L’enracinement du libertarianisme (2)

Plutôt que de parler d’une doctrine libertarienne, il convient de parler d’un esprit anti-étatiste.

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Henry David Thoreau BY B. D. Maxham - National Portrait Gallery -Public domain

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L’enracinement du libertarianisme (2)

Publié le 1 janvier 2021
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Par Fabrice Copeau.

Le libertarianisme afficha une indépendance grandissante à mesure que la Guerre froide occupa l’avant-scène du débat politique, et que la question étrangère détermina les clivages.

Loin de revendiquer une rupture, les libertariens prétendaient à l’inverse perpétuer une tradition anti-étatiste, mise à mal par les nouveaux conservateurs.

Il faut donc tenir ensemble les deux approches, rupture et continuité, et appréhender le libertarianisme comme l’expression singulière d’une tradition antiétatiste américaine1.

Plutôt que de parler d’une doctrine libertarienne, il convient de parler d’un esprit anti-étatiste. La doctrine ne se constituera, de manière systématique, qu’après l’institution du mouvement libertarien contemporain. Ceci permet de souligner que la doctrine libertarienne est en tout point indigène.

Et que le libertarianisme se présente, en référence à Jefferson ou Paine, comme la synthèse du libéralisme classique, de l’anarchisme individualiste et de l’isolationnisme. Qui sont bien trois manifestations anti-étatistes.

Un anti-étatisme moral : l’anarchisme individualiste

Protégé des contaminations communistes européennes, cet anarchisme individualiste pouvait à bon droit se réclamer de l’œuvre des constituants de Philadelphie qui élevèrent à la dignité d’un principe politique le droit de résistance au pouvoir.

Henry David Thoreau (1817-1862) : l’homme du repli individualiste

À l’écoute de la nature, et éprouvant le besoin de s’éloigner du monde, Thoreau se retranche tel un ermite et rédige Walden ou la vie dans les bois. Pendant son asile, il n’avait pas cru bon de s’acquitter des impôts qui lui étaient demandés, prétextant qu’un gouvernement admettant l’esclavage et faisant la guerre au Mexique était indigne de son soutien.

De retour à la vie « civilisée », il est écroué. Il rédige à sa sortie de prison, en 1849, La désobéissance civile, aujourd’hui considéré comme le bréviaire de la résistance non-violente.

Pour Thoreau, l’État ne saurait être qu’un expédient devant disparaître partout où l’initiative individuelle est susceptible de s’exprimer. Mais il se garde d’appeler à la violence. Il préconise une « désobéissance civile », c’est-à-dire un refus de payer ses impôts.

« Si un millier d’hommes refusaient de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une mesure violente et sanguinaire, comme le fait de les payer et permettre par là à l’État de commettre la violence et de verser le sang innocent. Telle est, en fait, la définition d’une révolution paisible, si semblable chose est possible »2.

L’État réclame de la part de ses sujets un consentement absolu (un droit absolu sur ma personne et ma propriété).

Thoreau, au contraire, se « plaît à imaginer un État qui […] traite l’individu avec respect comme un voisin ; qui ne jugerait pas sa propre quiétude menacée si quelques-uns s’installaient à l’écart, ne s’y mêlant pas, en refusant l’étreinte ».

Il prône une sorte de généralisation du droit de résistance lockéen, confinant ainsi à l’anarchisme.

Lysander Spooner (1808-1887) : le père de l’anarcho-capitalisme

Au début des années 1840, Spooner mit sur pied une compagnie privée The American Letter Mail Company, dont le succès incita le gouvernement à faire voter une loi institutionnalisant le monopole étatique sur les services postaux.

Pour justifier théoriquement ses agissements, Spooner rédigea une brochure qui ne se contentait pas de dénoncer les dommages économiques causés par un monopole étatique ; il dénonçait plutôt et essentiellement les risques qu’un tel monopole faisait courir sur les libertés individuelles.

La hantise de Spooner était que l’État pût alors contrôler la correspondance des particuliers.

Son apport ne se limite pas à cet épisode. Sa distinction entre la morale et le droit ou, pour reprendre ses propres termes, entre les vices et les crimes, dans un court texte de 1875, est passée à la postérité :

« Les vices sont les actes par lesquels un homme nuit à sa propre personne ou à ses biens. Les crimes sont les actes par lesquels un homme nuit à la personne ou aux biens d’autrui. »

Tant que l’individu ne se nuit qu’à lui-même, l’État n’a pas à intervenir. L’État n’a pas à protéger l’individu contre lui-même. Tout ce qui est bon d’un point de vue moral n’a pas à être rendu obligatoire en droit.

Dans un autre pamphlet, Outrages à chefs d’État, Spooner affirme que le seul contrat susceptible de lier ceux qu’il concerne doit faire l’objet d’une signature effective de ces derniers.

La Constitution américaine n’a pas fait l’objet d’un tel contrat. Comme l’écrit Spooner, « la Constitution, parce qu’elle était leur contrat, est morte avec eux ». L’assentiment unanime ne peut s’exprimer ni par le vote ni l’acquittement de l’impôt.

D’une part, « des gens auxquels il est permis de se choisir périodiquement de nouveaux maîtres n’en sont pas moins esclaves ». D’autre part, croire que l’impôt est un signe d’assentiment implicite de la Constitution, c’est oublier qu’il est imposé par la force. « Tous les grands gouvernements de la terre […] ne sont que de simples bandes de voleurs qui se sont associés dans le but de dépouiller, conquérir et asservir leurs semblables ».

Benjamin Tucker (1854-1939) et le journal Liberty : la diffusion d’un esprit libertaire

L’idée défendue par le journal Liberty est emprunté à Josiah Warren : celui de la souveraineté individuelle. Il faut ainsi protéger chaque individu de toutes les violations extérieures que son environnement est susceptible de commettre sur son corps et sa propriété.

Or, Tucker remarque que l’auteur principal de ces infractions répétées n’est autre que l’État. Les anarchistes sont donc pour lui des « démocrates jeffersoniens impavides ».

Tucker et Liberty défendent ainsi l’amour libre, le divorce, les relations sexuelles insolites, la privatisation de la sécurité (qu’il emprunte à Gustave de Molinari).

« La défense est un service comme les autres. C’est un travail à la fois utile et désiré, et donc un bien économique sujet à la loi de l’offre et de la demande. Sur un marché libre, ce bien serait fourni au prix de sa production. La compétition prévalant, le succès irait à ceux qui fournissent le meilleur article au meilleur prix. La production et la vente de ce bien sont, aujourd’hui, monopolisés par l’état. Et l’État, comme tous les détenteurs de monopoles, propose des prix exorbitants ».

Si, au début de Liberty, Tucker manifeste un grand respect pour les révolutionnaires européens de l’époque, les événements du Haymarket de 18863 changent radicalement sa position. La stratégie adoptée par Liberty consiste en une guerre des idées visant à abolir, par la persuasion, non pas tant l’État que l’idée qui le fait vivre.

Toutefois, il y a chez Liberty une profonde hostilité à l’égard d’un certain capitalisme, le capitalisme d’État. Tucker insiste sur le fait que tous les monopoles, fussent-ils privés, ne peuvent se maintenir qu’avec le soutien de l’État.

Il en conclut que, plutôt que de renforcer l’autorité comme le préconisent les marxistes, il faut à l’inverse l’évacuer du jeu économique et laisser se déployer le principe qui lui est le plus hostile, la liberté.

Cette condamnation des monopoles autorise Tucker à tancer la bourgeoisie qui en bénéficie, tout en proclamant bien haut ses préférences libérales. Il en conclut même que « les seuls qui croient vraiment au laisser-faire sont les anarchistes ».

Un anti-étatisme économique : le libéralisme classique

Prôné par les Pères Fondateurs, qui lui donnent un fondement jusnaturaliste, il ne trouve ensuite chez les intellectuels guère d’apologistes. Dès la fin du XIXe siècle, ses principes sont souvent dévoyés et associés à la défense d’une politique conservatrice.

La première moitié du XXe siècle est marquée par un profond désaveu des thèses libérales. Il faut attendre le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour voir les préparatifs d’une prochaine renaissance.

Le libéralisme américain au XIXe siècle : une pente conservatrice

Pour Rothbard, l’histoire du libéralisme américain au XIXe siècle est marquée par deux glissements liés l’un à l’autre. L’abandon progressif d’une philosophie des droits naturels pour un utilitarisme technocratique ou un darwinisme social.

Ensuite, un renoncement au radicalisme originel au profit d’une pente conservatrice, que Lippmann dénonçait déjà dans La Cité libre. Comme il l’écrit : « C’est ainsi que, à l’origine radicaux et révolutionnaires, opposés diamétralement aux conservateurs, les libéraux classiques en sont venus à adopter l’image de ce qu’ils avaient combattu ».

Rothbard fait ici référence explicite aux Apologistes américains de la fin du XIXe, J.B. Clark, JL. Laughlin, S. Newcomb, qui avaient pour mission de justifier les changements entraînés par le nouveau capitalisme industriel. Ils affirmaient que l’extension des pouvoirs économiques d’un État, de surcroît ouvertement corrompu, était légitime.

Les Apologistes justifiaient ainsi les pouvoirs étatiques d’écraser les syndicats et associations agricoles, de fixer les prix, de réguler la compétition entre les industries, et d’augmenter fortement les taxes douanières. Ils convoquaient en outre volontiers des arguments moraux religieux pour justifier l’ordre établi.

Pour Rothbard, c’est Spencer (1820-1903) qui le premier diffusa l’idée que l’évolution naturelle, découverte par Darwin, pouvait être appliquée à l’étude des phénomènes sociaux.

Pour Spencer, le progrès social procède d’une sélection des meilleurs. Mais, contrairement à l’interprétation qu’a pu en faire Rothbard, cette pensée ne se traduit nullement par un attentisme et une acceptation passive du statu quo.

Spencer plaidait à l’inverse pour une lutte volontaire contre tous les obstacles contrariant ce progrès social, à commencer par l’État. Il rédigea ainsi en 1850 Le droit d’ignorer l’État, dans lequel il faisait assaut manifeste d’antiétatisme. Comme il l’écrit, « Si chaque homme a la liberté de faire tout ce qu’il veut, pourvu qu’il n’enfreigne pas la liberté égale de quelque autre homme, alors il est libre de rompre tout rapport avec l’État – de renoncer à sa protection et de refuser de payer pour son soutien […] il a par conséquent le droit de se retirer ainsi. ».

C’est bien plus William Sumner (1840-1910) qui reste l’ennemi par excellence des promoteurs de réformes sociales. Adhérant lui aussi au darwinisme social, il assigne à l’État un rôle prééminent, de protection de la liberté civile (constituée de la propriété, des contrats et de la vie).

C’est enfin Sumner qui, le premier, dénonça le militarisme, l’expansion et l’impérialisme, qui « favorisent toujours la ploutocratie » ; il participa à la fondation, en 1898, de la Anti-Imperialism League, créée en réaction à la guerre d’Espagne.

Si l’on suit la démonstration de Rothbard, on peut dire que le radicalisme de Spencer et de Sumner était de circonstance. Si un État fort prétendant favoriser le processus de sélection naturelle – comme l’Italie fasciste – n’eut peut-être pas trouvé grâce à leurs yeux, il n’eût pas non plus rencontré dans leurs œuvres une condamnation solide et radicale.

La cause, selon Rothbard, à leur refus de visser leur antiétatisme à la reconnaissance de droits naturels. À l’inverse de Henry George (1839-1897), qui, lui, s’appuiera sur une doctrine jusnaturaliste, alors pourtant en voie de disparition.

George souligne le paradoxe pour lui insupportable entre un progrès soutenu et une pauvreté persistante. En 1879, il publie Progrès et pauvreté, où il dénonce le fait que les richesses sont accaparées par les propriétaires terriens par le biais des loyers.

D’où le remède préconisé : il suffirait de faire payer à chacun un impôt proportionnel à la valeur de la terre qu’il exploite. Cette théorie suggère une propriété collective des biens naturels. Certes.

Mais Henry George croit en l’existence de droits naturels inaliénables qui contraignent l’État à garder ses distances d’avec les individus. Parmi eux, il inclut volontiers le droit de propriété.

Comme chez Locke, il considère que l’homme se fait le propriétaire de tout ce à quoi il mêle son travail. Il insiste aussi sur l’importance de la division des connaissances en économie, et sur l’impossibilité de les centraliser en un seul cerveau.

Il est ainsi profondément opposé à une planification étatique, et condamne le socialisme au motif qu’il rend impossible toute coopération spontanée entre agents économiques.

Le libéralisme américain au XXe siècle : du déclin à la préparation d’un renouvellement

À partir de la crise de 1929, le mot « libéralisme » refait surface, mais dans un sens tout à fait singulier, rappelé par Alain Laurent dans Le libéralisme américain, histoire d’un détournement : les principaux propagandistes du New Deal (à commencer par John Dewey, et avant lui Hobhouse) usurpèrent le terme liberal.

En réaction, en 1938, un colloque initié par Walter Lippman fut organisé, pour faire converger les idées de Lippmann avec les différentes tentatives européennes de résistance intellectuelle au socialisme.

La version alors proposée se situe à mi-chemin du « nouveau libéralisme » des liberals et du libéralisme classique. Ses contempteurs se baptisent néolibéraux, pour signifier un retour au libéralisme d’origine, là où les nouveaux libéraux marquent une rupture. Hayek, Mises, Hazlitt, Read, en sont les principaux protagonistes.

En 1947, la Société du Mont-Pèlerin, qui se propose elle aussi de réhabiliter le libéralisme, marque une radicalisation certaine des positions des participants, sous la houlette de Hayek. Minoritaires en 1938, les libéraux indisposés au compromis sont suffisamment nombreux pour imposer leur intransigeance.

Toutefois, le mot « néolibéralisme » ne désigne en fait qu’une doctrine exclusivement économique, que s’approprieront volontiers les nouveaux conservateurs, mais dont ne se contenteront nullement les libertariens.

Un anti-étatisme isolationniste : la Old Right

Née en réaction au New Deal, la Old Right a, jusqu’au début des années 1950, représenté l’une des tendances les plus fortes dans le Parti Républicain sous l’impulsion du sénateur Robert Taft.

Les grandes figures de la Old Right

Chez eux, l’individualisme n’est pas une doctrine. C’est un tempérament. Henry Louis Mencken (1880-1956) conjugue un anti-étatisme virulent, une croyance dans le laissez-faire et une opposition à toute intervention belliqueuse.

Il s’est aussi montré tout à fait réticent à la politique du New Deal. Lorsque Roosevelt décida de dévaluer le dollar, Mencken cria spontanément : « Au vol ! » et menaça de porter l’affaire devant la Cour Suprême.

Il s’est enfin fortement opposé à l’entrée en guerre des États-Unis lors de la Seconde Guerre mondiale.

Albert Jay Nock (1870-1945), dans Our Enemy, the State, applique les analyses sociologiques de Oppenheimer au développement de l’État américain moderne. Pour Oppenheimer, la cause de la genèse de tous les États vient de l’opposition entre deux groupes se distinguant selon deux méthodes de survie antithétiques : l’économie ou la politique.

Il considère que l’adoption de la Constitution « marqua le début de la contre-révolution conservatrice, et les grosses entreprises en étaient le moteur. Contre les fermiers et les petites entreprises, les grands intérêts financiers ont fomenté puis opéré un véritable coup d’État, en jetant simplement les articles de la Confédération dans une corbeille à papier ».

Nock édite dans les années vingt The Freeman, dans lequel il considère que le New Deal n’a pas seulement des effets nocifs sur l’économie, mais surtout ne détruirait rien moins que l’âme humaine. Il va jusqu’à identifier l’œuvre de Roosevelt à celles de Hitler et Staline.

Franck Chodorov (1887-1966) fut le directeur de la Henry George School of Social Science et éditeur du journal publié par l’Institut, The Freeman.

À la mort de Nock, il devint son exécuteur testamentaire. La transmission n’était pas seulement juridique : Nock léguait aussi à son descendant une mission qu’il présentait comme le « boulot d’Isaïe ».

Isaïe est envoyé sur terre pour prévenir les futurs maux qui menacent la société, et le prophète est bien conscient que ses mots ne seront pas entendus par la masse, mais seulement par une petite minorité d’élus, que Nock appelle « le Rémanent ».

Les membres du Rémanent ont besoin d’encouragements et de remontants ; la tâche de Chodorov sera de prendre soin d’eux.

Mais cette esquisse ne serait pas complète sans les trois femmes qui, peut-être davantage que leurs pairs masculins, ont ouvert la voie à la constitution du libertarianisme contemporain.

Rose Wilder Lane (1886-1968) publie en 1936 Give me Liberty, dans lequel elle fustige la perversion des idéaux individualistes américains accomplie par la politique de Roosevelt. « Aveugles à l’Amérique et adorant l’Europe, ces pseudo-penseurs réactionnaires ont renversé la pensée américaine dans un effort de se rapprocher de l’Allemagne du Kaiser ».

Elle envoie en 1943 une lettre à une émission de radio, dans laquelle elle dénonce « toutes ces lois sur la ‘sécurité sociale’, qui sont allemandes ». Le FBI s’en empare, monte un dossier sur Lane, la police d’État se rend à son domicile, et Rose Wilder Lane se met dans une colère furieuse, accusant les policiers, censément au service de la population, d’être aussi vils que la Gestapo.

Cette réplique, reprise par la presse, la rendra célèbre. C’est à cette époque qu’elle publie The Discovery of Freedom : Man’s Struggle against Anthority, qui inscrit l’histoire de l’humanité tout entière comme dirigée par la résistance de l’homme face à l’autorité.

Isabel Paterson (1886-1961) était chroniqueuse au New York Herald Tribune. Elle publie en 1943 The God of the Machine, ouvrage dans lequel elle montre que les États-Unis seraient le produit d’une « énergie » libre et débridée, mais néanmoins autodisciplinée et contrôlée par les individus.

L’autorité, incarnée dans l’État, ne serait alors qu’une illusion, ne pouvant que gêner ce flux d’énergie, ou bien retarder les actions humaines. Elle considère que la militarisation de la société et la mise en place de la conscription ne sont que les conséquences de l’intervention étatique dans l’économie.

Enfin, Ayn Rand (1905-1982) publie, en 1943 également, La source vive, roman qui narre le renvoi du jeune architecte Howard Roark de son école. Motif : refus de se plier aux canons de l’architecture traditionnelle.

À l’inverse, son compagnon de classe Peter Keating, autrement moins doué que son camarade, dont il ne cesse de quémander l’assistance, finit major de sa promotion. Keating rencontre un succès retentissant en se contentant le plus souvent d’imiter les standards architecturaux hérités de l’histoire.

À la fin du roman, il sollicite à nouveau l’aide de son rival pour obtenir un contrat très juteux : la construction de logements sociaux. Mais, si Keating remporte le concours, un journaliste découvre rapidement la supercherie, et dépêche d’autres architectes pour altérer le projet.

Roark, à son retour de voyage, découvre dans une rage froide la corruption de son projet et décide de détruire les logements sociaux à la dynamite. Il est arrêté. Lors de son procès, Roark prend sa propre défense en énonçant les principes individualistes d’Ayn Rand, et est finalement acquitté.

Une filiation directe avec les libertariens

C’est Murray Rothbard qui intègre la Old Right au courant libertarien. Il rencontre Chodorov, puis Mises, dont il devient très proche. Après la défaite de Taft à l’investiture présidentielle, Rothbard quitte le parti Républicain, fonde The Vigil, afin de veiller à ce que la tradition de la Old Right ne fut pas engloutie par les phagocytes conservateurs.

Il considère que la Old Right avait deux faiblesses, qu’il va s’efforcer de combler : d’une part, elle était marquée par une absence d’assise théorique susceptible d’apporter une cohérence à ses différentes prises de position ; d’autre part, elle ne fut à aucun moment un mouvement organisé susceptible de peser sur l’opinion publique. Il y avait même chez ces différents penseurs un refus manifeste d’une quelconque volonté de se rassembler.

C’est à tout cela que le mouvement libertarien tentera de remédier.

Article initialement publié en décembre 2010.

  1. S. L. Newman défend un point de vue similaire : « Il y a toujours eu une tradition anti-étatiste dans la politique américaine ; le libertarianisme en est simplement l’une des plus récentes manifestations » (S.L. Newman, Liberalism at Wit’s End: The Libertarian Revolt against the Modern State, Itchaca, Cornell University Press, 1984, p. 22).
  2. H. D. Thoreau, La désobéissance civile, p. 28.
  3. Massacres à Chicago perpétrés par des anarchistes violents le jour du 1er mai. On ne sait pas vraiment qui a été à l’origine des événements, de la police ou des manifestants ; mais cette date devait stigmatiser à jamais le mouvement anarchiste comme violent et faire de Chicago un point chaud des luttes sociales de la planète.
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  • Oui mais en France nous sommes au Walfare State. Une de mes propositions qui va faire hurler les lecteurs de cet article c’est d’accorder le Droit de Vote qu’à ceux qui payent des impôts sur le revenu ou le patrimoine.

  • Je crois comprendre que « libertarianism » est le terme américain qui correspond à « libéralisme » en France. Ceci parce que la gauche américaine avait déjà annexé le terme « liberal ».
    Ce que je ne comprends pas c’est le sens de « libertarien » dans le bouche d’un Français. Autrement dit quelle est la différence, en France, entre libéral et libertarien? Si quelqu’un sait, merci de m’éclairer.

  • Tout cela est bien beau mais pour que l’individu ou une société soient libres il faut encore qu’ils le veuillent. Les circonstances peuvent les y amener, comme les persécutions qui ont été à l’origine des USA.

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