France 2021, couvre-feu et cabaret clandestin

« Il faut bien déjeuner » se justifiait un magistrat pris sur le fait dans un restaurant « clandestin ». Il a tout à fait raison. Dans quel enfer bureaucratique vivons-nous pour que cet acte anodin devienne en délit ?

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France 2021, couvre-feu et cabaret clandestin

Publié le 2 février 2021
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Par Frédéric Mas.

Tandis que l’État bureaucratique impose au commun ses restrictions à la liberté de circuler, d’entreprendre et de se réunir au nom de la menace sanitaire toujours renaissante, certains de ses auxiliaires ne se sentent pas tenus de respecter ses propres contraintes kafkaïennes. C’est à la fois loufoque, injuste et révélateur.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Ce samedi 30 janvier, un commissaire de police et un vice-procureur ont été surpris dans un restaurant « clandestin » à Carpentras. Devant ce crime abominable de lèse-virus, le ministre de l’Intérieur a annoncé lundi qu’il allait demander au directeur général de la police nationale de suspendre le policier : « Pour être respecté, il faut être respectable. »

La veille de ce « tragique » incident, c’est à Paris, sur l’Île de la Cité, que des magistrats ont été contrôlés dans un restaurant devenu « clandestin » par ces temps de crise sanitaire. « Il faut bien déjeuner » aurait argué l’un des robins pris sur le fait. L’affaire rapportée par Le Parisien en est toutefois restée là. Aucun des magistrats n’a été verbalisé, et l’histoire serait plutôt celle d’un click and collect qui a mal tourné.

Le 26 janvier dernier, ce sont des policiers qui dansaient sur l’air de la macarena dans un commissariat d’Aubervilliers sans respecter ni les gestes barrière, ni le couvre-feu. Libération nous rapporte des scènes d’horreur à peine soutenables :

« En plus de la macarena, qui ajoute au tragique de cette vidéo, les images révèlent de nombreux selfies, joue contre joue, et une table remplie de boissons, alcoolisées ou non, qui nous renvoie à un temps révolu et que de nombreux citoyens lambda rêvent de retrouver. »

Quelques jours avant ces images qui ont glacé le sang de milliers d’internautes par le retour de la menace du virus aux variants multiples et à la létalité ondoyante, c’est une sous-préfète qui s’autorisait un pot de départ à la mairie de Rethel dans les Ardennes en compagnie d’une soixantaine de convives.

Là encore, la nomenklatura politique et bureaucratique locale était présente en toute bonne conscience, comme le rapporte Libération :

« Tout le gratin local est réuni : les acteurs du monde économique, le préfet, les élus, le procureur de la République… Petits-fours, mignardises et champagne sont servis aux convives pour le goûter. »

Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

La pénalisation des activités ordinaires

Il fut un temps où manger au restaurant et fêter le départ d’un collègue n’étaient des délits doublés d’une atteinte insupportable au vivre-ensemble. Depuis la crise sanitaire, l’État a étendu sa juridiction, contraignant l’activité économique et la vie humaine jusqu’à l’absurde.

Aujourd’hui, des milliers de policiers sont mobilisés pour traquer les bars clandestins, le non-respect du couvre-feu, et de fait ne sont pas affectés aux tâches plus basiques de sécurité et d’ordre public. Pourtant la montée en puissance des violences quotidiennes et des incivilités ne s’estompe pas, loin de là.

Cette réponse désordonnée à la crise sanitaire s’est traduite par une avalanche de règlements arbitraires, changeant de semaine en semaine, de vexations et de paperasses qui n’ont eu pour effet que d’user les volontés et accélérer le déclin du pays.

Le pire, c’est que l’autoritarisme de l’État français ne l’a pas empêché de figurer parmi les mauvais élèves dans sa gestion de crise, comme l’a révélé un rapport de l’Institut Lowy de Sidney. Le think tank australien qui a évalué 98 pays, classe la France 73ème juste après la Belgique et le Costa Rica.

Une règle pour les Français, une autre pour la nomenklatura

Il semblerait que ceux qui sont censés poser les règles et les faire respecter ne se sentent pas tous tenus par le nouvel ordre sanitaire. Le gouvernement nous prie de croire qu’il ne s’agit là que de quelques brebis galeuses. À juste titre, il s’inquiète du message que ce genre de comportement pourrait délivrer à l’ensemble de la population.

Comment, des préfets, des magistrats et des policiers ne respecteraient pas la multitude de prescriptions sanitaires ? La loi ne serait donc pas la même pour tous ? Des sanctions ont été prises, mais quelles sont-elles par rapport aux restaurateurs et aux indépendants qui eux risquent de tout perdre à cause de l’autoritarisme sanitaire ?

Il y a en France aujourd’hui comme un parfum désagréable qui rappelle certains aspects de l’Union soviétique finissante.

Dans la défunte URSS, la classe bureaucratique n’était pas seulement dominante, elle était le lieu où les privilèges et les passe-droits se partageaient loin des regards du citoyen ordinaire. À une époque où les Russes manquaient de tout, y compris de l’essentiel, sa classe de bureaucrates bénéficiaient du marché noir, d’établissements clandestins et de positions suffisamment proches du pouvoir pour s’accorder quelques dérogations aux règles égalitaires communes.

Bien entendu, nous sommes encore à des années-lumière de la tragédie soviétique. Mais le déplacement du centre du pouvoir en France de sa classe élue vers son encadrement bureaucratique pourrait avoir des effets comparables en termes de domination, de gestion de la pénurie et surtout d’explosion du marché noir.

Le paternalisme, ou l’infantilisation pour parler comme le fait Mathieu Laine dans un essai récent, divise le monde en deux catégories : celle de l’encadrement éclairé et celle des administrés sous tutelle. L’encadrement ne se sent pas nécessairement tenu par les règles qu’il édicte, puisqu’au fond, elles ne servent qu’à compenser le défaut d’autonomie rationnelle que la classe bureaucratique prétend incarner.

Comment faisons-nous pour déjeuner ?

« Il faut bien déjeuner » se justifiait un magistrat pris sur le fait dans un restaurant  clandestin. Il a tout à fait raison. Des millions de Français qui travaillent sont contraints aujourd’hui de manger dans la rue, ou pour les plus chanceux dans leur voiture lors de leur pause de midi pour respecter la sur-règlementation sanitaire.

L’encadrement bureaucratique les autorise à travailler, à prendre des transports en commun bondés, à s’entasser dans les centres commerciaux le week-end pour compenser les effets du couvre-feu, mais pas à s’asseoir pour déjeuner ou se réjouir de la promotion d’un collègue.

Non seulement l’État aura géré la crise sanitaire, comme la campagne vaccinale, de manière catastrophique, mais il aura dilapidé en quelques mois cet élément essentiel au bon fonctionnement des institutions et insaisissable par la statistique, le capital social. Il est encore temps de redresser la barre et de revenir au régime ordinaire de la liberté, c’est-à-dire l’État de droit.

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  • Il ne faut surtout pas mettre à l’aise le citoyen pour qu’il puisse réfléchir (collectivement) sur sa situation actuelle… 😉

  • « Il faut bien déjeuner », c’est ce que pensent les ouvriers du bâtiment qui cassent la croûte sur un parpaing faute de restaurants ouverts.
    C’est comme les consignes pour les gestes barrière, qu’on nous répète à longueur de journée, comme à des demeurés.
    Monsieur le Président et Madame, Monsieur Edouard Philippe, vous n’avez vraisemblablement pas été de bons élèves puisque vous avez chopé la Covid.
    Nous sommes tous responsables comme vous dites, et vous un peu plus que les autres.
    Attention, si on reconfine ce sera aussi un peu votre faute !

    • pas « un peu », ça sera totalement de « leur faute », vu qu’ils seront ceux qui auront pris la décision de le faire. Mais bon, ils sont dispensés d’en assumer les conséquences économiques, ce n’est donc pas vraiment un problème pour eux…

    • On sait, depuis un bon moment déjà, que le confinement ne sert à rien. Le lieu majeur où se font les contaminations ne sont ni la rue, ni les boutiques, ni les cinémas, ni les restaurants, mais à la maison! Renvoyer tout le monde à la maison, c’est augmenter les contaminations.
      Bravo les nuls!

    • Et pas seulement les ouvriers du bâtiment. J’ai régulièrement plus d’une heure d’attente en ce moment pour prendre les trains des petites villes où je dois me rendre. Il me reste les gares glacées où les quelques sièges sont occupés par des SDF et quelques distributeurs de chips, la fonction boisson chaude étant souvent en panne. De toute façon, dès que je sors mon portefeuille, je suis entourée de pauvres hères me suppliant de quelques pièces. Parfois menaçants. Je me déplace maintenant avec un équipement de camping, anorak, sandwich préparé chez moi à
      5 h du matin et thermos. Je dois poser mon ordinateur par terre pour travailler avant l’arrivée du train. Car même le Relais H d’une sous préfecture (lieu de fête bien connu) est fermé. Le train lui-même est bondé. Car comme pour le couvre-feu, afin d’éviter les contacts, on a réduit l’offre au lieu de l’étendre.

      • « afin d’éviter les contacts, on a réduit l’offre au lieu de l’étendre. »

        On a réduit l’offre pour éviter que les employés de la SNCF soient exposés. Donc c’est efficace pour eux mais tant pis pour les autres.
        Depuis le début de cette épidémie, l’administration (étatique et hospitalière) ainsi que les fonctionnaires et assimilés savent très bien se protéger et sauvegarder leurs intérêts.

      • L’équipement de survie pour sortir

        Le tiers-monde est venu jusqu’au seuil de notre porte…

  • Dans les Etats totalitaires, presque tout est interdit ou bien soumis à autorisation. Mais comme la vie est impossible, alors tout le monde brave les interdits ou n’a pas toujours les autorisations idoines. Et ce n’est pas grave. Mais si vous ne plaisez pas au régime, aux dirigeants… si vous êtes un opposant, un esprit libre, et que vous vous faites attraper; alors vous allez en taule.
    C’est exactement ce qui est en train de se produire en Macroland.

  • Les privilèges, une spécificité bien française…

    • exact mais je croyais naïvement qu’une certaine nuit dite du 4 août ces privilèges avaient été abolis pour ne plus jamais être restaurés !!! nous aurait on menti et en fait ces fichus petits avantages n’auraient fait que changer de bénéficiaires ????

    • Une inégalité, c’est un privilège qui n’est pas accordé par l’état…

  • En effet nos divers convives ont raison mais ces magistrats , préfets ou policiers auront-ils le courage de défendre leurs points de vue quand ce sera un quidam lambda qui se fera épinglé ??? Il y a fort à parier qu’ils le condamneront courageusement pour avoir désobéi aux décrets , circulaires et injonctions diverses plus ou moins officielles et légales !!! Oui ils ont raison à condition d’être cohérents avec eux-mêmes lorsqu’ils doivent appliquer les directives puériles que l’état technocratique inventent à tour de bras !!!!

  • « Pour être respecté, il faut être respectable. »

    Dixit celui visé par des plaintes pour viol. On y croit.

  • ils ne veulent pas que l’on aille skier en Suisse…

  • pour le commissariat d’Aubervilliers, au moins, ils ne sont pas nuisibles !

  • Vous avez oublié de citer le dîner de Macron avant Noël avec ses amis LaRem, veille de son test covid positif…dîner à plus de 6, et pendant le couvre-feu.
    Puis le voyage avec Mme Macron, pourtant malade du covid, vers Bregançon.

    Les lois ne s’appliquent bien sur pas à Jupiter…

  • « Nous sommes encore à des années-lumière de la tragédie soviétique. » Je n’en suis pas si sûr. La grosse différence avec feu l’URSS: nous n’avons pas encore de goulag. Notre classe dirigeante doit regretter qu’on ait désaffecté Cayenne.

  • Il manque dans l’article le repas de très très hauts notables dans l’ancienne demeure de la marquise de Pompadour (une favorite déjà ..) jusqu’à une heure très avancée de la soirée, et en plus sans égalité des genres.

  • Les commentaires sont fermés.

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