Géorgie : qui contrôlera le Sénat aux États-Unis ?

L’élection présidentielle américaine devrait voir aujourd’hui la confirmation de la victoire de Joe Biden, mais le contrôle du Sénat, essentiel pour la politique qui sera appliquée, est toujours en jeu en Géorgie.

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Le Capitole à Washington DC (Crédits Wally Gobetz, licence Creative Commons)

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Géorgie : qui contrôlera le Sénat aux États-Unis ?

Publié le 14 décembre 2020
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Par Alexis Vintray.

Les grands électeurs américains devraient confirmer aujourd’hui 14 décembre la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine. C’est en effet aujourd’hui que les 538 grands électeurs se réunissent dans chaque État pour voter. L’ancien vice-président de Barack Obama doit recevoir ce jour 306 voix contre 232 au président sortant Donald Trump. Voir ici pour les heures des votes sur le site de l’Ohio State University.

Mais cette étape de la présidentielle américaine ne permettra pas pour autant à Joe Biden de mettre en œuvre sa politique puisque le contrôle du Sénat reste à ce stade incertain. Les républicains y contrôlent 50 voix, contre 48 aux démocrates, sur un total de 100.

La Géorgie, là où tout va se jouer

Qui aurait pu se douter que la Géorgie, cet État de 10,6 millions d’habitants allait jouer les arbitres en 2020 ? Pourtant ce sera le cas : les deux sièges au Sénat restant à pourvoir sont dans cet État du Sud. La Géorgie organise le 5 janvier deux run-offs, aucun candidat n’ayant obtenu 50 % des voix le 3 novembre. Ces élections opposeront le sénateur républicain sortant David Perdue au démocrate Jon Ossoff et la Sénatrice républicaine sortante Kelly Loeffler au révérend Raphael Warnock, démocrate.

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Si les démocrates remportent les deux sièges, ils seront à 50-50 avec les républicains mais la vice-présidente Kamala Harris aura le vote décisif pour trancher en cas d’égalité.

Les sièges en Géorgie sont actuellement détenus par les républicains, dans un État historiquement républicain. Les électeurs y ont voté pour le candidat républicain à la présidentielle pour chaque élection de 1996 à 2016. Mais cette avance des républicains s’effrite, de 58 % en 2004 à 50 % en 2016. En 2020, Joe Biden y a battu de justesse Donald Trump avec une dizaine de milliers de voix d’avance. Le suspense y est donc complet, et les agrégateurs de sondage donnent tous un match extrêmement serré :

Sondage Sénat Géorgie (Crédits Wikipedia CC-BY 2.0).PNGL’incertitude de la participation

Les attaques répétées de Donald Trump envers le gouverneur et l’exécutif de l’État ont en tout cas laissé des traces. Ces élus, tous républicains, ont pourtant été accusés par le Président sortant de fraudes ou de manipulations ayant fait gagner Joe Biden dans l’État. Des accusations lourdes que tous les juges ont rejeté de manière ferme, et ce jusqu’à la Cour suprême de l’État.

Mais ces accusations infondées pourraient décourager les républicains modérés comme les plus radicaux ; les premiers par découragement face aux accusations infondées les mettant en cause ou leurs représentants ; les seconds par conviction que le processus électoral serait frauduleux et qu’il vaut mieux ne pas s’y associer.

Lin Wood et Sidney Powell, deux des avocats les plus vocaux à formuler des accusations de fraude (systématiquement rejetées par la justice) ont ainsi expressément appelé les républicains à ne pas voter aux élections dans un meeting en Géorgie. Ce qui a fait réagir immédiatement les républicains locaux, pour au contraire appeler à voter. Mais l’incertitude reste maximale sur la participation, côté républicains en particulier.

L’early voting commence aujourd’hui. Alors que Trump continue à clamer que le vote par correspondance a été largement frauduleux, les républicains, y compris le vice président sortant Mike Pence encouragent désormais leurs électeurs à l’utiliser et à voter, dans une démarche quasi schizophrénique. De leur côté, sous l’impulsion de Stacey Abrams, les démocrates motivent tout autant leurs troupes. Plus d’un million de demandes de vote par correspondance ont été enregistrées dans l’État touché lourdement par la covid.

Les bienfaits d’un gouvernement divisé

Le résultat de ces deux élections sont donc hautement incertains. À l’aune des programmes politiques des deux partis, on ne peut cependant qu’espérer que les démocrates soient privés d’une majorité au Sénat. Pour cela il faudrait que les républicains conservent au moins un siège parmi les deux.

Joe Biden est plutôt connu comme un candidat de centre gauche et d’apaisement après la présidence Trump. Mais son programme cultive surtout l’incertitude et les premières annonces sont peu rassurantes. La vice-president elect Kamala Harris est connue pour avoir été dans son mandat la plus à gauche des sénateurs américains. En particulier sur le plan économique, les libéraux peuvent être légitimement inquiets de son impact, voire d’une éventuelle présidence Harris.

L’âge de Joe Biden (78 ans) laisse en effet ouverte la question d’une transition au pouvoir entre Biden et Harris, tant à l’issue d’un mandat de 4 ans que du décès éventuel de Biden. S’il n’a jamais dit qu’il ne ferait qu’un seul mandat, Joe Biden s’est cependant présenté comme un « candidat de transition », laissant la porte ouverte aux interprétations et aux rumeurs sur le fait qu’il ne fera qu’un seul mandat.

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Un président démocrate sans la majorité au Sénat serait donc un bon résultat pour les libéraux, peut-être le meilleur qui soit. Comme le soulignait Bryan Caplan parmi tant d’autres, il y a beaucoup d’avantages à un gouvernement divisé, tels qu’une moindre progression de la dépense publique (voir Buck Wild: How Republicans Broke the Bank and Became the Party of Big Government) et un moindre interventionnisme à l’étranger, ce qui est l’un des principaux points noirs du programme de Joe Biden.

N’oublions pas enfin ce que le journal Reason rappelle avec humour : majoritaire ou pas, le parti républicain pourra enfin redécouvrir dans la défaite le conservatisme fiscal. Une modération fiscale et de la dépense publique qu’il s’était empressé d’oublier sous Donald Trump, avec un déficit de 4,9 % du PIB en 2019 (et 16 % en 2020 avec la covid). Cliquer pour lancer la vidéo.

Une démocratie américaine malmenée mais qui tient bon

Ajoutons à cet optimisme une raison de se réjouir : l’État de droit américain a tenu bon malgré des attaques inédites de la part d’un président sortant. La justice a fait son travail et a fait prévaloir la loi jusqu’à la Cour suprême.

Les tentatives désespérées de Donald Trump pour faire invalider le vote populaire dans cette élection présidentielle ont été en effet inédites. Mais avec un résultat clair : 59 défaites sur 60 procédures judiciaires, tandis que la seule victoire concernait un point technique sur quelques dizaines de voix. Les juges qui ont jugé sur le fond du dossier ont expressément confirmé l’absence de fraudes. Voir par exemple ici ou .

La démarche de Donald Trump aura donc été un bon test de la démocratie libérale américaine et des institutions du pays, en particulier judiciaires. Test franchi avec succès puisque, par exemple, même avec trois juges nommés par Trump, la Cour suprême a été d’une indépendance absolue, rejetant à chaque fois à l’unanimité les demandes du camp Trump.

La radicalisation de chaque côté de l’échiquier politique et même chez certains médias doit nous maintenir inquiets. Mais entre un gouvernement divisé et un État de droit dont la solidité est confirmée, il y a de quoi rester optimiste sur la démocratie américaine.

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  • Rien à redire à cet article sinon un grand bravo aux institutions américaines et à la Haute Cour qui ont plus que résisté aux gesticulations autocratiques de l’ancien locatiare de la Maison Blanche…La Georgie va donner ses deux sièges aux démocrates…Quant à Trump il limoge , il limoge comme jamais vu..Quel désastre politique…2020 a été pourri mais il y a au moins une très bonne nouvelle…La démocratie US est toujours solide..ouf..!!!

    • La Géorgie ne donnera pas les 2 sièges aux démocrates. Sinon c’est le socialisme qui va s’abattre sur les USA, avec ce que cela implique pour le peuple, je veux parler des américains moyens et des pauvres. Le seul gagnant serait l’establishment corrompu à l’exemple de Joe Biden et de Hillary Clinton!

  • Pas de problème, l’honnêteté démocrate est assurée…

    « J’espère que tout le monde déménagera en Géorgie, vous savez, dans un mois ou deux, s’inscrira pour voter, et voter pour ces deux sénateurs démocrates. »

    Thomas L. Friedman (NYT)

    Et Andrew Yang, candidat démocrate aux primaires :
    https://finance.yahoo.com/news/andrew-yang-explains-how-democrats-could-win-key-georgia-runoffs-for-senate-control-140341081.html

    https://twitter.com/AndrewYang/status/1325248601568796673?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1325248601568796673%7Ctwgr%5E&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.snopes.com%2Ffact-check%2Fgeorgia-runoff-residency%2F&fbclid=IwAR2ZWpGnjt57Nuz795sGNC253MEy17Aix8R2VNrTOJyz4bLZSVfQFm1lJKU

    • Toute tentative d’influer illégalement sur des élections est choquante. Que ce soit Friedman ou qui que ce soit. Démocrates comme Républicains. Mais évitons encore une fois d’avoir des œillères et de voir la paille sans voir la poutre.

      Vous oubliez commodément l’avocat pris en flagrant délit non pas d’en parler mais de le faire. Un avocat… Républicain de Floride, pris en flagrant délit d’organiser lors d’un événement du GOP en Floride des déménagements factices d’électeurs Républicains en Géorgie. La vidéo Facebook Live se trouve aisément sur Internet et il a été confirmé par les autorités de Géorgie qu’il avait bien changé son adresse en Géorgie : « However, the Secretary of State’s Office says that [Floridian lawyer] Price did attempt to register to vote in Georgia, but his registration is still in pending status. »

      Source https://www.msn.com/en-us/news/politics/florida-lawyer-under-investigation-for-attempting-to-register-to-vote-in-georgia-encouraging-others-at-republican-event/ar-BB1bC6Os

      L’avocat est désormais visé par une enquête du barreau de Floride, et c’est pleinement mérité https://www.wsbtv.com/news/local/atlanta/bar-association-opens-probe-into-florida-attorney-after-channel-2-investigation/QHMYUCWR55CGFHVZYOUN7BY2YM/

      De même et contrairement à ce que vous écrivez, le candidat Démocrate Andrew Yang est venu faire campagne en Géorgie, pas y déménager et y voter, contrairement à ce que vous écrivez. Il l’a expressément dit. Une information qui date d’il y a plusieurs semaines mais omise étonnamment dans votre message… Source https://www.11alive.com/article/news/politics/elections/georgia-runoff-election-race-2021-date-andrew-yang-move-to-georgia-voter-fraud-when-is-georgia-runoff-2021/65-3618b401-91d7-4faa-8605-0ada9b8b3b64

      L’important c’est le respect de l’état de droit et des règles démocratiques, de chaque côté. Rien ne semble indiquer que ces petites manœuvres soient plus d’un camp que de l’autre.

      • Contrairement à ce que j’ai écrit ?

        Non, ne déformez pas, je n’ai rien écrit du tout de semblable, c’est Friedman qui incite ses partisans à déménager pour aller voter, et Yang parle d’aller en Géorgie pour aider les candidats démocrates :
        « Yang announced he would be moving to Georgia to help give his party the best chance to sweep the critical seats. »
        « Evelyn and I are moving to Georgia to help ossoff and Reverend Warnock win! This is our only chance to clear Mitch out of the way and help Joe and Kamala get things done in the next 4 years. More details to come but let’s go!!! »

        Quant à votre lien sur Yang, il semble qu’il ne fonctionne pas.
        Enfin, rien n’a été « omis étonnamment » dans mon message, je n’ai fait que citer Friedman, et donné des liens sur Yang.

        • Disons cela si vous voulez. J’ai du mal vous interpréter, mais ce n’est pas moi qui ai commencé mon commentaire en parlant « d’honnêteté Démocrate ».

          L’essentiel étant dans ma conclusion précédente « L’important c’est le respect de l’état de droit et des règles démocratiques, de chaque côté. Rien ne semble indiquer que ces petites manœuvres soient plus d’un camp que de l’autre. » Nous semblons alignés là-dessus.

          • « L’honnêteté démocrate » est illustrée par le commentaire de Thomas Friedman, un journaliste star du NYT. Il le dit lui-même, il y a la vidéo ci-dessus, ce n’est pas quelqu’un d’autre qui parle.
            Sur les règles de droit et la transparence des élections, vous enfoncez des portes ouvertes, tout le monde souhaite ça. Dans un monde idéal, ça devrait se passer ainsi. C’est pour ça que le système électoral en France est si strict, pour éviter tous les abus.

  • Trump perd de justesse avec 100% des médias contre lui…
    Et vous faites semblant de penser qu’il n’y a pas eu de fraude, que tout a été nickel, rien à redire…
    Une bien belle démocratie, pour sur.

    • Pas 100 %, non, mais bien 80 %.
      Le très influent WSJ, deuxième ou premier tirage aux US a soutenu Trump et sa politique (sauf sur le commerce extérieur et les tarifs douaniers) tout du long.
      Maintenant il a viré casaque sur les élections, mais pas durant ces quatre ans.

    • S’il perd de justesse , il avait gagné de justesse…!!!!

    • Pas tout à fait 100% des medias, mais 100% des GAFA.
      L’université d’Harvard (tout sauf Trump friendly) a mené une étude sur la couverture de Trump et ho surprise le seul media équilibré à l’époque était celui sois-disant ultra pro Trump avec 52% d’articles Dé-fa-vo-ra-bles.

  • Déjà en 2000, il avait fallu attendre 10 jours le compte des votes de Floride pour départager Al Gore et Bush. Vingt ans après c’est encore pire : le système de vote par correspondance est tellement peu sûr que la plupart des pays européens ne l’ont pas autorisé. Le système électoral américain est digne d’un pays sous-développé. Vous me direz les tribunaux rétablissent l’ordre… Ne serait-il pas possible d’avoir des résultats justes dès le lendemain de l’élection ?
    Un autre aspect de la démocratie américaine bien malade est son système judiciaire. Lisez le livre de Frédéric Pierrucci qui a passé un an et demi en prison sans pouvoir se défendre et dont le seul crime était d’être un salarié d’Alstom sur lequel le gouvernement US avait des visées…

  • Quelle tristesse de voir que Contrepoints ne nivelle absolument pas vers le haut concernant les US.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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