États-Unis : nouvelle hausse des droits de douanes sur les vins et spiritueux

Il s’agit en réalité une réponse américaine aux dernières taxes imposées par l’UE sur 4 milliards de produits américains.

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États-Unis : nouvelle hausse des droits de douanes sur les vins et spiritueux

Publié le 6 janvier 2021
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Par Aymeric Belaud.
Un article de l’Iref-Europe

Les viticulteurs disent merci à l’Union européenne…

Dans un précédent article relatant la bonne performance du cognac sur le marché américain, nous avons expliqué que les États-Unis étaient le partenaire le plus fiable pour les producteurs du spiritueux charentais. Notre conclusion prenait la forme d’une espérance, que le cognac ne subisse pas de futures taxes protectionnistes dans le conflit commercial opposant les États-Unis et l’Union européenne.

Malheureusement, ce souhait n’a pas tenu l’année. L’administration Trump a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi qu’elle allait imposer des droits de douanes supplémentaires sur les vins et les spiritueux à base de vin, dont le cognac fait partie.

Cette hausse risque de fortement pénaliser le cognaçais. Mais c’est en réalité une réponse américaine aux dernières taxes imposées par l’UE sur 4 milliards de produits américains.

Depuis maintenant plus de 15 ans, l’Union européenne et les États-Unis s’accusent mutuellement devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de verser des aides publiques illégales à Airbus pour l’UE, et à Boeing pour les Américains. Ce bras de fer ne date donc pas d’un certain Donald Trump qui serait protectionniste, et ne se dissipera probablement pas avec la future administration Biden.

Même si les deux camps semblent en tort, l’Union européenne est en réalité la plus fautive. En effet, en 2010, l’OMC a demandé le retrait de chaque subvention prohibée perçue par Airbus. Selon Boeing, 70 % des demandes américaines ont été reconnues fondées par l’OMC.

Même si l’Organisation mondiale du commerce a reconnu en 2012 que Boeing a reçu des milliards de dollars d’aides illégales, en 2016 elle condamne à nouveau l’UE qui continuait à verser à Airbus les mêmes subventions prohibées. Et en mai 2018, l’organe d’appel de l’OMC confirme que ces subventions ont porté préjudice à Boeing. L’UE se targue donc d’être « forte » dans une affaire où elle est gravement en tort.

Résultat de ces années de conflit commercial, en octobre 2019, l’OMC a autorisé Washington à prendre des sanctions tarifaires sur 7,5 milliards de dollars de biens et services provenant de l’Union européenne comme le vin ou certains fromages par exemple. Les États-Unis ont mis en place des droits de douanes additionnels de 25 % sur les vins français ayant un degré d’alcool inférieur ou égal à 14 %.

Suite à cela, en octobre 2020, la même OMC a autorisé l’UE à taxer 4 milliards de dollars de produits américains. Frank Riester, le ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, se félicitait même de la détermination de l’UE dans un tweet daté du 9 novembre.

La réponse américaine à la surenchère européenne fut rapide. Pour clore l’année 2020, et avec l’aval de l’OMC, l’administration Trump décide d’élargir sa taxe initiale de 25 % à l’ensemble des vins (sauf les pétillants comme le champagne) et aux spiritueux à base de vin, comme le cognac. Et les effets de ces nouveaux droits de douanes pourraient être très délétères pour le secteur du cognaçais.

Un jeu de sanctions qui impacte lourdement les producteurs de vins et spiritueux français

Selon les chiffres du Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), la part des États-Unis dans le marché du cognac sur l’année mobile 2019/2020 arrêtée fin novembre 2020 représente 55,48 % des exportations en quantité (volume) et 49,15 % des exportations en valeur !

En somme, l’Oncle Sam représente la moitié des exportations de cognac à lui seul. Un partenaire crucial et indispensable à la bonne santé économique du cognac et de sa région. Pour rappel, ce sont 60 000 personnes qui vivent grâce au cognac ; et près de 100 000 emplois qui dépendent de la bonne santé de la filière ! Et qui dit bonne santé, dit exportation facilitée…

Pour César Giron, le président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) :

C’est un coup de massue qui frappe aujourd’hui les exportateurs français […] Après une année 2020 extrêmement compliquée, ces sanctions viennent frapper l’ensemble de la filière française des vins et spiritueux. Nos entreprises sont victimes d’un conflit qui nous est étranger et qui relève d’une négociation entre États.

Selon la FEVS, les importations américaines de produits français surtaxés ont été divisées par deux entre novembre 2019 et octobre 2020, soit une perte de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires pour les exportateurs français.

De fait, ces nouvelles sanctions risquent de causer de nouveaux dommages aux producteurs français. Sans évolution positive de la situation, la FEVS évalue les pertes pour l’année à venir à plus d’un milliard d’euros ! Un véritable coup dur pour la filière, qui fait la renommée de notre pays à l’international.

C’est d’autant plus compliqué que les nouvelles sanctions ciblent une nouvelle fois la France avec davantage de force que les autres pays européens. Et ce n’est pas un hasard, mais le résultat de la volonté française de tenir tête aux États-Unis comme le prouvent les diverses réactions des ministres français Le Maire, Riester, ou Denormandie.

Des taxes sur les vins et spiritueux qui impactent tout le secteur agricole

Ce jeu de sanctions n’affecte pas uniquement les producteurs de vins et spiritueux, mais également tous les agriculteurs étrangers au secteur du vin.

En effet, les droits de douanes de l’UE d’octobre dernier vont créer une surtaxe de 25 % sur certains produits et équipements agricoles, agro-alimentaires et industriels américains. Cela concerne notamment les tracteurs, impactant entre autre la marque John Deere.

Tracteurs fabriqués en Iowa, ils sont les plus achetés par les agriculteurs français en 2019. Ceux qui souhaitent investir, dans une situation déjà difficile, paieront donc encore plus cher leurs tracteurs…

Cela ne semble pourtant pas déranger le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie qui, dans un entretien à la radio Europe 1, s’est dit favorable à ce que l’Union européenne « montre les muscles » dans ce « rapport de forces ». Les agriculteurs français apprécieront…

Les producteurs de vins et spiritueux français vont donc payer les pots cassés de l’entêtement de l’UE, et de sa décision illégale qui ne les concerne absolument pas.

Malheureusement, nous ne sommes pas à la fin de cette course aux sanctions commerciales. La volonté de taxer et réglementer les GAFA en Europe, poussée encore une fois par la France, pourrait donc voir arriver de nouvelles sanctions commerciales américaines, et impacter d’autres secteurs économiques dans un contexte de crise.

Il serait donc temps que les deux camps (en particulier l’Europe) arrêtent la surenchère. A vouloir se montrer puissante sans proposer rien d’autre que des taxes et des réglementations, Bruxelles, avec la bénédiction de l’Etat français, ne fera que détruire des emplois.

Sources :
Charente Libre, « Washington va taxer de nouveaux produits européens », 01/01/2021, p. 27.
https://www.leparisien.fr/economie/ …
https://www.leparisien.fr/economie/ …
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  • Rien à foutre des viticulteurs, rien à foutre des restaurateurs, des comédiens, des remonte-pentes, des cinémas, des français…

    Ils vivent dans leur bulle, dans leur posture, leur imbécilité;

    même Benito qui joue du menton sur son balcon a l’air moins con que nos zélites dès que l’on agite un micro mou sous leur groin.

    Aïe, y a mon Opinel qui vient de s’ouvrir dans ma poche…

  • les règles de commerce international ça se ressemble toujours à discuter UNE taxe..et non pas le principe de taxation..

  • Si les Étasuniens (l’État) taxent les vins et spiritueux européens, ils (les particuliers) en achèteront moins donc, a priori, plus de disponibilité sur le marché européen ! … Cela occasionnera-t-il des prix plus abordables aux lambda que nous sommes ?
    La bouteille de vin correct en 10 ans a au pesque doublé (pas de volume) l’inflation n’est soit disant inférieure à 1% par an (cela depuis 20 ans). Et ne parlons pas des alcools un peu plus costauds, je suis passé à l’Армянский коньяк, les produits charentais de qualité équivalente étant inabordables ; il y a l’Armagnac qui reste plus dans une tranche de prix correcte (les producteurs ne s’étant pas trop tournés vers l’export).

  • Au lieu de s’en prendre normalement à l’Irlande ils s’en prennent à la première économie mondiale, il y a forcément des représailles à en attendre, vive l’ue des…. Hypocrites, je suis très gentil.

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