construire beaucoup plus de lignes d’interconnexions pour élargir le champ où pourrait s’exercer la concurrence.

    Cela stopperait complètement l’essor stupide des ENR intermittentes. Ensuite, le marché orienterait soit vers des centrales à charbon et ou gaz, soit, avec un prix du quota de CO2 très élevé, vers le nucléaire.

    Nota: il y a une autre taxe dont l’auteur n’a pas parlé, et qui sert à financer la « transition écologique », dont les ENR: la Contribution climat Energie, incorporée ) la TICCPE (taxe sur les produits pétroliers) . La contribution Climat Energie a été gelée pendant un certain temps à cause des gilets jaunes, mais elle devrait reprendre son rythme d’augmentation effréné.

    • Entendu le 13/01/2021 au infos de France Inter : « le Danemark, en cette période de grand froid, et après l’arrpet de 2 réacteurs nucléaires, est obligé d’acheter de l’énergie électrique sale (oui c’est bien précisé SALE) produite au charbon en Allemagne et en Pologne, car actuellement l’éolien, sans vent (anticyclone) ne produit pas !
      Donc fiabilité d’une production erratique ? Mais facturée le double du prix d’une énergie, décarbonée, elle, et pilotable ?

  • Article surréaliste qui justifie (sur quelles bases ?) la contrainte imposée à EDF de vendre jusqu’à 25% de sa production à des concurrents distributeurs à un prix imposé lui aussi et qui demande une ouverture du marché à la concurrence sans aucune précision sur les conditions de cette ouverture !!
    Ridicule de croire qu’ouvrir la seule commercialisation à la concurrence puisse faire baisser les prix : si cela fonctionnait, on aurait déjà une baisse de prix.
    Ridicule de ne pas dire que tout cela ne peut pas bien fonctionner tant que la production est à 80% EDF alors que ses concurrents ne produisent rien, que l’acheminement est à 100% EDF et que la concurrence ne se fait que sur la commercialisation avec des contraintes telles que c’est de la concurrence faussée par l’Etat et l’Europe.
    S’il y a une urgence en Europe, ce n’est pas l’urgence climatique mais l’urgence énergétique !!!

    • mais….le prix de l’electricité n’a pas à baisser..il doit surtout redevenir plus « vrai »…

      sans compter sa distribution..

  • Ne pas oublier que c’est l’état qui fixe les prix du gaz et de l’électricité, et que les sociétés privées vendent moins cher que Engie et EDF.

  • La TVA sur les taxes……. j’adore.

    • Il me semble que TVA signifie Taxe à la Valeur Ajoutée . Il y a donc une valeur ajoutée dans une taxe : la question est simplement de trouver laquelle? Il s’agit sans nul doute de la réflexion extrêmement perspicace et profonde que le politicien ou le fonctionnaire des finances apporte dans l’élaboration de la dite taxe.
      Dans le cas de la CSPE par exemple, la valeur ajoutée de la taxe est de promouvoir des énergies renouvelables intermittentes et en particulier de l’éolien qui de surcroit constitue une véritable catastrophe environnementale, et qui, sans les subventions , auraient beaucoup de mal à justifier leur existence. Arriver à financer à grande échelle de telles aberrations demande une intelligence hors du commun qui justifie pleinement la notion, peu évidente au départ de valeur ajoutée.
      Il est donc évident que ce type de taxe doit être soumis la TVA.
      Il devrait même être légitime de taxer à nouveau l’ensemble taxe + TVA car il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une idée absolument géniale qui intrinsèquement possède une valeur ajoutée sans précédent.

  • « Pour faire baisser les prix de l’électricité, une solution simple s’impose : libéraliser considérablement le marché et permettre une vraie mise en concurrence des différents fournisseurs. »
    Je suis quand même perplexe devant cette conclusion lapidaire, alors que l’ensemble de l’article expose rien d’autre que… 20 ans de libéralisation du secteur de l’énergie ont conduit à la plus forte hausse du prix final pour les Français !?
    Car cette phrase « LA solution, c’est la libéralisation », désolé, mais c’est exactement ce qui est écrit dans les directives européennes ayant imposé cette libéralisation, et dans les lois françaises les ayant transposées, notamment la loi « Nome » de 2010 (et avant celle de 2000).
    Donc, la démonstration se résume à répéter les mêmes « arguments » qu’en 2000 et 2010, sans rien changer sur le reste.
    Or, il y a un problème de fond, notamment sur l’électricité : celle-ci n’étant pas ou peu stockable, les économistes expliquent qu’alors le prix « libre » a tendance à se caler sur celui de la période où il y a le plus de demande par rapport à l’offre disponible.
    Donc sur un tarif de pointe cher.
    Mais, en plus, les mêmes économistes montrent que les producteurs n’ont, doublement, pas intérêt à investir pour créer des moyens de production supplémentaires, d’une part parce que cela ferait baisser globalement le prix de vente, d’autre part parce que ces nouveaux moyens de production seraient peu utilisés.
    D’où une perte double, sur les coûts engendrés par des moyens supplémentaires peu utilisés, sur l’ensemble des prix de vente.
    Donc, cette affirmation « Libéralisons encore plus, les prix baisseront », relève plus de la profession de foi que d’une analyse rigoureuse d’un marche très particulier qu’est celui de l’électricité.
    En réalité, cela conduit à la situation de certains pays (cf. la Californie) avec un manque d’investissements énormes, des installations dégradées et des moyens de production très souvent insuffisantes… malgré des prix pas vraiment bas.

    • Le problème ce n’est pas que l’offre-demande, c’est aussi le réseau.
      – Soit chaque intervenant fait son réseau indépendant (les paysages vont rapidement se charger de lignes diverses et variées) et je ne suis pas certain que 10 petits réseaux coutent moins cher qu’un plus gros…

      – Soit il faut partager le même réseau et ses contraintes, ce qui limite fortement la « concurrence » car nécessite une usine a gaz de réglementations diverses et variées pour eviter qu’un opérateur laxiste n’écroule le réseau. Ce qui est assez facile dans le monde des télécoms l’est beaucoup moins dans le domaine électrique, sauf si vous forcez la demande à l’offre, l’un des buts probable du linky …

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