Frais de notaire : une autre exception française

Les « frais de notaire » : derrière cette appellation générale assez trompeuse se cache le fisc, toujours prompt à taxer dès que faire se peut.

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Notaire BY Frédéric BISSON (CC BY 2.0)

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Frais de notaire : une autre exception française

Publié le 22 janvier 2021
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Par Gabriel Collardey.
Un article de l’Iref-Europe

Selon l’INSEE, entre 2017 et 2019, les prix des logements anciens en France ont crû de 3 % par an. Avec la variable du coronavirus les deux premiers trimestres de l’année 2020 n’ont pas échappé à une augmentation nette des prix immobiliers : 4,9 % pour le premier trimestre et 5,7 % pour le second trimestre. Ce dynamisme est porté par une offre de logements anciens inférieure à la demande.

Mais le coût affiché d’un bien sur le marché ne rend pas compte de tous les frais qu’engendre l’achat d’un logement. L’État et les prélèvements obligatoires ne sont jamais loin. En effet, pour tout achat de logement, ancien ou neuf, les « frais de notaire » s’imposent dès la signature du contrat de vente, à destination de l’acquéreur. Derrière cette appellation générale assez trompeuse se cache le fisc, toujours prompt à taxer dès que faire se peut.

 

Comprendre ce qui se cache derrière les frais de notaire

Il ne faut pas se laisser abuser par la terminologie de la formule « frais de notaire », car s’ils doivent bien être payés au notaire, la majeure partie de ces frais ne lui est pas destinée.

Les frais de notaire se décomposent en deux parties :

  • Les droits de mutation ou frais d’enregistrements représentant environ 85 % des frais de notaire.
  • La différence perçue par le notaire comprend ses honoraires et le remboursement des formalités engagées pour la cession du bien.

 

Au total, pour les acquéreurs et selon les départements, les frais de notaire représentent entre 7,7 % et 8 % du prix d’achat. Mais regardons de plus près le détail des droits de mutation ou de frais d’enregistrement.

Ceux-ci représentent 5,8 points des frais de notaire, dont 4,5 points sont une taxe départementale et 1,2 point de taxe communale (exemple pour l’achat d’un bien à Paris), plus une contribution de 2,37 % de la taxe départementale à l’État. Les frais de notaire restants se répartissent entre la TVA et la sécurité immobilière.

 

Une charge importante pour les acquéreurs

Jusqu’à une loi de 2013, les droits d’enregistrement dus au département étaient plafonnés à 3,8 %. Cependant, à partir de 2014, ce plafond est passé à 4,5 %. Il va sans dire que les départements se sont empressés de relever les taux. En 2020, tous les départements français imposaient ce taux de taxation à l’exception des départements de l’Isère, l’Indre, le Morbihan et Mayotte.

Ce coût supplémentaire doit être considéré par tout acheteur avant de faire une offre. Prenons l’exemple d’un couple avec deux enfants qui souhaite acheter dans les Yvelines : pour une maison d’un coût de 750 000 euros, ils devront s’acquitter de 45 772 euros de taxes et de 7360 euros d’émoluments de notaire. Soit un total de 53 132 euros. Ces frais supplémentaires constituent un frein important à l’achat d’un bien, surtout dans un moment de crise ou de baisse de pouvoir d’achat.

Le candidat Macron avait promis une baisse des droits de mutation au moment de sa campagne, promesse restée lettre morte. Pire encore, depuis 2019 les départements réclament une hausse des droits de mutation afin de compenser les pertes dues à la suppression de la taxe d’habitation dont les recettes servaient à financer le RSA.

Les droits de mutation illustrent parfaitement les politiques très françaises du tax and spend. Les acheteurs sont des contribuables comme les autres et à ce titre ils doivent payer. Quand bien même l’achat d’un bien représente un budget conséquent pour les ménages, d’autant que les frais d’agence peuvent représenter, exceptionnellement, jusqu’à 10 % du prix d’achat, faire supporter toujours plus de taxes sur les acteurs économiques, semble une logique sans fin de nos politiques.

 

Une nouvelle exception française

Nous sommes globalement aujourd’hui les champions du monde des prélèvements obligatoires parmi les pays de l’OCDE, et « seulement » deuxième pour les seuls droits de mutation, selon un rapport de l’OCDE paru en 2018.

Parmi nos voisins, seule la Belgique fait pire avec des frais d’enregistrement (ou droit de mutation) s’élevant à 12 %. A contrario, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, les pays les plus libéraux en Europe, appliquent des droits de mutation de l’ordre de 2 %. En Allemagne, il faut compter entre 2,5 % et 6 % selon les landers. Ce calcul étant effectué sur un bien ancien d’une valeur de 200 000 euros, d’après une étude de Fidal.

Cette fiscalité indirecte très appréciée de nos politiques car peu visible pour beaucoup d’électeurs frappe aussi de façon assez hasardeuse des contribuables au gré des circonstances. Car l’achat de l’habitation principale notamment n’est évidemment pas toujours un achat plaisir voire un choix mais souvent une contrainte générée par les mutations professionnelles, les modifications de régime familial ou l’agrandissement du foyer. À ce titre, elle présente donc aussi une grande part d’iniquité.

D’autant que le coût de l’accès à la propriété augmente d’année en année à cause d’un marché saturé et en hausse structurelle depuis 2000, auquel s’ajoutent les frais de notaire. Il va sans dire que l’augmentation des taux plafonds de 2014 ne sera sans doute pas la dernière, devant les pressions exercées par les collectivités territoriales (notamment la maire de Paris).

Ces droits de mutation sont d’autant plus intolérables et excessifs qu’ils s’ajoutent à l’Impôt sur la Fortune Immobilière, jusqu’à 1,5 % par an de la valeur des biens, aux droits de succession jusqu’à 45 % en ligne directe et 60 % entre tiers, aux impôts foncier et d’habitation, à la CSG et à l’impôt sur le revenu sur les loyers et les plus-values.

Ce qui fait que la France a l’une des fiscalités sur le patrimoine immobilier parmi les plus élevées du monde : en 2018, les impôts sur le patrimoine représentaient 4,1 % de notre richesse nationale, soit une part deux fois plus élevée que la moyenne internationale (1,9 %).

Sources :

  • Agence-étoile, Droits de mutation et « frais de notaire », 17 septembre 2017
  • Commissariat général au développement durable, Hausse des droits de mutation : quel impact sur le marché de l’immobilier ? Ministère de l’Écologie, décembre 2017.
  • Institut de l’Épargne immobilière et foncière, La France championne d’Europe de la fiscalité immobilière, 23 octobre 2014
  • Notaire de France, Marché immobilier : tendance et évolution des prix de l’immobilier, 28 octobre 2020
  • Rapport OCDE, Impôt sur le patrimoine, 2020
  • Simulation des frais de notaire, effectuée sur Immobilier.notaires.fr
  • Fédération des promoteurs immobiliers de France, étude sur la fiscalité immobilière en Europe, Fidal, 2014

Sur le web

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  • En Wallonie, les « frais de notaire » font bien plus que 12 % !
    Pour un appartement de 200.000 €, 12.5 % en droits d’enregistrement, soit 25.000 €, 2.160 € en honoraires de notaire,
    1.100 € de frais administratifs ( Etat ), 685 € de TVA et 230 € de transcription au registre des hypothèques, soit 29.175 € ou 14.59 %.

    Et, pour les droits de successions entre tiers, la Wallonie bat également la France : 80 % à partir de 75.000 € ( réduit de 90 % à 80 % suite à une intervention du conseil d’Etat, jugeant 90 % confiscatoire )

    ( Source : notaires . be, l’organe officiel du notariat )

    • On sait que la Wallonie est hyper socialiste. Comme dans tout pays (région en l’occurence) plus il y a de socialisme, plus il y a d’impôts et taxes, moins il y a de croissance, plus le pays sombre dans la misère.

  • La Wallifornie. Encore plus marxiste que la France. Dans le temps, il me semble qu’à Bruxelles le taux était 17,5%. C’est qui le champion??

  • Les notaires ont le dos large pour accepter cette dénomination fallacieuse qui sont effectivement des impôts dont se sont goinfrés les collectivités locales avec l’augmentation du coût de l’immobilier avec Paris en exemple ultime où cela représente des sommes colossales et malgré tout la mairie est en déficit abyssal.Collectivités locales qui malgré cet apport ne cessent d’augmenter les impôts!
    Plus jeune aux USA j’avais voulu acheter un article ,surprise à la caisse ,le prix n’était pas le même,prix affiché HT en rayon et rajout de la TVA à la caisse,je ne sais pas si c’est toujours le cas actuellement?
    Ce devrait être la même chose en France pour chaque achat,cela permettrait à chacun de réaliser ce que l’Etat empoche à chaque fois!Surtout que de moins en moins de gens payent l’IR ni de TH maintenant et que l’impôt à la source a tendance à le rendre indolore.

    • L’affichage des prix hors-taxe et l’ajout de la taxe à la caisse à la mode USA a un bon côté pédagogique, qui permet à chacun de bien mesurer cette taxe.
      Je me souviens effectivement, le comic book à 12 cents quand il était acheté seul, et à un quarter les 2, sans rendu de monnaie ! Mais le plus surprenant était que la taxe était arrondie au cent inférieur, une magnanimité inconnue dans l’ancien monde…

    • Aux USA, la TVA ( sales tax ) ne dépend pas du fédéral, mais de chaque état. Le prix affiché est censé représenter la valeur de la marchandise hors taxe sur les ventes.

      Et, pour nous faire rêver, le taux est compris entre 0% et 8.75 %. ( ce dernier en Californie, le plus à gauche – écolo de tous les états )

  • la partie de l’article détaillant d’une part les droits de mutation d’une part et se terminant d’autre part par une phrase sibylline indiquant que le reste des frais se répartit entre la TVA et la sécurité immobilière manque de clarté et de rigueur. Dommage. Par ailleurs aucune info sur les honoraires. Cet article manque de professionnalisme.

  • Ces droits de mutation entrainent aussi l’immobilité des travailleurs. En effet, il faut minimiser les actions achat/vente, car les montants sont considérables (des années de loyers!).
    Ils poussent ainsi les travailleurs à refuser de changer de région une fois propriétaires. De même, les retraités ont intérêt à garder un appartement trop grand pour eux, car le gain en rachetant plus petit est de beaucoup amputé, aggravant la crise du logement.
    Il y a le problème des HLM et APL bien sûr aussi…

    • Dès que l’on ajoute une « friction » (taxe, règlement…) à un marché, on empêche le marché de trouver son équilibre optimum. Comme une balance dont le fléau frotte au lieu de se déplacer librement.

      C’est la même chose avec les règles qui « encadrent » les loyers, salaires…

    • C’est tout à fait exact que ces frais freinent la mobilité, l’envie d’entreprendre et donc entraînent plus de chômeurs ! quand en plus, les aides « sociales » favorisent le maintien au chômage sans que le chômeur en soit inquiété , on comprend pourquoi ce pays va en déclinant et aura du mal a s’en relever !

  • C’est aussi une des raisons pour laquelle l’Etat n’a aucun intérêt à freiner la flambée du prix de l’immobilier.

  • Avec la nouvelle dette post-covid, ils ne vont sûrement pas baisser et il va falloir intégrer cette nouvelle donne. Les dettes se paient toujours. Seuls ceux qui les paient varient…et moi je sais qui va douiller….

  • de plus j’ai rarement vu un notaire compétent. Ces gens là ont un revenu moyen de 19000€/mois uniquement grâce au monopole accordé par l’état.

  • Les commentaires sont fermés.

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